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28 Novembre 1958
Option pour le statut
d’Etat membre de la
Communauté
&
Proclamation de la République Islamique
de Mauritanie
D’abord, le sens du vote positif au
referendum. A la radio, le 1er Octobre, depuis Saint-Louis, encore
siège du chef-lieu de la colonie française, Moktar Ould Daddah, qui comme tous
ses homologues a vu son titre et ses prérogatives de vice-président du Conseil
de gouvernement changé en ceux de président en titre, le dit [2]
nettement : c’est l’application des décisions du congrès d’Aleg (chronique anniversaire
du congrès tenu du 2 au 5 Mai 1958 à Alegr et regroupant tous les partis
mauritaniens existant alors – Le Calame
du 6 Mai 2008). Nous avons
voté oui parce que la Constitution proposée
par le Général de Gaulle comporte d’une part des options dont l’une permet à la Mauritanie d’obtenir la
gestion complète de ses propres affaires et reconnaît par ailleurs au peuple
mauritanien son droit imprescriptible et sacré à l’indépendance. (…) La Mauritanie pourra préparer dans les meilleures
conditions l’accession à son indépendance totale. Ce « stage » de
quelques années dans la
Communauté nous permettra de parfaire notre structure
politique et d’asseoir notre économie sur des bases solides. Lorsque ces tâches
essentielles auront été menées à bien, nous déciderons de notre indépendance
sans pour autant rompre les liens qui nous unissent à la France et aux Etats de la Communauté. Ce qui est une réponse
anticipée à la lettre qu’adresse Sékou Touré à chacun des gouvernements des
territoires d’outrre-mer qui n’ont pas, comme lui, opté pour le non au
referendum et donc pour l’indépendance immédiate. Lettre lue, le 29 Octobre, en
Conseil de Gouvernement que préside exceptionnellement Amadou Diadié Samba
Diom, faisant l'intérim du président du Conseil. La réponse plus complète et
tardive à l’argumentaire du précurseur guinéen sera donnée pendant le voyage
d’étude d’une délégation du Parti du Peuple mauritanien, conduite par Moktar
Ould Daddah, en Novembre 1963 (chronique
anniversaire – Le Calame du 4
Novembre 2008).
L’Assemblée – avant de délibérer, le
dimanche 28 – entend alors l’exposé des motifs gouvernementaux : « votre Gouvernement a choisi sans
hésitation aucune et vous propose d’opter aujourd’hui en faveur du statut
d’Etat membre de la
Communauté qui seul permet d’acquérir l’autonomie interne
complète et véritable, réclamée à l’unanimité par le Congrès d’Aleg en
considération de la position particulière qu’occupe la Mauritanie au sein de la Communauté
franco-africaine et du rôle que lui confèrent sa position géographique, ses
traditions ethniques et culturelles. Seul le statut d’Etat membre permettra de
sauvegarder pour l’avenir le droit imprescriptible et sacré du peuple
mauritanien à l’indépendance. Le choix du Gouvernement est donc
fait : celui de votre Assemblée ne saurait faire de doute. » C’est un discours tout à fait exceptionnel.
Certes, par le moment où il est prononcé – mais cette importance est surtout
rétrospective. Exceptionnel de fermeté : tout sera sacrifié à l’Etat à
naitre [6].
Sans en faire explicitement la théorie Moktar Ould Daddah est convaincu que la Mauritanie, après
cinquante cinq ans d’administration française n’a guère reçu de celle-ci qu’un
projet d’Etat. Mise en valeur, formation des cadres, exploitation des
ressources pour une économie moderne, cela a valu pour d’autres territoires de
l’Afrique française, pas pour son pays.
En revanche, il y a la possibilité d’un
Etat : « La
création et le développement de l’Etat mauritanien nécessitent l’union de tous
les efforts sous l’impulsion d’une autorité gouvernementale accrue. Les
discussions tribales, les oppositions raciales seront énergiquement réprimées
parce qu’elles sont de nature à affaiblir le nouvel Etat, voire même à
compromettre son existence. Elles doivent faire place, bénévolement ou par la
contrainte, au sentiment d’appartenance à une Patrie commune où toutes les
races, toutes les catégories sociales jouiront des mêmes droits et des mêmes
devoirs, où la place de chacun sera déterminée par ses seuls mérites et les
services qu’il est susceptible de rendre. Cela doi signifier la fin du régime
de facilité, la fin des prébendes et des faveurs indûment accordées.
Dans l’organisation de l’Etat
mauritanien, un rôle essentiel devra être tenu par les fonctionnaires,
métropolitains ou africains, personnel de commandement, techniciens, personnel
d’exécution qui tous dépendront directement et uniquement du Gouvernement. J’entends
et je veillerai à ce qu’ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont
confiées avec conscience, efficacité et patriotisme. Tous ceux qui ne
comprendraient pas que la
Nation requiert d’eux un travail accru seront sanctionnés ou
licenciés. Je suis certain cependant que l’immense majorité des fonctionnaires
conscients de la situation privilégiée dont elle bénéficie par rapport au reste
de la Nation,
apportera au Gouvernement sa
collaboration totale et enthousiaste, indispensable à la vie et à la prospérité
de notre pays.
Responsable des destinées du pays, le
Gouvernement est, pour sa part, résolu à renforcer par tous les moyens la
conscience nationale pour que vive et s’épanouisse la Mauritanie nouvelle. »
L’autre exceptionnalité de ce discours est
une certaine mise en avant de ce que le jeune chef du gouvernement a réalisé.
Moktar Ould Daddah a alors conscience qu’il faut une référence au pays qui naît
dans sa forme moderne : la capitale [7],
le consensus [8], c’est
lui sans humilité feinte. Pourquoi, cinquante ans après, persévérer à n’en pas
faire mention – officiellement, et à l’inverse des cœurs et des mémoires ? [9]
Les 9 et 10 Décembre, à Nouakchott,
conférence des Commandants de cercle. Le secrétaire général du Territoire,
Henri Bernard [10], qui a
signé les arrêtés d’exécution des délibérations de l’Assemblée, transmet au
président du Conseil de Gouvernement ses pouvoirs en ce qui concerne le
commandement territorial, et Moktar Ould Daddah expose " la politique
qu'il entend instaurer et voir appliquer " à ces cadres, tous
métropolitains. Pas un ne sera déloyal, mais le premier responsable du jeune
Etat y veillera particulièrement et personnellement [11].
[1] - Moktar Ould Daddah l’expose – trop rapidement – dans ses
mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala
. Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français) pp. 182-184
[3] - Moktar Ould Daddah l’expose bellement, ibid. op. cit. pp. 175 à 180
[6] - Sur
le plan extérieur tout d’abord, le Gouvernement est pleinement conscient des
dangers qui menacent l’Etat mauritanien. Bien que la défense soit de la
compétence de la Communauté,
il est fermement résolu à coopérer avec les forces de la Communauté et dans
toute la mesure de ses moyens à la défense de la
Patrie contre les entreprises menées de l’extérieur et
par ailleurs à réprimer
les entreprises menées de
l’extérieur et par ailleurs à réprimer toutes les actions subversives tentées à
l’intérieur de l’Etat, par les étrangers ou les nationaux mauritaniens ainsi
que toute propagande effectuée en faveur d’un Etat étranger. (…) Fort de
l’approbation de l’immense majorité de nos concitoyens, j’avertis
solennellement ceux qui seraient tentés de trahir la Patrie mauritanienne
qu’ils seront
impitoyablement châtiés ou rejetés hors des frontières de notre Etat.
[7] - Il
me paraît profondément symbolique qu’une telle décision qui engage l’avenir du
peuple mauritanien tout entier, doive intervenir au moment précis où votre
Gouvernement et votre Assemblée se trouvent pour la première fois réunis sur le
sol de la Patrie dans cette Capitale que je m’engageais solennellement à réaliser dans mon
discours d’investiture du 20 Mai 1957 et qui fut pendant dix-huit mois l’objet
de nos incessantes préoccupations. Bravant toutes les difficultés, sans souci
de l’inconfort et des complications qu’entra$îne le maintien provisoire de
plusieurs ministères et de tous les services à Saint-Louis, le Gouvernement a
tenu à ce que l’appareil politique de la Nation s’installe définitivement à Nouakchott
pour donner à la Mauritanie
les institutions nouvelles que requiert la création de la Communauté
franco-africaine.
[8] - Mieux que
quiconque les membres de votre Assemblée savent les efforts que j’ai déployés
dès mon investiture pour réaliser au sein du Gouvernement et à l’intérieur du
pays l’unanimité mauritanienne. Vous savez de quelle manière mes efforts ont
été récompensés.
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