vendredi 18 juillet 2014

Israël - Gaza ... en 1996



            PISTES POUR UNE INTELLIGENCE PLUS INTIME
                de la signification et du futur
                            D'ISRAEL
(1996)





      D'une assistance - pour des raisons personnelles - au 6ème Congrès de la Fédération internationale des Juifs humanistes et laïques, tenu salle Richelieu, à la Sorbonne les 4, 5 et 6 Octobre derniers, je retiens quelques points pouvant éclairer le comportement d'Israël.

      1° L'identité juive à travers le monde, quelle que soit l'option d'intégration ou pas à la communauté nationale de résidence territoriale (l'option est manifestement positive pour les Français juifs, qui en sont reconnaisants à la Révolution comme à la République), se fonde, davantage que sur la culture ou la religion, sur trois événements historiques : le Sinaï, la shoah et l'Etat contemporain d'Israël. On est conscient en France que l'antisémitisme - conséquemment hors-la-loi à la suite de la shoah - peut renaître et renaît du fait des politiques israëliennes.
      Les Français juifs ont donc deux soucis primordiaux pour ne craindre ni le passé ni le futur. Que la vie commune en France demeure respectueuse de toutes les identités : plus qu'une tolérance, une laïcité entendue comme le fait de cultiver consciemment et expressément le pluralisme. Qu'Israël ne se laisse pas emporter par l'intégrisme "orthodoxe" qui monte également dans la diaspora et se manifeste aussi dans la communauté juive de France.

      2° Une vue optimiste de l'histoire contemporaine d'Israël reste possible, même si les perspectives depuis la rupture de Mai dernier sont très inquiétantes.
      Si la colonisation juive, si le sionisme avaient pu être consacrés au moment du projet et de son énoncé à la fin du XIXème siècle, l'Etat d'Israël n'aurait pas existé. Il en eût été de même si cette colonisation - de fait - depuis 1917, avait été acceptée en 1947.1948 par les Arabes.
      Le conflit ethnique et religieux - donc inexpiable - de 1948, fondé sur une concurrence de légitimité et de droits historiques sur la même Palestine, s'est trouvé - heureusement ou providentiellement - transmuté en un conflit territorial par suite de la Guerre des Six jours, donc en un conflit susceptible d'être résolu par les moyens traditionels de la diplomatie et par une perception d'intérêts seulement ou d'abord stratégiques. La guerre du Kippour a donc permis la relation avec le plus puisant des Etat de la région : l'Egypte.
      La mise en oeuvre des accords d'Oslo permettait de passer à un stade encore plus fécond, celui de l'examen ensemble des questions économiques et sociales. Ces accords n'étaient possibles, du côté israëlien, que parce que la sécurité et la puissance de l'Etat juif sont maintenant hors de discussion.
      La nocivité de la politique du nouveau Gouvernement a ceci de possiblement bénéfique que la diaspora, insensible aux évolutions qui viennent d'être décrites, et majoritairement hostile aux accords d'Oslo, pourrait prendre conscience de la nécessité et du bénéfice d'un dialogue égalitaire avec Israël, au lieu d'une solidarité inconditionnelle avec le gouvernement en place, quelle que soit son orientation (solidarité qui s'est précisément défaite, au détriment du Gouvernement PERES et à propos du "processus de paix "). Israël, jusques-là inconditionnellement aidé, devrait désormais des comptes politiques et moraux au reste du peuple juif, et même un certain soutien financier aux quelques 700.000 Juifs considérés comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté à travers le monde...
L'avenir d'Israël ne serait plus en relation simpliste avec les Etats-Unis d'une part et les Etats arabes de la région d'autre part, mais bien davantage dans une relation à inventer entre les deux parts du peuple juif, celui vivant en Irsaël, et celui constituant la diaspora, entre une part vivant en situation de majoritaire et sous la coupe possible des "orthodoxes", et une autre, vivant la situation de minorités et de mixité, sinon de multiculturalisme. D'ici quinze ans, Israël sera plus nombreux que la diaspora puisque c'est la seule partie du peuple juif en croisance démographique.

      3° L'idéal " humaniste et laïque " peut poser le peuple juif en inventeur de la démocratie libérale (c'est aussi une lecture qui m'avait été donnée par d'anciens membres - non-Juifs - du Gouvernement KREIKSY tandis que tombait le mur de Berlin : l'Autriche-Hongrie pouvait survivre à son pluralisme par la communauté juive importante dans chacune des composantes de la Monarchie). Le droit français, intégrant au contraire du droit anglo-saxon, n'a pas seulement permis aux Français juifs de pouvoir s'intégrer sans se "perdre", mais il place la communauté française, seconde de la diaspora en nombre après celle des Etats-Unis, en situation d'exemple : démontrer qu'on peut être Juif tout en étant national, sans être forcément religieux, et sans avoir le projet d'émigration. Ainsi serait passé le relais entre Israël, principal tenant de l'identité juive après la shoah, et une diaspora très intéressée à ce qu'Israël soit fidèle à un idéal juif de pluralisme, de tolérance, plus culturel que religieux.

      4° La défaite de Shimon PERES serait la sienne, plus encore celle de son équipe qu'une réelle ingéniosité du vainqueur. Toutes les fautes en sociologie et en propagande électorales auraient été commises. Mais on paierait aussi la rupture intervenue quand la droite vint au pouvoir avec Isaac SHAMIR ; c'est celle-ci qui sut conquérir la diaspora.

            Les débats étaient triangulaires : Juifs d'Amérique, d'Israël et de France, tous sympathisants du parti travailliste, tous inquiets des prétentions des rabinats respectifs à parler au nom de la communauté juive locale, tous convaincus qu'une définition trop rigoriste et religieuse du judaïsme en éteindrait le nomre. En France 50 % serait en couple "mixte".
            Un point de crise actuelle serait la mise en cause par la nouvelle Knesset des jurisprudences récentes de la Cour suprême en faveur de la "laïcité". La déclaration liminaire de l'indépendance du nouvel Etat a - faute de Constitution à proprement parler - valeur de loi fondamentale ; c'est sur elle que s'appuient les opposants à une évolution ultra-religieuse. dans le passé, la diaspora surtout dans sa compsante américaine, a su s'imposer à la Knesset.
            A aucun moment, l'attitude des Etats de nationalité ou de résidence n'a été évoquée, alors que l'actualité la plus immédiate s'y prêtait. C'est indiquer - là - que la France pourrait s'orienter vers une attitude plus fine et plus enveloppante vis-à-vis de la politique israëlienne.

            Cela pourrait s'articuler en trois points :

      1° de même qu'elle est la première " puissance musulmane " en Europe, la France est composée de la seconde diaspora juive. Elle a donc une sensibilité culturelle et démographique à faire valoir, même une sorte de sécurité psychologique nationale : la cohésion française dépend en partie de la bonne intégration et du bien-être mental de la communauté juive, ce qui veut dire une politique vis-à-vis d'Irsaël fondée sur des valeurs pratiquées non seulement envers Israël ou l'ensemble de sa région, mais ausi chez elle (lutte contre l'exclusion, le racisme, l'intégrisme). Donc une politique de peuple à peuple plus encore que d'Etat à Etat (ce qui nous aiderait à mieux comprendre que la laïcité n'est pas du tout un factreur de guerre scolaire ou de clivage droite-gauche mais un élément d'une culture pluraliste).

      2° l'Etat palestinien est une justice à reconnaître aux Arabes. Ce préalable acquis, toutes les imaginations sont loisibles dont certaines seraient riches d'applications ailleurs. Pourquoi ne pas concevoir deux Etats sur le même territoire ou à peu près, la souveraineté étant de juridiction sur les personnes, mais de coopération économique et stratégique sur les territoires en commun ? D'autant que le " régime personnel ", hérité du droit ottoman consacré par les Anglais, continue de régir et de résoudre les pluralités ethniques et religieuses, de fait en Palestine en général et en Israël en particulier. Il semble qu'un plan sur Jérusalem était presque acquis d'accord parties avant Mai dernier : unicité de la ville, capitale palestinienne dans un faubourg, un peu comme Pankow pour Berlin. Il est certain que l'aspect Lieux Saints devrait pouvoir contribuer à la stabilité et à l'internationalité de la ville. Les convergences avec le Vatican, qui eussent été - dans la région - encore plus manifestes si nous nous étions tenus hors des opérations militaires pendant la " Guerre du Golfe ", devraient trouver une application et des perspectives à Jérusalem.

      3° la militance française, comme dans les pays de l'ancien bloc soviétique, devrait porter sur l'état de droit dans la région. Ce qui serait de bonnes gammes pour éprouver comment faire de même en Afrique du nord : là est le moyen terme entre une ingérence malaisée et critiquable, et une relation trop cynique d'Etat à Etat que les populations ne peuvent vivre sans scandale intime./. (BFF-8.X.96)

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