signé : MILLOT . chargé d’affaires a.i.
télégramme départ Nouakchott le 1er Mars 1976 n°
148/153
(…)
Il a fallu attendre samedi soir pour avoir, en direct, la première réaction à
la proclamation de la Républiqu sahraouie. Elle est venue de la bouche de Mme
Mariem Daddah. L’épouse du Président devait donner une conférence à l’occasion
d’un séminaire des cadres féminins qui se tenait à Nouakchott. Devançant
l’annonce de l’événement, elle fit, devant « ses soeurs », une
remarquable prestation. Parlant sans notes, la voix vibrante d’une passion
contenu, dénonçant au passage les deux colonialismes, le français « qui
avait pris la plus grosse part » et l’espagnol, se référant aux valeurs
fondamentales de « notre religion » et à la défense de « notre
patrie », servie par une éloquence naturelle, une phrase claire et bien
balancée, Mme Mariem Daddah a trouvé les accents d’un chef d’Etat. Elle a été
applaudie plusieurs fois et très longuement. L’affaire était, à ses yeux, passée
d’un plan diplomatique à un plan militaire car « un peuple agressé
traîtreusement est obligé de se défendre ». Elle-même était prête à donner
l’exemple, à fondre ses bijoux pour acheter des armes, à s’entraîner à leur
maniement. Alors qu’elle exhortait ses sœurs aux « sacrifices matériel, moral
et physiqu, et à défendre la terre mauritanienne « le bébé dans l dos et
la mitraillette à la hanche », se déclarant prête, « si besoin en
était, à marcher à leur tête », on s’attendait à ce qu’elle ne leur promît
plus bientôt que du sang, de la sueur et des larmes.
Les
ministres sont venus ensuite prendre le relais, dans la journée de dimanche.
Celle qui est chargée de mission au ministère de l’Orientation nationale avait
donné le ton, le responsable de ce département n’avait plus à intervenir. (…)
télégramme départ Nouakchott le 29 Mars 1976 n° 222/225
Parce
que « la Mauritanie est un petit pays dont la voix se perd dans le désert
et qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que l’on dit sur son
compte », le gouvernement de Nouakchott a invité une cinquantaine de journalistes
de la presse internationale à visiter le pays et à interroger très librement le
président Moktar sur tous les problèmes de l’heure.
De
cette conférence de presse qui a duré deux heures et dont le texte intégral n’a
pas encore été distribué, le quotidien « Chaab » retient deux titres
auxquels s’est ordonnée la réflexion du chef de l’Etat. L’un est à usage
interne et j‘y reviendrai dans une prochaine dépêche : « le
multipartisme est un grand obstacle à l’unité nationale ». L’autre pose,
en manchette barrant la première page, que : « le problème de la
réunification est définitivement réglé ». (…)
Je
tiens de plusieurs côtés que le chef de l’Etat très détendu et reposé, a
fortement impressionné ses interlocuteurs. Encore qu’il lui arrive de chercher
ses mots et qu’il ne s’anime ni ne précipite son discours en aucun moment, sa
disponibilité, sa conviction, sa volonté apparente de sincérité qui va jusqu’à
l’aveu d’ignorances, lui confèrent indiscutablement une « présence ».
La presse internationale devrait l’inscrire à l’actif de celui qui préside aux
destinées d’un pays où n’avaient jamais été réunis autant de journalistes./.
télégramme départ Nouakchott le 30 Mars 1976 n° 241/246
(…)
La diplomatie mauritanienne dont les silences, les petites phrases, les
digressions allusives ont souvent valeur d’avertissement prémonitoire, paraît
avoir trouvé son maître en la matière. (…)
Les pays africains reconnaissant la
RASD… Ils bénéficient de
« circonstances atténuants » ayant été, semble-t-il, contraints de
prendre leur décision parce qu’ « induits en erreur » ou poussés
par un impératif national particulier. Le Président a précisé qu’il n’avait
pas, « jusqu’à présent », l’intention de rompre avec eux. Il ne
souhaitait ni compromettre l’unité africaine ni créer de problème à l’O.U.A.
Ce
dernier aspect est une des constantes de la politique de Me Moktar Ould Daddah.
Il m’est en effet revenu, de source très sûre, qu’il avait failli désavouer son
ministre des Affaires étrangères lorsque celui-ci avait déclaré à la dernière
réunion de l’Organisation que la Mauritanie s’en retirerait si celle-ci en
reconnaissait le Polisario. C’était, a dit le Président, « un ignoble
chantage ».
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