41 .
12 Janvier 1965 & 2 Janvier 1996
Constitutionnalisation du Parti du Peuple Mauritanien
&
Limogeage de Sidi Mohamed Ould
Boubacar,
Premier ministre
A trente ans de de distance, un régime est
consacré par les textes et un autre fournit une interprétation particulière des
textes qui l’ont fondé.
Le 12 Janvier 1965, à l’unanimité des
23 présents, l’Assemblée Nationale révise l’article 9 de la Constitution qui
reconnaît désormais le Parti du Peuple Mauritanien comme le parti unique de
l’Etat. Elle adopte aussi le projet de loi relatif à l’élection des députés,
dont l’article 17 dispose que « seul le P.P.M. peut présenter des
candidats ». Le 9, la commission de l’Intérieur et de la Législation avait
adopté sans modification les deux projets gouvernementaux de révision de
l’article 9 de la
Constitution ainsi que le projet de loi donnant au P.P.M. le
monopole de présentation des candidats à la députation.
L’inscription dans la Constitution du
monopole du parti né de la fusion des mouvements existant lors de la
proclamation de l’indépendance, n’était nullement dans les projets de qui que
ce soit en Mauritanie. Elle n’a pas été débattue au congrès de Kaédi, l’année
précédente, alors même que l’objet de celui-ci était d’examiner les moyens de
sortir d’une impasse – en droit constitutionnel : le refus de l’Assemblée
nationale de respecter les décisions d’un congrès du Parti. Ce qui y avait été
décidé concernait le mode d’élection des députés sur une liste nationale et la
signature d’une lettre de démission en blanc de tous les élus, y compris le
Président de la République !
L’ambiance était consensuelle et les maux étaient principalement
l’ « électoralisme », donc la concurrence pour les places
offertes par le Parti [1].
La révolution de Kaédi, proposée le 28 Janvier 1964 par Moktar Ould Daddah,
n’est pas constitutionnelle, elle est morale et politique.
« L’analyse que j’ai faite de
l’électoralisme et de ses méfaits appelle la définition de remèdes radicaux,
qui permettront d’assurer l’emprise du parti sur les élus à tous les échelons.
Je propose donc que nous décidions
l’élection des députés sur une liste nationale et la gratuité du mandat
parlementaire.
L’électoralisme, nous l’avons vu,
s’explique par le prestige attaché à la fonction et par les moyens financiers
qu’elle procure.
Le prestige est inhérent à la fonction
élective. Il est normal qu’il subsiste, mais à condition d’être au service
exclusif du parti et du pays et non plus au service de la famille, de la tribu
ou de la région. Il faut rendre les députés à leur vocation véritable, qui est
l’exercice du pouvoir législatif au service du pays au lieu de les laisser
mener une politique de favoritisme et de clientèle personnelle.
En adoptant la liste nationale, comme
l’ont fait la plupart des Etats africains, nous donnerons au député le
sentiment d’être mandaté par le pays tout entier. L’élaboration de cette liste
devra intervenir sur des bases démocratiques, en veillant à ne pas dénaturer le
choix des militants. Les propositions devront intervenir au niveau de la section
et non au niveau du cercle, afin d’éviter les manœuvres et les marchandages qui
aboutissent parfois à la désignation de candidats qui ne sont pas véritablement
représentatifs. Au B.P.N. incombera la responsabilité d’arrêter définitivement
la liste nationale compte tenu du choix des sections. Il devra avoir la faculté
de compléter et modifier si besoin est cette liste en y inscrivant tel candidat
choisi en raison de capacités incontestables et de sa représentativité à
l’échelon national.
Nous devons d’autre part nous entourer
des garanties qui nous donneront la certitude que les élus seront fidèles au
parti durant toute la législature. Nous savons trop en effet combien les
engagements électoraux deviennent facilement lettre-morte aussitôt après le scrutin
et en attendant l’élection suivante.
Tous les élus devraient donc remettre au
parti leur démission en blanc. Je dis bien, tous les élus et non pas seulement
les députés – tous les élus du conseil-1er rural ou municipal
jusqu’au Président de la
République.
Ainsi quiconque ne respecterait pas la
ligne du parti ou ne serait pas digne du mandat reçu serait aussitôt démis par
les instances supérieures du parti. »
C’est ce qu’entérinent les
congressistes – dans leur « résolution sur le redressement » :
« Pour prévenir l’indiscipline le
Congrès exige :
- – L’attachement inconditionnel aux principes et le respect des statuts et règlements intérieur du Parti.
- – L’exclusion immédiate de tout militant reconnu coupable de déviationnisme ou de travail fractionnel ou de sabotage des décisions du Parti.
- – La perte de son mandat électif, en plus de l’exclusion, pour tout élu du Parti se trouvant dans les conditions de culpabilité précitées. Ce qui implique le dépôt préalable par tous les candidats du Parti, d’une lettre de démission du Parti. »
La loi électorale du 9
Janvier 1965 découle donc directement des résolutions du congrès de l’année
précédente : la démission en blanc, c’est-à-dire le contrôle du parti sur
ses élus, n’auraient pas de sens si le parti n’avait pas le monopole électoral.
Ce monopole allait de soi au début de 1964, mais plus depuis l’été.
La reconnaissance par l’Etat d’un seul
parti, devenant « parti unique de l’Etat » selon la Constitution, est en
effet circonstancielle. La prééminence du Parti sur l’Etat, pas tant pour la
vie publique, que pour les processus de décision, était un fait depuis la mise
en place des institutions de l’autonomie interne, au printemps de 1957 :
le parti remportant les élections en 1957 s’était élargi à l’opposition par
fusion volontaire (le congrès d’Aleg cf. Le Calame 6 Mai 2008
. chronique anniversaire des 2-5 Mai 1958) et cette formation, à son tour, victorieuse en 1959, avait fait
de même en 1961 (le congrès de l’Unité (cf. Le Calame 26
Décembre 2007 . chronique anniversaire du 26 Décembre 1961). Et c’est ce parti – de fait unique –
que l’administration de l’Etat aidait à s’implanter, parce qu’elle
reconnaissait, d’ordre du Président de la République, secrétaire général de ce parti, qu’il
n’y avait pas d’autre moyen pour faire participer les Mauritaniens aux
décisions et à leur application, à la défense de l’intégrité et de l’unité
nationales autant qu’au développement économique. Les résolutions de Kaédi
entérinaient donc la pratique gouvernementale. « Résolution sur l’orientation » :
« le Parti du Peuple
doit continuer à jouer pleinement son rôle d’avant-garde du peuple Mauritanien,
gage d’un avenir meilleur. … il s’assigne pour but de préserver l’unité
politique réalisée et de défendre l’intégrité territoriale. (Le Congrès)
insiste sur la prééminence du Parti sur tous les organes de l’Etat. » « Résolution sur le
redressement » : le Congrès… « décide de donner au P.P.M. son rôle primordial
d’animateur et d’instrument essentiel de la construction Nationale. …
S’agissant des fonctionnaires et agents de l’Etat, obligation leur sera faite
de respecter les décisions du Parti et de concourir à leur application. »
Etait-il besoin de réviser la Constitution ?
Oui, selon la Cour
suprême.
Deux députés, à la suite du
congrès de Kaédi, refusèrent de signer leur démission en blanc : Sidi El
Moktar N’Diaye, le président de l’Assemblée territoriale puis nationale jusqu’à
sa démission au printemps de 1961, lors de l’option pour un régime
présidentiel, et Souleymane Ould Cheikh Sidya, président de l’Assemblée
nationale en 1963 et principal fauteur du refus d’appliquer les décisions du
Congrès ordinaire de cette année-là (cf. Le Calame 3 Octobre
2008 . chronique anniversaire des 1er-4 Octobre 1963). Tous deux sont imbibés du système
parlementaire français. Le 28 Mars 1964, le Bureau Politique National exclut
donc du Parti, Sidi el Moktar N’Diaye et Souleymane Ould Cheikh Sidya. Ceux-ci
ne participent pas à la session extraordinaire de l’Assemblée Nationale (du 6
au 13 Avril) pour l’adoption législative des mesures décidées à Kaédi. Pour
Moktar Ould Daddah, il faut « permettre au Parti de remplir pleinement le
rôle qui lui incombe dans la construction nationale… éviter le retour des
erreurs anciennes en éliminant les causes qui les ont engendrées », à quoi
répond Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf, ancien ministre de la Justice : « pour
le moment nous n’avons pas de système défini : tout ce que l’on peut
constater, c’est que l’on a déséquilibré le système que nous avions
adopté », ce qui est vrai. Il est alors entendu que la révision constitutionnelle par les 2/3 des membres de l’Assemblée se
fera en comptant seulement les membres effectifs, et que les députés
seront désormais élus sur une liste nationale unique. En échange, le mandat des
élus de 1959 est prolongé sine die.
Le
2 Août, Sidi el Moktar
N’Diaye, Souleymane Ould Cheikh Sidya et Bouyagui Ould Abidine fonde le Front
national démocratique. Dès le lendemain, le ministre de l’Intérieur prend un
arrêté « déclarant
illégal et portant dissolution du Front national démocratique… attendu que les
termes employés par les membres fondateurs dans le préambule aux statuts
présentent un caractère injurieux et diffamatoire, et sont de nature à jeter le
trouble dans les esprits, à porter atteinte au crédit de l’Etat, à l’unité
nationale et à l’effort de construction nationale du Gouvernement et comme tels
contraires à l’esprit de la
Constitution ». Le nouveau parti n’a pas vraiment un objet d’opposition [2] :
en « constatant
les chaos sucessifs qui ont marqué la vie politique mauritanienne depuis la Table Ronde des partis
et tendances en 1961, découvrant derrière les slogans de l’Indépendance, de
l’Unité, de la construction nationale, la pérpétuation – sous le joug et au
profit de quelques individus – de la misère du Peuple, la dispersion de ses
efforts et la dilapidation de ses deniers », il est tout au plus critique, exactement comme l’était
Moktar Ould Daddah devant la conférence nationale des cadres à Kaédi, au début
de l’année.
Il s’agit en fait de tester
la possibilité du multipartisme. Interdit le 3 Août, le Front fait place à un
Parti Démocratique Mauritanien, le 9 : « Ce parti se fixe comme objectif essentiel de guider,
organiser et mener rapidement le Peuple Mauritanien dans la voie de la
libération économique, culturelle et sociale dans une Afrique libre et
indépendante. » Le 10
Août 1964, le ministère de l’Intérieur (Baham Ould Mohamed Laghdaf, ministre de
la Justice,
asure l’intérim d’Ahmed Ould Mohamed Salah) refuse le recepisse des statuts du
nouveau parti, au motif qu’il s’agit de la « reconstitution d’un
parti déclaré illégal et dissous ; il renvoit à l’arrêté du 3 Août
précédent relatif au Front national démocratique. La décision a été prise en
conseil des ministres ; il n’est pas fait application de la loi toute
récente (du 9 Juin 1964) modifiant la loi française jusques là valable en
Mauritanie, celle du 1er Juillet 1901 sur les associations. Le 21
Octobre suivant, « la voix du peup1e », hebdomadaire de l’opposition
diffusé en ronéotypie, est saisie.
L’arrêté du 3 Août est
déféré devant la justice. Celle-ci est doublement embarrassée. Sa
« mauritanisation » n’est pas alors complète, le président de la Cour suprême, Michel
Cayssalié de l’assistance technique française, se déclare
« empêché », l’affaire est éminemment politique et ne concerne que
les nationaux mauritaniens. Abdallahi Ould Boyé, futur ministre d’Etat à
l’orientation et membre du Bureau politique national dans la dernière période
du Parti du Peuple Mauritanien, exerce la présidence. Tandia Youssouf est
conseiller de droit moderene, Mohamed Yahya Ould Dunabja, conseiller de droit
musulman, et Soumare Gaye Silly ainsi que Abdel Wahab Ould Cheiguer sont
conseillers extraordinaires selon la liste annuelle. En chambre administrative - séance publique du 30 Novembre 1964 – la Cour qui n’est priée de
décider qu’un sursis à exécuter l’arrêté attaqué, rejette « avant dire
droit » la demande des deux anciens présidents de l’Assemblée nationale.
Elle a estimé que sa formation était conforme au droit, et surtout « qu’il n’est pas rapporté par les
demandeurs la preuve de l’imminence d’élections de nature politique desquelels
leur situation actuelle les tiendrait écartés – qu’aucun décret n’a convoqué le
collège électoral – qu’enfin l’arrêt sur le fond devrait intervenir avant toute
consultation populaire à caractère politique. Considérant qu’un parti politique
peut « s’implanter » à touyte période de l’année, considérant qu’une
décision dans le sens sollicité par les requérants préjugerait la décision
finale de la Cour,
conbsidérant en définitive que la requete ne présente pas, en l’état actuel de
la procédure, un caractère justifiant une décision de sursis », elle empêche le nouveau parti de
commencer sa campagne mais indique au gouvernement que la décision au fond –
multipartisme ou pas – n’est pas de nature juridictionnelle.
La décision est donc
politique. Moktar Ould Daddah s’en explique, dans ses mémoires [3]
: « S’inspirant logiquement de l’esprit
de Kaédi, le B.P.N. prit, le 16 Novembre, une décision qui, par sa portée et
ses conséquences, était infiniment plus importante que toutes les résolutions
du Congrès de Kaëdi : l’érection du P.P.M. en parti unique.
A ce propos, je dois à la vérité de dire
qu’avant d’en arriver à cette décision, j’avais beaucoup hésité. En effet, de
par ma formation juridique française, j’étais initialement hostile au parti
unique, lui préférant le multipartisme. Raison pour laquelle ce régime ne fut
pas instauré plus tôt chez nous alors qu’une majorité du B.P.N. lui était favorable
depuis 1961. Mais, tout comme pour le régime présidentiel, l’expérience
nationale et régionale finirent par me convaincre, en âme et conscience, de sa
nécessité. Sinon, les forces centrifuges : raciales, tribales et régionales,
par le biais du multipartisme, auraient empêché la réalisation de l’unité
nationale. Ce fut donc le 12 Janvier 1965 que l’Assemblée, à l’unanimité des
députés présents, révisa l’article 9 de la Constitution qui
reconnaît désormais le P.P.M. comme le Parti unique de l’Etat.
Mais au fond de moi-même, je considérais
que le parti unique, vital pour mon pays au stade de son évolution d’alors,
devait céder la place au multipartisme dès que le degré de consolidation de
l’unité nationale l’aurait permis. Une telle perspective était tellement
présente dans mon esprit que j’ai fini par en parler, le 8 Juillet 1978 très
précisément, avec mon plus ancien coéquipier : Ahmed Ould Mohamed Salah. Nous
avions alors convenu d’en discuter profondément par la suite. Mais, là aussi,
“l’homme propose et Dieu dispose”...
Quoiqu’il en fût, le Parti du Peuple
Mauritanien joua le rôle le plus déterminant dans la construction nationale. En
effet, je demeure convaincu que, malgré les défauts et les insuffisances des
équipes successives qui, à tous les niveaux, l’ont dirigé, de 1961 à 1978,
défauts et insuffisances que je dénonçais à toutes les occasions, les progrès,
modestes certes, mais progrès tout de même, réalisés dans tous les domaines de
la vie nationale ; n’auraient pas pu l’être sans lui. Et, j’irai plus loin :
sans le P.P.M., la R.I.M.
n’aurait certainement pas pu survivre aux dangers extérieurs et intérieurs qui
l’assaillaient durant les années 1960. D’autre part, le P.P.M., tout en étant
constitutionnellement un parti unique, n’a jamais été, malgré certaines
apparences, ni sectaire ni despotique. En son sein, comme la suite de ces
Mémoires le démontrera, la discussion a toujours été libre. Dans toutes ses
instances les militants pouvaient défendre leurs points de vue - et la plupart
ne s’en privaient pas comme je l’ai déjà signalé - Ces militants n’étaient
contraints d’observer la discipline du Parti que pour l’application des
décisions démocratiquement prises à la majorité des présents. Par ailleurs, le
P.P.M. avait toujours préconisé - et souvent pratiqué - le dialogue avec ses
opposants qu’étaient généralement les jeunes cadres intellectuels imprégnés
qu’ils étaient - inévitablement du reste - d’idéologies des pays où ils étaient
formés. Idéologies conçues par d’autres et pour d’autres et qui, par
conséquent, ne pouvaient pas s’appliquer telles qu’elles, à nos réalités
religieuses, socio-économiques et culturelles. »
Ce qui frappe – rétrospectivement – ce
sont la clarté et la solidité des argumentations et des débats. Surtout, la
capacité d’autocritique du système qui s’établit selon une dialectique
apaisante. Moktar Ould Daddah ne fonde pas un régime contre tel ou tel, ou
selon l’analyse des erreurs et des lacunes des autres. C’est de ce qui se fait
et se vit, quasi-unanimement, qu’il est question, et les redressements ou les
orientations ne sont ni passéistes ni futuristes : l’examen porte sur le
présent, il a ses références consensuelles. Et en fin de compte, les deux
parlementaristes – eux aussi fondateurs de la Mauritanie moderne –
seront réintégrés dans le Parti et en seront d’importants responsables, très
vite après leur tentative (cf.
Le Calame 8 Avril 2008 . chronique
anniversaire du 5 Avril 1966).
Le 2
Janvier 1996, le Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Boubacar, en fonction
depuis la mise en vigueur de la
Constitution du 20 Juillet 1991 à la suite de l’élection
présidentielle du 24 Janvier 1992 (cf. Le Calame 29
Janvier 2008 . chronique anniversaire du 24 Janvier 1992), est inopinément remplacé par le ministre
des Pêches Cheikh El-Avia Ould Mohamed Khouna, pour prendre la tête du parti
présidentiel, le P.R.D.S. La décision est conforme à l’article 30 de la Constitution (« le Président de la République nomme le
Premier ministre et met fin à ses fonctions » – ce qui est plus clair que la rédaction,
et la pratique, françaises, mais la manière d’acclimater le parlementarisme en
Mauritanie est singulière, puisque ce remplacement n’est pas une disgrâce et
que pendant neuf ans va se pratiquer un jeu de chaises musiciennes entre quatre
postes d’importance réputée équivalent : Premier ministre, ministre
secrétaire général de la
Présidence de la République, directeur du cabinet du Président de la République et direction
du parti présidentiel.
Nommé par Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, le
18 Avril 1992, Sidi Mohamed Ould Boubacar occupera ces quatre poste. Le Conseil
militaire pour la justice et la démocratie le rappellera, le 7 Août 2005, du
poste d’ambassadeur à Paris qui lui était échu l’année précédente, pour qu’il
redevienne Premier ministre. Technicien des finances depuis ses débuts comme
trésorier général à Nouadhibou, il avait préparé l’accord avec le Fonds
monétaire international, conclu juste avant la formation du premier
gouvernement constitutionnel dont il serait censément le chef. Né dans les dix
jours de l’investiture du premier gouvernement autonome mauritanien (20 . 31
Mai 1957 cf. Le Calame 23 Mai 2007 . chronique
anniversaire du 21 Mai 1957),
il allie alors expérience technique et fraîcheur politique. Il inaugure donc de
bonne foi une vraie pratique parlementaire, il est d’ailleurs doué d’un
charisme que n’a pas son maître. Sa déclaration de politique générale en
est une : établir un Etat de droit fort et respecté, rétablir les grands
équilibres économiques, porter le taux de scolarisation à 80% en 1998, réformer
de l’état-civil d’ici 1994. Il doit surtout assumer les conséquences de la
politique économique d’ajustement convenue avec le F.M.I. : ce sont les
« émeutes du pain », le 4 Octobre 1992 d’abord, puis les 21-22
Janvier 1995. Il tente alors une politique d’accompagnement et sa polémique
avec Ahmed Ould Daddah, le compétiteur du président en place, est de qualité.
Après lui, vont se succéder – en moins de
neuf ans – quatre Premiers ministres. Dès le 18 Décembre 1997, Mohamed Lemine
Ould Guig, remplace Cheikh El-Avia, qui devient ministre secrétaire général de la Présidence de la République, et ainsi de
suite …
La
Mauritanie
ne fera donc pas l’apprentissage du régime parlementaire et sa mémoire du parti
unique de l’Etat a été – sciemment – falsifiée par tous les régimes et systèmes
qu’elle a subis depuis 1978.
[1] - Moktar Ould Daddah est encore plus vif
dans ses mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala . Octobre 2003 . 669 pages –
disponible en arabe et en français), p. 321 : « j’insistai sur l’obligation pour le candidat à l’adhésion de présenter
lui-même sa demande, c’était pour lutter contre une pratique tout à fait
anti-démocratique, mais fort courante à l’époque. Cette pratique consistait,
pour le chef de tribu, de canton, de fraction, de village ou de famille, à
“faire adhérer” les leurs, souvent à leur insu. Comment ? Le plus simplement du
monde. Ils apportaient à celui qui recevait les adhésions au parti, des listes
de noms, plus ou moins longues suivant l’importance numérique des collectivités
considérées. Celles-ci rivalisaient pour “faire adhérer le plus grand nombre
afin de s’assurer le contrôle du bureau du comité ou de la section considérés,
dont la majorité élit l’instance en cause. De ce fait, la liste des adhérents
sur les registres du Parti ne signifiaient pas grand chose, démocratiquement
parlant. Il est vrai que le plus grand
nombre des intéressés se considéraient comme liés par l’adhésion donnée par
leur chef, en leur nom, même à leur insu : une étude sociologique de notre
société du début des années 1960
expliquerait aux non mauritaniens un tel comportement qui choque “les Ahel
Descartes” . Mais, peut-être, pas les “Ahel Pascal” : Vérité en deçà du Sahara
.. A vrai dire, cette pratique tendait essentiellement à perpétuer l’autorité
des chefs traditionnels, autorité que le Parti, par le biais d’une formation
idéologique habile, lente et prudente, mais déterminée, était décidé à
combattre, puis à éliminer démocratiquement et, autant que possible, sans
heurts. Oeuvre de longue haleine, qui était tout de même bien amorcée en
Juillet 1978. Avant d’en finir avec cette question de l’adhésion personnelle et
volontaire des militants au P.P.M., je pense honnêtement que la recommandation
la concernant n’a pas dû être scrupuleusement appliquée dans les comités de
brousse ... »
[2] - ses fondateurs s’engagent “ à demeurer attachés au bien
public, au droit humain, à l’honneur, à l’honnêteté et au travail ; à
édifier une société moderne ouverte aux expériences humaines ; à œuvrer
pour une compréhension profonde entre les hommes en Afrique et dans le
monde ; à réaliser l’unité réelle de notre Peuple dans une parfaite
symbiose de ses éléments au sein d’un monde débarrassé de l’exploitations coloniale ;
à mobiliser toutes les potentialités mauritanienens morales et matérielles en
vue d’éliminer d’une part la faim, la soif, l’ignorance et la misère en
Mauritanie et contribuer d’autre part à la promotion d’une Unité Africaine
réelle et efficace et une Paix universelle durable. “
[3] - Moktar Ould Daddah,
ibid. op. cit. pp. 328.329
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