Lettre ouverte au Président et à ses « opposés »
Saharamedias/Nouakchott
Jeudi 31 Juillet 2014
Monsieur le président, ce n’est pas la première lettre ouverte que je vous adresse mais celle-ci a un cachet particulier. Je vous l’adresse à la veille de votre investiture en tant que président démocratiquement élu. Oui, oui, vous avez bien entendu, messieurs du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et des autres partis et « partillons » ayant choisi de boycotter l’élection présidentielle du 21 juin dernier. Quoi que vous pensiez, il faut bien juger un scrutin à l’aune de la participation et des résultats.
Certes, beaucoup de formations politiques, et non des
moindres, ont boudé cette élection mais d’autres y ont pris part et en ont
accepté le verdict. Les observateurs nationaux et internationaux ont été, eux
aussi, unanimes pour dire que les normes mondialement reconnues ont été
respectées. Et l’observateur lambda que je suis peut attester également que la
Mauritanie de 2014 est loin, très loin, de celle de 1992 où le bourrage des
urnes était la règle. Je
me rappelle qu’à l’époque, j’étais membre d’un bureau de vote à Boghé, et que
« les gens » du sinistre PRDS ont failli me livrer à un capitaine de
l’armée qui faisait la ronde pour s’assurer que le « vote des bêtes
sauvages » se déroulait convenablement. Révolté par ce que je voyais
comme exactions, je n’ai eu comme solution que de m’asseoir sur l’urne pour
refuser à des lycéennes de Niowly que j’enseignais en classe de seconde, qui
avaient voté le matin, de refaire la même chose le soir.
Il faut dire également que, comme tout bon démocrate, je regrette la non participation à la présidentielle d’une opposition qui, quoi qu’on dise, compte beaucoup sur la scène politique nationale. Mais il faut aussi reconnaitre que cette « opposition » manque de sérieux. Et d’orientations. Alors que vous regardez résolument vers le futur – malgré les insuffisances du présent – elle reste accrochée au passé. Ses réminiscences sont faites de sentiments et de ressentiments. Ses critiques sont l’aveu même de son échec. Elle vit un temps qui n’est plus le nôtre. 2005. 2008. 2009. Elle ne comprend pas que pour la sécurité, celle de tous les mauritaniens, nous sommes prêts à vous autoriser à dépenser non pas 50 millions de dollars US mais des milliards. Et peu importe qu’ils proviennent de l’Arabie saoudite ou des caisses de l’Etat. Ce qui compte à nos yeux c’est que le danger que constituait Al qaeda au Maghreb islamique (AQMI) soit contenu et que la Mauritanie soit aujourd’hui une référence régionale et même continentale en matière de lutte contre le terrorisme. Sur cette question, c’est donc incontestablement un point que vous remportez sur vos « opposés ». Il manque seulement que la même stratégie soit appliquée dans le domaine de la sécurité intérieure où le sentiment général ait qu’il y a une recrudescence du crime urbain.
Monsieur le président, vous avez certainement parcouru du chemin, fait des réalisations appréciables que je ne saurais évaluer comme le font vos soutiens « institutionnels » à 70 ou 80%. Je dirai seulement qu’en termes d’infrastructures, le Nouakchott d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a cinq ans, qu’en matière de lutte contre la gabegie il y a bien un avant et un après 2009. Ne serait-ce que parce que les responsables « irresponsables » réfléchissent longuement avant d’oser piocher dans les fonds publics. Alors que du temps de Taya, c’était l’exercice favori des « ministrés », des secrétaires généraux, directeurs et autres chefs de projets.
Mais il faut aussi donner une réponse à ce qui est considéré comme une nouvelle forme de la corruption. Qu’en est-il des privilèges supposés ou réels ? Des nouveaux riches ? Des lobbies ? Vos ministres et conseillers n’abusent-ils pas de votre confiance ? En tout cas, ils ne vous disent pas tout. Comme celui qui, tout heureux de vous voir inaugurer un établissement public à la veille des élections, rétorque à l’un de ses collaborateurs (j’en étais témoin) qu’il sait bien que l’édifice n’est pas fini, qu’il sait que c’est à la ministre de l’Habitat et de l’urbanisme de décider d’une telle inauguration mais que le temps (l’approche de la présidentielle) est propice pour « vendre » cette réalisation à l’opinion publique nationale. Autre subterfuge : du matériel fourni par l’ambassade des USA a été éloigné de vos regards, lors de cette visite, pour ne pas vous rappeler que cette réalisation a été accomplie en partie grâce la coopération américaine. Cela explique un autre mensonge de vos principaux collaborateurs : « financé sur fonds propres de l’Etat » !
Ce sont là des choses, parmi d’autres, qui nuisent encore à votre action, monsieur le Président.
Une petite vérité vaut mieux qu’un gros mensonge. Si le
gouvernement nous livre des données vraies attestant que votre bilan à été
réalisé à 50%, elles auront plus de poids que le mensonge de l’opposition qui
insinue que le pays régresse.
Comprenez aussi, monsieur le Président, que vous n’avez plus d’opposants mais des « opposés ». Des gens (je n’ose parler de politiques) dont le programme, la vision, l’obsession même, est d’être président à la place du président. Agissez donc en conséquence en minimisant le risque. Rapprochez-vous d’eux, dialoguez avec eux, permettez leur de s’adresser au peuple souverain qui, même s’il a des tas de choses à reprocher à votre pouvoir, sait que l’opposition actuelle n’est pas l’alternative. Elle manque de visibilité et de crédibilité.
Des opposants
« opposés » ne peuvent conduire que vers la pire des catastrophes.
Comme ce qui se passe en
Libye ou en Irak où la soif du pouvoir, le manque de discernement politique et
le désengagement de l’Occident, après avoir provoqué ce qu’on a appelé
injustement le « printemps arabe » sont en train d’installer
durablement ces pays dans l’anarchie.
Enfin, ne cédez pas, monsieur le Président, à ces appels qui fusent de toutes parts. Ils ont vocation à disperser votre action, à vous éloigner de l’essentiel. Etre le « président des pauvres » ou le président de la jeunesse, c’est bien mais être le président de tous les Mauritaniens est encore mieux.
Enfin, ne cédez pas, monsieur le Président, à ces appels qui fusent de toutes parts. Ils ont vocation à disperser votre action, à vous éloigner de l’essentiel. Etre le « président des pauvres » ou le président de la jeunesse, c’est bien mais être le président de tous les Mauritaniens est encore mieux.
Sneiba Mohamed
Cadre au ministère de l’Education nationale
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