vendredi 20 juin 2014

chronique d'Ould Kaïge - déjà publié par Le Calame - 26 Février 2008



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25 Février 1958   &   28 Février 1991

Mohamed V revendique la Mauritanie
&
Le tri sinistre des « négro-africains félons »



A M’Hamid du Draa, le 25 Février 1958, Mohamed V présente la revendication officielle du Maroc sur la Mauritanie. Lieu et contexte sont précis. Le Draa était la limite septentrionale des possessions espagnoles au Sahara occidental. Ce jour-là, se termine par un complet succès sur le terrain l’opération « Ouragan », combinée par la France (« Ecouvillon ») et l’Espagne (« Teide »).  Elle visait à « nettoyer » les confins méridionaux du Maroc. Déclenchée le 10 Février, elle avait abouti dans la journée à la prise de Samra sur des « éléments incontrôlés », et en une dizaine de jours à la mise au net de la Seguiet-el-Hamra, puis de la Tekna. L’ambassade de France à Rabat avait démenti le 20, toute intervention aérienne française « dans la région d’Ifni ni au Maroc méridional », mais le Rio de Oro était à son tour « nettoyé ». Le lendemain, le roi du Maroc avait entrepris un voyage dans le sud.

Depuis deux ans, les projets français d’une Haute-Mauritanie comprenant l’Adrar,  la Baie du Lévrier et surtout la commune de Tindouf pour une « Organisation commune des régions sahariennes » (cf. Le Calame 12 Décembre 2007 . chronique anniversaire du 14 Décembre 1956), ne provoquaient pas seulement en Mauritanie de vives réactions d’hostiluté, mais au Maroc plus encore : le journal de l’Istiqlal avait publié [1] des pétitions de Regueibats et d’habitants de Tindouf s’opposant à toute “sécession”. A peine l’indépendance acquise le 2 Mars 1956 et proclamée par Sidi Mohamed ben Youssef le 7, Al Alam avait réitéré en publiant [2] une étude de Brahim el Ilghi, directeur de l’Institut islamique de Tetouan sur le “Sahara : terre marocaine”. C’est la thèse d’Allal el Fassi, frappé en 1937 lors de son survol du Sahara occidental en direction de son exil gabonais, par la confirmation géographique de ce qu’il estime être les “droits historiques” du Maroc [3]. Le propos n’avait pas été repris d’emblée par le peuple et les gouvernants marocains, mais la manière dont l’exprime le chef du parti nationaliste le 27 Mars 1956 – au Congrès de la jeunesse de son parti – même si aucune résolution ne fait état des “droits politiques du Maroc sur le Sahara occidental”, répond à l’appel à l’unité lancé par le Sultan, lors de la proclamation de l’indépendance : le “Khalifa” ou zone du nord de l’Empire chérifien demeure sous le protectorat espagnol et Tanger sous statut international.

L’Espagne, aussi laborieusement que la France, consent à renoncer à son emprise mais morceau par morceau : le 9 Avril 1956, elle se dégage de toute responsabilité administrative dans la zone nord du “Khalifa”. C’est ce jour, – qui est aussi le 4ème anniversaire du  “pacte de Tanger” [4] – que choisit Si Allal pour déclarer au journal Le Monde dont il sait qu’il sera lu : “la négociation avec la France a pour but la réorganisation des rapports franco-marocains. Cela nécessite, évidemment, la solution de quelques problèmes en suspens, parmi lesquels celui des frontières. L’histoire du XX° siècle montre comment la France s’est emparée de diverses parties de l’extrême sud marocain et dans quelles circonstances elle les avait annexées. L’étonnement de certains ne change rien à la réalité nationale, historique, géographique et raciale. La Mauritanie a toujours fait partie du Maroc auquel elle a même donné son nom. Si l’on doute de cela, on pourra organiser une consultation des maures eux-mêmes”. Il était moins précis et moins gourmand le 27 Mars précédent, puisqu’il ne parlait que de Sahara occidental : “Tant que Tanger ne sera pas dégagé de son statut international, tant que les déserts espagnols du sud, tant que le Sahara de Tindouf à Atar, tant que les confins algéro-marocains ne seront pas dégagés de leur tutelle, notre indépendance demeurera boiteuse et notre premier devoir sera de poursuivre l’action pour libérer la patrie et l’unifier ...” Il le sera beaucoup plus à Tanger le 19 juin 1956 : “Les Marocains continueront la lutte jusqu’à ce que Tanger, le Sahara de Tindouf à Colomb-Béchar, le Touat, Kenadza, La Mauritanie soient libérés et unifiés ! Notre indépendance ne sera complète qu’avec le Sahara ! Les frontières du Maroc se terminent au sud de Saint-Louis du Sénégal !” Et pour mettre les choses au plus net, Al Alam publie le 7 Juillet la carte du “Grand Maroc” assortie de “Commentaires sur l’importance économique du Sahara”.

Assuré de la légitimité de sa politique depuis qu’ont été adoptées à de très fortes majorités – comprenant les élus africains – la loi sur les pouvoirs spéciaux en Algérie le 12 Mars, puis en deux lectures achevées les 22 Mars et 19 Juin la Loi-cadre prévoyant la réorganisation de l’Afrique subsaharienne française, le gouvernement que préside Guy Mollet riposte. Le 16 Juin, Christian Pineau ministre des Affaires étrangères déclare au Parlement que “la France ne cédera rien de ses droits sur le Sahara ni sur la Mauritanie”. Le 27 Juillet, Gaston Defferre, ministre de la France d’Outre-mer, venu pour ce faire à Atar, proclame que “la France est décidée à défendre la Mauritanie et à empêcher toute action politique ou militaire contre ses populations ou son territoire”. A quoi répond le Maroc : le 2 août, l’antenne de Radio-Rabat est pour la première fois donnée à Horma ould Babana (cf. Le Calame 12 Février 2008 . chronique anniversaire du 16 Février 1948). L’ancien député de la Mauritanie à l’Assemblée nationale française déclare à nouveau aux Marocains : “Vous ne serez pas indépendants tant que vous n’aurez pas rétabli vos frontières naturelles et historiques et fait valoir votre souveraineté sur Tindouf et la Mauritanie”, – la diplomatie marocaine pose à la France la question des frontières et en fait le préalable à tout accord au sujet d’une “organisation commune des régions sahariennes”. Le 28 Août, Rabat formule “les plus expresses réserves” sur le projet français d’une « Organisation commune des régions sahariennes ». Entre-temps, le congrès de l’Istiqlal puis celui du Parti démocratique de l’indépendance ont approuvé les thèses d’Allal el Fassi et le 17 Août, et le président du conseil marocain Si Bekkai a déclaré – ce qui n’est restrictif qu’au plan grammatical – que le Maroc s’en tiendra à ses frontières naturelles et historiques. Ce disant, il fait écho à son souverain qui, recevant au mois de Juin, une délégation des Ait Ba Amrane de la région d’Ifni, leur a donné à entendre que “tous les territoires historiquement marocains doivent revenir au Maroc unifié, car leurs habitants sont unis par la religion, la langue et l’histoire”.

Du côté français, les choses sont moins claires. Conquis pour l’essentiel à partir de l’Algérie, le Sahara avait été rattaché au Gouvernement général de cette possession dont il constituait les Territoires du Sud. On sait déjà que les découvertes minières puis pétrolières avaient fait prendre conscience soudain des possibilités économiques du désert, mais qu’en s’engagent les négociations franco-marocaines devant conduire au recouvrement de sa souveraineté internationale par l’empire chérifien, le problème du Sahara n’est pas seulement industriel : il est également stratégique, non seulement parce qu’il s’agit de défendre un ensemble dont le nord ne jouit plus d’une complète garantie française, mais parce que l’organisation de ces régions s’était faite à partir de 1900 dans un ensemble français dont avait naturellement fait partie le Maroc. La convention franco-britannique du 5 Août 1890 laissait à la France toute latitude d’organisation du sud de ses possessions d’Afrique méditerranéenne. Sitôt occupés In Salah, principale oasis du Tidikelt, puis le Touat et la Saoura, fut créé un commandement de confins algéro-marocains dont est responsable à partir de Septembre 1903, à Colomb-Béchar – chef-lieu du territoire d’Ain-Sefra – le futur résident général au Maroc : Lyautey. Déjà s’imbriquent les intérêts français au Maroc, la défense des territoires algériens, le tout non loin de la Mauritanie. La succession de Lyautey dans les confins est donnée à Laperrine. L’organisation n’atteint cependant son but de contrôle et de pacification qu’à l’époque où – le Maroc et la Mauritanie étant sous responsabilité française depuis déjà plus de vingt ans – est enfin occupé Tindouf par le général Giraud le 31 Mars 1934.

Pris en fonction de cette occupation, le décret du 5 Août 1933  institue un “commandement militaire des confins algéro-marocains dans l’ensemble duquel le commissaire de résident général de la République française au Maroc est chargé d’assurer la sécurité et de maintenir l’ordre”. Ce commandement comprend au Maroc les circonscriptions du Noun, du Bani et du Ktaoua-Mhammid, en Algérie les annexes de la Saoura et du Touat, cette dernière en partie seulement. L’article 4 du décret dispose que “provisoirement, le gouverneur général de l’Afrique occidentale française met à la disposition du commandant militaire des confins algéro- marocains tout le territoire de cette colonie s’étendant au nord d’une ligne qui suivra d’une façon générale le 25° parallèle de latitude nord”  ce que précise l’instruction ministérielle du 10 Avril 1934 [5]. Une partie des territoires algérien, marocain et mauritanien sont donc rattachés à Rabat pour les questions militaires, les seules à se poser à l’époque, tout en restant politique rattachés à leurs chefs-lieux respectifs, à l’exception de ce qui est mauritanien “mis à la disposition” du commandement des confins, sans aucune autre précision. Ce chevauchement de compétences matérielles et territoriales engendre des difficultés de plus en plus nombreuses à mesure que les territoires concernés prennent davantage de personnalité, témoin en étant la réticence explicite, en Novembre 1950 [6] qu’opposent aux projets de démonstration du général Miquel dans la région d’Atar et de Fort-Etienne le gouverneur général de l’A.O.F. et le gouverneur de la Mauritanie. L’évolution divergente de l’Afrique occidentale, du Maroc et de l’Algérie met donc fin au commandement des confins supprimé par un décret – non publié pour des raisons d’opportunité politique – intervenant le 18 Février 1956, soit pendant le début des négociations franco-marocaines qui ont, entre autres conséquences, celle de priver les confins de leur direction militaire à partir du Maroc.

La suppression de “cette organisation territoriale” dont il était entendu – suivant l’article 4 de l’instruction du 10 Avril 1934 – qu’elle ne modifiait pas les limites convenues à Niamey, le 20 Juin 1909, entre l’A.O.F. et l’Algérie et qu’elle ne préjugeait” en aucune façon de la frontière algéro-marocaine dont la détermination demeure entièrement réservée”, pose en termes crûs et immédiats la question du statut et des limites des espaces précédemment constitutifs des confins d’autant qu’y gisent le fer de Gara Djebilet et le charbon de Kenadza. Du fait de cette suppression, se pose aussi la question de Tindouf conquise sur le tard, attribuée administrativement à l’Algérie mais dépendant – dans la pratique décidée par le décret du 5 Août 1933, modifié par celui du 4 Juin  1949 – de Rabat, puis d’Agadir, donc du Maroc ...

Pour ce qui concerne la frange nord de son territoire, la Mauritanie se trouve dans une situation pratique analogue à celle de Tindouf à telle enseigne qu’au printemps de 1956 les installations militaires de Fort-Trinquet et d’Ain Ben Tili sont propriétés du génie français du Maroc et que cette dernière base est occupée par un détachement de Goulimine. Une situation claire au départ – puisqu’il est marqué en 1933 que la limite entre Algérie et A.O.F. reste celle convenue en 1909 et que celle du Maroc et l’Algérie reste de toute manière à définir – a donc été embrouillée par le regroupement d’espaces militaires, aux conditions géographiques et humaines localement semblables mais constituant l’hinterland d’entités bien différentes. Allal el Fassi a donc beaucoup d’apparences pour lui quand il entreprend de revendiquer Tindouf – où d’ailleurs dès le 13 Février 1956, les équipes de l’Istiqlal sont parvenues à faire flotter quelques minutes le pavillon chérifien – d’autant qu’une partie des effectifs occupant les confins sous pavillon français, sont d’origine marocaine. On mesure a postériorité ce qu’eût été le problème mauritanien si le Territoire adhérant, volontairement cette fois, à une seconde organisation du Sahara, avait de ce fait donné semblable illusion  de matière à une revendication algérienne d’un cheminement identique à celui suivi par l’Istiqlal...

Tandis que Max Lejeune, secrétaire d’État à l’Air, se rend en juillet à Tindouf et que, malgré des démentis de presse, des renforts aériens y sont installés, – la Mauritanie est à son tour “réarmée”. Au printemps de 1956, “sauf Néma, Atar, Akjoujt, Port-Etienne et Rosso, il n’y a nulle part de garnison de troupes régulières permettant d’assurer en toute hypothèse la constitution d’une force suffisante pour répondre, dans la localité seulement, du maintien et a fortiori du rétablissement de l’ordre en cas de troubles”; au contraire, dans les mois qui suivent, Ain Ben Tili est “mauritanisé” et Kiffa, sans garnison depuis la guerre, en reçoit à nouveau une. C’est alors que le hasard fait prendre à tous conscience de la proximité de la menace. Au début de 1957, il apparaît que si les Espagnols réoccupent des positions qu’ils avaient abandonnées au Rio de Oro et dans la Seguiet el Hamra, ils tendent à passer la main à leurs anciens administrés dans le Maroc méridional, et parfois même dans la région de Smara ; ainsi disparaît un faible écran entre l’Armé de libération marocaine et Fort-Trinquet. D’autre part, c’est le moment où le gouverneur du Tafilalet ayant marqué son hostilité au parti dirigeant qu’est devenu l’Istiqlal depuis l’automne, tente de se rebeller puis se soumet. C’est dans cette situation confuse que – malgré l’existence d’une zone interdite de 100 km d’épaisseur au long de la frontière du Rio de Oro – des éléments de l’Armée de Libération attaquent le 12 Janvier 1957 un détachement au puits de Chaimam entre Choum et Atar : deux soldats d’escorte sont tués. Le 24 Janvier la bande – identifiée comme tentant un rezzou sur Atar – est repérée dans la région de Char soit plus au nord. Le 14 Février, c’est l’accrochage en bonne et due forme, à Agui, au nord de Fort-Trinquet ; il coûte cher aux forces françaises qui perdent trois officiers, trois goumiers, quatorze tirailleurs et comptent 21 blessés. Les pertes adverses sont difficiles à estimer, mais une base de ravitaillement a été détruite [7]. En tout cas, l’alerte est bien donnée qui provoque une conférence militaire à Tindouf au plus haut niveau puisque y participent les commandants supérieurs au Maroc, en A.O.F., ainsi que les responsables des forces aériennes en Algérie. La vulnérabilité du Territoire est démontrée en même temps que la quasi-impunité de l’A.L. qui ne manque pas de se réfugier – à chaque poursuite française – en territoire espagnol où la présence militaire de Madrid se limite à la côte.

S’amorce alors une révision des jugements. On décide d’ajouter foi aux protestations chérifiennes suivant lesquelles Rabat “ne saurait être tenu pour responsable de l’action menée dans les confins du sud par des bandes incontrôlées” [8], tout en se préparant à détruire les dites bandes puisque aucune répercussion diplomatique ne semble à redouter. Tandis que se renforce le dispositif militaire en Adrar, il s’agit de relancer la coopération franco-marocaine et d’obtenir la signature des accords qui l’organisent et de nouer une entente militaire avec l’Espagne pour couper l’A.L. de ses recours habituels. L’une et l’autre de ces actions diplomatiques aboutissent en quelques mois.

Rencontrant Ahmed Balafrej à Accra où se célèbre l’indépendance du premier Dominion noir, François Mitterrand, alors garde des Sceaux, l’invite à faire escale à Dakar et à y comparer les solutions françaises à ce qui apparaît comme une réussite anglaise. Le chef de la diplomatie chérifienne est dans la capitale de l’A.O.F. les 7 et 8 Mars 1957 ; il s’y entretient avec le Haut Commissaire Cusin et confirme que Rabat n’est en rien solidaire des “bandes incontrôlées” qui opèrent dans les marches mauritaniennes. Echange de bonnes manières : la proposition rituelle faite une fois de plus à Rabat le 27 Février de coopérer avec l’O.C.R.S. est, cette fois, assortie par Paris d’une satisfaction à la demande marocaine encore formulée le 4 Mars et touchant les frontières : la délégation française à la commission mixte devant décider des tracés exacts est composée le 10 Avril. La coopération avec l’ancien protectorat a donc repris au printemps de 1957, quand l’Afrique sub-saharienne française s’apprête à élire ses conseillers territoriaux et donc ses premiers conseils de Gouvernement : une convention de coopération administrative et technique a été signée le 6 Février et le 24, le général Cogny a déclaré en conclusion de la conférence de Tindouf : “l’attaque de postes français de Mauritanie par des bandes de l’Armée de Libération ne modifie pas la volonté de l’armée française de coopérer au Maroc nouveau. Un modus vivendi sera très prochainement trouvé pour apporter dans le sud du Maroc la même détente qu’il a été possible d’apporter dans le Maroc oriental grâce à la compréhension et à la bonne volonté du Gouvernement marocain”.

Dans le même temps, l’indispensable concours espagnol est enfin obtenu. L’attitude espagnole change en 1957 pour d’évidentes raisons. Une négociation s’est nouée avec Madrid concernant le passage de la voie ferrée d’évacuation des mines de Fort-Gouraud par le Rio de Oro ; dès Novembre 1956, il est question que l’Espagne achète 600.000 tonnes de minerai par an. Mais surtout les attentats des 16 et 17 Juin 1957 à Ifni montrent que la volonté d’unification du Maroc, immensément gonflée par les prétentions d’Allal el Fassi, vise autant les possessions espagnoles que françaises. Dès le lendemain de la conférence de Tindouf, les autorités militaires du Rio acceptent le droit de suite. Les décisions politiques sont alors envisagées ; du côté français elles sont prises le 13 Mai 1957 en même temps que sont arrêtées les limites de que l’on peut accorder aux Espagnols en échange de leur coopération au Sahara occidental : il est notamment exclu, définitivement cette fois, que la voie de MIFERMA aboutisse à Villa Cisneros. On a d’ailleurs des raisons techniques à faire valoir... Du côté espagnol, le choix est arrêté de la même manière : on ne facilitera pas les choses à MIFERMA mais on profitera des offres françaises pour assainir la situation au Sahara occidental et ainsi disposer de bases militaires et psychologiques qui permettront une rétrocession d’Ifni en échange de la présence espagnole au Rio et, cela sera désormais possible, dans la Seguiet el Hamra. Le 12 Juillet 1957, le nouveau commandant en chef au Sahara espagnol reçoit son homologue dakarois à Villa Cisneros ; faute de moyens suffisants, rien n’est convenu pour une entreprise commune, mais tout est admis en matière de renseignement et de droit de suite. Huit jours plus tard, la frontière entre la Mauritanie et les territoires espagnols est définitivement abornée et l’entente qui commence sur le terrain est consacrée par les entretiens de San Sebastian, le 24 Août suivant, entre Fernando Castiella, ministre espagnol des affaires étrangères et Maurice Faure, secrétaire d’État au Quai d’Orsay : l’opération « Ecouvillon » et la réponse maximale du Maroc en découleront.


Le 28 Février 1991, il est procédé à Jreida la répartition des « négro-africains félons » : les « blanchis », le « personnel douteux » et indésirable, le « personnel à juger ». Les listes – avec numéro matricule – seront connues, mais pas les critères… Peu auparavant, le capitaine Hadi, neveu d’Ould Sid’Ahmed Taya, s’est adressé aux détenus militaires : aucun musulman ne peut échapper à son destin, mais on va « tout faire pour améliorer les conditions de détention ». C’est ce jour-là que s’est décidé le sort de plus de cinq cent militaires, massacrés sans jugement ni condamnation, à l’insu-même du conseil des ministres. Au-dehors, une comédie a été jouée plus d’un mois. Le 5 Mars, Michel Vauzelle, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, est reçu par le président du C.M.S.N., à Nouakchott. Le surlendemain – coincidence voulue – remise de peines à tous les condamnés pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » : aussi bien ceux du « complot négro-africain » d’Octobre 1987 que du « complot baasiste » en Octobre 1988. Mais cette amnistie ne concerne que 2 à 300 personnes, dont 42 « négro-africains » seulement sur plus d’un millier arbitrairement détenus selon Amnesty international. Depuis Novembre 1990, on ne peut plus compter les nouvelles arrestations. La vérité éclate au monde entier quand le 28 Mars, Cheikh Fall adjudant noir en stage militaire à Fontainebleau, demande l’asile politique en France ; il témoigne aussitôt à Libération puis reçoit la visite du lieutenant Moktar Ould Dirame, ayant reçu ordre de le ramener au pays. Le 9 Avril, au lendemain d’une visite à Nouakchott de Roland Dumas, ministre français des Affaires étrangères 1991, s’ouvre à Idini, devant un tribunal d’exception et à huis clos, le procès de 64 « négro-mauritaniens » (93 selon AFP Dakar) – seulement – parmi quelques 1.500 détenus depuis trois mois.

Le « processus démocratique » qui sera lancé peu après, est, en réalité, la tentative pour masquer – au monde – sinon dans le pays, cette impasse du régime militaire, depuis l’automne de 1987 : le président des F.L.A.M. résidant à Dakar préconise le fédéralisme pour la Mauritanie et déplore la volonté sénégalaise de réablir de bonnes relations avec la Mauritanie ; un tract de El Hor affirme que « notre conscience individuelle et collective est profondément choquée » et, dans une lettre ouverte, l’U.T.M. demande une commission d’enquête et  le procès public des responsables ; son secrétaire général, Mahmoud Ould Mohamed Rhady, réclame même, à l’instar de ce qui se pratique dans nombre de pays d’Afrique francophones, une conférence nationale sur le sujet des droits de l’homme et de la démocratisation.





[1] - du 19 au 25 Février 1956

[2] - les 23, 24 et 25 Mars 1956

[3]  - la thèse de Allal el Fassi se trouve dans le “Livre rouge avec documentaires “assemblant les n°15 à 22 de Perspectives sahariennes
[4] - pacte d’unité d’action pour l’indépendance conclu entre les quatre partis marocains de l’époque

[6] - lettre du gouverneur de la Mauritanie 785 APAM du 30 Novembre 1950 au général Miquel, commandant les confins depuis Agadir

[7] - Paris-Dakar et bull renseignements mensuels du 17 janv 1957 - 76 SR APA et 360 SR/APA - 12 mars 1957

[8] - note marocaine du 23 février 1957, adressée au Quai d’Orsay

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