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.
25 Février 1958
& 28 Février 1991
Mohamed V revendique la Mauritanie
&
Le tri sinistre des
« négro-africains félons »
A M’Hamid du Draa, le 25 Février 1958, Mohamed V présente la revendication officielle du
Maroc sur la
Mauritanie. Lieu et contexte sont précis. Le Draa était la
limite septentrionale des possessions espagnoles au Sahara occidental. Ce
jour-là, se termine par un complet succès sur le terrain l’opération
« Ouragan », combinée par la France (« Ecouvillon ») et l’Espagne
(« Teide »). Elle visait à
« nettoyer » les confins méridionaux du Maroc. Déclenchée le 10
Février, elle avait abouti dans la journée à la prise de Samra sur des
« éléments incontrôlés », et en une dizaine de jours à la mise au net
de la Seguiet-el-Hamra,
puis de la Tekna. L’ambassade
de France à Rabat avait démenti le 20, toute intervention aérienne française
« dans la région d’Ifni ni au Maroc méridional », mais le Rio de Oro
était à son tour « nettoyé ». Le lendemain, le roi du Maroc avait
entrepris un voyage dans le sud.
Depuis
deux ans, les projets français d’une Haute-Mauritanie comprenant l’Adrar, la
Baie du Lévrier et surtout la commune de Tindouf pour une
« Organisation commune des régions sahariennes » (cf. Le
Calame 12 Décembre 2007 . chronique anniversaire du 14 Décembre 1956), ne provoquaient pas seulement en
Mauritanie de vives réactions d’hostiluté, mais au Maroc plus encore : le
journal de l’Istiqlal avait publié [1]
des pétitions de Regueibats et d’habitants de Tindouf s’opposant à toute
“sécession”. A peine l’indépendance acquise le 2 Mars 1956 et proclamée par
Sidi Mohamed ben Youssef le 7, Al Alam
avait réitéré en publiant [2]
une étude de Brahim el Ilghi, directeur de l’Institut islamique de Tetouan sur
le “Sahara : terre marocaine”. C’est la thèse d’Allal el Fassi, frappé en 1937
lors de son survol du Sahara occidental en direction de son exil gabonais, par
la confirmation géographique de ce qu’il estime être les “droits historiques”
du Maroc [3].
Le propos n’avait pas été repris d’emblée par le peuple et les gouvernants
marocains, mais la manière dont l’exprime le chef du parti nationaliste le 27 Mars
1956 – au Congrès de la jeunesse de son parti – même si aucune résolution ne
fait état des “droits politiques du Maroc sur le Sahara occidental”, répond à l’appel
à l’unité lancé par le Sultan, lors de la proclamation de l’indépendance :
le “Khalifa” ou zone du nord de l’Empire chérifien demeure sous le protectorat
espagnol et Tanger sous statut international.
L’Espagne, aussi
laborieusement que la France,
consent à renoncer à son emprise mais morceau par morceau : le 9 Avril
1956, elle se dégage de toute responsabilité administrative dans la zone nord
du “Khalifa”. C’est ce jour, – qui est aussi le 4ème anniversaire du “pacte de Tanger” [4]
– que choisit Si Allal pour déclarer au journal Le Monde dont il sait qu’il sera lu : “la négociation avec la France a pour but la
réorganisation des rapports franco-marocains. Cela nécessite, évidemment, la
solution de quelques problèmes en suspens, parmi lesquels celui des frontières.
L’histoire du XX° siècle montre comment la France s’est emparée de diverses parties de
l’extrême sud marocain et dans quelles circonstances elle les avait annexées.
L’étonnement de certains ne change rien à la réalité nationale, historique,
géographique et raciale. La
Mauritanie a toujours fait partie du Maroc auquel elle a même
donné son nom. Si l’on doute de cela, on pourra organiser une consultation des
maures eux-mêmes”. Il était
moins précis et moins gourmand le 27 Mars précédent, puisqu’il ne parlait que
de Sahara occidental : “Tant
que Tanger ne sera pas dégagé de son statut international, tant que les déserts
espagnols du sud, tant que le Sahara de Tindouf à Atar, tant que les confins
algéro-marocains ne seront pas dégagés de leur tutelle, notre indépendance
demeurera boiteuse et notre premier devoir sera de poursuivre l’action pour
libérer la patrie et l’unifier ...” Il le sera beaucoup plus à Tanger le 19 juin 1956 : “Les Marocains continueront la lutte
jusqu’à ce que Tanger, le Sahara de Tindouf à Colomb-Béchar, le Touat, Kenadza,
La Mauritanie
soient libérés et unifiés ! Notre indépendance ne sera complète qu’avec le
Sahara ! Les frontières du Maroc se terminent au sud de Saint-Louis du Sénégal
!” Et pour mettre les choses
au plus net, Al Alam publie le 7 Juillet
la carte du “Grand Maroc” assortie de “Commentaires sur l’importance économique
du Sahara”.
Assuré
de la légitimité de sa politique depuis qu’ont été adoptées à de très fortes
majorités – comprenant les élus africains – la loi sur les pouvoirs spéciaux en
Algérie le 12 Mars, puis en deux lectures achevées les 22 Mars et 19 Juin la Loi-cadre prévoyant la
réorganisation de l’Afrique subsaharienne française, le gouvernement que
préside Guy Mollet riposte. Le 16 Juin, Christian Pineau ministre des Affaires
étrangères déclare au Parlement que “la France ne cédera rien de ses droits sur le Sahara
ni sur la Mauritanie”.
Le 27 Juillet, Gaston Defferre, ministre de la France d’Outre-mer, venu
pour ce faire à Atar, proclame que “la France est décidée à défendre la Mauritanie et à
empêcher toute action politique ou militaire contre ses populations ou son
territoire”. A quoi répond le Maroc : le 2 août, l’antenne de Radio-Rabat est pour la première fois
donnée à Horma ould Babana (cf.
Le Calame 12 Février 2008 . chronique
anniversaire du 16 Février 1948). L’ancien député de la Mauritanie à l’Assemblée nationale française
déclare à nouveau aux Marocains : “Vous ne serez pas indépendants tant que
vous n’aurez pas rétabli vos frontières naturelles et historiques et fait
valoir votre souveraineté sur Tindouf et la Mauritanie”, – la
diplomatie marocaine pose à la
France la question des frontières et en fait le préalable à
tout accord au sujet d’une “organisation commune des régions sahariennes”. Le
28 Août, Rabat formule “les plus expresses réserves” sur le projet français
d’une « Organisation commune des régions sahariennes ». Entre-temps,
le congrès de l’Istiqlal puis celui du Parti démocratique de l’indépendance ont
approuvé les thèses d’Allal el Fassi et le 17 Août, et le président du conseil
marocain Si Bekkai a déclaré – ce qui n’est restrictif qu’au plan grammatical –
que le Maroc s’en tiendra à ses frontières naturelles et historiques. Ce
disant, il fait écho à son souverain qui, recevant au mois de Juin, une
délégation des Ait Ba Amrane de la région d’Ifni, leur a donné à entendre que
“tous les territoires historiquement marocains doivent revenir au Maroc unifié,
car leurs habitants sont unis par la religion, la langue et l’histoire”.
Du
côté français, les choses sont moins claires. Conquis pour l’essentiel à partir
de l’Algérie, le Sahara avait été rattaché au Gouvernement général de cette
possession dont il constituait les Territoires du Sud. On sait déjà que les
découvertes minières puis pétrolières avaient fait prendre conscience soudain
des possibilités économiques du désert, mais qu’en s’engagent les négociations
franco-marocaines devant conduire au recouvrement de sa souveraineté
internationale par l’empire chérifien, le problème du Sahara n’est pas
seulement industriel : il est également stratégique, non seulement parce qu’il
s’agit de défendre un ensemble dont le nord ne jouit plus d’une complète
garantie française, mais parce que l’organisation de ces régions s’était faite
à partir de 1900 dans un ensemble français dont avait naturellement fait partie
le Maroc. La convention franco-britannique du 5 Août 1890 laissait à la France toute latitude
d’organisation du sud de ses possessions d’Afrique méditerranéenne. Sitôt
occupés In Salah, principale oasis du Tidikelt, puis le Touat et la Saoura, fut créé un
commandement de confins algéro-marocains dont est responsable à partir de Septembre
1903, à Colomb-Béchar – chef-lieu du territoire d’Ain-Sefra – le futur résident
général au Maroc : Lyautey. Déjà s’imbriquent les intérêts français au Maroc,
la défense des territoires algériens, le tout non loin de la Mauritanie. La
succession de Lyautey dans les confins est donnée à Laperrine. L’organisation
n’atteint cependant son but de contrôle et de pacification qu’à l’époque où – le
Maroc et la Mauritanie
étant sous responsabilité française depuis déjà plus de vingt ans – est enfin
occupé Tindouf par le général Giraud le 31 Mars 1934.
Pris
en fonction de cette occupation, le décret du 5 Août 1933 institue un “commandement militaire des
confins algéro-marocains dans l’ensemble duquel le commissaire de résident
général de la République
française au Maroc est chargé d’assurer la sécurité et de maintenir l’ordre”.
Ce commandement comprend au Maroc les circonscriptions du Noun, du Bani et du
Ktaoua-Mhammid, en Algérie les annexes de la Saoura et du Touat, cette dernière en partie
seulement. L’article 4 du décret dispose que “provisoirement, le gouverneur
général de l’Afrique occidentale française met à la disposition du commandant
militaire des confins algéro- marocains tout le territoire de cette colonie
s’étendant au nord d’une ligne qui suivra d’une façon générale le 25° parallèle
de latitude nord” ce que précise l’instruction
ministérielle du 10 Avril 1934 [5].
Une partie des territoires algérien, marocain et mauritanien sont donc
rattachés à Rabat pour les questions militaires, les seules à se poser à
l’époque, tout en restant politique rattachés à leurs chefs-lieux respectifs, à
l’exception de ce qui est mauritanien “mis à la disposition” du commandement
des confins, sans aucune autre précision. Ce chevauchement de compétences
matérielles et territoriales engendre des difficultés de plus en plus
nombreuses à mesure que les territoires concernés prennent davantage de
personnalité, témoin en étant la réticence explicite, en Novembre 1950 [6]
qu’opposent aux projets de démonstration du général Miquel dans la région
d’Atar et de Fort-Etienne le gouverneur général de l’A.O.F. et le gouverneur de
la Mauritanie. L’évolution
divergente de l’Afrique occidentale, du Maroc et de l’Algérie met donc fin au
commandement des confins supprimé par un décret – non publié pour des raisons
d’opportunité politique – intervenant le 18 Février 1956, soit pendant le début
des négociations franco-marocaines qui ont, entre autres conséquences, celle de
priver les confins de leur direction militaire à partir du Maroc.
La
suppression de “cette organisation territoriale” dont il était entendu –
suivant l’article 4 de l’instruction du 10 Avril 1934 – qu’elle ne modifiait
pas les limites convenues à Niamey, le 20 Juin 1909, entre l’A.O.F. et
l’Algérie et qu’elle ne préjugeait” en aucune façon de la frontière algéro-marocaine
dont la détermination demeure entièrement réservée”, pose en termes crûs et
immédiats la question du statut et des limites des espaces précédemment
constitutifs des confins d’autant qu’y gisent le fer de Gara Djebilet et le
charbon de Kenadza. Du fait de cette suppression, se pose aussi la question de
Tindouf conquise sur le tard, attribuée administrativement à l’Algérie mais
dépendant – dans la pratique décidée par le décret du 5 Août 1933, modifié par
celui du 4 Juin 1949 – de Rabat, puis
d’Agadir, donc du Maroc ...
Pour
ce qui concerne la frange nord de son territoire, la Mauritanie se trouve
dans une situation pratique analogue à celle de Tindouf à telle enseigne qu’au
printemps de 1956 les installations militaires de Fort-Trinquet et d’Ain Ben
Tili sont propriétés du génie français du Maroc et que cette dernière base est
occupée par un détachement de Goulimine. Une situation claire au départ – puisqu’il
est marqué en 1933 que la limite entre Algérie et A.O.F. reste celle convenue
en 1909 et que celle du Maroc et l’Algérie reste de toute manière à définir – a
donc été embrouillée par le regroupement d’espaces militaires, aux conditions
géographiques et humaines localement semblables mais constituant l’hinterland d’entités bien différentes.
Allal el Fassi a donc beaucoup d’apparences pour lui quand il entreprend de
revendiquer Tindouf – où d’ailleurs dès le 13 Février 1956, les équipes de
l’Istiqlal sont parvenues à faire flotter quelques minutes le pavillon
chérifien – d’autant qu’une partie des effectifs occupant les confins sous pavillon
français, sont d’origine marocaine. On mesure a postériorité ce qu’eût été le
problème mauritanien si le Territoire adhérant, volontairement cette fois, à
une seconde organisation du Sahara, avait de ce fait donné semblable
illusion de matière à une revendication
algérienne d’un cheminement identique à celui suivi par l’Istiqlal...
Tandis
que Max Lejeune, secrétaire d’État à l’Air, se rend en juillet à Tindouf et que,
malgré des démentis de presse, des renforts aériens y sont installés, – la Mauritanie est à son
tour “réarmée”. Au printemps de 1956, “sauf Néma, Atar, Akjoujt, Port-Etienne
et Rosso, il n’y a nulle part de garnison de troupes régulières permettant
d’assurer en toute hypothèse la constitution d’une force suffisante pour
répondre, dans la localité seulement, du maintien et a fortiori du
rétablissement de l’ordre en cas de troubles”; au contraire, dans les mois qui
suivent, Ain Ben Tili est “mauritanisé” et Kiffa, sans garnison depuis la
guerre, en reçoit à nouveau une. C’est alors que le hasard fait prendre à tous
conscience de la proximité de la menace. Au début de 1957, il apparaît que si
les Espagnols réoccupent des positions qu’ils avaient abandonnées au Rio de Oro
et dans la Seguiet
el Hamra, ils tendent à passer la main à leurs anciens administrés dans le
Maroc méridional, et parfois même dans la région de Smara ; ainsi disparaît un
faible écran entre l’Armé de libération marocaine et Fort-Trinquet. D’autre
part, c’est le moment où le gouverneur du Tafilalet ayant marqué son hostilité
au parti dirigeant qu’est devenu l’Istiqlal depuis l’automne, tente de se
rebeller puis se soumet. C’est dans cette situation confuse que – malgré
l’existence d’une zone interdite de 100 km d’épaisseur au long de la frontière du
Rio de Oro – des éléments de l’Armée de Libération attaquent le 12 Janvier 1957
un détachement au puits de Chaimam entre Choum et Atar : deux soldats d’escorte
sont tués. Le 24 Janvier la bande – identifiée comme tentant un rezzou sur Atar
– est repérée dans la région de Char soit plus au nord. Le 14 Février, c’est
l’accrochage en bonne et due forme, à Agui, au nord de Fort-Trinquet ; il coûte
cher aux forces françaises qui perdent trois officiers, trois goumiers,
quatorze tirailleurs et comptent 21 blessés. Les pertes adverses sont
difficiles à estimer, mais une base de ravitaillement a été détruite [7].
En tout cas, l’alerte est bien donnée qui provoque une conférence militaire à
Tindouf au plus haut niveau puisque y participent les commandants supérieurs au
Maroc, en A.O.F., ainsi que les responsables des forces aériennes en Algérie.
La vulnérabilité du Territoire est démontrée en même temps que la
quasi-impunité de l’A.L. qui ne manque pas de se réfugier – à chaque poursuite
française – en territoire espagnol où la présence militaire de Madrid se limite
à la côte.
S’amorce
alors une révision des jugements. On décide d’ajouter foi aux protestations
chérifiennes suivant lesquelles Rabat “ne saurait être tenu pour responsable de
l’action menée dans les confins du sud par des bandes incontrôlées” [8],
tout en se préparant à détruire les dites bandes puisque aucune répercussion
diplomatique ne semble à redouter. Tandis que se renforce le dispositif
militaire en Adrar, il s’agit de relancer la coopération franco-marocaine et
d’obtenir la signature des accords qui l’organisent et de nouer une entente
militaire avec l’Espagne pour couper l’A.L. de ses recours habituels. L’une et
l’autre de ces actions diplomatiques aboutissent en quelques mois.
Rencontrant
Ahmed Balafrej à Accra où se célèbre l’indépendance du premier Dominion noir,
François Mitterrand, alors garde des Sceaux, l’invite à faire escale à Dakar et
à y comparer les solutions françaises à ce qui apparaît comme une réussite
anglaise. Le chef de la diplomatie chérifienne est dans la capitale de l’A.O.F.
les 7 et 8 Mars 1957 ; il s’y entretient avec le Haut Commissaire Cusin et
confirme que Rabat n’est en rien solidaire des “bandes incontrôlées” qui
opèrent dans les marches mauritaniennes. Echange de bonnes manières : la
proposition rituelle faite une fois de plus à Rabat le 27 Février de coopérer
avec l’O.C.R.S. est, cette fois, assortie par Paris d’une satisfaction à la
demande marocaine encore formulée le 4 Mars et touchant les frontières : la
délégation française à la commission mixte devant décider des tracés exacts est
composée le 10 Avril. La coopération avec l’ancien protectorat a donc repris au
printemps de 1957, quand l’Afrique sub-saharienne française s’apprête à élire
ses conseillers territoriaux et donc ses premiers conseils de Gouvernement :
une convention de coopération administrative et technique a été signée le 6 Février
et le 24, le général Cogny a déclaré en conclusion de la conférence de Tindouf
: “l’attaque de postes
français de Mauritanie par des bandes de l’Armée de Libération ne modifie pas
la volonté de l’armée française de coopérer au Maroc nouveau. Un modus vivendi
sera très prochainement trouvé pour apporter dans le sud du Maroc la même
détente qu’il a été possible d’apporter dans le Maroc oriental grâce à la
compréhension et à la bonne volonté du Gouvernement marocain”.
Dans
le même temps, l’indispensable concours espagnol est enfin obtenu. L’attitude
espagnole change en 1957 pour d’évidentes raisons. Une négociation s’est nouée
avec Madrid concernant le passage de la voie ferrée d’évacuation des mines de
Fort-Gouraud par le Rio de Oro ; dès Novembre 1956, il est question que
l’Espagne achète 600.000 tonnes de minerai par an. Mais surtout les attentats
des 16 et 17 Juin 1957 à Ifni montrent que la volonté d’unification du Maroc,
immensément gonflée par les prétentions d’Allal el Fassi, vise autant les
possessions espagnoles que françaises. Dès le lendemain de la conférence de
Tindouf, les autorités militaires du Rio acceptent le droit de suite. Les
décisions politiques sont alors envisagées ; du côté français elles sont prises
le 13 Mai 1957 en même temps que sont arrêtées les limites de que l’on peut
accorder aux Espagnols en échange de leur coopération au Sahara occidental : il
est notamment exclu, définitivement cette fois, que la voie de MIFERMA
aboutisse à Villa Cisneros. On a d’ailleurs des raisons techniques à faire
valoir... Du côté espagnol, le choix est arrêté de la même manière : on ne
facilitera pas les choses à MIFERMA mais on profitera des offres françaises
pour assainir la situation au Sahara occidental et ainsi disposer de bases
militaires et psychologiques qui permettront une rétrocession d’Ifni en échange
de la présence espagnole au Rio et, cela sera désormais possible, dans la Seguiet el Hamra. Le 12 Juillet
1957, le nouveau commandant en chef au Sahara espagnol reçoit son homologue
dakarois à Villa Cisneros ; faute de moyens suffisants, rien n’est convenu pour
une entreprise commune, mais tout est admis en matière de renseignement et de
droit de suite. Huit jours plus tard, la frontière entre la Mauritanie et les
territoires espagnols est définitivement abornée et l’entente qui commence sur
le terrain est consacrée par les entretiens de San Sebastian, le 24 Août
suivant, entre Fernando Castiella, ministre espagnol des affaires étrangères et
Maurice Faure, secrétaire d’État au Quai d’Orsay : l’opération « Ecouvillon »
et la réponse maximale du Maroc en découleront.
Le 28
Février 1991, il est procédé à Jreida la répartition des
« négro-africains félons » : les « blanchis », le
« personnel douteux » et indésirable, le « personnel à
juger ». Les listes – avec numéro matricule – seront connues, mais pas les
critères… Peu auparavant, le capitaine Hadi, neveu d’Ould Sid’Ahmed Taya, s’est
adressé aux détenus militaires : aucun musulman ne peut échapper à son
destin, mais on va « tout faire pour améliorer les conditions de
détention ». C’est ce jour-là que s’est décidé le sort de plus de cinq
cent militaires, massacrés sans jugement ni condamnation, à l’insu-même du
conseil des ministres. Au-dehors, une comédie a été jouée plus d’un mois. Le 5
Mars, Michel Vauzelle, président de la commission des Affaires étrangères de
l’Assemblée nationale française, est reçu par le président du C.M.S.N., à
Nouakchott. Le surlendemain – coincidence voulue – remise de peines à tous les
condamnés pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » : aussi bien
ceux du « complot négro-africain » d’Octobre 1987 que du
« complot baasiste » en Octobre 1988. Mais cette amnistie ne concerne
que 2 à 300 personnes, dont 42 « négro-africains » seulement sur plus
d’un millier arbitrairement détenus selon Amnesty international. Depuis Novembre 1990, on ne peut plus compter les nouvelles
arrestations. La vérité éclate au monde entier quand le 28 Mars, Cheikh Fall
adjudant noir en stage militaire à Fontainebleau, demande l’asile politique en
France ; il témoigne aussitôt à Libération puis reçoit la visite du
lieutenant Moktar Ould Dirame, ayant reçu ordre de le ramener au pays. Le 9
Avril, au lendemain d’une visite à Nouakchott de Roland Dumas, ministre
français des Affaires étrangères 1991, s’ouvre à Idini, devant un tribunal
d’exception et à huis clos, le procès de 64 « négro-mauritaniens »
(93 selon AFP Dakar) – seulement – parmi
quelques 1.500 détenus depuis trois mois.
Le « processus démocratique »
qui sera lancé peu après, est, en réalité, la tentative pour masquer – au monde
– sinon dans le pays, cette impasse du régime militaire, depuis l’automne de 1987 :
le président des F.L.A.M. résidant à Dakar préconise le fédéralisme pour la Mauritanie et déplore
la volonté sénégalaise de réablir de bonnes relations avec la Mauritanie ; un tract
de El Hor affirme que « notre conscience individuelle et collective est
profondément choquée » et, dans une lettre ouverte, l’U.T.M. demande une
commission d’enquête et le procès public
des responsables ; son secrétaire général, Mahmoud Ould Mohamed Rhady, réclame
même, à l’instar de ce qui se pratique dans nombre de pays d’Afrique
francophones, une conférence nationale sur le sujet des droits de l’homme et
de la démocratisation.
[1] - du 19 au 25 Février 1956
[2] - les 23, 24 et 25 Mars 1956
[3] - la thèse de Allal
el Fassi se trouve dans le “Livre rouge avec documentaires “assemblant les n°15
à 22 de Perspectives sahariennes
[4] - pacte d’unité d’action pour l’indépendance conclu entre
les quatre partis marocains de l’époque
[6] - lettre du gouverneur de la Mauritanie 785 APAM du
30 Novembre 1950 au général Miquel, commandant les confins depuis Agadir
[7] - Paris-Dakar et bull
renseignements mensuels du 17 janv 1957 - 76 SR APA et 360 SR/APA - 12 mars
1957
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