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26.28 Juillet 1960 &
30 Juillet 1968
Fixation de la date et des modalités de la
proclamation de l’indépendance
&
Lois sur l’organisation
territoriale
en régions et district de
Nouakchott
La démarche s’inscrit dans deux processus.
Du côté de la France
– qui avait proposé deux ans auparavant à ses colonies d’Afrique, notamment, la
mutation de leur statut de territoires d’Outre-mer pour celui d’Etats membres
d’une Communauté – la rupture politique a été opérée. Elle vient de s’inscrire
dans les textes. Du 30 Mai au 3 Juin 1960, se tient à Paris la deuxième et dernière
session du Sénat de la
Communauté. La révision constitutionnelle est acquise par
206 voix contre 8 et 6 abstentions [1].
Le général de Gaulle conclut que " la Communauté va prendre, de
ce fait, une forme nouvelle. Je ne crois pas, cependant, que l'esprit, ni la
valeur, de cette grande institution doivent s'en trouver altérés. Son principe
est la coopération organisée entre Etats. Il en sera de même demain. " Depuis
les 11-12 Décembre 1959, lors du Conseil exécutif de la Communauté, à
Saint-Louis, il était admis que la fédération du Mali (Soudan et Sénégal)
accèderait à l’indépendance. Les Etats de l’Entente, emmenés par Félix
Houphouët-Boigny avaient répliqué par une demande semblable mais, en hostilité
avec Dakar, pour sortir de la Communauté. Ils formalisent dès la révision
acquise. Passant la journée à Nouakchott, avant de se rendre à Saint-Louis, le
président français avait publiquement pressenti que la Mauritanie ferait de
même.
Du côté
mauritanien, la démarche est exemplaire de la manière de Moktar Ould Daddah
dans les décisions qui ont fondé le pays. D’abord s’assurer d’éléments
pratiques. En l’occurrence, depuis que le 31 Mai, Black, président de la BIRD, a assuré
sur place sa confiance dans l’avenir du pays, le financement du projet minier
de la Kedia
d’Idjill est acquis. Ensuite examiner et comprendre le contexte : il est
dominé par l’indépendance du Mali [2],
qui est alors tout l’environnement régional de la Mauritanie de Bamako à
Saint-Louis et à Dakar, puisque le Sahara [3]
est un des enjeux de la guerre de décolonisation qui continue en Algérie, et
que le Maroc est hostile avcec l’assentiment de personnalités mauritaniennes [4].
Moktar Ould Daddah est cependant isolé [5].
Sans doute, dès le 6 Février, sur le site historique de Koumbi-Saleh, ancienne
capitale de l’empire du Ghana, non loin de Timbedra, il a pris de l’avance et
déclaré « que la
vocation de la Mauritanie
ne date pas d’hier ! A la fin de l’année ou au début de 1961, la Mauritanie demandera le
transfert des compétences. ». A son retour à Nouakchott, il est pris à partie par le groupe
parlementaire qui vient juste de de se substituer au bureau exécutif du P.R.M. [6],
et donc de devenir le seul organe dirigeant du Parti. « Ces camarades m’accusaient – à juste
raison, je l’avoue – de n’avoir pas respecté la discipline du Parti, en faisant
ma déclaration à Koumbi-Saleh sans consulter aucune instance, et d’avoir ainsi
mis la direction du Parti devant le fait accompli. Je me défendis comme je pus…». Finalement
– patience, ténacité de moktar Ould Daddah, mais démocratie – le groupe, à l’issue d’une longue session tenue
du 16 au 18 Février 1960 « invite le gouvernement de la République Islamique
de Mauritanie à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de
l’accession de la
République Islamique de Mauritanie à la souveraineté
internationale, par transfert de compétences au cours de l’année 1961 ». Recevant, commentaire à l’appui,
le texte de cette résolution, dès le 24 Février, de Gaulle avait dit
l’approuver.
Le 30 Juillet 1968, sont promulguées les lois 68-242 et 243 portant
organisation générale de l’administration territoriale et portant organisation
des régions et du district de Nouakchott. C’est la régionalisation qui
constitue toujours l’ossature des gestions décentralisées de la Mauritanie.
C’est la fin d’un long
débat autant sur l’organisation territoriale que sur les modes de la gestion et
de la démocratie locale. Pendant dix ans, l’option a été celles des communes,
particulièrement les communes rurales, tandis que les divisions administratives
héritées du système de « commandement » français étaient restées
intangibles, sauf à créer un nouveau cercle, celui du Tiris Zemmour.
Le processus s’est engagé à
Aïoun-el-Atrouss, lors du IIème congrès ordinaire du Parti, en Juin 1966 (chronique anniversaire Le Calame – 30 Mai 2009), décidant la réunion, entre autres, d’une
commission nationale d’études sur les questions économiques. Ce sont les
travaux de celle-ci [7]
qui avaient fait les décisions du IIIème congrès, tenu à Nouakchott au début de
l’année. L’étude des expériences des pays voisins (Sénégal, Mali, Guinée) en
matière de régionalisation économique, y avaient aussi contribué.
Reste « le découpage régional ». En
session ordinaire, les 3 et 4 Mai, le Bureau Politique National l’avait décidé,
en réservant le régime administratif de Nouakchott :
1ère région (Hodh oriental –
actuellement El Gharbi) = Néma
2ème région (Hodh occidental –
El Charbi) = Aioun-el-Atrouss
3ème région (Guidimaka, Assaba
moins N’Bout, plus Boumdeid = Kiffa
4ème région (Gorgol plus
M’Bout) = Kaédi
5ème région (Brakna, Tagant) =
Aleg
6ème région (Inchiri, Trarza
moins Nouakchott) = Rosso
7ème région (Adrar,
Tiris-Zemmour, Baie du Lévrier) = Atar
Protestations immédiates à Tidjikja : le 9 Mai, le commandant
de cercle du Tagant fait état de vives réactions de la population à la nouvelle
du découpage régional et le 16, les élèves contre la régionalisation qui fait
dépendre le Tagant du Brakna [8].
Les événements de Zoueratte (chronique
anniversaire Le Calame – 2 Juin 2009)
ont d’ailleurs fait anticiper
ceette réorganisation : le chef lieu de l’administration nationale autour
de la mine a été délocalisé à F’Derick, et Kane Tidiane, le remarquable
commandant du cercle de l’Adrar, est chargé cumulativement de la délégation du
gouvernement à Port-Etienne.
Réunissant du 20 au 22 Mai,
à Nouakchott, les commandants de cercle, le Président commente la mise en
place des nouvelles structures régionales et, avec regret, constate donc l’échec
des communes rurales. Le cap reste plus que jamais : détribaliser, opérer
un recensement effectif, traitet à ces deux occasions le problème des
serviteurs de tout milieu et de toute ethnie de la même manière. Le 6 Juillet
1968, le Conseil des ministres adopte les projets de lois portant organisation
générale de l’administration territoriale, portant organisation des régions et
du district de Nouakchott [9].
La réforme n’est qu’apparemment une redistribution des circonscriptions et leur
dénomination la plus neutre possible pour détacher les populations et les
chefferies ou influences traditionnelles de leurs habitudes régionales
ataviques. La régionalisation est en fait la lutte déclarée contre tribalisme
et régionalisme. « Au
lieu d’avoir, comme les anciens cercles, des noms de tribu ou de groupes de
tribus (Brakna, Trarza) ou de régions géographiques identifiées à des
collectivités tribales ou ethniques (Adrar, Gorgol), les nouvelles entitées
étaient désignées, d’une manière anonyme, par un numéro : 1ère
région, 2ème, 3ème etc. et ainsi de suite. Ce n’est pas
poétique, avaient commenté certains conservateurs, et autres nostalgiques. Mais
le but recherché était atteint. En effet, le nouvel énoncé n’évoquait, a priori, aucun souvenir particulier –
d’une tribu ou d’une ethnie. Le citoyen qui entendait la nouvelle appelation de
sa région ne pensait pas spontanément en tribal. Il pensait – confusément
certes, mais il pensait – régional. De la sorte, il lui sera plus facile de
penser « national ». C’était l’un des buts essentiels de la
réforme. » [10] . Décolonisation aussi puisque les
appellations de l’époque française disparaissent au profit de la willaya et du
wali.
L’organisation et le choix [11]
des institutions sont novateurs : un gouverneur plénipotentiaire, mais une
commission régionale disposant de vraies ressources et de compétences propres.
Il restera à articuler le dispositif avec celui du Parti sur place, jusqu’à la
fusion des fonctions administratives et politiques, longue à décider et pas
facile à exercer.
La tranquillité apparente et la continuité
de la démarche ne doivent pas tromper. Le moment est particulièrement dense,
sinon tendu politiquement [12].
C’est celui d’une réforme des modes de gouvernement : chaque question
soulevée par l’application des décisions du Congrès « doit faire l’objet
d’une pré-étude faite en commun par le membre du Comité permanent responsable
et les ministres intéressés par le secteur étudié avec la participation le cas
échéant des Conseil supérieurs concernés ». Un nouveau règlement intérieur
du Parti est adopté [13].
Au 1er Juillet 1969, doit démarrer le prochain Plan quadriennal ce
qui suppose son adoption par le Conseil National du Parti lequel ne s’est
encore jamais réuni. C’est la crise consécutive au drame de Zouératte. C’est le
début de la crise syndicale [14]
qui va mettre pendant trois ans le régime en difficulté et créer une ambiance
politique telle que vont se développer pour la première fois depuis dix ans,
des mouvements d’opposition. Enfin, c’est l’épisode d’une crise ministérielle
pour faits de corruption. Le 28 Juin
Fall Papa Daouda, ministre de l’Industrie, de l’Artisanat et des Mines, est
démis de ses fonctions. Le lendemain, Birane Mamadou Wane, ministre des
Affaires Etrangères, est démis de ses fonctions ; il signe conséquemment
sa démission du Bureau Politique National. Le surlendemain, l’ex-ministre de
l’Industrie, de l’Artisanat et des Mines est arrêté pour détournement de
deniers publics. Imperturbablement, Moktar Ould Daddah continue de prendre le
pouls du pays : tournée dans le Gorgol en Mai, puis au Trarza au début de Juillet
[15].
Le gouvernement est donc remanié et d’importantes nominations effectuées [16].
Le 31 Juillet, Moktar Ould
Daddah peut partir pour la
France où il va passer ses vacances et surtout rencontrer le
général de Gaulle, tout juste vainqueur – lui aussi – des très difficiles
« événements de Mai », concommitants donc avec le drame de Zoueratte.
[5] -
« Durant l’année 1960, nous avons dû simultanément, et entre
autres activités, chercher à réaliser nos deux options : unité politique
et préparation de l’accession à l’indépendance. J’ai dit, plus haut, que la
première option – l’unité politique – avait fait de grands progrès. Quant à
l’indépendance, la majorité du groupe parlementaire ne lui était pas
favorable : on y était plus hostile qu’à l’unité politique ! Pour les
mêmes raisons déjà mentionnées et souvent répétées, depuis le Congrès d’Aleg.
Nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître que les anti-indépendantistes
étaient confirmés dans leurs craintes par l’agressivité, à l’égard de notre
pays, aussi bien des deux Etats fédérés du Mali et que du Maroc. Donc, pour
eux, et ils avaient en partie raison, il fallait nous accrocher à notre seule
planche de salut qu’était la
France, et ne rien faire qui pût nous en éloigner. Penser et
surtout agir autrement, ne pouvait être que « des hallucinations de ceux
qui sont frappés par les jnouns [5]
». Quand on faisait remarquer à ces compatriotes que les pays voisins qui
avaient subi la même colonisation que nous, qui en étaient, à peu près, au même
stade d’évolution économique, sociale et technologique que nous, allaient vers
l’indépendance et qu’il nous était difficile sinon impossible de ne pas faire
comme eux, ils répondaient en susbtance : « Que la France nous donne un
drapeau et un hymne, soit ! Mais qu’il soit entendu par tous que cela ne
changerait rien dans nos rapports avec elle ». Moktar Ould Daddah dans ses
mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala
. Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français) pp. 205 à 207
Dans cette ambiance, la même
majorité ne cessait de tergiverser quant à la fixation d’une date à proposer à la France pour le début des
négociations devant nous permettre, d’accord parties, de déterminer celle de la
proclamation de notre indépendance. Or, nous étions un certain nombre de
responsables – la minorité du groupe – à considérer que notre pays devait
impérativement, et comme tous ceux de la Communauté franco-africaine, accéder à
l’indépendance avant la fin de 1960. Cependant, pour atteindre notre objectif,
il nous fallait biaiser avec la majorité.
[6] - cette décision du groupe parlementaire visait à
accélérer les procédures et à concentrer le pouvoir. Parce que quand on réunit
toutes les instances, d’abord il faut le temps de la convocation et des
réunions successives, et puis ces instances avaient tendance à se préoccuper
davantage des questions locales
[7] - ouvrant les travaux de la Commission Nationale
des Affaires Economiques, le 10 Juillet
1966, Moktar Ould Daddah déclare: « … notre développement économique apparaît, jusqu’ici, dans ses
effets comme un simple placage d’une économie moderne en plein essor sur une
économie traditionnelle de subsistance… Il convient de porter, en premier lieu,
nos efforts sur le secteur qui concerne le plus grand nombre de Mauritaniens,
le secteur rural qui, avec ses deux éléments complémentaires, agriculture et
élevage, pourra, si les Mauritaniens le veulent, rétablir un équilibre
actuellement compromis… Avant d’entreprendre le développement des différents
secteurs de l’économie traditionnelle, il faudra d’abord modifier nos
structures économico-administratives directement léguées par le système colonial…
C’est pourquoi, suivant en cela les propositions exposées dans mon rapport
moral, le Congrès d’Aïoun, a retenu le principe d’une régionalisation
économico-administrative, dont l’examen sera l’une des tâches de votre
Commission… Cette régionalisation s’avère indispensable malgré les
conséquences budgétaires qu’elle ne manquera pas d’avoir. En effet, l’immensité
de notre territoire, la diversité deséconomies locales, nécessitent
l’élaboration de petits plans régionaux dans le cadre du Plan national. Ces
plans régionaux devront s’appuyer sur de nouvelles structures locales qui,
depuis l’indépendance, nous font, il faut l’avouer, cruellement défaut. Il va
de soi que cette régionalisation économico-administrative devra être réalisée
suivant des critères précis. La regionalisation consistera donc à regrouper
certains cercles en fonction de la complémentarité de leur économie et, en
fonction aussi, des moyens de communications régionaux. Les chefs-lieux de
région devront, à leur tour, répondre à certaines exigences tenant les unes à
la situation géographique, les autres aux possibilités d’accès, à l’ensemble de
l’infrastructure existante, enfin à l’importance de l’économie du lieu par
rapport à l’ensemble de l’économie régionale. Le gouvernement aura ainsi à jouer
un rôle de coordination aussi bien à l’égard des nouvelles régions
administratives qu’à l’égard de nouvelles régions économiques qui recouvriront
exactement les précédentes… » Le 22 Juillet, la commission des Affaires
Economiques se répartit en quatre sous-commissions d’études. Les membres de la
sous-commission de la régionalisation. Les membres de cette dernière étaient
Birane Mamadou Wane, Bouyagui Ould Abidine, Moktar Ould Haïba, Youssouf Koïta,
Mohamed Bâ, Andallahi Ould Cheïkh, Ibrahima Kane. Bouyagui Ould Abidine fut
désigné comme rapporteur de cette sous-commission. Trois de ses membres de
cette dernière, Abdellahi Ould Cheïkh, Ibrahima Kane et Moktar Ould Haïba
allaient parcourir l’ensemble du pays pour déterminer le découpage territorial
à proposer au B.P.N. et au Gouvernement. Moktar Ould Daddah dans ses
mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala
. Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français) pp. 205 à 207
[8] - j’ai été témoin, en tournée « dans la
quatrième », au printemps de 1974 de la manière dont délibérait Moktar
Ould Daddah sur ce genre de sujets : aller par la route d’Aleg à Tidjikja
tout en s’arrêtant le temps qu’il fallait dans chacune des préfectures,
montrait que l’administration ou bien épuisait les responsables ou bien
négligeait les populations tant les distances et les obstacles naturels sont
manifestes. A l’inverse, l’émirat du Tagant a dû se « décentraliser »
pour rejoindre ses populations le long de la route de l’Espoir. Ce furent donc
des délibérations en réunions de cadres locaux, des entretiens avec les
ministres et les responsables de la Permanence du Parti, qui pendant le voyage
aboutirent à la création de la région réinstituant l’ancien cercle.
[9] - c’est à ce Conseil qu’est décidée pour être
effective le 9 Juillet, la nomination de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi,
comme directeur du Plan, donc en charge de l’élaboration du prochain plan et
des débats à prévoir en Conseil national du Parti, dont il n’est pas adhérent…
il aura pourtant à proposer et des modalités de participation de la base à
l’élaboration du Plan »et des modalités de participation de la base à
l’élaboration du Plan »
[10] - Moktar Ould Daddah, op. cit. p. 364
[11] - Moktar Ould Daddah dans ses mémoires, l’explique
longuement, op. cit. pp. 365 à 371 « la régionalisation permettait la
mise en commun des moyens humains et matériels de la région sous la même
autorité, celle du gouverneur, ce qui en augmentait l’efficacité et la
rentabilité. D’où la possibilité, avec un budget régional bien géré et avec
l’aide de l’Etat, de réaliser un plan régional de développement plus ou moins
ambitieux. Il est vrai que certaines régions étaient pauvres et ne pouvaient
vivre qu’avec l’aide de l’Etat et grâce à la solidarité d’autres régions plus
riches. Du reste, cette notion de solidarité régionale concrète était une des
idées-forces de la régionalisation. Pour la concrétiser, les textes régissant
l’institution avaient prévu la création d’un fonds inter-régional de
solidarité, alimenté par un pourcentage du budget régional dont j’ai oublié le
montant. Ce pourcentage était considéré comme une dépense obligatoire, donc
prélevée, parmi les dépenses prioritaires, sur les recettes de la région. Le
même pour toutes les régions. Il était
payé surtout par les rares régions riches qui s’en acquittaient sans trop
d’empressement à vrai dire ! D’ailleurs, les organes des régions riches,
gouverneurs et conseillers régionaux, en réclamaient la suppression. Enfin, la
régionalisation devait permettre d’initier les citoyens à la gestion des
affaires régionales. En particulier, les conseillers régionaux qui, par
exemple, votaient le budget régional, devaient en contrôler l’exécution assurée
par le Gouverneur. Au niveau régional, c’était un bon apprentissage de la démocratie.
Les instances étatiques
de la région étaient au nombre de deux : le Gouverneur et ses deux
adjoints, et la Commission
régionale. Je ne cite pas ici la fédération du Parti dont j’ai déjà parlé.
Le Gouverneur était le
rouage central – donc essentiel – de cette nouvelle collectivité de l’Etat. Les
textes lui donnaient des pouvoirs étendus, nombreux et variés, ce que certains
compatriotes, aimant les comparaisons imagées, exprimaient en disant que le
Gouverneur était « un petit président de la petite
république-région ». Ses pouvoirs étaient donc sans commune mesure avec
ceux du Commandant de cercle. La loi sur la régionalisation, dans son article
2, dispose que le Gouverneur est dans la région représentant du pouvoir
exécutif et représentant de la région. Il administre les biens de la
région. Chef de l’administration régionale, le Gouverneur exerce les
attributions qui lui sont dévolues par le décret n° 68-345 du 24 Décembre 1968.
Ces attributions englobent un vaste domaine : exécution des lois, des
règlements et de toutes décisions ou instructions du gouvernement, mesures de
maintien de l’ordre, contrôle de diverses sortes, gestion des personnels,
coordination des activités administratives, économiques et sociales de tous les
services régionaux. Le Gouverneur est
assisté de deux adjoints : l’un d’eux est chargé, suivant le décret
précité, des questions d’ensemble de l’administration régionale, l’autre, plus
particulièrement, des questions d’ordre économique et social. A chacun d’eux,
le Gouverneur peut consentir des délégations de signature dont il fixe les
limites dans le cadre de leurs attributions respectives. Représentant du
pouvoir central, le Gouverneur est amené à prendre une série d’actes :
fournir des renseignements aux autorités supérieures, effectuer les enquêtes
demandées par le Président de la
République et les Ministres, procéder à la publication des
lois, décrets et règlements, exécuter des mesures de sûreté générale, exercer
les fonctions spéciales que lui attribuent les lois.
La deuxième institution
régionale était la
Commission régionale. C’était l’organe délibérant de la
région. Ses membres, les conseillers régionaux, étaient, pendant une période
transitoire, désignés par décret, sur proposition des fédérations du Parti. Il
était prévu que, par la suite, ils seraient élus par le suffrage universel, ce
qui ne put se faire avant Juillet 1978. Pourquoi ? Parce que, échaudés par
l’expérience décevante des communes rurales, dont les conseils furent
directement élus d’emblée, nous avions préféré
roder la nouvelle institution des Conseils régionaux, en désignant leurs
membres le temps d’une phase transitoire, avant de les faire élire au suffrage
universel. Mais, la sécheresse d’abord et la guerre de réunification nationale
ensuite, ne nous avaient pas permis d’organiser des élections régionales au
suffrage universel.
Les Commissions
régionales avaient, de par les textes les régissant, des pouvoirs réels et
importants dans la gestion des affaires régionales. En particulier, elles
votaient les budgets régionaux dont elles contrôlaient l’exécution par le
Gouverneur en sa qalité de représentant de la région. Aussi, après l’échec des
communes rurales qui provoqua leur suppression, après quatre années seulement
d’existence, échec dû à l’incapacité – du reste explicable, pour ne pas dire
justifiable – des présidents des Conseils ruraux (les Chefs de subdivision) qui
les avaient transformées en conseils de notables de l’époque coloniale, nous
avions fondé beaucoup d’espoir sur cette nouvelle expérience de démocratisation
de nos structures régionales. Il est vrai que, là aussi, certains gouverneurs
qui n’étaient pas encore parvenus à extirper « la mentalité de mon
commandant » [11], tentaient de freiner la
volonté de démocratisation véritable et authentique du Parti. Il n’empêche que
cette démocratisation aurait sûrement fait des progrès certains, si notre
contexte d’alors avait été autre. En effet, dans la plupart des régions,
quelques conseillers régionaux commençaient à émerger et à comprendre le rôle que
le Parti voulait les voir jouer pour concrétiser notre volonté de
démocratisation progressive et réelle de
nos institutions.
Dans sa
vie quotidienne, la région était, en principe, dirigée par un triumvirat :
le Gouverneur, le Secrétaire fédéral et le président de la Commission régionale.
Quand les trois s’entendaient – surtout les deux premiers – la région était
tranquille et les responsables pouvaient travailler normalement. Dans le cas
contraire, elle était agitée et rien de valable ne s’y faisait. Ce fut
d’ailleurs, pour lutter contre les méfaits du dualisme en cas de mésentente
entre le Gouverneur et le Secrétaire fédéral, pendant la période difficile que
traversait le pays, que le Congrès extraordinaire de Janvier 1978 décida une
réforme profonde : la suppression, qui, du reste, devait être provisoire –
du poste de Secrétaire fédéral au profit du Gouverneur. Ce dernier exerçait,
cumulativement désormais, ses attributions précédentes et celles du Secrétaire
fédéral. Changeant de titre, et s’appelant désormais Délégué régional, ce
dernier était secondé dans sa nouvelle tâche d’animation et de coordination des
activités du Parti par un adjoint spécialement désigné à cet effet. »
[12] - le 29 Juillet, en réunion du Bureau
Politique National, le secrétaire général, Moktar Ould Daddah « décrit
l’atmosphère politique de ces dernières semaines que des pêcheurs en eau
trouble et de santé-porté se sont efforcés d’infecter au moyen de tracts
mensongers et d’akhbar amplifiés et intentionnellement déformés » et une réunion
commune des membres du Gouvernement et du B.P.N. envisage les « moyens d’instaurer et de renforcer l’esprit
d’équipe, condition première du succès », décide une « lutte
devenue de plus en plus nécessaire contre le parasitisme »
[13] - le 15 Juillet, circulaire du Secrétaire général du Parti :
« L’option pour un parti de masses implique sous peine d’aller droit à la
dégénérescence et à l’inertie que les organismes de base de notre Parti
fonctionnent régulièrement et non de façon spasmodique »
[14] - réuni du 5 au 8 Juillet, le 8ème
congrès des enseignants arabes laisse présager une crise générale de la
centrale syndicale, alors même qu’une modification du le Code du Travail
justement en cours va renforcer son rôle dans la conciliation préalable pour le
règlement des différends
[15] - il donne aussi, le 17, en tant que secrétaire général, une
explication de ces démissions et arrestations de membres du gouvernement par
une circulaire aux instances du Parti
[16] - le 12 Juillet, est créé le secrétariat
général de la Présidence
de la République,
confié à Ahmed Killy, et le 15 Juillet, le commandant M’Bareck Ould Bouna
Moktar, qui avait « mauritanisé » le poste de chef d’état-major
national est nommé inspecteur général de l’armée nationale, pour être remplacé
à son poste par le capitaine Moustapha Ould Mohamed Saleck
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