dimanche 20 juillet 2014

chronique d'Ould Kaïge - publié déjà par Le Calame . 30 Juin 2009



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24 au 26 Juin 1966   &    28 Juin 1981


A Aïoun-el-Atrouss, 2ème congrès ordinaire du Parti du Peuple
&
Accord de Taef entre Ould Haïdalla et le Maroc

 


Du 24 au 26 Juin 1966 se déroule – paisiblement – le second congrès ordinaire du Parti du Peuple Mauritanien : c’est à Aïoun-el-Atrouss [1].

Un rite se met en place dont le pays ne va plus se départir pendant les douze ans à venir. Formes, rythmes et rituels démocratiques que la Mauritanie n’a plus jamais connus ensuite. Tous les trois ou quatre ans, nonobstant les statuts du Parti, retouchés périodiquement, la Mauritanie renouvelle à sa manière l’expression de son consensus politique national et son équipe dirigeante. Un document fondamental – le rapport moral du secrétaire général du Parti – est composé et amendé en Bureau politique national, puis circulé et mis en débat dans toutes les instances du Parti pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois. Il est discuté pendant le congrès en commission, à huis clos et sans procès-verbal, puis adopté en forme de résolutios diverses [2]. Parallèlement, une « commission de désignation » établit une liste pour la composition de l’équipe suivante. Les membres de droit deviendront nombreux sans être jamais la majorité de cette instance d’abord élective. A aucune de ces commissions ne participe le président de la République dont le mandat constitutionnel est soumis à renouvellement à la suite du congrès (1966 et 1971) ou pas très longtemps ensuite (1976), selon présentation par le Parti, en congrès aussi.

La réunion du début de l’été de 1966 est décisive parce qu’elle fait entrer la Mauritanie dans ce rythme et dans ce rite. Les Mauritaniens arrivent, alors, de loin… quatre mois auparavant, ils se débattaient dans une question posant toutes les autres, et donc mettant en cause la fondation-même de 1957-1960. Question au libellé mouvant : nature du pays, multi-ethnicité, problème culture, garanties à accorder à la minorité… (chronique anniversaire du « manifeste des 19 » – Le Calame du 15 Janvier 2008). Présentant le rapport moral, le secrétaire général du Parti Moktar Ould Daddah examine les « données historiques et géographiques qui sont autant de facteurs d’unité » et affirme qu’ « une nation mauritanienne viable suppose, au niveau de tous les citoyens, noirs et blancs, une volonté commune et inébranlable d’être mauritaniens, avec les droits et les devoirs attachés a cette qualité ». La partition ou la fédération seraient des absurdités. Il propose donc qu’une commission [3] étudie le problème culturel et souligne que « le bilinguisme plaçant peu à peu sur un pied d’égalité la langue arabe et la langue française, apparaît une option fondamentale ». Il s’agira pratiquement d’étudier le problème avec objectivité dans une optique nationale dépouillée de toute passion particulariste et d’examiner les réformes de structure et le contenu de notre enseignement. Long chemin qui n’aboutira, pour un temps, qu’en 1973.

Rapporté à ce problème du moment encore si chaud, les réformes de structure du Parti retiennent bien moins l’attention : « des séminaires régionaux et nationaux axés sur des thèmes variés » alors que Moktar Ould Daddah entend « attacher une importance toute particulière aux mouvements parallèles »  (jeunes et femmes) et observe que « les rapports de l’U.T.M. avec le Parti doivent être précisés ». C’est pourtant à Aïoun-el-Atrouss que s’esquisse un programme de dix ans. Une commission économique va « dresser l’inventaire de l’ensemble de nos problèmes économiques et étudier les conditions d’une régionalisation économique » : « notre secteur rural a été sacrifié… les Mauritaniennes et les Mauritaniens ne doivent pas tout attendre des autres, ils doivent se mettre au travail » [4].

Pour conclure, le congrès investit Moktar Ould Daddah comme candidat du Parti aux prochaines élections présidentielles et renouvelle le Bureau Politique National [5]. Fait majeur, Mohamed Ould Cheikh qui, à la suite de son renvoi du gouvernement, avait opté, à la demande dui Présdident, pour un commandement dans l’intérieur du pays, n’en fait plus partie, tandis qu’Ahmed Ould Mohamed Salah, resté dans la capitale et chargé de préparer le congrès, en est le « numéro deux » et reçoit la « permanence du Parti », ce qui va devenir un poste-clé pendant une dizaine d’années.

Le Congrès est suivi sur place (les 27 et 28 Juin) d’une conférence des Commandants de cercle. Y sont traités les élections présidentielle et municipales, prévues pour se tenir  le 7 Août 1966, le fonctionnement des communes, la question des serviteurs, le problème scolaire et enfin les relations entre autorités civiles et militaires, sans que cela donne lieu immédiatement à des textes d’application. L’ordre du jour montre cependant que ce qui va structurer l’avenir du pays, jusqu’aujourd’hui encore, est déjà présent aux instances dirigeantes.

Le 2 Juillet suivant, le Conseil des Ministres fixe au 7 Août 1966 la date des élections présidentielles et municipales pour les communes urbaines sauf Atar, pour les communes pilotes et pour onze communes rurales.




Le 28 Juin 1981, à Taef, le roi Khaled d’Arabie tente de réconcilier Mauritanie et Maroc. Chef de l’Etat selon la charte du Comité militaire de salut national et au pouvoir de fait depuis plus de deux ans, le lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla s’entretient longuement, sous son égide, avec le roi Hassan II. Principal bailleur de fonds pour chacun des deux pays, l’Arabie saoudite avait la charge des intérêts marocains depuis la tentative du 16 Mars précédent  (chronique anniversaire – Le Calame du 11 Mars 2008), celle de deux des principaux membres du comité militaire initial, les lieutenants-colonels Ahmed Salem Ould Sidi et Mohamed Ould Ba Abdel Kader. Un accord est signé par les ministres des Affaires étrangères : M’Hamed Boucetta pour le Royaume chérifien et le lieutenant de vaisseau Dahan Ould Ahmed Mahmoud pour la République islamique, en présence des deux rois et du président du comité militaire.
On décide que chacun opposera son « refus à toute force hostile à l’une ou l’autre partie de transiter par leur territoire ou d’y stationner » : entendons les Sahraouis allant de Tindouf au Sahara, censément marocain, par le Tiris Zemmour, et tout ressortissant mauritanien s’activant contre le régime militaire en Mauritanie. On précise l’« interdiction sur leur territoire de toute activité politique ou militaire hostile à l’un ou l’autre pays et refus d’abriter ou d’aider les ressortissants de l’un ou l’autre pays qui s’adonnent à de telles activités » et l’on se promet mutuellement la « fin des campagnes d’information hostiles ». Les relations diplomatiques vont reprendre, fondées « sur la coexistence pacifique, le respect mutuel de la souveraineté, la non-ingérence de chaque partie dans les affaires intérieures de l’autre et l’instauration de la solidarité islamique ». Pour la suite, on aura « recours au dialogue ».

La Mauritanie réaffirme sa position de neutralité entre le Polisario et le Maroc, telle qu’elle l’avait annoncée en s’accordant avec les Sahraouis à Alger en 1979. La coopération culturelle entre les deux pays est maintenue : cent deux enseignants marocains en Mauritanie et mille cinq cent boursiers mauritaniens au Maroc. Enfin, les deux pays coopèreront dans «  le renforcement de la sécurité et la préservation de la stabilité, ainsi que dans l’affrontement en commun des défis lancés à la nation arabe et islamique et des dangers qui la menacent ». Une commission tripartite au niveau des ministres des Affaires étrangères (Mauritanie, Maroc et Arabie saoudite) va suivre l’application de cet accord.

Le lendemain, Ould Haïdalla quitte l’Arabie saoudite et le Maroc publie l’accord. L’Algérie assure aussitôt qu’elle « ne peut que saluer cette normalisation entre deux pays voisins ». Huit jours plus tard (le 9 Juillet), les vols de Royal Air Maroc reprennent vers la Mauritanie et retour. L’ « homme fort » discourt, pour le troisième anniversaire du putsch ayant renversé le président Moktar Ould Daddah : « une perspective nouvelle apparaît déjà dans la région depuis que le roi du Maroc a donné son accord pour l’organisation d’un referendum d’autodétermination du peuple sahraoui » et « l’Afrique doit être un continent neutre », mais il ne commente pas plus précisément l’accord de Taef. Le 11 Juillet, Dahane Ould Ahmed Mahmoud donne le détail avec un message personnel d’Haïdalla à Khadafi, tandis que le Koweit est prié par la Mauritanie d’appuyer l’accord.

Le conflit n’est qu’apparemment résorbé, et la tentative des deux colonels n’en était pas l’épisode principal. Il s’agit fondamentalement du problème saharien et de l’animosité traditionnelle entre le Maroc et l’Algérie : la Mauritanie se trouve entre marteau et enclume. Moktar Ould Daddah plaidant pour l’indépendance algérienne dès l’autonomie interne de son propre pays et déplorant la revendication marocaine en savait quelque chose.

Le 6 Mars 1981, Hassan II, pour le 20ème anniversaire de son accession au trône, avait certes redit son souhait d’une concertation avec l’Algérie « au sommet » mais assuré que « la récupération de notre Sahara est bel et bien accomplie. Ce Sahara est le nôtre… », et en visite privée à Paris, accompagné du général Dlimi, il s’était assuré à l’Elysée de l’appui français. Parallèlement, la Mauritanie du comité militaire s’assurait le nouveau président sénégalais : Abdou Diouf, à Nouakchott, avait affirmé que les deux pays sont « un seul peuple séparé en deux Etats », ce qui marquait un revirement de la politique du Sénégal telle que l’inspirait Senghor en soutenant le Maroc pour lutter contre l’influence du Polisario, de l’Algérie et de la Libye. En échange, Ould Haïdalla avait cru obtenir la « neutralisation » du mouvement d’opposition, l’Association pour une Mauritanie démocratique, installé à Dakar. Riposte de  L’Opinion (organe de l’Istiqlal dont le secrétaire général M’Hamed Boucetta est le ministre des Affaires étrangères du Maroc) : « toute agression dont le point de départ serait le territoire mauritanien constituerait une agression mauritanienne contre le Maroc ». Et cyniquement, l’éditorialiste avait observé que « la Mauritanie ne saurait résister politiquement, économiquement et militairement à une guerre qui durerait tant soit peu. Le Polisario est peut-être en train de créer les conditions de son anéantissement, mais le prix en serait payé essentiellement par la Mauritanie ». Exactement la conversation que Boumedienne avait fait subir cinq ans et demi plus tôt à Moktar Ould Daddah : « une réaction marocaine ne saurait tarder dans le cadre du droit et de la défense de l’intégrité territoriale ».

Se plaçant en flèche, Sid’Ahmed Ould Bneijara, le Premier ministre civil, avait communiqué, en Conseil des ministres, sur « l’intention maintenant certaine du roi Hassan II de lancer une agression contre la Mauritanie. Le gouvernement met en garde le Maroc contre toute aventure irraisonnée dont il serait le seul responsable et qui n’aurait pour résultat qu’un embrasement général de toute la région … tout en relevant la gravité de cette situation qui voile à peine le sintentions malveillantes et connues du régime royal marocain à l’égard de notre pays et de notre peuple, attire l’attention de tous ses amis sur les risques graves que fait peser cette attitude contre la paix et la stabilité dans la région ouest-africaine ». Ahmedou Ould Sidi Henena, ministre de l’Information, avait démenti l’existence de bases Polisario en Mauritanie. A quoi avait répondu M’Hamed Boucetta : « jamais nous n’avons eu l’idée de nous immiscer ou d’intervenir d’une façon ou d’une autre dans les affaires intérieures de la Mauritanie. Mais, en fin de compte, nous ne pourrons pas accepter que le territoire d’un pays voisin et ami – quelle que soit notre volonté d’avoir les meilleures relations avec lui – puisse servir de base pour lancer des attaques contre nous. Le Maroc ne resterait pas les bras croisés si des ataques ou une agression étaient lancées à partir du territoire mauritanien. Selon des informations recoupées, il semble qu’il y ait des mouvements, voire une installation de bandes de mercenaires en territoire mauritanien. Le Maroc a toujours souhaité et souhaite toujours avoir de bonnes relations avec la Mauritanie. Il souhaite aussi que cette neutralité, déclarée par la Mauritanie, soit une neutralité réelle, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de garder son territoire loin de toute possibilité de servir de base à des agressions contre un pays voisin. »

C’est donc dans une ambiance très tendue d’Etat à Etat qu’avait eu lieu la tentative de renversement d’Ould Haïdalla par ses anciens pairs. L’accord de Taef change en partie la donne en transportant la confrontation sur la scène internationale et en faisant poser la question d’un cessez-le-feu entre Marocains et Sahraouis. L’été se passe jusqu’à ce que le Polisario, lassé d’attendre un signe de Rabat, se manifeste de nouveau et spectaculairement : le 13 Octobre, il occupe Guelta-Zemmour à la suite d’une bataille d’anéantissement du 4ème régiment des forces armées royales (deux mille cent morts pour une troupe de deux mille six cent hommes. Pour Mohamed Abdelaziz (président de la République arabe sahraoui, qui le télégraphie à Daniel Arap Moi, président du Kenya et président en exercice de l’OUA), les opérations militaires ne prendront fin que lorsque le Maroc « entamera des négociations pour aboutir à un accord de cessez-le-feu … La résistance sous toutes ses formes du peuple sahraoui, en légitime défense, est un choix que l’agression marocaine lui impose ». La Mauritanie est de nouveau accusée par le Maroc de servir de base arrière, et donc que s’exerce contre elle le droit de suite, quoiqu’elle proteste. L’aviation marocaine intervient alors, en fin de semaine, sans considération de la frontière mauritanienne (chronique anniversaire – Le Calame du 22 Octobre 2008).



[1] - à ce congrès et à son contexte, aux solutions retenues , Moktar Ould Daddah consacre un long développement  dans ses mémoires : La Mauritanie, contre vents et marées (éd. Karthala . Octobre 2003 . 669 pages) disponible en arabe et en français :  pp. 353-354 puis 359-360, puis à leur suivi qui va, quant à la relation entre l’U.T.M. et le Parti, et aussi quant à la régionalisation de l’administration et des gestions territoriales, dominer la politique du pays jusqu’en 1975

[2] - Moktar Ould Daddah expose cette manière de faire dans ses mémoires, op. cit. p. 575
[3] - en font partie les anciens « opposants » : Sidi el Moktar N’Diaye, Souleymane Ould Cheikh Sidya et Bouyagui Ould Abidine

[4] - en font notamment partie : Hadrami Ould Khattri, Elimane Kane, Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah,  Mohamed el Moktar Ould Bah, sous la présidence du ministre de l’Education

[5] - élus : Moktar Ould Daddah, secrétaire général - Ahmed Ould Mohamed Salah - Birane Mamadou Wane - Sidi Mohamed Ould Abderrahmane - Mohamed el Haiba Ould Hamody - Hamoud Ould Ahmedou - Bakar Ould Sidi Haiba - Samory Ould Biye - Mohamed Ba - Mohamed Abdallahi Ould El Hassen - Yahya Kane - Hamdi Ould Mouknass - Mohamed Moulaye, auxquels s’adjoignent en membres de droit : le président de la République (Moktar Ould Daddah, membre déjà élu), le président de l’Assemblée : Cheikh Saad Bouh Kane et le président du groupe parlementaire du Parti : Youssouf Koïta


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