21 Mai 1919 & 22 Mai 1980
l’administration française crée des
conseils de notables
&
l’Alliance pour une Mauritanie
démocratique annonce sa création : elle a pour programme le retour des
militaires dans leurs casernes
Le 21
Mai 1919, est publié le décret instituant des « conseils de notables
indigènes » dans tous les territoires qu’administre la France en Afrique. Ce
système de gouvernement local, déjà pratiqué depuis quinze ans en Mauritanie, a
valu jusqu’en 1958 et a constitué la matrice ou le repoussoir des réformes
administratives auxquelles la République Islamique a ensuite procédé.
Le
12 Mai 1903, Coppolani avait fait prendre un arrêté par le gouverneur général
de l’Afrique occidentale française portant organisation du Protectorat des pays
maures du Bas-Sénégal, qui disposait que « le délégué du Gouverneur
général en pays maures assure le fonctionnement du Protectorat par
l’intermédiaire des chefs indigènes agréés par lui, assistés des Djemaas dont
il règle la composition et le fonctionnement. Il désigne les Cadis et
contrôle l’exercice de la justice ». Ce système d’administration déléguée
ou contrôlée, s’appuyant sur des autorités dites « traditionnelles »,
faute de mieux les qualifier, a tendu à se perpétuer : l’administration
française n’était pas directe, elle n’était pas non plus concertée avec les
populations concernées, elle s’imposait par des intermédiaires désignés et
rétribués. Il a valu de la prise du pouvoir des Français en Mauritanie, en
1903, jusqu’aux aménagements législatifs précurseurs de l’autonomie de gestion
(loi du 6 Février 1952, instituant des assemblées territoriales, en reprenant
pour l’essentiel le décret du 25 Octobre 1946 portant création d’assemblées
représentatives territoriales dénommées « conseils généraux chargées de la
question des intérêts propres à chaque territoire »). La mutation vint du
corps des interprètes par qui se répandit une culture administrative
« moderne » et des comportements d’Etat – les instituteurs,
apparaissant plus tardivement, eurent un rôle analogue mais plus dans les modes
de pensée que de gestion. En revanche, le système des conseils de notables
maintenait les habitudes de débats et de consensus.
Les
arrêtés du 8 Janvier 1904 en même temps qu’ils instituent une « djemaa
secondaire » en pays Trarza pour chaque tribu guerrière, dressent la liste
des notables agréés comme membres des deux djemaa supérieures :
« chacune de ces assemblées se compose de six à douze membres agréés parmi
les principauxnotables de la collectivité qu’elle représente. Elles sont
consultées par le résident de la région duquel elles relèvent, toutes les fois
qu’il s’agit des intérêts particuliers à leurs tribus respectives ».
Suivront le 29 Mars 1904 l’organisation de la région Brakna, le 31 Mars 1904
celle de la région de Mal, puis le 15 Avril 1904 celle du Gorgol : chaque
fois les djemaa sont instituées et la liste des notables publiée. Les djemaa
sont également instituées pour les tribus maraboutiques (dites à l’époque
« religieuses »). Dans le même temps, les émirs sont soit dépossédés
de leurs attributions « régaliennes » pour n’être plus que des
auxiliaires de l’administration française, soit déposés. Selon les personnes et
l’histoire de leurs relations avec l’administration, chacun des émirs et des
chefs généraux aura un statut propre et des compétence plus ou moins étendues. Quand
l’assassinat de Coppolani fait réévaluer le dispositif, il est observé que
« l’organisation sociale des Maures nomades, divisés
en tribus, ne comporte pas la nécessité d’établir des chefs qui seraient en
quelque sorte l’équivalent des chefs de province dans les populations
sédentaires. Les tribus forment généralement des groupements assez
considérables, ayant à leur tête, une sorte de conseil des notables, appelé
« djemaa », et reconnaît presque toujours l’un des membres comme
chef. Nous devons nous efforcer de traiter toujours directement nos affaires,
avec ces chefs naturels vraiment qualifiés pour prendre les intérêts de leurs
commettants, sans leur imposer des intermédiaires dont les tribus maraboutiques
et commerçantes cherchent précisément à s’affranchir ».
Le 22
Mai 1980, simultanément à Paris et dans plusieurs capitales africaines, est annoncée la création
de l’Alliance pour une Mauritanie démocratique [1].
L’ambassadeur Mohamed Ould
Jiddou est le coordinateur de cette Alliance : l’A.M.D. C’est un vétéran
vénéré de la politique mauritanienne dès avant l’indépendance (membre de
l’Assemblée territoriale de 1952 à 1957, il avait été la référence des jeunes
mauritaniens lors de la fondation de l’Association de la Jeunesse de Mauritanie
A.J.M., le 24 Novembre 1955 et soutenu par ceux-ci comme candidat indépendant à
l’élection du 31 Mars 1957). Après avoir été consul général à Bamako de 1965 à
1969, il a couvert le Proche-Orient, résidant au Caire de 1969 à 1971 puis à
Djeddah de 1971 à 1975. Co-fondateur : le lieutenant-colonel Mohamed Ould Bah Ould Abdel Kader résidant
à Rabat qui a démissionné du Comité militaire, dont il avait assuré la
« permanence » pendant la courte période d’Ould Bouceif, Premier
ministre, et créé, le 11 Août 1979, à la suite de l’accord d’Alger avec le
Polisario, un comité d’ « officiers libres » opposés à cet accord.
Le 27 Mai, la direction de l’Alliance donne
une conférence de presse à Paris : aux côtés de Mohamed Ould Jiddou et d’Abdelkader,
censé diriger un Front islamique et démocratique de Mauritanie (FIDEM), se
présentent aussi Mustapha Ould Abeïderrahmane comme responsable du Mouvement
progressiste des Kadihines et le lieutenant Moustapha Niang, membre du comité
des officiers libres. L’A.M.D. se veut le « creuset de la grande unité du
peuple mauritanien », elle lance un appel à l’opinion internationale pour
l’aider à « se débarrasser du régime de Ould Haïdalla » et à renverser
le « pouvoir illégitime des putschistes du 10 juillet 1978 » sans
violence et avec le consensus populaire. Elle prône le retour à un régime civil,
une stricte neutralité dans le conflit saharien, mais assure que « seule
la restauration de la souveraineté, de l’unité, de la stabilité et de
l’intégrité mauritanienne » permettra à la Mauritanie d’être
crédible ». Elle réclame la restitution des 1.500 Mauritaniens retenus
prisonniers par le Polisario, et regrette le départ des 200 militaires français
de Nouadhibou [2]. « Si
le régime actuel, issu du coup d’Etat anticonstitutionnel du 10 juillet 1978,
ne cède pas la place à un gouvernement civil et démocratique, les populations
mauritaniennes se révolteront. Car la seule voie de salut actuellement pour
notre pays, c’est le retour des militaires dans leurs casernes ». Mohamed
Ould Jiddou précise qu’il n’a pas eu de contact avec Moktar Ould Daddah, mais que
« celui-ci continue à jouir du respect d’une grande partie de la
population mauritanienne ».
A Nouakchott, on prétend aussitôt que
Mohamed Ould Jiddou et Mustapha Ould Abeïderrahmane, après avoir fait mine de
se rallier au nouveau régime, ont été impliqués le premier dans une affaire de
trafic de devises et le second dans un trafic de logements. Un peu plus tard, (en
conclusion d’une longue et difficile réunion, du 5 au 14 Juin), la junte
appelle au civisme et à la vigilance contre les « complots de
l’impérialisme et du néo-colonialisme », après que (le 30 Mai), le conseil
des ministres ait décidé de limiter au maximum les sorties à l’étranger de
personnalités officielles
Le lendemain de sa présentation à la
presse, l’Alliance est en effet rejointe par le lieutenant-colonel Ahmed Salem
Ould Sidi, précédemment vice-président du Comité militaire et surtout signataire
de l’accord de paix avec le Polisario, le 5 Août 1979 : il a traversé le fleuve
Sénégal à la nage pour quitter le pays. Mohamed Abdelrahmane Ould Amin,
ambassadeur démissionnaire au Koweit, se rallie aussi pour protester
« contre la politique suivie par le régime actuel ». Le 2 Juin, Moussa
Fadiga, secrétaire général d’un Front fédéral du Sud-Mauritanien annonce lui
aussi son ralliement à l’A.M.D. pour s’opposer à la création d’une Fédération
islamique avec la Libye. Le 7, à Rabat, Ahmed Moilid annonce le ralliement du
Mouvement de l’Unité nationale à l’Alliance.
Le moment choisi est en effet très
caractéristique. Le président du Comité militaire de salut national C.M.S.N.,
le lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla vient encore de réclamer le
retour de Moktar Ould Daddah au pays et se fait dire le 14 Avril que « la
France n’est pas une annexe des prisons mauritaniennes ». Il s’éloigne
pour la première fois du territoire national, depuis sa prise de pouvoir :
les 19 et 20 Mai, il est en Irak, puis du 21 au 23, au Koweit. Il avait
auparavant renoncé à participer au sommet franco-africain puis à une tournée en
Europe et dans les Etats du Golfe, en compagnie de Léopold Sedar Senghor et de
Moussa Traore, pour y présenter l’Organisation de mise en valeur de la vallée
du fleuve Sénégal. Peu après, le 28, déjà en instance de départ à l’aéroport de
Nouakchott, l’ « homme fort » annule sa participation au premier
sommet économique de l’OUA qui doit commencer le jour-même à Lagos ;
arrestations de Mohameden Ould Babah, Abdoulaye Baro, Abdallahi Ould Ismaïl,
Sidi Ould Cheikh Abdallahi et d’Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des
Affaires étrangères et cousin de l‘ancien chef d’état-major ; garde
militaire des principaux axes de Nouakchott ; renforcement de la résidence
surveillée d’Hamdi Ould Mouknass et d’Ahmed Ould Daddah. La tension est vive
avec le Maroc qui viole l’espace aérien mauritanien, prétend que les Sahraouis
l’attaquent depuis le territoire mauritanien. Surtout, depuis un mois circule
la rumeur d’une cession de la Tiris El Gharbia au Front Polisario, qui serait
ensuite invité à se fédérer avec la Mauritanie. Enfin la situation intérieure
du pays est dominée par le scandale d’une vente aux esclaves, à Atar, qui va
déterminer le Comité militaire – sous la pression nationale, celle d’El Hor [3]
notamment, et internationale – à une spectaculaire et inattendue abolition. Le
18 Juin, à Paris, Bilal Ould Werzeg, conseiller à l’ambassade d’Abidjan,
déclare démissionner pour ne plus « servir un régime dont je n’apprécie ni
la politique extérieure ni la politique intérieure » : son chef
« a légalisé l’obligation qu’ont les esclaves de rejoindre leur
maître », puis il change d’avis, le 22 Juillet, au vu de la nouvelle
législation mais se dit membre du mouvement des haratines El Hor.
Pour les dirigeants de
l’Alliance, la situation – deux ans après le renversement de Moktar Ould Daddah
par les militaires – « se caractérise par 1° une ionstabilité permanente et une
anarchie généralisée… 2° une faillite économique et financière sans précédent…
3° une répression aveugle et continue ». Il faut donc « renverser le
pouvoir illégitime des putschistes du 10 Juillet 1978 … instaurer en Mauritanie
un régime politique respecté à l’extérieur et à l’intérieur… redresser
l’économie du pays… réformer profondément l’appareil administratif…
reconstituer les forces armées pour les remettre dans le chemin de l’honneur,
du service du pays… réformer, conformément à nos réalités historiques et
linguistiques, l’ensemble de notre système éducatif ». Pour « une solution pacifique au
Sahara », l’Alliance « met en avant le mot d’ordre suivant : la
Mauritanie d’abord ». Elle a, en somme, toutes les thèses du président
déchu et « à l’ensemble de nos forces armées, officiers, sous-officiers
et soldats, patriotes et dignes, l’A.M.D. demande instamment de s’organiser
activement en vue de débarrasser le pays des éléments putschistes
usurpateurs ».
La suite sera d’abord
dramatique, puis illusoire. Dramatique car les deux officiers supérieurs
tenteront l’année suivante, le 16 Mars 1981, un coup très audacieux mais,
probablement trahis, échoueront : martyrs de la légitimité (Le Calame, 11 Mars 2008 – chronique
anniversaire). Illusoire, car, « confiante dans le génie du peuple
mauritanien et dans la sagesse de l’encadrement de son armée nationale »,
l’Alliance se ralliera au coup du lieutenant-colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed
Taya, dès l’élimination d’Ould Haïdalla et le confirmera le 22 Décembre 1984. Certains
de ses membres – en même temps que d’anciens ministres de Moktar Ould Daddah –
participeront, après quelques délais, au gouvernement.
[1] - « évacué sanitaire » de Mauritanie, par les
putschistes, le 2 Octobre 1979, le président Moktar Ould Daddah qui me fait
l’honneur de me recevoir régulièrement dans son exil parisien, évoque pour moi,
le 26 Avril 1980, la constitution de ce Front – et m’engage à en rencontrer
l’un de ses principaux animateurs : Mustapha Ould Abeiderrahmane (chef de
file de ceux des Kadihines qui avaient
rallié le Parti du Peuple au congrès d’Août 1975, gouverneur à Akjoujt au
moment du putsch du 10 Juillet 1978).
Je m’entretiens donc avec celui-ci, mais tardivement :
le 27 Juillet 1981, au café des Deux Magots, dans le Quartier Latin à Paris. –
(Voici mes notes de l’époque NB Bertrand
Fessard de Foucault) – « J’entends
le laisser parler pour connaître son cheminement, comparer ses analyses avec
celles de Moktar Ould Daddah, et m’assurer de sa fidélité envers mon éminent
ami. Mon interlocuteur est de Tdijikja, tribu fort aisée et beaucoup plus
politisée que la moyenne mauritanienne. Il m’a vu une première fois à
Nouakchott lors d’un examen d’aptitude à entrer à l’IHEOM, c’était donc en
1965. Il a été admis, a fait sa scolarité, a éprouvé combien en France les
contacts des Africains avec les milieux officiels ou politiques sont contrôlés
et combien aussi les gouvernements africains pèsent sur les jurys de
sortie : ainsi, lui-même avec 11,5 n’a eu qu’une attestation de scolarité
mais n’a pas été diplômé. Il avait auparavant fait d’autres études, également à
Paris, et milité dans l’opposition étudiante à Moktar Ould Daddah. De retour à
Nouakchott au début des années 1970, il organise le mouvement des jeunes
opposants : les Kadihines, et refuse donc l’offre de 1970 ; il ne
participe donc pas à la commission préparatoire du congrès de 1971 dont, avec
le recul, il admet qu’il avait les mêmes ambitions et marques d’ouverture que
celui de 1975. Mais Mustapha participe indirectement aux choses car il est dans
l’entourage de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le futur ministre du Plan, lequel le
nomme un peu plus tard directeur de la Planification, lui-même expliquant à son nouveau
ministre qu’il reste opposant politiquement. Mais dans son mouvement, une
analyse se fait. D’abord, de tous les mouvements d’opposition ou de libération,
en Mauritanie depuis 1946 et dans l’ensemble de l’Afrique : RDA, UPC,
MPLA, etc… il apparaît que ces mouvements introduisent en Afrique un
impérialisme des plus dangereux, celui de l’Union soviétique, alors que
l’exemple mauritanien entre autres montre que les puissances coloniales
traditionnelles sont en voie d’épuisement matériellement et psychologiquement,
que donc cet impérialisme-là est faiblissant et qu’on peut négocier
progressivement avec lui, même si l’on n’est rien : cas de la Mauritaanie en 1957,
ou très faible : cas de 1973. Fréquemment mis en prison mais chaque fois
pour trois ou quatre mois, et dans des conditions assez amènes et fort peu
comparables soit aux tracts de l’époque : mais il fallait jouer le jeu de
l’opposition – soit aux conditions d’aujourd’hui (1980)… en 1973, mon interloucteur réfléchit : la révision des accords
avec la France,
la nationalisatioon de Miferma, au moins dans son principe, même si l’on
discute les indemnisations (à son sens, trop généreuse) sont des éléments très
positifs. Il faut donc se rallier au régime. Chez les Kadihines, la tendance
marxiste, au demeurant minoritaire, est maoïste, ce qui facilite les choses,
puisque le fond de l’analyse est antisoviétique. Mais se rallier sous forme
d’un Front. Une négociation se noue qui n’aboutit pas sur ce point et notre
homme fait l’ultime concession avec ses amis : ils entrent au Parti du
Peuple Mauritanien, avec l’assurance d’une pleine liberté de discussion et d’expression
au sein du Parti. Ce ralliement s’il donne lieu à inspirer le rapport moral de
1975, ne se traduit cependant pas – parce que pas encore fait formellement –
par une participation aux organes dirigeants. L’autre raison du ralliement est
l’affaire saharienne. La jeunesse kadihine participe en 1973 – décidément année
tournante – à la constitution à Nouakchott du Front Polisario. Il apparaît très
vite que ce Front n’existera qu’en fonction des aides extérieures. Mustapha est
alors partisan d’encourager les Sahraouis à négocier – sur le modèle
mauritanien et de la
Loi-cadre – avec les Espagnols, quitte à laisser un temps à
ces derniers des bases militaires. Mustapha tente d’approcher le président
Moktar Ould Daddah, en est empêché, mais fera plus tard valoir cette analyse. A
quoi répondra Moktar Ould Daddah : je suis conscient du péril pour la Mauritanie, mais il y
là une opportunité pour le pays que la question se règle à notre bénéfice et je
dois, devant Dieu qui décidera, prendre le risque.
La guerre développe
une situation qui, au début de 1978, rend le régime très fragile. S’opposent à
lui la bourgeoisie commerçante et conservatrice, type Cheikhna qui veut le
retour au libéralisme et vomit la ‘Charte
socialiste’, la haute administration,
elle aussi nantie et devenue capitaliste, et enfin l’armée. Celle-ci s’est
fait, peu avant le putsch, durement admonestée par le Président mettant en
cause la mauvaise gestion du matériel et des aides étrangères, révélant qu’une
demande d’aide à l’Arabie séoudite – la énième – n’a pas pour le moment abouti,
qu’un émissaire est revenu les mains vides, et qu’il faut ne compter que sur
soi. A cela s’ajoute un fait que Mustapha croit décisif. En Février, avec
l’aval du Président, il se rend à Paris pour parler avec le Polisario :
celui-ci en mauvaise posture militaire – ce ne sont plus les succès de 1976 et
de 1977 – accepterait un cessez-le-feu d’un mois et une négociation, mais avant
le sommet de l’O.U.A.. Compte-rendu est fait tardivement à Moktar Ould Daddah,
qui laisse passer : ce sera après l’O.U.A. où il doit rencontrer de
manière approfondie Boumedienne. Le Polisario aurait alors communiqué son offre
aux officiers candidats au putsch, qui, sans cette certitude de cessez-le-feu,
n’auraient pas bougé.
La situation actuelle ?
D’abord, aux rares exceptions de Ahmed Ould Sidi Baba ou un temps de Mohamed
Moulaye, les membres de l’équipe dirigeante déchue ont refusé de collaborer. On
a pris contact avec eux. Sans doute, étaient-ils aveugles au début de
1978 : ils étaient l’Etat et ne pouvaient en voir la fragilité
grandissante, mais celle-ci était frappante. Ensuite, l’équipe militaire est
divisée : il y a trois tendances. Deux Polisario purement et
simplement : Haidalla et Boukhreiss, qui ont vu refuser par le reste du
Comité et la reconnaissance de la République Arabe Sahraouie, et la constitution
d’Etats-Unis du Sahel, zélée une nouvelle fois par Khadafi en visite
officielle. Sont hostiles les négro-africains qui ont les commandements du
nord. Entre les deux, l’actuel Premier ministre militaire, Taya. Mais il n’y a
personne de déterminé pour renverser le système. Celui-ci peut rendre la main
soit par un nouveau putsch : celui de Mars dernier s’est fait par la
branche militaire de l’A.M.D., qui agit dans le même esprit que la branche
politique mais en toute indépendance et en secret, pour des raisons de
sécurité. C’est ce qui fut d’emblée convenu avec le colonel Kader, tout dévoué
au Président. Il est certain que ce putsch n’était pas soutenu par le
Maroc : les armes étaient très légères, et si le Maroc avait avait voulu
faire quelque chose, il l’aurait fait, et les choses auraient été autres. Tous
ceux qui ont participé à l’opération de 1977, qui a vu la mort devant
Nouakchott du premier secrétaire général du Polisario, Louly : Kader,
Sidi, Viah Ould Mayouf, Bouceif ont été supprimés (inexact pour Viah, signataire en 2008 d’une lettre de
soutien à la junte) les uns après les
autres. Les derniers étant donc Kader et Sidi. Il est certain que Bouceif,
l’éphémère Premier ministre au printemps de 1979, a été
assassiné ; il était entendu qu’il allait libérer Moktar Ould Daddah et
rétablir l’ancien régime.
Mustapha a quitté la Mauritanie en Janvier
1980, il a vu le Président et, respectueusement mais fermement, lui a fait
valoir qu’il ne pouvait se dérober, que le pays était menacé d’éclatement, et
qu’il fallait donc son retour, le rétablissement d’une légitimité, la mise en
place d’une succession, car mon interlocuteur sait de la bouche de
l’intéressés, comme de la rumeur dans les années 1970 que Moktar Ould Daddah ne
tient pas au pouvoir et ne se représenterait sans doute pas en fin de mandat,
donc en 1981. Quant au Parti, il a fait la preuve de sa carence dans l’épreuve
de force, mais il faut un parti unique dont l’A.M.D. sera peut-être le
noyau. »
Le
29 Juillet 1981, le Président, après avoir écouté mon compte-rendu, confirme le
récit et les analyses de Mustapha Ould Abeïderrahmane, mais en précise ou en rectifie
de nombreux éléments, notamment à propos de contacts avec le Polisario, des
malversations et de la relation financière avec l’Arabie séoudite.
Je
reverrai Mustapha Ould Abeïderrahmane à Nouakchott les 15, 18 et 23 Avril 2006
et nous examinerons en conversations nocturnes l’histoire contemporaine de la Mauritanie. Il
avait été entretemps ministre, et non des moindres, de Maaouyia Ould Sid’Ahmed
Taya (11 Décembre 1988 au 19 Avril 1992), un des principaux animateurs de sa
première campagne présidentielle, et, comme chacun sait, il anime aujourd’hui
la majorité parlementaire favorable à la junte et à la candidature du général
Mohamed Ould Abdel Aziz.
[2] - le 22 Mai 1980, se termine la « mission
Lamentin » : départ de l’unité militaire française (une compagnie du
2ème RIMA : 200 hommes) basée à Nouadhibou, sur demande de la Mauritanie. Elle
s’était positionnée en Décembre 1979 à la demande d’Ould Haïdalla pour faire
écran face au Maroc et au
Polisario . Cependant, 4 Jaguar et u n C-135 restent à Dakar pour tenir
compte des inquiétudes sénégalaises sur de possibles répercussions du conflit
saharien
[3] - Organisation de libération et d’émancipation
des haratines, dit El Hor - cet important mouvement,
fondé le 5 Mars 1978 par Messaoud Ould Boulkheir, aujourd’hui président de
l’Assemblée nationale après avoir été fera l’objet d’une chronique à sa date
anniversaire
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