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15 Janvier 1970 &
21 . 22 Janvier 1995
Etablissement pratique de la coopération
avec le Maroc
&
Nouvelles et violentes
manifestations
contre l’augmentation du
prix du pain
Le 15 Janvier 1970, après deux jours de travail à Nouakchott d’une
mission de bonne volonté marocaine en Mauritanie, les deux ministres de
l’Intérieur : le général Oufkir et Abdoul Aziz Sall s’accordent sur
l’offre marocaine de coopération et conviennent que les deux pays
concluront dans les meilleurs délais des accords en matière de transports
aériens et maritimes, de coopération culturelle et technique, et d’échanges
commerciaux ; Une commission mixte se réunira deux fois par an,
alternativement dans chacune des capitales.
C’est la conclusion d’un processus initié
à Rabat du 22 au 24 Septembre 1969 (cf. Le Calame 12
Septembre 2007 . chronique anniversaire de l’invitation du président Moktar
Ould Daddah par le roi Hassan II, reçue le 10 Septembre 1969), à l’occasion d’un « sommet »
islamique extraordinaire provoqué par l’attentat contre la mosquée Al Aqsa à
Jérusalem. Moktar Ould Daddah s’était alors entretenu avec le roi du Maroc, d’abord en présence du colonel Boumedienne. Hassan
II avait assurée n’avoir jamais adhéré intimement à la revendication sur la Mauritanie et que la
page était sincèrement tournée. Le Maroc souhaitant des relations aussi intimes
que possible, le président mauritanien avait suggéré des relations sur le
strict modèle de celles entretenues avec l’Algérie et le Sénégal. Puis en
dînant le 26 avec le Roi et son Premier ministre, le président Moktar Ould
Daddah, qui considère le préalable de la reconnaissance comme dépassé, avait
convenu d’un processus de normalisation entre la République Islamique
de Mauritanie et le Maroc. Une mission mauritanienne au Maroc à la fin
d’Octobre, puis une mission marocaine à Nouakchott après le Ramadan, enfin
l’établissement des relations diplomatiques au début de 1970.
Le
calendrier est à peu près tenu. Du 31 Octobre au 8 Novembre 1969, Ahmed Ould
Mohamed Salah, Hamdi Ould Mouknass et Abdoulaye Baro se rendent au Maroc. Ils
se recueillent sur la tombe de Mohamed V, s’entretiennent le 31 et le 1er
avec le ministre marocain des Affaires Etrangères, Abdellatif Boutaleb,
sont reçus le roi Hassan II le 4 Novembre. Dans son rapport au Président de la République et au Bureau
politique du Parti, la mission conclut que « le Maroc veut avoir des
rapports nouveaux avec la
Mauritanie. Cette attitude est fondée et sans
arrière-pensée » et que le nouveau partenaire « mettra à la disposition de
la Mauritanie,
toutes ses possibilités, certes limitées, mais (qu’) il donnera le meilleur de
ce qu’il a ». Elle note que « la puissance économique américaine
s’est fortement implantée au Maroc » (les relations diplomatiques entre la Mauritanie et les
Etats-Unis, rompues à la suite de la guerre
des Six-Jours ne sont rétablies le 22 Décembre 1969).
Mais
les « mesures de confiance » sont encore à prendre de part et
d’autre. Le 6 Novembre, le Conseil des Ministre maintient l’interdiction des
journaux marocains en Mauritanie, mais le lendemain, à Rabat, la liste
officielle du Gouvernement marocain ne comprend plus de « ministre des
Affaires de Mauritanie et du Sahara marocain ». Son titulaire Mufay Hassan
Ben Driss prend rang de ministre d’Etat. Surtout, l’équilibre des relations
avec les deux partenaires du nord reste le principe. C’est rappelé du 1er
au 4 Décembre, quand le ministre algérien des Affaires Etrangères vient à
Nouakchott et s’y félicite des relations nouvelles entre la Mauritanie et le Maroc :
un comité mixte de coopération est d’ailleurs institué entre les deux pays.
Tout de suite après les
entretiens du général Oufkir avec Abdoul Aziz Sall, une commission mixte
maroco-mauritanienne – réunissant du 24
au 26 Janvier 1970 à Nouakchott, le directeur de la Compagnie marocaine de
navigation et le directeur mauritanien des Finances Soumare Diaramouna – mettent
au point un accord commercial. L’ouverture d’une liaison maritime est
envisagée. Du 1er au 6 Mai suivant, se tient – toujours à Nouakchott
– une semaine commerciale marocaine.
Enfin, le 25 Février, arrive
à Nouakchott le premier ambassadeur du Maroc. Le choix est heureux, il s’agit
de Kacem Zhiri, ancien ambassadeur
au Sénégal en 1960-1961 et qu’a rencontré le président Moktar Ould Daddah à
cette époque, à Dakar, en présence de Mamadou Dia, alors président du Conseil
sénégalais et de Jean Rouss, conseiller personnel du président Senghor. Il
présente dès le surlendemain ses lettrres de créance au Chef de l’Etat. Le 20
Juillet, Ahmed Ould Jeddou en fait autant à Rabat.
La
« normalisation » se présente d’autant mieux que la Mauritanie a refusé
d’emblée tout particularisme à cette nouvelle relation, et qu’aucune compensation
au bénéfice du Maroc renonçant à sa revendication en échange d’un
désintéressement mauritanien pour le Sahara sous administration espagnole, n’a
été évoquée. Davantage, le Maroc et l’Algérie, entre lesquels Moktar Ould
Daddah ne veut pas que son pays choisisse, règlent leurs différends
frontaliers. Le 27 mai 1970, à Tlemcen,
le roi Hassan II et le président Boumedienne conviennent d’un traité.
Toutes les conditions –
implicites ou explicites – que depuis l’autonomie interne se sont données la Mauritanie moderne et
son fondateur, sont effectivement remplies et, le 8 Juin 1970, à Casablanca, le
roi Hassan II et le président Moktar Ould Daddah peuvent signer un traité de
solidarité, de coopération et de bon voisinage entre le Maroc et la Mauritanie. Il devra
être suivi de la conclusion dans les meilleurs délais d’accords de coopération.
Le mauritanien ne cache pas sa satisfaction des entretiens de Tlemcen et les
deux Chefs d’Etat communiquent ensemble qu’ils « ont examiné la situation
dans le Sahara sous domination espagnole et ont décidé de collaborer
étroitement pour hâter la décolonisation-libération de ce territoire
conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies ». De retour de
Casablanca, le lendemain, le Président
de la République
confirme que « dès que les conditions protocolaires seront réunies, la Mauritanie participera
aux réunions économiques du Maghreb comme elle participe à des réunions
régionales et sous-régionales africaines ».
Cette entente
maroco-mauritanienne [1],
approuvée par le commun partenaire algérien, était inespérée, surtout dans des
conditions plaçant les deux pays sur un tel pied d’égalité– malgré d’évidentes
différences de poids à beaucoup d’égards, sauf certainement au plan
diplomatique. Elle résistera à la question saharienne tant que Moktar Ould
Daddah sera au pouvoir. La confiance entre le Roi et ce dernier était latente
dès le débat sur l’indépendance mauritanienne. Elle ne se démentira ni dans
l’épreuve de la guerre ni dans l’exil de la victime du putsch de 1978, mais –
contrairement aux thèses circulant lors de la tentative du 16 Mars 1981 contre
le régime du colonel Ould Haïdalla (cf. Le Calame 11 Mars
2008 . chronique anniversaire de la tentative des lieutenants-colonels Ahmed
Salem Ould Sidi et Mohamed Ould Ba Abdelkader) – Moktar Ould Daddah repoussera toutes les offres
marocaines (et également celles de François Mitterrand, devenu président de la République française)
que soit facilité par la force son retour au pouvoir à Nouakchott. Ce n’est pas
non plus de gaîté de cœur que pour pallier la volte-face du colonel Boumedienne
(cf. Le Calame 18 Novembre 2008 . chronique anniversaire de l’entretien
de Béchar, le 10 Novembre 1975) et soutenir donc une guerre imprévue à partir de Décembre 1975,
Moktar Ould Daddah acceptera le stationnement de troupes marocaines en
territoire mauritanien et devra solliciter une couverture aérienne française,
payée en quelque sorte de sa participation aux exercices de la francophonie.
Les 21
et 22 Janvier 1995, l’augmentation de 25% du prix du pain provoque de
violentes manifestations à Nouakchott et à Nouadhibou : des centaines de
jeunes gens des quartiers populaires sont dans les rues et saccagent des
magasins. La répression est à la mesure de la colère populaire et de ses
répercussions à l’étranger. Le précédent des 10 et 11 Octobre 1986 – sinistre –
est répliqué à la lettre par les autorités, qui trouvent prétexte à arrêter les
principaux dirigeants de l’opposition accusés d’en être les instigateurs,
notamment Hamdi Ould Mouknass et Ahmed Ould Daddah. Ceux-ci ne sont relâchés –
sans autre forme de procès que le 3
Février. Le régime du colonel Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya admet aussi bien son
incapacité à mener une politique économique et sociale proche des besoins
quotidiens et un dialogue avec les opposants, au sens habituel du terme.
Changements de Premier ministre et élections parlementaires ou présidentielles
seront inopérants. Les dispositifs mis en place par Sidi Ould Boubakar, le 5
Octobre 1992, à la suite des manifestations consécutives à la dévaluation de
l’ouguiya par rapport au dollar, n’ont pas fonctionné. Surtout, il s’avère que
l’urbanisation non maîtrisée et les mutation des habitudes alimentaires
nationales précarisent aussi bien l’ordre public que l’économie du pays. Ce qui
fait beaucoup pour un régime autoritaire. A Nouakchott, au début de 1965… il
n’existait (au Ksar) qu’une boulangerie pour une agglomération ne dépassant pas
les vingt-mille habitants. Le pain n’était pas dans le panier de la ménagère,
sauf épouse d’expatrié militaire ou coopérant.
[1] - Moktar Ould Daddah
consacre le chapitre XVI de ses mémoires :
La Mauritanie contre vents et marées (Karthala . Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en
français) à la relation avec le Maroc, et en
commente ainsi la normalisatioon en forme de coopération – intime mais non
particulière ni exclusive : ‘’ En touchant la terre marocaine, j’échange avec mon hôte
une poignée de main sans chaleur particulière du Roi, sans réticence et,
surtout, sans complexe de ma part. Il est vrai que mon hôte était dans une
position moins confortable que la mienne. En effet, pour moi - et sans un
triomphalisme qui n’a jamais été mon fort - c’était le couronnement d’une
longue lutte, d’une résistance d’une douzaine d’années, non pas contre le
colonialisme classique, mais contre l’impérialisme d’un pays voisin et frère,
infiniment plus puissant que le mien. Un pays frère qui avait tout fait pour
annexer ma patrie, qui avait réussi une dizaine d’années durant, à maintenir
incomplète l’universalité de la reconnaissance de notre indépendance par le
refus de certains Etats le soutenant, de reconnaître cette indépendance.
Donc,
les Mauritaniens étaient les gagnants diplomatiques. Mais, pas de triomphalisme
! Bien au contraire, il nous fallait désormais aider nos frères marocains à
digérer leur défaite. Il nous fallait tout faire pour les aider à tourner une
page aussi pénible pour nous que désagréable pour eux. Il nous fallait
désormais, en partenaires loyaux envisager de bâtir, ensemble, des rapports
fraternels et mutuellement avantageux pour nos deux peuples frères. ’’
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