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19 Avril 1961 & 18 Avril 1992
L’Assemblée générale des Nations Unies se
déclare favorable à l’admission de la République Islamique
de Mauritanie
&
Le colonel
Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya
inaugure ses fonctions de président de la République
L’histoire
contemporaine de la
Mauritanie ne commence pas le 6 Août 2008. Chacun le sait,
même si ce n’est plus dit officiellement.
Ce n’est pas la
première fois que la légitimité du pouvoir politique à Nouakchott dépend en
partie de l’aval de la « communauté internationale ». Et le scenario
du président d’une junte militaire se faisant élire dans des conditions
contestables puis tâchant de former un gouvernement d’union nationale n’est pas
davantage d’aujourd’hui.
Le 19 Avril
1961, l'Assemblée générale des
Nations Unies se déclare favorable à l'admission de la République islamique de
Mauritanie par 63
voix contre 15 et 17 abstentions (dont l'Union Soviétique).
Une querelle de cinq ans est vidée, quoiqu’elle laisse deux pays
tête-à-tête pour encore huit ans, ce sera le génie personnel de Moktar Ould
Daddah que de gagner une à une les sympathies de chacun des Etats arabes, qui
avaient originellement fait bloc pour soutenir la revendication marocaine. Ce
n’étaient pas que prétentions. Ce fut aussitôt un problème national en
Mauritanie car les opposants – à commencer par l’ancien député, Horma Ould
Bababa, battu en 1951 et qui n’avait pu prendre sa revanche en 1956 – passèrent
ouvertement à la cause marocaine [1],
ou ne la désavouèrent que fort tard : ce fut tout l’itinéraire de la Nahda, moyennant d’ailleurs
des scissions, et un climat politique longtemps incertain en Adrar. C’était
aussi une confrontation militaire – déjà – au Sahara occidental que dût
résoudre une opération militaire française combinée avec les Espagnols du Rio
de Oro et de la Saguyat Al
Hamra [2].
Ce fut enfin une bataille internationale sur deux théâtres : obtenir le
financement de la B I
R D pour que soit mise en exploitation la ressource en fer de la Kedia d’Idjill, et entrer
dans l’enceinte de l’Organisation des Nations Unies comme tous les autres Etats
de l’Afrique d’expression française. Pour le Maroc, c’était d’abord une
question de politique intérieure, comment le Roi tiendrait-il en respect
l’Istiqlal dans la surenchère nationaliste, alors que la France entretint de 40 à
25.000 hommes sur son territoire plus de quatre ans après l’indépendance du
fait de la guerre d’Algérie. C’était aussi la question de Tindouf qui – encore
– aujourd’hui est la clé des conflits sahariens.
La situation ne se débloquera que par la désunion du groupe de
Casablanca, puisque la Guinée
et le Ghana reconnaîtront l’indépendance
mauritanienne, les 22 et 27 Décembre. L’accession au trône, le 26
Février 1961, du prince Moulay Hassan, rendra moins virulente la prétention
marocaine [5].
Le lendemain, à Rambouillet, de Gaulle et Bourguiba s’en entretiennent et, le
13 Mars, la délégation mauritanienne dans les couloirs des Nations Unies
rapporte que " Bourguiba s'est entretenu très longuement avec Hassan II au
sujet de la Mauritanie
et que ce dernier aurait bien compris et envisagé de changer complètement de
position ". Ce flottement dans l’attitude du Maroc coincidera avec une
attitude compréhensive de la Chine
nationaliste qui accepte qu’en même temps que la Mauritanie, soit admise
aux Nations Unies son adversaire tactique, la Mongolie extérieure. Dès
lors, c’est gagné.
Le 18 Avril 1992, le président du Comité militaire de salut national, au pouvoir depuis le 12 Décembre 1984 pour avoir renversé son collègue le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, est officiellement installé dans les fonctions de président de la République.
Le titre n’avait plus été porté depuis le renversement de Moktar Ould Daddah, par une junte dont faisait déjà partie le jeune lieutenant-colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya : près de quatorze ans auparavant. La Constitution, adoptée par referendum l’année précédente, a censément organisé un régime parlementaire : un Premier ministre, deux chambres. L’élection à la magistrature suprême a été remportée dès le premier tour par le président en place du Comité militaire selon la proclamation officielle : 62,8% contre 32,9% à Ahmed Ould Daddah, les abstentions étant estimées à 50%. Mais la sincérité du scrutin est contesté [6], au point que les opposants décident de boycotter les élections parlementaires, après avoir vainement réclamé, le 13 Février, le report des législatives. En réunion publique de plus de vingt mille personnes à Nouakchott, Ahmed Ould Daddah affirme que l’opposition poursuivra la lutte pour l’avènement de la démocratie et qu’elle le fera dans le calme. A l’ouverture de la campagne, le 20, il apparaît que huit des quatorze partis officiellement reconnus vont participer au scrutin, mais les cinq partis d’opposition dont l’U. F.D. (qui deviendra le R.F.D.) boycottent pour protester contre « la gestion unilatérale du processus par le régime », malgré une rencontre entre Mohameden Ould Babah, premier coordinateur de l’U.F.D. et Maaouyia Ould Sidi’Ahmed Taya, en tant que président élu. Déjà, au début de son règne – version en uniforme, au début de 1985 – une telle entrevue avait eu lieu et des propositions de portefeuille ministériel clairement faite. Le patriote, qui avait, par son discours de distribution des prix au Lycée de Nouakchott, en Juin 1965, posé pour la première fois en public la question de la langue officielle, n’avait pas succombé à la séduction. Cette fois, il s’agit clairement de détacher l’U.F.D. d’Ahmed Ould Daddah [7], qui n’en fait pas théoriquement partie, quoiqu’il en ait été le candidat à l’élection présidentielle. Echec de la manœuvre, mais le résultat est que seul, le P.R.D.S., machine du pouvoir en place, est donc présent dans toutes les régions.
Le scrutin pour l’Assemblée nationale est particulièrement confus.
Le 6 Mars, malgré le boycott des oppositions, 159 listes sont en présence.
D’anciens ministres de Moktar Ould
Daddah : Ahmed Killy et Mohamed Ould Amar se présentent
à Boutilimit, quoique se disant d’opposition, et Ismaïl Ould Amar à Aleg. Le
pouvoir doit reconnaître que la participation n’est que de 38,89% … deux
ministres en exercice sont battus et, au dernier moment, à Boutilimit, Ahmed
Killy s’est rétracté. Les trois quarts des sièges reviennent au PRDS, le reste,
une dizaine à Ahmed Ould Sidi
Baba, contribule du président élu ou aux
« indépendants ». Louleïd Ould Waddad, directeur du cabinet d’Ould
Taya, est élu à Ouadane avec 85% des voix. Le 13 Mars, pour le second tour, sur
17 sièges en ballotage, 15 vont au PRDS. La participation tombe à 33,38%. Mais
sur 79 sièges, 67 vont au PRDS, 1 au Parti mauritanien du renouveau (majorité
présidentielle) et 1 au RDU (Rassemblement pour l’unité et la démocratie). Ce mouvement
a boycotté le second tour et, son président, Ahmed Ould Sidi Baba, contribule du
président élu, estime que le parti du chef de l’Etat accélère par son
comportement la chute du régime qui vient d’être mis en place. Dix
« indépendants » et pas de femme, malgré quatre candidatures
féminines. Le 3 Avril, les élections sénatoriales permettent au PRDS d’enlever
35 des 56 sièges [8]. Seize vont à des « indépendants ».
Deux sièges sont en ballotage. Les Baasistes n’ont personne au Parlement.
Dès lors, le nom du Premier ministre est supputé. Pour les « ambassades occidentales », ce sera Ahmed Ould Sidi Baba ou Hamdi Ould Mouknass, chacun a été ministre de Moktar Ould Daddah. L’ouverture de 1985 semble devoir se rééditer sept ans après – entretemps, il y a eu les complots, les massacres, le réveil des clivages inter-ethniques et les si graves événements d’Avril-Mai 1989. Le 17 Avril, l’UFD appelle à un gouvernement d’union nationale de transition.
Dès son investiture, le 18, Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya nomme
Premier ministre Sidi
Mohamed Ould Boubacar : surprise, mais aussi une
nomination dont les conséquences ne sont pas aussitôt mesurées (Le Calame
du 6 Janvier 2009 – chronique anniversaire de son limogeage, le 2 Janvier 1996
et évocation de sa seconde période à ce poste sous le Conseil militaire pour la
justice et la démocratie 2005-2007). Le ministre des Finances – alors âgé de
trente quatre ans seulement, il est en place depuis le 21 Octobre 1990 – était
de retour de Washington, depuis le 12, et y avait mené des négociations avec le
Fonds monétaire international : enjeu, tenu secret, la dévaluation de la
monnaie nationale. 42% exigé par le FMI et 25% admis par la Mauritanie. Le
nouveau gouvernement – dont la liste est publiée le 19 [9]– ne comprend qu’un seul militaire, le
colonel Ahmed Ould Minnih, ancien chef de l’état-major, inamovible au
gouvernement depuis quinze ans, qui troque l’Intérieur contre le ministère de la Défense. Censément
opposant, Mohamed Ould Amar qui avait soutenu la candidature présidentielle d’Ahmed Ould Daddah, est
ministre de l’Equipement : il avait été ministre aussi bien de Moktar Ould Daddah que de Mohamed
Khouna Ould Haïdalla. Lui aussi ancien ministre de Moktar Ould Daddah et chargé des
chantiers de la « route de l’Espoir », Hasni Ould Didi, a participé
au gouvernement sans discontinuer depuis 1984, sauf quelques semaines avant
l’investiture [10] : il devient ministre de
l’Intérieur. Des compatriotes du Fleuve reçoivent les portefeuilles des
Finances, de la Justice et de la
Santé. Une femme, Mariem Mint Ahmed
Aicha, est secrétaire d’Etat à la condition féminine. Le ministre des Finances,
Cheikh Kane,
et Mohamed Ould Amar à l’Equipement, ainsi que le secrétaire général de la présidence
de la République, Soulèye Ba, appartiennent censément à l’UFD. Un baasiste est
secrétaire d’Etat à l’alphabétisation : Khattry Ould Taleb Jiddou, chef du
« parti de l’avant-garde nationale ». La composition et les dosages
semblent impeccables. L’arrivée aux Affaires étrangères de Mohamed Abderrahmane
Ould Meine, ambassadeur au Koweit, dément les propos dubitatifs qu’avait
tenus Hasni Ould Didi, minimisant dans un journal marocain l’importance des
relations avec les monarchies du Golfe pétrolier ; il avait rallié dès le
début l’Alliance pour une Mauritanie démocratique, s’opposant à partir de 1980
au colonel Ould Haïdalla et proche de Moktar Ould Daddah. Le colonel Ould Taya
est habile, son règne n’est pas encore à la moitié de sa durée…
Le processus s’achève le 27 Avril. L’Assemblée nationale se donne Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba
pour président et Dieng Boubou Farba est élu président du Sénat. Le
premier – membre des comités militaires à partir d’Avril 1980 au grade de
commandant – a toujours été proche du président dont il a été quelques mois le
ministre des Affaires étrangères pendant la période cruciale de la tension et
de la rupture avec le Sénégal en 1989. Le second avait été évincé de la
Banque centrale en Septembre 1987. Ce qui va – assez vite – être appelé la
« démocratie de façade », commence. Ahmed Ould Daddah,
présenté comme le « coordonnateur de l’opposition » dénonce, dès
ce début, un « régime sanguinaire et déstabilisateur ».
[1] - le
17 Juin, le Prince Moulay hassan arrive au Caire pour les cérémonies anniversaires de
l’évacuation britannique tandis qu’arrive de Suisse en compagnie du Dr El
Khatib, chef de l’A.L., l’ancien député de la Mauritanie, qui, le 23
le Maroc à “faire valoir sa souveraineté sur Tindouf et la Mauritanie” lors d’une
réception donnée par le Prince héritier du Maroc ; il déclare à l’AFP
que le “Maroc et la
Mauritanie sont un même
pays”. Le 12 Août 1956, à rabat,
Horma tient réunion avec le Comité directeur de l’Istiqlal
[2] - le 14 Février 1957, le combat d’Agui,
au nord de Fort-Trinquet, causant la mort de trois officiers et de dix-sept
hommes, n’avait pas donné matière à exercer le droit de suite. Il n’en est pas
de même le 25 Janvier 1958. l’accrochage à Houmat-el-Ham (50 kms au nord de
Fort-Trinquet) fait fixer fixer au 6 Février ce qui depuis le 14 Janvier
précédent, a été mis au point, à Las Palmas : l’opération “ouragan” (“ecouvillon” pour les Français et “Teide” pour les Espagnols)
qui consiste à détruire l’A.L. dans le Saguyat-El-Hamra et à “nettoyer” le Rio.
[3] - le 25 Juillet 1958, le Roi nommera les
"transfuges" à des postes de conseillers de l'administration :
Dey Ould Sidi Baba et Mohamed El Moktar Ould Bah pour les Affaires Etrangères, Horma Ould
Babana pour l’Intérieur et Cheikh Ould Ahmedou à l’Education. L'émir du
Tzarza, évidemment déposé en Mauritanie, demeure aux côtés du souverain.
[4] - Moktar Ould Daddah évoque ces jours et cette rencontre
en détail, dans ses mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala
. Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français) pp. 173 et 174
[6] - officiellement, la « communauté
internationale » donne quitus au régime militaire. Pour Henri Saby,
président de la commission de coopération pour le développement au Parlement
européen qui était observateur : l’élection « peut être considérée comme
fiable ». Daniel Bernard, porte-parole du Quai d’Orsay, a « déploré
les incidents » mais « La
France enregistre avec satisfaction que cette élection a été
tenue dans le cadre d’un processus dont la prochaine étape doit être des
élections à l’Assemblée nationale ». Mais le 4 Février 1992, dans une
lettre ouverte à Ould Taya, des parlementaires allemands présents à Nouakchott
lors des élections présidentielles du 24 Janvier affirment que « le
grand nombre et la gravité des irrégularités constatées ont influencé
considérablement le résultat électoral. Il aurait donc été nécessaire
d’organiser un deuxième tour ». Ils rappelent leur protestation effectuée
auprès du ministère des Affaires étrangères, au lendemain du scrutin contre la
façon « dont les médias publics ont retransmis de manière incomplète les
points essentiels de leur compte-rendu ».
[7] - le président élu invite, au début de Mars, à dîner dans
sa résidence Mohameden Ould Babah, en compagnie du ministre de l’Intérieur
Ahmed Ould Minnih
[8] - trois sièges sont réservés aux
Mauritaniens de l’étranger : un pour ceux qui résident en Europe,
essentiellement en France – un pour l’Afrique, notamment les résidents en Côte
d’Ivoire – un pour l’Asie, en fait ceux qui se sont établis, souvent sans
retour en Arabie séoudite et dans une moindre mesure en Jordanie
[9] - Premier ministre Sidi
Mohamed Ould Boubakar
Ministre secrétaire général
de la présidence de la
République – Mustapha Ould Abeïderrahmane
Affaires étrangères –
Mohamed Abderrahmane Ould Meine
Défense nationale – colonel Ahmed Ould Minnih
Intérieur, Postes &
Télécommunications – Hasni Ould Didi
Plan – Mohamedou Ould Michel
Justice – Sow Abou Demba
Finances – Kane Cheikh
Commerce, Artisanat et
Tourisme – Rachid Ould Saleh
Pêches & Economie
maritime – Ahmed Ould Ghanahallah
Développement rural &
Environnement – Mahfoudh Ould Deddache
Mines & Industrie – Lemrabott Sidi Mahmoud Ould Cheikh Ahmed
Hydraulique & Energie – Mohamed Lemine Ould Ahmed
Education nationale –
S’Gheyer Ould M’Bareck
Fonction publique, Travail,
Jeunesse & Sports – Moktar Ould Haye
Santé & Affaires
sociales – Camara Modi
Culture & Orientation
islamique – Abubekrine Ould Ahmed
Equipement & Transports
– Mohamed Ould Amar
Communication &
Relations avec le Parlement – Ismaïl Ould Yahi
secrétaires d’Etat
chargé des Affaires de
l’Union du Maghreb Arabe – Cheyakh Ould Ely
chargé de l’Alphabétisation
– Khattry Ould Taleb Jiddou
chargée de la Condition féminine –
Mariem Mint Ahmed Aïcha
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