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12 Mars 1976 & 16 Mars 1981
Création de la wilaya de
Tiris el Gharbia
&
Tentative de coup contre le
régime militaire
Le 12
Mars 1976, Moktar Ould Daddah signe le décret créant la wilaya de Tiris el
Gharbia, chef lieu Dakhla (ex-Villa Cisneros). Cette 13ème région
comprend quatre départements : Dakhla, El Argoud, Aousred et Tichlé. Le
département de la Guerra
et l’oasis de Bir Gandouz sont rattachés à la 8ème région (Nouadhibou). La frontière nouvelle –
avec le Maroc, ce qu’auparavant la Mauritanie n’avait jamais eue – est convenue dans
son détail le 14 Avril à Rabat entre le roi Hassan II et le président de la République, une
commission mixte est instituée pour le bornage. La mise en valeur ensemble des
territoires sahariens fait l’objet entre les deux Etats d’un accord de
coopération économique : la
Mauritanie participera désormais à la Société des phosphates de
Bu Craa [1] ;
c’est en commun que les richesses ichtyologiques seront exploitées et les
droits de pêche accordés.
Sur les 76.000 habitants environ que
comptait en 1974 le territoire administré par l’Espagne (266.000 kilomètres
carrés), la Mauritanie
en accueille 13.638. La nouvelle région, s’étend sur plus de 90.000 kilomètres
carrés entre la baie du Lévrier et le 24ème parallèle. Une zone plate parsemée
de dunes prolongeant le Tiris Zemmour, une zone montagneuse ou Adrar Soutoff,
une dépression côtière : l’Aguerguer, et pas de fleuve, mais une nappe
artésienne maritime alimentant Dakhla et Argoub.
Pendant plus de trois ans, la Tiris el Gharbia vivra la
vie nationale comme toute autre région de la République Islamique
de Mauritanie, et sera organisée à l’identique, administrativement et
politiquement [2]. De
retour d’une longue enquête sur place, Ahmed Ould Mohamed Salah, ministre
d’Etat à la souveraineté interne, propose – le 31 Mai – de « doter la
wilaya des mêmes structures organisationnelles et administratives qui se
trouvent dans les autres régions du pays », ce qu’entérine le Bureau
politique national du Parti unique de l’Etat. Elle bénéficiera aussi d’un
traitement de faveur : ravitaillements exceptionnels dès le 30 Mars, sept
sièges à l’Assemblée nationale, ce qui est beaucoup plus que proportionnel à sa
population [3] ;
ces députés seront élus le même jour que la rééection présidentielle de Moktar
Ould Daddah, le 8 Août 1976. Ahmed Ould Mohamed Salah déclare à cette occasion
que « la population de
cette région sait ce qu’elle veut et elle l’ai dit depuis qu’elle a eu la
liberté de le faire. Que l’on cesse donc de nous parler d’autodétermination.
Leur participation au scrutin constitue la preuve la plus éloquente que ces
populations se sont bien autodéterminées. »
Le contexte de cette unification est
pourtant difficile, pas tant dans le territoire-même – depuis le 22 Février, la Mauritanie contrôle
entièrement la partie du Sahara qui lui est revenue selon les accords de
Madrid, mais à la suite de durs combats, devant La Guerra, notamment – que sur
la scène internationale et à raison d’opérations militaires visant l’ensemble
de la Mauritanie
et d’abord sa capitale.
Le pays parvient cependant à tenir ces
deux fronts.
A Addis-Abeba – le 29 Février –, le
conseil des ministres de l’Organisation de l’unité africaine, rejette la thèse
algérienne sur le Sahara occidental, que vient de quitter le délégué espagnol à
l’administration tripartite mise en place par les accords de Madrid. 23 Etats
sur 47 s’affirment contre la reconnaissance de la « République arabe
sahraouie démocratique » ou demandent au moins des éclaircissements. Réuni à Lourenço Marques, le comité de
libération de l’O.U.A. avait en effet recommandé, le 23 Janvier, à une majorité
de 18 de ses membres, au prochain conseil de l’Organisation, la reconnaissance
du Front Polisario ; le
ministre des Affaires étrangères, Hamdi Ould Mouknass, avait stigmatisé des
« mobiles inavouables ». Cette recommandation est réputée nulle et
sans effet. Le 7 Mars, le Maroc et la Mauritanie rompent ensemble leurs relations
diplomatiques avec l’Algérie qui, au contraire, vient de reconnaître la R.A.S.D.
L’attaque directe de Nouakchott par le
Polisario, les 8-9 Juin, est repoussée et Sayed Ould Ouali ainsi que son
adjoint, sont tués, mais elle a pour effet de ruiner l’accord qui commençait de
se faire, au début de Mai, entre l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc,
sous l’égide du président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny : réunir un
comité de sages (cinq ou six Chefs d’Etat) agréé par les trois pays concernés. La Tunisie tente alors de relayer
la proposition : un comité des
sages arabes que refuse l’Algérie préférant maintenir le dossier à l’O.U.A.
plutôt que devant Ligue arabe dont aucun membre – à l’époque –n’a encore
reconnu le Polisario.
Le 16
Mars 1981, arrivent du Sénégal, à Nouakchott, en land-rovers, les lieutenants-colonels Mohamed Ould Ba Abdelkader et
Ahmed Salem Ould Sidi. Tous deux sont d’anciens membres du Comité militaire de
salut national, mais ils n’ont pas participé au coup du 10 Juillet 1978.
Le premier, qui avait commandé l’aviation
pendant la guerre [4], s’était
exilé et, avant de se fixer au Maroc, avait rencontré en France le président
Moktar Ould Daddah, lui aussi en exil. Le second, signataire de l’accord d’Alger
rétrocédant la Tiris
el Gharbia au Polisario, avait ensuite manifesté son désaccord avec la
politique, trop favorable à celui-ci, qu’incarnait désormais son collègue
Mohamed Khouna Ould Haïdalla. Il avait passé le fleuve Sénégal à la
nage pour lui échapper.
Ould Sidi investit au petit matin, la
radio dans le but d’annoncer la constitution d’un Comité provisoire de salut
public et d’appeler le Maroc à fournir une aide aérienne. De son côté,
Abdelkader se rend à la présidence de la République où doit l’attendre, pour le moins en
homme averti sinon en complice… le chef d’état-major Maaouya Ould Sid Ahmed
Taya. En principe, le Comité militaire – au complet – y tient sa réunion sous
la présidence d’Haïdalla. De neuf à dix heures, violents combats à l’état-major,
puis à la radio, enfin à la présidence de la République et au siège
du gouvernement. Scenario convenu ? Maaouyia est pris en otage. Mais son
adjoint, le commandant Djibril Ould Abdallah (alias Gabriel Cymper) organise la
reprise en main. Huit morts. Le colonel Abdelkader tente de se suicider et sa
mort est d’abord annoncée. Haïdalla (prévenu par Maaouyia ?) s’était
inopinément rendu à Atar ce matin-là.
Attribuant, aussitôt, la tentative au
Maroc, le Premier ministre Sid’Ahmed Ould Bneijara annonce l’échec de la
tentative de putsch à 16 heures et prescrit le couvre-feu pour 18 heures. Suspension
des relations avec le Maroc et fermeture des aéroports de Nouakchott et de Nouadhibou
au trafic international sauf pour des arrivées de matériel de guerre (armement
anti-aérien avec leurs techniciens) et de personnels « civils » de
sécurité fournis par l’Algérie qui organise avec ses Antonov un pont aérien. Alger avertit même Rabat qu’on
« s’opposera fermement (à sa) politique d’escalade qui tend à aggraver la
tension, à étendre l’aire de belligérance et à porter atteinte à la stabilité
et à l’indépendance de la
Mauritanie ». Abdou Diouf dément par téléphone à
Haïdalla et Bneijara toute implication du Sénégal. Le Maroc est donc
visé ; Mohamed Lamine, Premier ministre sahraoui affirme que «
les dirigeants marocains intensifient ainsi leur action de division et
d’agression contre le peuple mauritanien frère dans le cadre d’un plan élaboré
récemment dans certaines capitales étrangères ». Dans la soirée, le Maroc
exprime sa « profonde indignation » et « rejette sur le gouvernement
mauritanien l’entière responsabilité de toute détérioration qui pourra survenir
dans les relations du Maroc avec le peuple frère de Mauritanie ».
La tentative avortée met donc à nu les
contradictions des relations extérieures mauritaniennes depuis qu’a été
renversé par la force Moktar Ould Daddah. Elle coincide en effet avec une série
de coups de main du Polisario dans l’ancienne possession espagnole, à partir du
territoire mauritanien – selon Rabat. Les Marocains l’assurent : « nous ne sommes nullement impliqués dans
cette tentative de putsch. Nous avons constaté ces derniers temps une descalade
verbale de la part de la
Mauritanie. Cela a été encore le cas vendredi dernier avec la
mise en garde lancée par le premier ministre de Mauritanie contre le Maroc. M.
Boucetta, notre ministre des Affaires étrangères y a répondu samedi dans une
déclaration à Radio-Méditerranée Internationale. Nous sommes toujours en faveur
d’une coopération franche et sincère avec la Mauritanie. Nous
aurions pu l’attaquer quand nous avions douze mille soldats là-bas. Nous ne
voulons pas nous immiscer dans sa politique intérieure. En fait, les
Mauritaniens ont des différends internes et ils cherchent à les masquer en
trouvant un bouc émissaire et en désignant le Maroc ». Le Premier ministre marocain
Maati Bouabid précise même que l’asile politique, accordé au colonel Abdelkader
« dans le cadre des principes internationaux et en particulier avec son
engagement de ne s’adonner à aucune activité politique hostile au gouvernement
de son pays » a fait rejeter toutes les demandes d’extradition parce que « l’intéressé
n’avait en aucune manière enfreint son engagement » Rien n’y fait. Le
lendemain, le Comité militaire décide la rupture des relations diplomatiques
avec le Maroc « après
un examen aprofondi de la situation créée par la tentative du Maroc de
renverser le régime par une bande de traitres à sa solde qu’il a organisée,
entrainée et armée à cette fin »
et « engage le gouvernement
à poursuivre son action auprès des instances africaines, arabes et
internationales afin qu’elles condamnent avec la dernière énergie cette
agression caractérisée perpétrée par le royaume marocain contre notre pays ». « Selon le principe de réciprocité »,
le Maroc rompt alors les relations diplomatiques avec la Mauritanie tout en
affirmant aussi que « la
France n’est impliquée ni de près ni de loin dans la crise
maroco-mauritanienne ». Valéry Giscard d’Estaing est en effet soupçonné
d’avoir donné le « feu vert » au roi Hassan II et, à Paris, le
quotidien communiste L’Humanité soutient
que deux chasseurs français ont été vus dans le ciel mauritanien et que l’un
d’eux a été forcé d’atterrir…Le Sénégal, prudent, expulse sept dirigeants de l’Alliance
pour une Mauritanie démocratique [5]
installés à Dakar, dont Mohamed Ould Jiddou, son président nominal, Abdallahi
Ould Sidya ancien ministre et ancien ambassadeur à Moscou et Abderrahmane Ould
Moine, ancien ambassadeur au Koweit. Le président algérien, Chadli Benjedid,
dépêche à Nouakchott Taleb Ibrahimi, ministre-conseiller à la présidence et le
lieutenant-colonel Mohamed Larbi Belkhir, et du 17 au 23 Mars, on compte douze atterrissages
d’Antonov à Nouakchott et à
Nouadhibou, dont 250 tonnes de munitions pour le seul 23 Mars... C’est un
renversement complet des alliances, et la guerre continue, mais contre un autre
adversaire qu’entre 1976 et 1978 : une attaque marocaine est désormais la
hantise du colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla. Le droit de suite serait
exercé en Mauritanie, contre le Polisario, que les forces armées nationales ne
pourraient (ou ne voudraient) empêcher de transiter dans l’extrême nord.
Suspicion et répression se développent
aussi à l’intérieur. L’émir du Trarza Habib Ould Sidi, oncle d’Ahmed Salem Ould
Sidi, est arrêté. Nord contre sud. Rumeurs de trente arrestations dans le corps
des officiers et d’une répression sur un millier de personnes. Le directeur de
la sûreté Ahmedou Ould Moichine – qui avait été à ce poste au temps des
« événements » de Janvier-Février 1966 – est remplacé par un
militaire, le capitaine Mohamed Lamine Ould N’Diayane. Résidant à Dakar, Ismaël
Ould Amar – un [6] des
civils qui, avec Bneijara, avaient inspiré le coup de 1978, pour se retourner
ensuite – analyse : « la tentative de coup d’Etat du 16 mars démontre avec éclat à
quelles extrêmités le désespoir peut conduire des soldats perdus. Au-del de son
actualité, il ne faut pas oublier que l’événement prend sa source dans les
luttes qui se trament depuis plus de deux ans entre factions militaires rivales
et qui se sont traduites par des éliminations successives. Ceux qui de
l’intérieur ou de l’extérieur aident l’armée à poursuivre ce jeu trahissent
l’intérêt de la
Mauritanie. Plus que jamais, l’armée doit comprendre
l’urgence pour elle d’organiser sa sortie du bourbier politique intérieur où
elle s’est laissée entraîner plus longtemps qu’il ne fallait ». L’Alliance pour une Mauritanie
démocratique renchérit : la tentative est le « fait uniquement des seules forces patriotiques
mauritaniennes, sans aucune aide ou soutien de quelque pays que ce
soit … le régime Haïdalla-Boukhreiss-Bneijara ne doit sa survie
qu’aux armes du Polisario et de ses maîtres libyens ».
L’épilogue est sanglant. Siégeant
secrètement et à huis clos, du 21 au 24 Mars mais en présence d’une dizaine
d’avocats (Agence France-Presse du 24), une Cour militaire spéciale – réunie à Jreida
– condamne à mort les lieutenants-colonels Mohamed Ould Ba Abdelkader et Ahmed
Salem Ould Sidi, et les lieutenants Moustapha Niang et Mohamed Doudou Seck. Cinq
sous-officiers sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Et tandis que
vient à Nouakchott « pour quelques jours », le ministre sahraoui des
Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Saleck, et que commence une opération
sahraouie de très grande envergure, depuis le territoire mauritanien, contre
Guelta Zemmour (90 kilomètres
à l’ouest de Bir Moghrein) [7], que la rumeur court que des unités du
Polisario sont stationnées à Toueila (banlieue de Nouakchott) et dans le nord à
Cheggat (60 kms de la frontière algérienne), Bir Moghrein, Dhar, Tijirit, que
la sécurité algérienne a une base à Toujounine, les condamnés sont exécutés à
l’aube. Un akhbar – encore – fait
croire à un simulacre. L’annonce n’est donnée qu’une seule fois, en version
arabe à la radio. Plusieurs membres du Comité militaire ont en vain demandé la
grâce et Sadam Hussein a envoyé Tarek Aziz s’y associer ; celui-ci
atterrit trois heures après l’exécution.
Haute trahison ? mais de qui ou de
quoi ? quand pour beaucoup le pouvoir en place semble s’assimiler au Polisario ?
Tentative de rétablir la légitimité ? Certitude : l’abandon de la Tiris el Gharbia n’a pas
fait sortir la Mauritanie
de la guerre du Sahara. Et l’ambiance, à Nouakchott, est – au printemps de 1981
– moins que jamais à rétablir la démocratie.
[1] - une considérable réserve de phosphates
à haute teneur (1,7 milliards de tonnes) a été découverte en 1965. Exploitée
par l’Empresa nacional minera del Sahara ENMINSA, elle st située dans la partie
marocaine
[2] - Moktar Ould Daddah détaille cette
organisation dans ses mémoires : La
Mauritanie
contre vents et marées (Karthala
. Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français)
pp. 660 & 661 :
Les
tâches prioritaires du nouveau Gouverneur et de ses collaborateurs sont, d’une
part, de remettre en marche les différents secteurs de l’administration
régionale tous désorganisés par une
période d’anarchie consécutive à l’inaction de l’administration
espagnole depuis plusieurs mois et aussi, aux activités destructrices du
“Polisario”. D’autre part, le gouverneur et ses collaborateurs, munis de
pouvoirs étendus et de moyens financiers importants par rapport aux nôtres,
doivent, en même temps et dans les meilleures conditions, préparer
l’intégration politique, économique, culturelle et administrative de la région.
Pour ce faire et pour éviter le développement de “l’esprit provincialiste” dû
aux différences de méthodes d’administration jusqu’alors utilisées dans les
deux parties de notre pays, nous avons modifié les limites frontalières entre
la 8ème et la nouvelle 13ème
régions. En incluant dans chacune des deux régions la partie de l’autre qui lui
est géographiquement proche, le lieu de référence étant la capitale régionale :
Nouadhibou et Dakhla. Ainsi, le département de La Guerra, si proche de
Nouadhibou, est rattaché à la 8ème région. Dans le même esprit,
l’arrondissement d’Inal et de Tmeimichatt qui faisaient partie de la 8ème
région sont rattachés à la 13ème. Quant à cette dernière, elle est
divisée en quatre départements : ceux de Dakhla, d’El Argoud, d’Aousred et de
Tichlé. Tous ces départements sont peu peuplés, mais nous avons préféré les
créer pour mettre l’administration à la portée des administrés et pour
faciliter l’encadrement en vue de l’intégration de nos compatriotes, grâce à
l’action du Parti dont - je le rappelle - chaque section correspond à un
département.
Dans
cette nouvelle région, le gouverneur et les préfets proviennent de
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