mardi 29 juillet 2014

le diplomate en général, et particulièrement en Mauritanie - un exemple d'empathie et d'intelligence




signé : MILLOT . chargé d’affaires a.i.

télégramme départ Nouakchott le 1er Mars 1976 n° 148/153

(…) Il a fallu attendre samedi soir pour avoir, en direct, la première réaction à la proclamation de la Républiqu sahraouie. Elle est venue de la bouche de Mme Mariem Daddah. L’épouse du Président devait donner une conférence à l’occasion d’un séminaire des cadres féminins qui se tenait à Nouakchott. Devançant l’annonce de l’événement, elle fit, devant « ses soeurs », une remarquable prestation. Parlant sans notes, la voix vibrante d’une passion contenu, dénonçant au passage les deux colonialismes, le français « qui avait pris la plus grosse part » et l’espagnol, se référant aux valeurs fondamentales de « notre religion » et à la défense de « notre patrie », servie par une éloquence naturelle, une phrase claire et bien balancée, Mme Mariem Daddah a trouvé les accents d’un chef d’Etat. Elle a été applaudie plusieurs fois et très longuement. L’affaire était, à ses yeux, passée d’un plan diplomatique à un plan militaire car « un peuple agressé traîtreusement est obligé de se défendre ». Elle-même était prête à donner l’exemple, à fondre ses bijoux pour acheter des armes, à s’entraîner à leur maniement. Alors qu’elle exhortait ses sœurs aux « sacrifices matériel, moral et physiqu, et à défendre la terre mauritanienne « le bébé dans l dos et la mitraillette à la hanche », se déclarant prête, « si besoin en était, à marcher à leur tête », on s’attendait à ce qu’elle ne leur promît plus bientôt que du sang, de la sueur et des larmes.

Les ministres sont venus ensuite prendre le relais, dans la journée de dimanche. Celle qui est chargée de mission au ministère de l’Orientation nationale avait donné le ton, le responsable de ce département n’avait plus à intervenir.  (…)


télégramme départ Nouakchott le 29 Mars 1976 n° 222/225

Parce que « la Mauritanie est un petit pays dont la voix se perd dans le désert et qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que l’on dit sur son compte », le gouvernement de Nouakchott a invité une cinquantaine de journalistes de la presse internationale à visiter le pays et à interroger très librement le président Moktar sur tous les problèmes de l’heure.

De cette conférence de presse qui a duré deux heures et dont le texte intégral n’a pas encore été distribué, le quotidien « Chaab » retient deux titres auxquels s’est ordonnée la réflexion du chef de l’Etat. L’un est à usage interne et j‘y reviendrai dans une prochaine dépêche : « le multipartisme est un grand obstacle à l’unité nationale ». L’autre pose, en manchette barrant la première page, que : «  le problème de la réunification est définitivement réglé ». (…)
Je tiens de plusieurs côtés que le chef de l’Etat très détendu et reposé, a fortement impressionné ses interlocuteurs. Encore qu’il lui arrive de chercher ses mots et qu’il ne s’anime ni ne précipite son discours en aucun moment, sa disponibilité, sa conviction, sa volonté apparente de sincérité qui va jusqu’à l’aveu d’ignorances, lui confèrent indiscutablement une « présence ». La presse internationale devrait l’inscrire à l’actif de celui qui préside aux destinées d’un pays où n’avaient jamais été réunis autant de journalistes./.

télégramme départ Nouakchott le 30 Mars 1976 n° 241/246

(…) La diplomatie mauritanienne dont les silences, les petites phrases, les digressions allusives ont souvent valeur d’avertissement prémonitoire, paraît avoir trouvé son maître en la matière. (…)

Les pays africains reconnaissant la RASD… Ils bénéficient de « circonstances atténuants » ayant été, semble-t-il, contraints de prendre leur décision parce qu’ « induits en erreur » ou poussés par un impératif national particulier. Le Président a précisé qu’il n’avait pas, « jusqu’à présent », l’intention de rompre avec eux. Il ne souhaitait ni compromettre l’unité africaine ni créer de problème à l’O.U.A.
Ce dernier aspect est une des constantes de la politique de Me Moktar Ould Daddah. Il m’est en effet revenu, de source très sûre, qu’il avait failli désavouer son ministre des Affaires étrangères lorsque celui-ci avait déclaré à la dernière réunion de l’Organisation que la Mauritanie s’en retirerait si celle-ci en reconnaissait le Polisario. C’était, a dit le Président, « un ignoble chantage ».

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