Un an juste avant sa prise de fonctions,
Sidi Ould Cheikh Abdallahi
entretenait Ould Kaïge
de Moktar Ould Daddah,
de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya,
de sa candidature présidentielle et du pays
mecredi 19 Avril 2006
la dernière partie de l’entretien a pour fond – l’appel du muezzin, voix magnifique…
questions et dires de Bertrand Fessard de Foucault – alias Ould Kaïge
dires de Sidi Ould Cheikh Abdallahi
les sous-titres - et précisions de dates en notes - sont de la rédaction
Comment expliquez-vous l’évolution entre l’apogée manifeste du régime du président Moktar Ould Daddah en 1974-1975 et le coup militaire de 1978 ? qui est évidemment une crise de légitimité mais qui a peut-être ses causes. Et vous avez certainement une idée, une expérience sur ces causes. J’ai posé la question exactement comme je vous la pose à Abdoulaye Baro [1], Abdallahi Ould Bah [2], Mohameden Ould Babah [3], Ahmed Ould Sidi Baba[4], Abdoul Aziz Sall [5] et à Ahmed Ould Daddah [6].
Et puis alors, la seconde chose, vous avez eu une expérience de gouvernement avec les colonels, et notamment avec le président Taya [7]. Donc, vous – comment ancien ministre du président Moktar, vous jugez utile pour le pays de travailler pour le bien commun, et donc de travailler avec le colonel Ould Taya ? Quelle est votre expérience de gouvernement ? et quelle est surtout votre expérience de la manière de gouverner d’Ould Taya, comment cela fonctionne ? à la fois pratiquement et dans sa tête.
Et puis, la troisième partie, ce serait : vous, votre analyse de la situation présente, pourquoi est-ce qu’il y a eu le 3-Août ? comment vous voyez les choses et – j’ai entendu dire que vous étiez un candidat à l’élection présidentielle en attente de positionnement, en possibilité de candidature – donc quelle est votre analyse de la situation, quelle est la perspective du bien commun pour la Mauritanie, et comment vous situeriez-vous si vous étiez candidat ? on est pris dans le flou des légendes, soit atroces, soit merveilleuses. On confond les complots, les gouvernements, c’est un peu un fatras, et l’image de Moktar ne peut que gagner par la clarté et la comparaison. Et je pense qu’il faut parler de tout.
1 .
Je suis très heureux de vous recevoir. Et j’ai bien peur de vous décevoir un peu parce que – pour la première période – je n’ai pas été très politique. J’étais surtout tourné vers les problèmes économiques, bien que, à partir d’une certaine période, du fait de la responsabilité que j’avais au sein du Parti du Peuple Mauritanien, j’ai été mêlé à des décisions d’ordre politique.
Ce que je vais vous dire, c’est ce que j’ai senti à l’époque.
Ces sept ans que j’ai passés au gouvernement avec Moktar Ould Daddah, m’ont amené en fin de compte à considérer que c’était un homme exceptionnel.
Je ne fais donc pas partie de ceux qui sont enclins à rechercher, à dépister ses erreurs parce que la manière dont je l’ai connu est telle que j’ai la conviction qu’à chaque fois, ses décisions ont été prises sans autre considération que l’intérêt national du pays. La seule chose qui peut être dite ou qui peut présenter un certain intérêt, c’est de se poser la question de savoir pourquoi, en un moment donné, si on estime aujourd’hui qu’il y a pu y avoir une erreur, pourquoi cette erreur a été commise. Est-ce qu’elle est dûe à un manque d’information ? est-ce qu’elle est dûe à un environnement ? Mais en tout cas, cela n’atteint pas l’homme, et cela n’atteint pas la constance de sa volonté de faire le maximum qu’il pouvait faire pour ce pays, qu’il aimait d’une manière exceptionnelle. Parce qu’il l’aimait de façon presque indifférenciée. Il ne se sentait pas d’une région, il ne se sentait même pas – si je puis m’exprimer ainsi – d’une ethnie. Il ne se sentait pas d’un village, il avait cette Mauritanie indifférente, qu’il aimait, comme çà.
Le Sahara
Nous étions tous convaincus dès le départ – bien sûr, les plus âgés avant les autres – que le Sahara était mauritanien. Que c’était les mêmes populations, et par conséquent nous n’avons jamais pensé qu’il s’agissait d’un problème de différence de société, qu’il ne pouvait s’agir que d’un problème de colonialisme, d’administration, de situations particulières. Bien que je n’ai jamais eu à l’idée, à ce moment-là, ni par la suite, que l’on puisse faire quelque chose de bon en voulant imposer aux gens ce qu’ils ne veulent pas – je n’ai jamais pensé, jusqu’au coup d’Etat, que ce problème se posait. Je pensais qu’il y avait des populations mauritaniennes – un peu comme toutes ces populations sahraouies qui étaient plus ou moins au courant des choses, et que un certain nombre de gens, plus politiques, qui étaient soit des Sahraouis, soit d’autres comme les Algériens, pouvaient tenter d’utiliser à des fins d’ordre politique. Je n’ai pas vêcu toute cette période comme une période dans laquelle nous voulions imposer à des gens notre volonté de les amener à être avec nous. Et je me suis rendu compte – je vous le dis très franchement – .après le coupd’Etat, que, pendant toute cette période, et malgré le fait que j’étais responsable, je n’étais pas bien informé. Beaucoup de gens ont commencé à parler : non, ce n’était pas comme çà ! il ne fallait pas faire comme çà, ce n’était pas une bonne politique. Je ne pouvais pas me douter du fait que nous avions une opinion assez large qui pensait comme çà.
Nous nous sommes trompés sur la réalité de ce problème, tel qu’il était vêcu par les gens dans les années 1970. Cette évolution qui s’est faite, le Polisario avec tout cela, je pense que nous n’en avons pas pris très correctement la mesure. Nous avons toujours vu là des complications que les Algériens voulaient nous faire. Et il nous a manqué peut-être une réflexion sereine, et peut-être le fait de chercher réellement à savoir de quoi il s’agissait. Les conséquences de cet état de choses ont été d’autant plus graves et importantes que l’on avait très loin d’imaginer qu’elles puissent exister, lorsque nous nous sommes engagés dans ce problème. Vous êtes désarçonné plus facilement lorsque vous avez des choses que vous ne voyez pas et qui apparaissent. Ce que le président Moktar nous avait communiqué, c’est la force de sa conviction, de son bon droit, c’est la force de sa conviction que c’est çà qui était l’intérêt des Sahraouis de rejoindre la Mauritanie. Et lorsque ces problèmes se sont posés, d’intérêts des nations, de rapports de forces, de rapports conflictuels, nous nous sommes trouvés dans une situation très simple : c’est que nous étions un pays très faible par rapport à des voisins qui étaient beaucoup plus forts. Devant un univers international qui ne pouvait pas accéder profondément à ce que nous, nous pensions de ce problème et comment nous le sentions. Même nos amis français, malgré les relations particulières qu’ils avaient avec nous, à la fin ne voyaient pas très bien où nous allions et ils souhaitaient trouver une solution. Mais il n’y avait pas suffisamment de quoi peser pour considérer que le fait que le Sahara ne soit pas rattaché à la Mauritanie, constituerait une erreur historique.
A ce stade, Sidi, je vous coupe. Il y a deux questions qui me viennent à l’esprit. Est-ce qu’il y a eu des discussions en Bureau politique et en Comité permanent avant même le sommet de Rabat et la déclaration de Boumedienne, et puis ensuite avant les accords de Madrid et la conduite de la guerre ? est-ce que la collégialité fonctionnait bien ? et est-ce qu’elle a continué de fonctionner jusqu’en 1978 ?
Je ne me souviens pas, personnellement, de grandes discussions sur la question du Sahara portant sur le fait de savoir quelle est la position que la Mauritanie devait avoir par rapport à cette question. Toute notre politique à l’époque était de tenter de faire de sorte de nous opposer à tout ce qui pouvait brouiller un peu l’idée que nous, nous avions, que le Sahara était partie intégrante de la Mauritanie, que c’était un problème de décolonisation. Notre ennemi de l’époque était le Maroc parce qu’il revendiquait le Sahara, et nos relations avec l’Algérie pouvaient être des relations stratégiquement à notre profit, même si formellement l’Algérie disait qu’elle s’engageait pour le droit des peuples, pour la décolonisation et pour l’indépendance. Nouis, nous étions tellement persuadés de notre bon droit et de la conviction que les Sahraouis allaient venir vers nous que ceci ne paraissait pas être porteur de quelque danger que ce soit.
Pour répondre à votre question, je ne me souviens pas qu’on ait posé ou débattu du problème pour savoir : est-ce que la Mauritanie a intérêt à chercher à avoir le Sahara ? est-ce que la Mauritanie peut concevoir …ou quels sont les avantages et les inconvénients qu’elle pourrait tirer du fait d’avoir telle ou telle position … La conviction du Président était suffisamment forte, claire, ancienne pour que la remise en cause de cette conviction ancienne ne fasse pas débat.
Et le fait d’être passé d’une position de soutien de l’autodétermination à un partage n’a pas paru contradictoire ?
Cela m’est apparu comme une sorte d’aubaine. Voilà quelque chose qui va stabiliser et officialiser définitivement notre problème de frontière avec le Maroc et de revendication marocaine. Il nous est apparu que l’auto-détermination prônée par l’Algérie allait dans le sens de ce que nous voulions : les Sahraouis allaient dire qu’ils vont venir avec nous, et les Algériens, étant pour l’autodétermination, allaient dire : nous respectons ce que les Sahraouis veulent.
Si nous avons accepté la solution du partage, c’est parce que nous nous sommes trouvés devant un gouvernement algérien décidé à nous empêcher d’avoir le Sahara avec nous. L’Algérie était beaucoup plus forte que nous, et les réactions que nous recevions de l’opinion nationale et internationale étaient telles que nous ne pouvions pas compter sur d’autres pour obliger les Algériens à accepter que nous puissions avoir notre Sahara. Et le Maroc l’a demandé en entier. La seule solution pratique possible qui s’offrait à nous, c’était encore d’aller vers ce partage.
Rétrospectivement, je pense encore aujourd’hui que de toutes façons, il n’y avait pas d’autre solution. Ou bien le Maroc prenait tout, ou bien vous en preniez une partie, mais il n’y avait pas une troisième solution.
Oui, la troisième solution était rendue impossible avec la nouvelle position de l’Algérie. Avant 1975, il y avait d’autres positions qui nous arrangeaient, parce que tout ce qui était mis par l’Algérie sous le vocable de respect de l’autodétermination des peuples, ne se contredisait pas dans notre esprit à nous, avec ce que nous voulions. Brusquement, tout cela s’est fait en quelques mois : avec quelques rencontres, avec quelques déclarations faites au niveau de l’O.U.A. ou ailleurs et surtout avec le voyage du Président à Béchar, il est apparu que c’était terminé, que cette voie était totalement fermée. La seule voie qui restait était la voie du Maroc qui réclamait tout et qui acceptait maintenant que nous partagions ce Sahara. Il a été l’élément le plus lourd, le plus fort dans tout ce que nous avons fait par la suite.
Les grandes décisions
A partir de 1971, nous avons commencé à parler des problèmes économiques, du développement du pays. Telles que nous percevions les choses à ce moment, telles que moi, je les percevais – et j’ai été très heureux de constater que c’était exactement le point de vue du Chef de l’Etat – nous voulions prendre une plus grande responsabilité dans notre développement. Maintenant, beaucoup de Mauritaniens l’ont oublié : à l’époque il n’y avait pas de secteur privé. Il n’y avait rien, c'est-à-dire que il fallait soit rester à attendre comme çà les investisseurs étrangers, que la Mauritanie n’attirait pas. Même – paradoxalement – le secteur de la pêche n’attirait pratiquement personne. C’était très frustrant pour le responsable qui voulait faire quelque chose pour son pays et de constater qu’il ne peut rien faire. On était dans un environnement qui ne nous envoyait pas des signaux pour nous dire que le secteur privé, c’était meilleur… que la privatisation de l’économie, c’était meilleur… ce n’était pas à l’ordre du jour. Alors, nous sommes donc allés vers le fait de vouloir tenter d’abord – nous avons pensé au problème de la monnaie, nous avons pensé au problème de la révision de nos accords avec la France. C’était quelque chose que nous voulions faire de façon absolument non conflictuelle. Si nous pouvions arriver à convaincre nos partenaires comme on doit accepter que son fils passe de l’adolescence à la majorité, nous voulions vraiment vider çà de toute agressivité, de toute révolte, de toute condamnation de ce qu’il y avait avant.
On a essayé de gérer çà comme cela, et je pense que le Président a fait preuve de deux choses que je trouve extraordinaires. D’abord d’une détermination réelle, mais en même temps d’un réalisme et d’une sagesse dans la gestion. Les gens ne se rendent pas compte que cette entreprise qui a été nationalisée, n’a pas arrêté sa production un seul jour. Elle n’a pas annulé un seul contrat commercial, elle n’a pas été prise en défaut pour une livraison de minerai qu’elle devait faire à l’extérieur. Simplement, parce que très vite nous avons compris qu’il y avait des propriétaires de capitaux, qui possédaient Miferma et qu’il y avait des travailleurs, des employeurs, des cadres, et que le problème devait consister à faire disparaître cette solidarité première qui pouvait jouer entre ces deux mondes qui étaient très différents, en les laissant à leur poste pendant un certain temps. Tous les compatriotes que j’ai vus : moi je voudrais être nommé ceci, moi je voudrais être cela, on n’a absolument rien fait. On a laissé M. Guittard à la voie ferrée, on a laissé M. Hervouët là où il était,. Et on a voulu simplement faire de sorte qu’on en termine avec les actionnaires de la société et qu’on reste avec nos gens sur place, chez nous, qu’on mettrait en confiance.
Quelle a été la gestation ? cela a été des dialogues entre vous et le Président, et puis c’est passé en Comité permanent et en B.P.N. ou cela a été tout de suite très collégial ?
Non, cela n’a pas été du tout collégial. Tout à fait au départ, avec Ismaïl Ould Amar, directeur des Mines [8]. Il est venu me voir et, dans notre recherche, la volonté d’être acteur dans tout çà… nous nous sommes dits : on va essayer de créer une entreprise, une société minière, à laquelle on va donner la gestion des 5% qu’on avait à la Miferma et ce qu’on avait à la Somima. Elle a été la structure d’accueil. Ismaïl m’a fait une note – que j’ai d’ailleurs encore, une note manuscrite – dans laquelle il proposait que l’on prenne un certain nombre de mesures qui permette en 1975 d’arriver à la nationalisation de la Miferma… en 1975. Et j’ai donné cette note au Président.
Donc, a priori, vous n’aviez pas d’instruction du Président ?
Il y avait une instruction générale dans laquelle nous travaillions… qui était de devenir acteur, qui était de plus en plus de prendre en mains. Je ne me souviens pas qu’elle ait été écrite. On en a parlé. Ismaïl proposait 1975 comme date de nationalisation. Le Président était en Tunisie, ce devait être les vacances de 1974. Et il m’a fait venir en Tunisie Et il m’a dit : cette nationalisation, je voudrais qu’on la fasse cette année, au mois de Novembre, il faut commencer à réfléchir à cela… il comptait beaucoup sur nos amis algériens. Nos relations étaient très bonnes, il comptait sur nos amis algériens comme des gens qui sont capables, de nous aider et de garder le secret. Et de pouvoir nous aider à le garder en faisant faire des choses que, si nous nous les faisions, nous allions nous faire découvrir… si nous cherchions à recruter des cadres de remplacement.
La préparation que nous avons faite de cette affaire était très simple. Nous sommes partis de ce que je vous ai dit tout à l’heure – qui était le point fort, c’est-à-dire que nous chercherions à maintenir, sur place avec nous, l’ensemble du personnel expatrié, mais à toute éventualité, Ismaïl m’a établi une liste d’à peu près 130 cadres supérieurs… qu’il serait nécessaire d’avoir. En cas de besoin, si les gens partaient. Nous avons parlé avec les Algériens : nous souhaiterions à un moment donné que vous puissiez nous trouver ces cadres-là. Trois ou quatre jours après la nationalisation, le gouverneur de Nouadhibou qui était Hasni Ould Didi, m’appelle – tard dans la nuit. A ce moment-là, les communications étaient particulièrement réduites, et il m’a appelé par le réseau de l’ASECNA : je viens de recevoir des cadres algériens… des ingénieurs qui sont là… ils disent qu’ils viennent pour pouvoir aider.
… alors que vous ne les aviez pas demandés ? formellement.
Non ! on ne les avait pas demandés. Envoie-les moi à Nouakchott. Ils ont passé la nuit à Nouadhibou et le lendemain, par l’avion, ils sont venus. Je les ai reçus… je sais que vous êtes très occupé chez vous, maintenant c’est un sacrifice que vous faites. Pour le moment, çà marche. Lorsque nous aurons besoin de vous, on vous appellera. L’ambassadeur a très mal pris çà, et j’ai été convoqué immédiatement par le Président. Le Président était un homme extraordinaire…
… donc, vous vous êtes fait savonner.
Non, pas du tout ! J’ai reçu nos frères : ils sont très bien. Et vraiment, nous sommes très touchés par ce qu’ils ont fait. Et tout cela, et ceci nous réconforte, nous rassure. L’ambasseur a insisté : ils sont là. Ils peuvent être vos conseillers. Je n’ai pas voulu, nous avions fait une expérience qui était de sécuriser, de donner à tous les travailleurs qui étaient là-bas, le sentiment que rien n’avait changé pour eux.
… et le Président vous a suivi !
Bien sûr, et par la suite je me suis toujours posé la question de savoir ce que tout cela serait devenu si, à ce moment-là, on n’avait pas pris la bonne décision.
Pour ce qui est des aspects économiques, le Président avait pris ses décisions, cette grande orientation, et il nous a mis à l’aise pour pouvoir nous préparer. Même sur ce plan-là, avec le temps, on a eu des problèmes. On a eu un directeur général qui était à la fois un homme remarquable, sur le plan de ses qualités de gestionnaire, sa compétence, de son intégrité – ce qui était rare – mais qui était un homme impossible, sur le plan du caractère. et il s’entendait peut-être mieux… il avait peut-être un esprit – et cela a été notre chance – qui faisait qu’il pouvait s’entendre mieux avec les Européens qu’avec les Mauritaniens. Les compatriotes disaient : ce type-là, il est orgueilleux, ceci, il ne veut parler avec personne, il ne veut pas faire cela… Ismaïl a compris… et le Président a compris que nous devions conserver à l’entreprise sa culture… et par conséquent, nous devions – comme disent les nomades – avoir un très bon paravent contre tous les vents qui viennent de la société mauritanienne, qui portent comme noms le tribalisme, l’interventionnisme. Et si jamais ces vents-là s’engouffraient à l’intérieur de l’entreprise, c’était terminé.C’était bon à dire, beau à faire, mais c’était difficileà vivre, parce que cela entrainait toutes les inimitiés. Lorsque les gens – sur la voie ferrée – demandaient plus d’eau, plus de soins, eux ils considéraient que l’entreprise était une entreprise étrangère, devenue maintenant nationale, et qu’il n’y a pas de raison… lorsque le gouverneur lui-même dit : moi, ce monsieur-là, je suis son patron. Pourquoi diable ? lorsque je lui demande de faire telle chose pour recevoir telle délégation, de m’envoyer tant de camions, de l’envoyer tant de voitures, pourquoi ne le fait-il pas ? Lorsque le ministre de la Santé, ici, voulait parler des problèmes de la santé avec Ismaïl Ould Amar c’étaient des objets de friction. Lorsqu’il y avait le ministre du Travail, c’étaient… alors, si nous avons pu maintenir cela, c’est qu’il m’était apparu très clairement que le véritable intérêt était de soutenir totalement Ismaïl. Et le Président m’a soutenu entièrement tant que je le soutenais. Et, vers la fin, on n’était que les trois. Ismaïl était vu comme un monsieur qui avait son avion… c’était l’Etat dans l’Etat…
… et finalement, Ismaïl Ould Amar, si l’on fait un excursus, d’une part il est pour le putsch, et, un an après, il fait un parti d’opposition.
S’il y a un Ismaïl que j’ignore totalement et que je n’arrive pas à comprendre jusqu’à présent – c’est l’Ismaïl politique. Il ne m’en a jamais parlé à cette époque. Il avait de grandes inimitiés avec l’ « establishment » d’une manière générale. J’ai été très surpris que, après le putsch, il soit allé avec les militaires… Par la suite, je l’ai suivi, de loin, et je n’ai pas la même estime et la même admiration pour l’ingénieur que pour l’homme politique. C’est très différent !
Autre question… de fond. Est-ce que, en nationalisant Miferma – et manifestement, la monnaie, c’était pour pouvoir préparer Miferma, en grande partie – et les accords avec la France, c’était lié à la monnaie. Tout cela se tenait, c’est la même séquence logique. La nationalisation n’a-t-elle pas fait fuir les tentatives d’investissement étranger et notamment dans le pétrole, qui aurait pu apparaître dès cette époque ?
Je me suis posé la question. Je sais que pendant les années 1970 – il y avait un certain nombre de sociétés pétrolières qui étaient là. Elles faisaient des recherches, je sais même qu’il y en avait une qui avait fait des recherches très avancées en off shore ici, et effectivement, vers la fin, tout cela s’est beaucoup réduit. Mais j’ai toujours pensé que c’était à cause de la guerre du Sahara, je ne l’ai jamais lié au problème de la monnaie. Nous avons négocié très, très correctement, très convenablement, l’indemnisation de la Miferma. En aucun moment donné, il n’est arrivé ni à l’esprit du président Moktar, ni à l’esprit des exécutants, quels qu’ils soient et à quelque niveau que ce soit, de vouloir spolier quelqu’un de quelque chose. C’est une idée qui ne nous est pas venue à l’esprit. Il est peut-être possible que tel privé ait dit : ah ! bonne occasion pour acheter à ce monsieur son entreprise. Mais il n’y a jamais eu de politique, il n’y a jamais eu d’orientation pour cela.
Le souci de faire participer les nouveaux arrivants
Vers 1973-1974-1975, il y un grand enjeu de politique intérieure. Qui est le ralliement des dissidences UTM, qui est l’agitation scolaire et universitaire, qui est le mouvement des Khadihines, qui est en fait une querelle de générations et en même temps une réflexion sur le système d’intégration du Parti. Y êtes-vous mêlé, ou le jeune cadre technocrate, l’aile marchante, vous n’êtes pas très concerné par les pourparlers qu’on fait avec ces opposants.
Oui, on a été très concernés. On a été tout à fait au front. Lorsque le Président a voulu – d’ailleurs, c’était un peu la raison pour laquelle nous sommes entrés finalement – nous, nous étions ici un certain nombre de cadres dont vous avez parlé – tous ceux, pratiquement, que vous avez vus, Ahmed Sidi Baba, Baro Abdoulaye, nous n’étions pas dans le sytème et nous n’étions pas dans le Parti. Alors, le président Moktar a imaginé ce qui a très bien réussi, il a fait un Conseil national.J’étais directeur du Plan. Le Conseil national devait, par exemple, discutrer du Plan. Il a fait venir au Conseil national, qui a eu lieu à Tidjikja [9], un certain nombre de cadres…
J’y étais.
Il a fait venir un certain nombre de cadres qui n’avaient rien à voir avec le Parti. et a proposé au Conseil national la création d’une commission qui devait discuter de l’avenir du pays et dans laquelle il a proposé de mettre des gens qui n’étaient pas membres du Parti, des jeunes cadres. Nous nous sommes trouvés, moi et d’autres, dans cette commision. Cette commission s’est réunie ici, pendant très longtemps, et puis çà navançait pas, çà piétinait. Le Président a alors fait la proposition de nommer un tout petit comité qui devait devait tenter d’aboutir à des conclusions à proposer à la grande commission. Et sa commission a été bien dosée Il a pris Ahmed Ould Mohamed Salah [10] qui est le représentant réellement du Parti, il a pris Baro, Cheïbani Ould Haïba [11], les deux qui étaient des jeunes du Parti, mais qui étaient du fait de leur formation, du fait de leur âge, un peu une sorte de pont entre le Parti et nous : les jeunes. Et puis, il m’a mis là-dedans. Nous n’étions que quatre, je ne me souviens que de cela. Et nous sommes allés à Nouadhibou où nous sommes restés quinze jours. Finalement on a abouti à des conclusions, on est venu les proposer et ces conclusions ont été adoptées. Le Président est arrivé à nous familiariser… – je pense que le véritable point fort de tout ce qu’il a fait, c’est qu’il a pris des gens par la main qui étaient en dehors de l’enceinte, et il a fini par les faire rentrer là-dedans. Quelques mois plus tard – il a fait un grand changement, et il a proposé à tous ces jeunes gens des postes ministériels dans son gouvernement.
Quand nous sommes rentrés au gouvernement, nous sommes devenus tout à fait des acteurs. Par exemple, une très grande opération qui a été faite… qui nous a demandé beaucoup de travail, c’est la tentative d’intégrer les syndicats au Parti. Nous y sommes tous allés. Baro avait dirigé une mission dans le nord, à Zouérate et à Nouadhibou. Moi, j’en ai dirigé une dans le Trarza, le Brakna, le Gorgol et le Tagant. Il y en a d’autres qui sont partis dans d’autres régions. On a couvert tout le pays, … ici, à Nouakchott, on a fait une réunion qui a commencé à trois heures de l’après-midi et qui s’est terminée le lendemain à onze heures du matin. Nous, les jeunes nous étions venus voir les gens : expliquez-nous pourquoi vous voulez vous invalider ? sur quelque plan que ce soit. Nous étions dans l’opposition, voici ce que nous disions… maintenant nous, nous pensons que nous sommes dans un processus qui va dans le sens que nous voulions … et bien, nous y allons. Vous voulez que nous soyons plus indépendants ? nous sommes en train de… vous voulez que nous ayons plus d’indépendance économique ? voilà ce nous faisons. Et les actions pratiques qui ont été la nationalisation de la Miferma, et la création de la monnaie…
C’était la concrétisation – elle a amené en fait tout ce mouvement de la contestation à prendre une autre tournure. Et cela, Mariem – qui l’a d’ailleurs faite – vous le dira mieux que moi. A partir de ce moment-là, même les Khadihines se sont divisés. A partir de 1974, de mon point de vue – et avant que le problème du Sahara ne prenne le tour qu’il a pris… – Moktar est devenu vraiment la légitimité-même, dans ce pays. Parce que tous ceux qui pouvaient l’attaquer sur le fait … parce qu’il était le produit du système de la colonisation, tout cela était tombé à l’eau, et il était apparu que c’était un monsieur qui était là pour son pays. On peut considérer qu’à partir de 1973 jusqu’à 1976-1977, nous sommes passés par une période vraiment politiquement excellente.
Alors, cela se dégrade parce qu’il y a l’affaire saharienne, mais j’ai été frappé d’un diagnostic identique chez deux collaborateurs proches du Président. A partir de 1975, du Congrès du mois d’Août, il n’y a plus de Comité permanent et il n’y a plus une petite cellule à la fois de réflexion et de commandement : on est dans un grand B.P.N., on a ensuite le système des ministres d’Etat qui gêne beaucoup les ministres qui ne sont pas ministres d’Etat. L’organigramme est en crise. Je pose la question, parce que je n’ai pas d’idées arrêtées et Moktar s’en justifie dans son livre.
A tout moment de son action, depuis le temps en tout cas où j’ai pu le cotoyer, Moktar a toujours été à la recherche de ce qui pouvait lui apparaître comme le meilleur pour le pays. Il a fait cette expérimentation des ministres d’Etat. Je ne me souviens pas qu’on en ait discuté, je me souviens que c’est venu comme çà … et j’ai eu l’impression que cela été vêcu mal. Par un certain nombre. Là où j’étais, cela n’a pas été vêcu mal et pour la simple raison que j’avais très vite compris qu’il fallait que les ministres qui étaient avec moi soient des ministres, c’est-à-dire qu’il fallait déléguer beaucoup. On est trop même centralisateur dans nos pays. En fait, ce sont des expériences de petits Premiers ministres. Le Président se méfiait, je crois, du poste de Premier ministre parce que… dans son esprit, peut-être, cela allait l’obliger à se déterminer par rapport à un partage institutionnel des choses entre les ethnies mauritaniennes, et il avait bien peur qu’il ne soit considéré par certains que le Premier ministre doit être un négro-africain… simplement son idée de l’unité était telle qu’il ne fallait pas figer, par un certain nombre de choses, cette évolution vers une unité profonde. C’est ma façon de voir. enfin… de comprendre ce qu’il faisait. Je pense que le Président était énervé, fatigué, à cette époque-là… je crois que la question du Sahara le préoccupait beaucoup…
Il n’y avait pas non plus de Comité permanent, il n’y avait pas même une cellule de conduite politique de la guerre.
Non ! Il y avait cette relation entre lui et l’armée. Il y avait un tout petit truc qui a été fait, mais uniquement pour la voie ferrée, la protection de la voie ferrée. Des réunions qu’il présidait, il y avait lui, il y avait le ministre chargé des Mines, qui était moi, à l‘époque il y avait le chef d’état-major qui amenait avec lui certains officiers… mais on discutait essentiellement des problèmes de la protection de la voie ferrée parce qu’elle était la cible du Polisario. Le Président était très préoccupé par la question du Sahara et, probablement, dans son esprit, à un moment donné, il n’était pas très content de la manière dont les choses fonctionnaient. Alors, il expérimentait des changements. Il a expérimenté cette affaire de mécanisme… enfin, de ministères d’Etat parce qu’il voulait dynamiser l’administration et la faire marcher mieux. Il avait vu cela en Guinée, je crois, et puis il a pensé que cela pouvait être une bonne chose. Mais il a eu le réalisme et la sagesse, au bout de deux ans ou d’un an et demi, se rendant compte que cela n’allait pas très bien, de revenir là-dessus. Vers la fin, il aurait voulu – de l’ensemble des responsables – plus d’engagement pour tout ce qui se faisait. Il a senti peut-être qu’au niveau de la population, il n’y avait pas une adhésion aussi forte qu’il le souhaitait et il a diagnostiqué cela comme étant des comportements pas satisfaisants de certains responsables. Et c’est pourquoi il a voulu aller contre tous ceux qui pouvaient être suspectés de s’intéresser à leurs biens personnels…
…les histoires d’actionnariat…
… et puis, peut-être aussi, a-t-il senti le besoin d’élargir un peu son Bureau politique, de toucher à d’autres catégories, en ayant peut-être peur que ce petit Comité permanent ne lui fasse écran par rapport à des gens.
Est-ce que vous voulez que l’on continue encore sur cette question, ou que l’on passe à la suivante ?
2 .
Comment expliquez-vous… vous n’avez pas senti venir, formellement, le pustch ? et comment l’avez-vous vêcu ? acceptez-vos l’argumentation du Président qui est de dire : je me laisse tomber et les militaires feront mieux la guerre, puisque je suis un prétexte pour qu’ils ne la fassent pas…
Moi, je n’ai pas senti… bon ! je sentais que cela n’allait pas, et qu’il y avait un certain nombre de choses qui ne tournaient pas comme je le souhaitais. Dans ce genre de situation, ce n’est pas le moment de penser trop à soi … je ne vous cache pas, qu’il m’ait arrivé en un moment donné l’idée de quitter le gouvernement, que je serais content si je pouvais partir de tout cela. Mais aussitôt après, je me suis dit : quand même ! on ne fait pas çà. J’en ai même parlé avec Ahmed Ould Mohamed Salah. Cela devait être en 1978. Quelques mois avant le coup.
Et Ahmed ould Mohamed Salah avait été un peu rétrogradé à l’époque.
Oui. Moi-même, j’ai été rétrogradé, dans une certaine mesure, au mois de Janvier. La signification que je lui accorde, est limitée. Le Président découvre qu’il y a d’autres compatriotes, qui semblent avoir été laissés un peu dehors, et il éprouve le besoin de les rapprocher pour leur dire : je n’ai absolument rien contre vous ! venez ! et si vous pouvez apporter quelque chose, apportez-le !
Et les miltaires, vous leur parliez ? dans cette époque.
Non … je pense que c’est une affaire de promotionnaires. Il n’y avait pas… nous n’avions pas de relations entre civils et militaires qui étaient organisées … dans notre esprit, en tout cas… les militaires étaient très civils, c’est-à-dire que en dehors de sa caserne, au dehors, l’officer était un civil, c’était un citoyen ordinaire. Et alors il se retrouvait avec son milieu. Les promotionnaires, par exemple Rajel dont vous m’avez parlé, directeur des Mines, était très grand ami d’Haïdalla… moi, comme j’étais d’une génération qui venait avant les militaires, je n’avais pas de contact avec eux, je ne parlais pas avec eux.
Travailler avec Ould Taya
Changeons complètement d’ambiance. Comment arrivez-vous à travailler avec les militaires, mais après un assez long temps d’observation : entre 1978 et 1986, vous ne prenez pas de service.
C’est très simple. Je suis parti. J’étais conseiller au Fonds koweitien de développement, à Koweit de 1982 jusqu’au moment où Maaouya m’a appelé. Alors quand il m’a appelé, j’ai demandé… c’était un jeudi… j’ai demandé jusqu’à samedi pour réfléchir. J’aurais voulu avoir les avis d’un certain nombre de personnes dont les avis comptent, mais c’était très difficile : les communications, il n’y avait pas le téléphone comme maintenant, C’était très difficile : du Koweit, on n’arrivait pas à communiquer avec la Mauritanie.
Alors, comment vous a-t-on appelé ?
J’ai été appelé… j’étais là, j’étais d’ailleurs à la cuisine, parce que chez les Orientaux, dans leur maison, ils font de très grandes cuisines et quand ils n’ont pas d’hôtes, la mère de maison préfère avoir sa famille autour d’elle et ses casseroles pas très loin, une table où l’on mange. On était là-bas, un jeudi, il y avait les enfants… et c’est Louleid qui m’a appelé : je vous appelle. Le Président souhaite que vous acceptiez un poste dans son gouvernement, dont d’ailleurs le secrétaire général… dont l’un des membres est votre ami Baro Abdoulaye… le Président voudrait vous proposer le ministère de l’Hydraulique et de l’Energie. – Il faut que je réfléchisse. – Maintenant que tout le monde est nommé, c’est bloqué à cause de vous.
Alors, entre jeudi et samedi, j’ai réfléchi. Quand il y a eu le coup d’Etat (celui de Décembre 1984 par lequel Ould Taya renversant Haïdalla absent, le supplante) – un an auparavant… le directeur général du Fonds koweitien m’a demandé une analyse qui, d’ailleurs, par la suite ne s’est pas avérée juste. Je ne le connais pas, mais je pense qu’il est d’un milieu tribal, en Mauritanie, dont l’influence sur lui pourra m’apparaître bénéfique. Ce sont des gens d’une tribu moyenne, commerçante, qui a la tradition d’avoir de bonnes relations avec les gens. C’est peut-être un élément rassurant.
Quelques mois après, il m’a envoyé un parent pour me proposer la directionde la Société de commercialisation des produits de la pêche. Je lui ai répondu que je m’excusais, mes enfants, que cela me dérangeait.
Les deux idées qui m’ont fait prendre la décision, sont les suivantes. Pas une de plus. La première est que je me suis dit : quand les militaires sont venus en 1978, ils ont voulu vraiment créer un fossé entre l’ancien pouvoir et – disons – le monde dans lequel… qu’ils ont mis en place Et, pour pouvoir le faire, ils sont partis dans un tas de choses qui sont fausses. Si cela peut être le début de la résorption de cette fracture qu’ils ont voulu créer, moi, je trouve cela très bien. Deuxième idée, elle est très bête. Pour la première fois de ma vie, je vivais sans avoir des fins de mois difficiles. Parce que pendant toute la période où j’étais au gouvernement et après, j’ai toujours eu des fins de mois très difficiles.
Parce que tout le monde vous pompait ?
Et je n’avais pas même ce que l’on me donnait. Vous savez : à partir du moment où vous ne prenez pas autre chose que ce que l’on vous donne comme salaire…c’est peu ! En fait, on pompait dans quelque chose qui déjà n’était pas important. J’ai eu un problème de conscience. Est-ce que je ne vais pas refuser de servir mon pays pour des raisons égoistes et personnelles ? Est-ce que je ne vais pas être poussé par le fait qu’ici je suis bien ? Réellement ma décision a été prise en partant de ces deux éléments. Je ne savais rien sur ce que – lui – il faisait.
Il est vrai que je l’avais vu auparavant, quand j’étais au Fonds koweitien. J’étais venu avec le directeur général, et – lui – il a demandé à ce que je vienne le voir. C’était pour parler de la coopération. Et puis, après, il m’a dit : est-ce que vous avez quelque chose que vous voulez me dire ? J’ai dit : non ! ce qui me semble le plus important, c’est ce que vous, Monsieur le Président, vous pouvez me dire. Moi, je pars à l’étranger et j’aimerais savoir ce que vous voyez… comment vous voyez. Et il m’avait dit une chose qui m’apparut pleine de bon sens, à ce moment-là. Il m’a dit : vous avez des gens ici… vous avez vos amis et particulièrement : votre ami, tel – il parlait d’Ahmed Sidi Baba : ils veulent la démocratie, la démocratie. On était en 1985. La démocratie… la démocratie… moi, je veux bien mais tant qu’on n’a pas fait une administration, il y a un minimum de capacité de gérer… la démocratie, çà ne pourra pas marcher. Je vais donc m’y employer mais pas avec la vitesse de… d’une manière de dire qu’il l’agace un peu – pas avec la vitesse que vos amis veulent cela. Je lui avais donné un conseil. Monsieur le Président, je vous parle avec l’esprit de quelqu’un qui vient d’une institution de financement international. Vous pouvez parfaitement bien – et cela ne concerne que vous et votre appréciation – changer vos ministres comme vous le voulez, mais si vous pouvez faire un peu de stabilité au niveau de votre administration et de vos directions, ce sera mieux. Quand quelqu’un est dans un poste depuis un certain temps, il est connu par les gens à l’extérieur, et s’il n’est pas particulièrement mauvais, il aura capitalisé un certain nombre de connaissances qui peut aider beaucoup à résoudre…et cela s’est arrêté là. C’était à l’occasion de l’assemblée de l’O.M.V.S., en Février 1985 : quelques mois après sa prise du pouvoir
Quand je suis revenu ici participer au gouvernement –pendant sept mois, j’ai été tout simplement… c’était pour moi un véritable enchantement. Je travaillais avec Baro. C’est un monsieur qui me semblait très… très simple, très correct, très ouvert. Et je ne sais pas pourquoi je me suis imaginé cela, parce que, quand je me souviens… j’avais eu l’impression que les choses que je voyais, qui n’allaient pas bien, que cela allait se résoudre.. que c’était parce qu’il avait encore avec lui d’autres militaires dont il allait se débarrasser. A l’époque, il avait d’ailleurs manifesté un respect réel qui tranchait, par rapport au reste, pour Baro et pour moi.
Et puis, en Août, il y a eu les négro-africains, enfin des Mauritaniens qui avaient sorti un manifeste ou un document en 1986…
« Le négro-mauritanien opprimé » ?
Oui. Je ne parlais pas avec les politiques, je m’occupais de mon ministère. Je suis resté en dehors de l’équipe, qui était plus jeune que moi. Je m’occupais de mon ministère pour lequel j’avais les mains libres, en tout cas par rapport à lui. Beaucoup de difficultés par rapport à la société, aux opérateurs, mais pas par rapport à lui. A partir de ce moment-là, j’ai senti quelque chose qui ne me plaisait pas beaucoup. Une fois, par exemple, je suis venu le voir, et je lui ai dit : Monsieur le Président, je vais vous parler de quelque chose, dont je ne voudrais pas parler si je ne l’avais entendu que dans la rue, mais je l’ai entendu avec certains de mes collègues ministres, et cela c’est grave. Nous, en tant qu’Etat, tous nos textes, tout ce que nous avons, ne reconnaissent que les individus, nous ne connaissons ni ethnie, ni tribu, ni communauté, ni quoi que ce soit. Et lorsque j’entends des gens responsables dire : les Ouolofs, c’est des gens bien, mais les Toucouleurs c’est des gens mauvais, cela m’inquiète. Si l’on n’y prend garde, cela peut être une glissade dangereuse pour nous. Je conçois parfaitement bien que nous puissions arrêter encore vingt Toucouleurs ou vingt Maures, les arrêter tous, mais en étant sûr que chacun d’entre eux, on l’arrête pour une raison précise, qui lui est propre. Je ne faisais pas mouche : il m’a écouté poliment…J’ai senti qu’il ne condamnait pas forcément… il ne voyait pas de la même manière le danger que moi je voyais dans le fait – pour des gens qui sont au pouvoir…
Au début, très bien et en particulier, pour moi qui m’occupais des affaires économiques, j’avais le sentiment qu’il y avait une réelle ouverture sur ces problèmes, pour les comprendre.
C’était un homme qui vous paraissait avoir pris l’expérience du pouvoir, et être intelligent et comprendre les dossiers ?
Oui, c’était un homme qui paraissait… d’abord, il était très calme… il était très calme, il écoutait, en tout cas d’expérience avec moi, il présidait relativement bien le conseil… peut-être pas comme… il n’avait peut-être pas ce que j’avais en vue à cette époque, cette attitude chez le président Moktar qui faisait qu’il n’était jamais à l’aise tant qu’ il avait le sentiment que quelqu’un voulait dire quelque chose qu’il n’avait pas dite… mais je n’avais pas constaté d’attitude très particulière… une ou deux fois, certain énervement contre certains ministres tel que… que par rapport à un certain système d’éducation qui est le mien, je n’aurais pas préféré voir. Mais comme je vous l’ai dit, toujours un grand respect, une très grande considération pour Baro et pour moi, qui tranchait réellement avec le reste. Une fois, il m’est arrivé de lui dire : Monsieur le Président, je suis très surpris. Je m’étais rendu compte que… quand il y avait une ambassade qui invitait, on constituait une délégation. Monsieur le Président, cela me surprend. L’une des meilleures choses qu’on peut avoir ici, ce sont ces occasions où les Mauritaniens, les responsables rencontrent les étrangers qui sont là, discutent de choses et d’autres. Alors, il m’a dit : vous, et Mr. Baro, vous pouvez aller n’importe où, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. J’ai senti qu’il y avait une sorte de défiance vis-à-vis d’autres. Je ne sais pas pourquoi.
A partir de ce moment-là, j’ai senti que, par rapport au problème ethnique, il avait une atitude très – très en retrait par rapport à ce que personnellement je souhaitais. Mais comme on ne parlait pas de politique, je ne voulais pas me mêler de politique, je me concentrais sur mes problèmes. Il se trouve qu’après… il a fait un changement. C’est justement à l’occasion de ce remaniement du gouvernement, après cette affaire du document-là, du « négro-africain opprimé », qu’il a changé. Il a fait partir Anne Amadou Babali [12]
Le ministre de l’Intérieur, Anne Amadou ? qui, je crois, est quelqu’un de très bien.
Oui, je crois. J’ai avec lui des relations personnelles. Puis j’ai continué à travailler. Quand je suis arrivé dans ce ministère des Pêches, il m’est apparu très clairement qu’il y avait urgence à vouloir préserver la ressource. Et je m’y suis employé pleinement – pleinement. Ne pas surexploiter. C’était une politique qui était mal vue par tout le monde. Elle était mal vue par les gens qui venaient ici demander des licences de pêche. Elle était mal vue par les opérateurs économiques mauritaniens, qui trouvaient avec des Canariens, des Espagnols, des formules d’arrangement pour l’achat de bateaux.
Vous êtes devenu extrêmement gênant.
Tout à fait.
Il vous avait donné le choix de changer de portefeuille ?
Non, non ! Je lui avais dit – quand il m’a nommé au ministère des Pêches… je n’étais pas au courant. Alors, je vais le voir : Monsieur le Président, vraiment je voudrais vous dire que je n’ai pas beaucoup apprécié de n’avoir pas été informé. Il m’a dit : excusez-moi. Franchement, je croyais que pour un changement interne – quand on est déjà au gouvernement – que pour un changement interne de ministère, je pouvais ne pas vous en parler.
Est-ce que vous sentiez, d’une part, l’influence du Comité militaire sur la marche des affaires, et est-ce que, d’autre part, l’ombre de Moktar traversait son esprit ?
Je n’ai pas senti l’une et l’autre, à mon niveau. Une fois, il m’a dit : comme çà… parce que j’avais fait remarquer que nos possibilités ne nous permettent pas d’autoriser des navires. Il y avait beaucoup de navires, de demandes. Il m’a dit : mais, moi, je ne comprends pas. Vous nous avez toujours dit que ces côtes… on nous a toujours dit que ces côtes étaient les plus poissonneuses du monde, et l’on m’a dit que, même de votre temps, il y avait jusqu’à six cent bateaux qui pêchaient, et maintenant vous voulez qu’on bloque tout cela, une centaine de congélateurs… J’ai senti là-dedans que cela, c’était une référence à l’ancien système. Mais autrement, non …
Les militaires, j’ai senti cela. Une fois, d’ailleurs, j’étais parti en mission. C’est lui qui m’avait envoyé porteur de messages pour un certain nombre de chefs d’Etat africains. Et puis, il y a eu tout un problème de scandale après mon départ. Ils ont arêté un certain nombre de navires dont ils ont dit qu’ils faisaient des transbordements en mer, ce qui était interdit.Et alors, avant que je ne revienne, il a confié l’affaire à un membre du Comité comme président, qui était le responsable des problèmes économiques au sein du Comité militaire de l’époque. Quand je suis revenu, on a eu une première réunion… qui ne m’a pas plu. … il y avait des propos que je ne comprenais pas très bien. Monsieur le Président, moi je ne… s’il y a des aspects politiques là-dedans dans cette affaire, j’aimerais en être dégagé, parce que je ne me sens pas la capacité de pouvoir les gérer. S’il y a des aspects simplement économiques, techniques, de gestion, j’ai un certain contexte et je peux assurer correctement l’application. Le lendemain, il avait totalement changé. Il a sorti complètement le monsieur de l’affaire, et puis il m’a laissé le dossier, mais disons que – à partir du mois de Mars de l’année suivante, cela n’allait plus. J’étais entré dans ce ministère en Septembre. Il ne me faisait plus confiance et nos relations s’étaient dégradées.
Cela a été finalement assez court.
Oui, je suis resté jusqu’en Septembre : j’ai fait au total, peut-être une vingtaine de mois avec lui, et je suis parti. Pendant cette période, il n’était pas le Maaouya qu’il est devenu par la suite, tel que les gens en parlent maintenant. Il n’avait pas cette autorité par laquelle il écrasait tout le monde, il n’avait pas cette relation avec les gens, dont on parle… dont on a parlé ces derniers temps.
Comment expliquez-vous qu’il ait changé, alors qu’il a essayé de mettre la démocratie, la Constitution. On m’a dit que c’était vraiment de façade…
Je ne sais pas… pour n’importe quel homme, qui a une responsabilité quelconque, je pense que si l’on n’est pas soumis à quelque chose qui vous dépasse, qui est plus fort que vous… les possibilités de dérapage sont très faciles. Surtout quand vous êtes avec une population qui peut vous donner les apparences de l’attrait que tout ce que vous dites, est bon… je crois qu’il a assez vite compris que s’il met les gens en situation de dépendance … : dépendance psychologique, dépendance matérielle, que c’est la meilleure manière de les tenir. Il s’est employé à çà, il s’est employé à prendre des gens et à faire de sorte que ces gens-là, en fin de compte, ne dépendent que de lui. Autrement dit – moi, je n’ai pas vêcu cela, mais l’on m’a dit… il y a beaucoup de gens sérieux qui m’ont dit que cela ne lui posait aucun problème que des responsables s’enrichissent de façon illégale. Il n’aimait pas beaucoup les gens qui n’ont pas avec lui cette relation de dépendance. Si vous gardez votre autonomie, si vous avez vos idées, s’il n’est pas sûr de vous faire passer par ce par quoi il veut vous faire passer, je crois que vous ne l’intéressez pas beaucoup. Les psychologues, les psychiâtres pourront un jour – peut-être et en se basant sur le personnsage – caractériser tout cela.
Alors, comment est-ce que vous expliquez tout de même qu’il ait essayé de faire une démocratie de façade d’une part et qu’ensuite, il soit tombé d’autre part ? parce que son système psychologique tenait bien.
Il tenait bien. Son système…tant que cela marche, mais c’est un peu comme le château de cartes, il suffit qu’il y ait un petit truc.
Société actuelle et partis politiques
Vous ne pouvez pas imaginer un départ de Maaouyia dans des conditions plus favorables. Meilleures que celles-là. Vraiment, je ne le pense pas. Il est parti. Les militaires qui sont maintenant venus, ne semblent pas avoir d’arrière-pensées par rapport à ce qu’ils ont dit. Je pense donc qu’ils vont faire tout pour conduire ce processus à son terme. Jusqu’au moment où je vous parle – ils se sont très bien tenus par rapport au fait de vouloir peser d’une manière ou d’une autre sur ce qui est déjà entamé dans le cadre du processus.
Je pense que la société mauritanienne d’aujourd’hui, c’est une société… les gens sont habitués… ce qu’ils savent… ce qu’ils ont appris à faire depuis que la démocratie est là, c’est, pour un très grand nombre d’entre eux, d’aller là où ils pensent que l’administration veut qu’ils aillent. Je pense que tous ces gens-là – beaucoup d’entre eux – sont toujours dans l’expectative parce qu’ils n’arrivent pas encore à croire totalement au fait que les militaires n’auront pas de parti-pris.
Je crois que nous sommes dans une société dans laquelle en fait, il n’y a pas de… il n’y a pas actuellement de séparation nette par rapport au projet de société. Vous prenez par exemple le… un parti, comme l’ancien parti de Ould Taya. C’est un parti qui était le parti, donc, au pouvoir. Par conséquent qui est responsable… peut être tenu comme responsable de ce qui s’est fait. Mais lorsque vous allez au-delà de çà, vous vous rendez compte que, jusqu’à présent, pour ce qu’il en reste, c’est un parti qui a des caractéristiques intéressantes, parce que il est présent partout dans le pays.
Il a encore son infrastructure.
Non, ce n’est pas ce que je veux dire, comprenez-moi bien. Ce que je veux dire, c’est que par rapport à cette unité nationale que nous, nous voulons, toutes les composantes y sont. Vous comprenez ce que je veux dire.
Parfaitement représentatif de l’ensemble mauritanien.
De l’ensemble des Mauritaniens. A l’intérieur de ce parti, vous avez des gens… vous avez ce qu’on peut appeler les intellectuels. Vous avez, dans ce parti, un nombre considérable d’intellectuels. Vous avez un parti qui n’a jamais été un parti, tout ce monde-là était là… avec le pouvoir et suivait le pouvoir et globalement ce monde a commis une très grave faute, c’est qu’il a toujours été disponible pour justifier et soutenir ce que le pouvoir faisait.
Vous avez d’autres partis : de l’opposition, de ce qui s’appelle l’opposition. En fait, moi, tels que je les vois, ces partis ne diffèrent pas beaucoup les uns des autres. Mais il y a des hommes qui diffèrent de Maaouyia, réellement. Il y a des hommes intéressants, qui sont des responsables de partis, mais je ne suis pas persuadé que les partis eux-mêmes soient tout à fait très différents. C’est-à-dire qu’ils soient tout porteurs d’un projet de société, largement partagé au niveau des militants. Nous sommes actuellement dans une stiuation très complexe. Vous pouvez, par exemple, avoir un parti aujourd’hui et on va vous dire qu’il y a telle tribu.qui va rentrer là-dedans et les gens du parti sont très contents que la tribu vienne. Ce qui pourra être intéressant, on ne peut pas le savoir à travers les partis eux-mêmes. Peut-être le savoir à travers des hommes. Je considère personnellement que Ahmed Daddah est un homme très sérieux…
… vous avez travaillé avec lui.
Je considère que Ahmed Ould Sidi Baba est un homme sérieux, qu’il a un peu ce handicap d’être de la tribu à laquelle appartenait Maaouyia et que probablement les Mauritaniens veulent changer.
Je considère que Messeoud [13] est un homme sérieux, il a une vision particulière… c’est un homme qui pourrait – dans l‘état actuel des choses, peut-être est-il trop tôt pour qu’il devienne chef – mais je pense qu’il n’est pas trop tôt pour qu’il joue un rôle important.
3 .
Une candidature parce que l’inquiétude est générale
C’est un peu comme cela que vont se jouer les choses. On aura des élections municipales et législatives qui vont permettre de savoir exactement ce que chacun pèse. Pour revenir au dernier aspect me concernant, effectivement j’ai décidé de me porter comme candidat indépendant, à la prochaine élection.
Je l’ai fait pour la raison suivante.
Je l’ai annoncé, il y a à peu près deux mois. Deux mois ou deux mois et demi. On en parle depuis plus de temps. Des gens qui en ont parlé, :mais moi je n’en parlais pas. Et cela fait à peu près deux mois et demi que je commence à en parler avec des gens. Je le fais et je l’ai fait après cinq ou six mois de visites, de beaucoup de mes compatriotes…
… qui sont venus vous voir ?
… tout à fait. Moi, je ne suis allé voir personne, d’ailleurs. Ils sont venus me voir… ils font des analyses, qui les conduisent à… Ce qui peut-être m’a déterminé en fin de compte, c’est ce qui suit.
Tous les gens qui sont venus me voir, j’ai constaté chez eux de l’inquiétude. C’est-à-dire qu’il y a une chose – maintenant – que partagent tous mes compatriotes, c’est qu’ils sont très inquiets par rapport à l’avenir. Pour des raisons qui ne sont pas toujours les mêmes, mais chacun a suffisamment de quoi être inquiet, pour son propre avenir. La deuxième chose, c’est que les gens aussi savent que ce pays est un pays fragile et que peut-être… peut-être que les solutions qui doivent être recherchées, doivent être des solutions, autant que faire se peut, consensuelles. La troisième raison – la troisième chose qui m’est apparue, c’est que peut-être, après toute cette période, il y a une certaine soif d’une vie publique plus propre, plus propre certainement. Et avec tous les gens… il m’est apparu qu’une candidature indépendante…
C'est-à-dire : sans parti…
… sans parti, sans être dans un parti. Qu’une candidature indépendante pouvait s’adapter mieux à la nature de cette demande sociale que j’ai pu voir, qui est très transversale, très large au niveau des gens et que – peut-être – un effort fédérateur avait plus de chances de succès avec quelqu’un qui n’avait pas été pris dans le cadre de partis, qui a déjà ses inimitiés.
Puisque vous avez été absent pendant longtemps, de 1992 à aujourd’hui…
C’est un élément certainement qui joue. Et puis… je n’ai pas trouvé un parti qui me convienne. C’est pourquoi finalement, je suis parti vers cela. Il y a des gens – je l’ai entendu – qui peuvent se dire : est-ce que Sidi et Ahmed n’iraient pas ensemble ? La raison simple, c’est que – Ahmed –, je l’aime bien, je le respecte beaucoup mais je ne me trouve pas dans son parti et je n’ai pas eu envie de rentrer dans son parti. Et j’ai aussi une analyse qui fait que je ne suis pas persuadé que nous allons nous disputer le même électorat. Si nous devions avancer tous les deux dans cette affaire, cela ofrirait certainement de meilleures possibilités d’entente pour pouvoir…
… chacun séparément, vous vous entendrez finalement mieux.
Je crois… on s’entendrait mieux, et si demain… il y avait l’un d’entre nous au deuxième tour, et l’autre ne passait pas, il pourrait lui faire confiance davantage et partir avec lui, lui amener un électorat qu’il n’avait pas. Quelque chose comme çà.
C que je ressens, mais c’est très subjectif.. deux aspects de la situation.
Il faut certainement qu’il y ait un consensus non seulement pour la forme du processus électoral jusqu’en 2007 – çà, il existe : parfait – mais surtout identifier les problèmes et leur traitement. Les problèmes dans le pays tel qu’il est, il n’y en a pas des centaines, il y en a cinq ou six. Ce consensus-là suppose de parler très sérieusement et que chacun s’oublie un peu soi-même. Je ne sais pas – là – où l’on en est. Si l’on n’arrive pas à avoir une certaine consensualité dans l’approche des problèmes, il y a un risque que celui qui gagnera en 2007, soit considéré comme le pouvoir et que ceux qui ne sont pas les gagnants, se considèrent comme l’opposition. Donc, pouvoir/opposition, opposition/manifestations, manifestations/arrestations, droits de l’homme et arbitrage militaire. Et la chance, depuis le 3 Août, ne se représentera pas. Si on retombe dans une spirale de coups d’Etat militaires après deux ans d’agitation, c’est f… pour très, très longtemps.
Le second aspect – je vous parle librement, vous me faites tellement confiance pendant ce moment – c’est quelque chose que je n’avais pas vu émerger au temps de Moktar et que je sens assez fort. C’est une présence, apparemment décomplexée, et une présence également dans les rouages de l’administration et du pouvoir, des « affranchis », des haratines, qui a nettement émergé. Ceux que j’identifie ainsi, à mon idée d’Européen, me paraissent de grande qualité. Je me dis que la Maueritanie a une chance – j’allais dire : démographique – que n’ont pas la plupart des Etats africains. Au lieu que ce soit un dualisme ethnique, même si la composante noire a ses subdivisions et la composante maure sa tribalité, mais au lieu que ce soit donc un conflit bipolaire, il y a une masse énorme qui a peut-être la majorité relative, qui est culturellement et sociologiquement totalement maure mais dans laquelle vos compatriotes de la Vallée du Fleuve, peuvent se reconnaître pour des raisons ethniques, historiques, etc… il y a donc une possibilité de climat de confiance. Mais cet élément très fort, qui peut donner une espèce de quille, de lest au bateau pur qu’il ne verse pas, cet élément très fort – s’il était pris pour un parti en soi – cela devient catastrophique, parce que plus personne ne s’y reconnaîtra. Vos compatriotes maures se sentiront en très grave danger et les gens du Fleuve se feront beaucoup d’illusions qui seront perdues. Est-ce que vous avez été au gouvernement en même temps que Messeoud ?
Oui, on a fait du temps de Maaouyia, là. Lui, il a été ministre du temps de Maaouyiaa, donc pendant les deux mois où je suis resté. Et je l’appréciais d’ailleurs.
Le dernier aspect … j’ai l’impression que le pouvoir actuel des militaires est presque trop timide et a conscience d’une extrême vulnérabilité, tant politique que sur le plan de la légitimité. Et qu’ils ont une conception très peu extensive du mandat qu’ils se sont donnés. Et à force de vouloir ne rien toucher, c’est-à-dire de laisser au pouvoir suivant de grandes décisions notamment de politique étrangère, genre CDEAO, Sahara, réfugiés, passif umanitaire – vous connaissez la collection des questions… on peut comprendre qu’ils le laissent, à la rigueur, le comprendre, mais ils n’en préparent pas déjà le fond de dossier et la méthode de solution, mais ce que l’on ne peut pas, à mon sens, comprendre, c’est qu’ils ne se rendent pas compte qu’il est de leur responsabilité de favoriser ce consensus entre les politiques d’une part, et de favoriser une imagination telle que, après 2007, personne ne se sente exclu. Les partis politique semblent, depuis six ou huit mois, ne pas encore arriver à le faire, à s’y préparer. Maintenant on va aller vite, il va y avoir l’hivernage, et tout de suite les élections. Donc, si les politiques n’arrivent pas à le faire, il faut que ce pouvoir de transition le fasse. Or, ils sont en train, me semble-t-il, de prendre conscience qu’il y a ce problème, ils ne sont pas encore en train de prendre conscience qu’ils en ont la responsabilité, et alors, par contre, ils n’ont pas la moindre idée de la manière de le faire.
Voilà, les trois idées sur la situation actuelle.
Ce dont le pays a besoin : une volonté politique très forte d’unité nationale
Je crois fondamentalement que pour cette période, et ce dont ce pays a besoin avant tout, c’est qu’il y apparaisse une volonté politique très forte pour l’unité nationale, une vraie unité nationale. Je crois que c’est un problème extrêmement important, c’est-à-dire qu’il faut – très vite – que les gens soient convaincus que ceux qui sont aux commandes vont s’employer, tout faire pour que chaque Mauritanien puisse être dans son pays, s’y épanouir, et s’y sentir mieux que dans d’autres. Si cette volonté politique est réellement marquée fortement je crois qu’elle est capable de pouvoir écarter les extrêmismes des deux bords. Parce qu’il y a des extrêmismes. Et cette volonté pourrait réellement enclancher quelque chose d’intéressant, dans ce pays. Je crois que l’argument qui peut être donné, et qui d’ailleurs est réel, et qui est politique, c’est que ce pays est tellement fragile, tellement petit que sa seule arme, c’est çà. C’est sa cohésion interne. On ne peut pas avoir autre chose.
La deuxième chose, c’est l’Etat. L‘Etat n’existe plus dans l’esprit des gens. Je crois qu’il est absolument fondamental que ces Mauritaniens voient un Etat qui se situe au-dessus des … qui renoue avec l’Etat de la période de Moktar. Un Etat qui était loin de l’utilisation des moyens économiques à des fins politiques. L’Etat n’a rien à voir avec cela, il doit utiliser les moyens dont il dispose pour les mettre à la disposition des gens : les moyens économiques de l’Etat ne doivent pas être des instruments pour quelques-uns…
Mais ces deux points, Sidi, jusqu’à présent, ils sont de la responsabilité de qui ? des politiques ou du pouvoir de transition ?
Les militaires sont là. Ils sont effectivement très timorés, sur un certain nombre de questions, mais je pense que ce serait déjà bien – le meilleur est le pire ennemi du bien – ce serait déjà bien qu’ils arrivent à nous conduire ce processus à son terme, dans la paix. Bien sûr, ils devraient pouvoir travailler dans toute la mesure du possible pour la recherche, un peu, de ce consensus.
Ce que vous dites concernant les haratines et les Maures, moi je pense que les Maures et les Noirs, je l’ai résumé par cette unité nationale… vous savez, les gens ici ne sont pas idiots. Quand ils peuvent se rendre compte… Ils lisent. Et c’est pourquoi d’ailleurs – cela, c’est peut-être la chose la plus difficile à comprendre par les Européens – c’est que ces gens-là, ici, vous pouvez leur donner des papiers écrits, vous pouvez leur faire les discours que vous voulez, mais la meilleure lecture qu’ils vont faire, c’est l’idée qu’ils se font – eux – de cette personne : c’est tout et ce n’est pas plus compliqué que çà. L’idée qu’ils se font de cette personne. S’ils pensent que cette personne ne vient pas avec simplement un beau discours qu’on va présenter pour la circonstance, ils peuvent, à ce moment-là, ils peuvent lutter à vos côtés. Si les Noirs sont convaincus que vous voulez aller vers une nouvelle étape de l’unité nationale, et que vous considérez que – vous – vous êtes convaincu que Diop et Mohamed ont exactement les mêmes droits dans ce pays, eux, ils peuvent, pour l’intérêt général, aller avec vous contre les extrêmistes. Les extrêmistes des deux bords. Mais s’ils n’en sont pas convaincus, et s’ils considèrent que vous êtes – vous, en tant que pouvoir – d’une ethnie, vous ne pouvez rien faire. Il faut simplement que le pouvoir arrive à convaincre qu’il n’est pas d’une ethnie, qu’il est au-dessus des ethnies. Le pouvoir, dans ce pays, n’a de chance de faire quelque chose que s’il s’extrait par rapport aux ethnies.
Le problème des haratines, pour moi, est très simple… le problème de l’esclavage, c’est sa gestion qui a été malheureuse. Tout le monde est d’accord, et en tout cas personne ne peut accepter qu’il reste de l’esclavage chez nous. Mais les gens ont voulu tricher avec çà, jusqu’à présent. C’est-à-dire affirmer çeci et, dans la pratique, tricher. A partir du moment où l’on dit : il n’y a plus d’esclavage, il faut vraiment pourchasser tout ce qui peut être manifestation, le dire. Que les Nations Unies l’apprennent, que tout le monde l’apprenne, qu’il n’y a rien à cacher, nous – nous sommes en train de lutter…
… au temps de Moktar, est-ce que vous pensez que vous avez été assez efficaces ?
Non, c’était trop tôt. Sur le plan pratique, nous étions dans une situation dans laquelle – je crois – le pouvoir pouvait se taire encore et donner le temps au temps comme dit le président Mitterrand. Mais la situation a énormément changé depuis lors. Sans d’ailleurs que ce soit le fait d’un gouvernement quelconque. La situation a changé simplement parce que le pays a changé, parce que la société elle-même a changé. Aujourd’hui, ce qu’il faut simplement… l’année dernière, il y a eu un petit scandale… il y a eu un cas dans la région de Méderdra. Alors, l’Etat a voulu cacher cela, l’Etat a voulu dénaturer pour qu’à,l’extérieur, on n’apprenne pas çà. C’est complètement fou : au contraire, l’Etat aurait dû dire. Oui, on a découvert çà, il y a eu çà, il y a eu quelqu’un… maintenant, on va appliquer la loi, et il n’a rien à craindre. Il n’y a aucune force aujourd’hui qui peut venir gêner un Etat pour pouvoir appliquer cette loi rigoureusement.
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Je reviens en arrière Entre 1978 et 1982, avant le Koweït, qu’est-ce que vous faites ?
Je vais vous dire exactement ce qu’il s’est passé. Entre 1978 et 1980, disons que nous sommes devenus quasiment libres…
Vous avez quand même passé un an en taule.
Nous avons passé un an en taule et après… pendant une autre année, je n’avais pas de passeport, je n’étais pas le seul. En fait, pendant cette période-là, je n’ai rien fait. Sauf que j’ai décidé de n’avoir aucune compromission, d’aucune nature, avec le pouvoir. Vous savez qu’au moment de mon départ du ministère du Développement rural en 1978, on l’a pris comme une sorte de début de disgrâce, j’ai été très vite contacté par les militaires qui voulaient un peu m’accueillir.
… il m’a semblé aussi – c’est Abdoul Aziz Sall qui me l’a dit – vous vous êtes croisés dans les bureaux du procureur. On a cherché à vous faire accuser Moktar.
Tout à fait. Et j’ai dit au monsieur que d’abord, premièrement, je ne dirai rien tant que je n’aurai pas paraphé avec lui chaque feuille de l’interrogatoire. Deuxièmement, je voudrais qu’il y ait une déclaration liminaire soulignant que j’étais très fier et très honoré d’avoir servi avec le président Moktar, de 1971 au coup d’Etat. Et que j’assume entièrement, en tant que membre du gouvernement, l’ensemble des décisions qui ont été prises, qui se rapportent à la politique… Ils m’ont dit, ils ont essayé de me dire, ils l’ont d’ailleurs dit aux autres. Nous, monsieur, - nous - nous savions comment Moktar faisait ceci et cela ! Je leur ai dit : en tout cas, je considère çà comme une insulte. Tous les postes dont j’ai été responsable, j’assume intégralement les décisions qui y ont été faites, et je considère que je les ai prises.
Parce qu’un des éléments de la condamnation… il y avait la violation de la Constitution par la déclaration de guerre et l’annexion de territoire, et l’autre : aliénation de biens économiques de la Nation. J’ai trouvé que c’était assez violent.
Non, c’est terrible. Mais vous savez, Bertrand, ce qu’ils voulaient faire. Ces gens-là voulaient faire un procès public. Le procès public, ils voulaient le faire avec nous comme témoins, et cela aurait été pour eux une affaire formidable. Et la qualité de l’équipe qui était avec Moktar, c’est qu’ils n’ont pas trouvé là-dedans un témoin. C’est tout. Quand ils n’ont pas trouvé de témoin, ils sont partis le faire à Rosso… et ils ont mis là-dedans ce qu’ils voulaient dire. Non même pas… ils m’ont interrogé – moi, sur les problèmes économiques. Ils ont interrogé Hacen sur la question du Sahara, Ahmed Mohamed Salah, ils ont interrogé Ahmed Daddah, Abdoul Aziz Sall sur la Constitution. Et je pense que tout ce qui leur a été dit, les a complètement dissuadés de vouloir faire le moindre procès public, parce que tout simplement il n’allait pas y avoir de témoins, ou bien les gens allaient venir, s’ils les y trainaient, comme moi je l’aurais fait, comme les autres l’auraient fait, je serais venu leur dire tout ce qu’on pensait de bien de Moktar. Donc, c’aurait été un tout autre procès.
Un fiasco total…
Et là, ils l’ont compris, ils ont laissé tomber. Ils m’ont envoyé quelqu’un, il y avait aussi Cheikh Ould Boïda (il est mort depuis peu, je suis allé présenter mes condoléances). Ils m’ont dit : nous, on savait que vous n’étiez plus dans les bonnes grâces de… Alors, j’ai dit à celui qui était venu me voir, qui était d’ailleurs un ancien ambassadeur pour me dire qu’il serait très bien que je vienne, que je travaille avec eux, qu’ils savent déjà d’ailleurs très bien ce qu’on avait été avec moi, que j’étais en disgrâce, qu’on m’a fait partir, que quelqu’un leur a dit que dans un changement qui allait être en Octobre de la même année 1978, j’allais être éjecté. J’ai dit à ce monsieur : n’allons pas très loin. Moi, ce que je n’ai pas dit de mauvais sur Moktar avant le 9 Juillet, je ne le pourrai plus. Cela s’est arrêté là.
Et l’A.M.D., vous en avez entendu parler en 1981, avant de partir au Koweit ?
Quand je venais du Koweit, je les rencontrais, c’étaient des amis ; j’avais beaucoup de sympathie avec eux. Mais cela n’a pas été plus loin que çà, c’est-à-dire que je n’ai jamais su ce qu’ils étaient en train de faire.
J’ai oublié de vous dire que, quand Taya m’a fait appeler du Koweit, j’ai accepté avant de parler au président Moktar. Mais, après, j’ai téléphoné au président Moktar, en France. Le nouveau chef d’Etat m’a appelé et m’a proposé un poste ministériel. Je veux quand même – c’est très important pour moi de savoir ce que vous pensez de tout cela. Il m’a dit : moi, vous savez, je vous fais confiance. Et puis, je ne suis pas sur place et il a utilisé une expression … pour dire : ceux qui sont présents voient plus que ceux qui sont absents. Comme vous allez être sur place, vous verrez certainement des choses que, moi, je ne vois pas. Je vous ferai confiance pour savoir ce qu’il conviendra de faire.
Et vous l’aviez vu entre 1979 et…
Bien sûr ! je suis allé en Tunisie quand j’étais au Fonds koweïtien, en 1984, juste au lendemain des émeutes du pain de Bourguiba, j’y suis allé, et j’ai passé avec lui une journée entière. Il m’a raconté tout ce qu’il était arrivé depuis qu’il a quitté. Il m’a chargé de lui envoyer un livre que j’ai trouvé fort heureusement à Koweït, et le lui ai envoyé. C’était un livre dont le titre était « En marge de l’Histoire », écrit par Taraf Houssein, un arabe. J’avais même voulu que Mohamedoun vienne passer quelque temps avec nous au Koweït, mais j’étais tellement découragé par les complications au niveau de l’émigration et de tout cela, qu’en fin de compte j’ai laissé tomber la proposition.
Vous auriez aimé que le Président rentre spontanément au pays, dès 1980-1981 ?
Non, ce n’est pas comme çà, que j’aurais… j’avais dit à Mouknass [14] quand il y a eu les événements de 1989 – j’étais là encore, en Mauritanie et nous sommes partis dans sa voiture, on allait au bord de la mer – je lui ai dit : bon ! toi, tu voyages, tu vois plus facilement Moktar. Est-ce que tu ne peux pas dire au président Moktar d’approcher Senghor et que – eux, tous les deux – ils fassent une déclaration concernant ces événéments. S’ils avaient fait une déclaration, simplement, mettant l’accent sur tous les liens qu’il y avait entre les deux peuples, les deux populations, cela aurait été une très bonne occasion pour lui de se faire entendre. Je l’ai dit à Hamdi. Il m’a dit qu’il allait le lui dire, et puis Hamdi ne m’a pas donné de nouvelles, et cette déclaration n’a pas eu lieu. Depuis lors, on n’en a plus reparlé.
Moktar était devenu – d’après tout ce qu’on me dit – quelqu’un de fabuleux, c’est-à-dire un personnage mythique Entre 1978 et 1995, Moktar était devenu mythique : tout son silence… Ce silence était extraordinaire. C’était… chacun traduisait, dans son esprit, ce silence par les propos qu’il voulait entendre. Pour moi, tout le reste… ce silence était extraordinaire. Extraordinaire, il était le summum de la dignité. Une dignité qui, vraiment, allait aux cîmes. Aux plus hautes cîmes.
C’est un homme pour lequel j’ai… vous savez, moi je suis d’un milieu où l’on aime beaucoup… par certains aspects, je me retrouve avec lui dans un certain type d’éducation. Et, un jour, j’ai vu avec lui quelque chose qui m’a émerveillé. On était en petit comité au groupe – dans ce qu’on appelle justement : le groupe permanent au Bureau politique. Il y avait Baro. On était assis, il y avait une petite table, un petit bureau. Alors, lui, il était au bout et puis, à l’autre bout, il y avait le Permanent – je ne sais pas si c’était Sall Abdoul Aziz, à l’époque – et puis, nous, on était comme çà. Alors, à sa gauche, il y avait Baro et puis, moi, je venais après. Baro fumait des gauloises – c’était un grand fumeur – alors il avait allumé une cigarette et puis, quand il fumait, il la posait et comme il n’y avait pas de vent, il y avait un rai de fumée qui montait et qui tombait juste sous les narines du président Moktar. Et, moi, j’ai eu la chance de… bon ! de suivre çà. Alors, Moktar que cela gênait, il n’avait jamais fait… il a commencé, si vous voulez, tout doucement, à bouger sa main qui était par là, la bouger, la bouger tout doucement, puis il l’a fait monter comme çà, et cela a pris du temps, et puis après, il a fait comme çà… puis après il a fait comme çà… tout cela pour arriver à mettre ses doigts ici, sans que Baro ne puisse s’en rendre compte. Alors, moi, j’ai trouvé cela au summum de ce que le genre humain peut faire en matière de… Voilà quelqu’un : il est plus jeune que lui, c’est son ministre, lui est malade, il a un problème de pleurésie, il pouvait trouver mille et une raisons de faire déplacer çà… j’ai suivi cela. Cet homme a fait… ce chef d’Etat qui était là… jusqu’à ce qu’il a pu faire venir ses doigts, sans que Baro… il a fallu d’ailleurs que ce soit moi qui le dise à Baro, après. Pour moi, çà c’est extraordinaire. Des gens, comme cela, il n’y en a pas beaucoup.
Ce qui fait que moi, réellement… je ne pense pas que je retrouve un tel homme… Exceptionnel, tout à fait exceptionnel.
[1] - avec Moktar Ould Daddah, sans discontinuer au gouvernement de 1968 au putsch : ministre de l’Enseignement technique et de la Fonction publique à partir du 5 Juillet 1968 (la Formation des cadres en sus à partir du 3 Avril 1970) jusqu’au 18 Août 1971, ministre de la Fonction publique et du Travail du 18 Août 1971 au 22 Août 1975, ministre d’Etat à la Promotion sociale le 22 Août 1975, ministre d’Etat à la Promotion rurale le 31 Janvier 1977, ministre du Plan et des Mines le 26 Janvier 1978 – puis secrétaire général de la présidence sous Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya du 29 Décembre 1985 au 27 Avril 1991, apparemment mis à la retraite mais en fait démissionnaire
[2] - avec Moktar Ould Daddah au gouvernement sans discontinuer depuis 1971 : ministre de la Santé et des Affaires sociales du 18 Août 1971 au 22 Août 1975, ministre de la Défense du 22 Août 1975 au 15 Mars 1977, puis du Développement rural jusqu’au putsch
[3] - auteur du discours sur l’officialisation de la langue arabe lors de la distribution des prix au lycée de Nouakchott en Juin 1965 devant le président Moktar Ould Daddah – ministre avec lui sans discontinuer de 1971 au putsch pour l’Enseignement technique, la Formation des cadres et l’Enseignement supérieur le 18 Août 1971, pour l’Enseignement fondamental le 22 Août 1975, ministre de la Défense nationale du 26 Janvier 1978 au putsch
[4] - ministre de la Culture et de l’Information avec Moktar Ould Daddah du 18 Août 1971 au 22 Août 1975, ministre da la Construction du 22 Août 1975 au 31 Janvier 1977, ministre d’Etat aux Ressources humaines et à la promotion sociale le 31 Janvier 1977, ministre de l’Education nationale du 26 Janvier 1978 au pustch - élu maire d’Atar en Février 1988 et alors président-fondateur de l’association des maires de Mauritanie
[5] - directeur des Finances au Grand Conseil de l’A.O.F. jusqu’à sa dissolution – directeur du cabinet et plus proche collaborateur du Président de la République , Moktar Ould Daddah, à la mort accidentelle de Maurice Larue, le 26 Octobre 1964 – puis ministre de l’Intérieur du 5 Juillet 1968 au 18 Août 1971 - responsable de la permance du Parti du 8 Juillet 1971 au 20 Août 1975 – ministre d’Etat à l’Orientation nationale le 21 Août 1975 – président de l’Assemblée nationale du 26 Octobre 1975 au putsch
[6] - premier directeur de la SONIMEX le 25 Mars 1971, technicien de la mise en circulation de la monnaie nationale et négociateur de la révision des accords avec la France en 1972-1973, premier gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, loi du 30 Mai 1973 la régissant – ministre des Finances depuis le 31 Mai 1978 jusqu’au moment du putsch – demi-frère du président Moktar Ould Daddah
[7] - ministre de l’Hydraulique et de l’Energie le 29 Décembre 1985, puis des Pêches et de l’Economie maritime du 10 Août 1986 au 21 Septembre 1987 – après avoir été, avec Moktar Ould Daddah, ministre sans discontinuer de 1971 au putsch : Développement industriel le 18 Août 1971, Planification & Développement industriel le 4 Décembre 1972, ministre d’Etat à l’Economie nationale le 22 Août 1975, ministre d’Etat aux Finances et au Commerce le 31 Janvier 1977, ministre du Développement rural le 26 Janvier 1978
[8] - directeur général fondateur de la Société nationale industrielle et minière le 31 Juillet 1972 et soutien avéré de la préparation du putsch, il déclare fonder un parti politique d’opposition aux militaires le 15 Mars 1979
[9] - du 25 Mars au 8 Avril 1970
[10] - du cadre des interprètes, ministre de la Construction avec Moktar Ould Daddah, le 29 Septembre 1961 – ministre de l’Intérieur du 8 Octobre 1962 au 21 Février 1966, ministre chargé de la gestion des services publics : information, jeunesse, affaires culturelles, affaires sociales le 4 Avril 1970, à nouveau ministre de l’Intérieur du 4 Décembre 1972 au 22 Août 1975, puis, à cette date ministre d’Etat à la Souveraineté nationale rebaptisée Souveraineté interne le 31 Janvier 1977, enfin ministre de l’Equipement et des Transports le 26 Janvier 1978, mais continuant à faire l’intérim du Président de la République jusqu’au putsch - au Bureau politique national à partir du congrès d’Aïoun-el-Atrouss (23-26 Juin 1966) dont il a été le principal organisateur, jusqu’au putsch - chargé de la Permanence du Parti du 4 Juillet 1966 (renouvelé le 24 Janvier 1969) jusqu’au 8 Juillet 1971
[11] - conseiller économique du Président de la République à partir de 1965, ministre de la Planification et du Développement rural le 5 Juillet 1968, des Finances le 3 Avril 1970
[12] - limogé le 31 Août 1986
[13] - Messaoud Ould Boulkheir, fondateur de El Hor : « Organisation de libération et d’émancipation des haratines » (Charte constitutive le 5 Mars 1978) – ministre du Développement rural sous Sid’Ahmed Taya du 13 Décembre 1984 au 18.20 Mars 1988 - actuellement président de l’Assemblée nationale
[14] - Hamdi Ould Mouknass, haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports le 21 Février 1966 - ministre des Affaires étrangères sans discontinuer du 13 Avril 1970 au pustch
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