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9 Novembre 1970 & 9 Novembre 2000
mort du général de Gaulle
&
arrestation pour « menées
subversives »
de cinq dirigeants de l’UFD
Le 9 Novembre 1970, le général de Gaulle meurt subitement en début de
soirée, chez lui, à Colombey-les-Deux-Eglises. Il a quitté le pouvoir dix-huit
mois auparavant, au soir d’un referendum négatif, et allait avoir quatre-vingt
ans. Le premier tome de ses Mémoires
d’espoir venait de paraître. Le président Moktar Ould Daddah télégraphie
aussitôt à son homologue français, alors Georges Pompidou : « De Gaulle aura été et demeurera l'un
des plus illustres hommes d'Etat de l'histoire contemporaine dont il a marqué
le déroulement d'une façon assurément exceptionnelle (...) L'illustration la
plus vivante de cette œuvre capitale reste incontestablement son action, d'une
hauteur de vues, d'une lucidité et d'un courage exemplaires, dans le domaine de
la décolonisation et dans l'instauration d'une amitié renouvelée et plus solide
entre la France et le Tiers-Monde
dont il a compris et servi remarquablement les profondes aspirations. » Le 12, le chef de l’Etat assiste au service à
Notre-Dame de Paris et il se recueille le lendemain devant la tombe de l’homme
du 18-Juin.
Le 9
Novembre 2000, cinq dirigeants de l’U.F.D. [1]
: Ahmed Ould Lefdal, Mohamed Ould Haroune, Ahmed Ould Bah et Sidi Ould Salem,
ainsi que d’Ahmed Ould Wdiaâ, directeur du journal Raya (islamiste),
sont arrêtés pour « menées subversives ». Tout juste un mois plus
tard, le 9 Décembre, à sa descente d’avion retour de France, à une heure du
matin, Ahmed Ould Daddah est arrêté : « il répondra de certaines
rencontres qu’il a eues à Paris avec des éléments terroristes ». En même
temps, la garde à vue des dix jeunes présumés membres de l’organisation
clandestine Conscience et résistance,
est prolongée pour un mois.
C’est sa troisième arrestation en deux
ans… Arrêté le 13 Décembre 1998 et détenu à Boumdeid pour avoir porté atteinte
« aux intérêts du pays
et à son image à travers des accusations non fondées », concernant un accord conclu entre
la Mauritanie
et Israël pour l’enfouissement des déchets de provenant de la centrale
nucléaire de Dimona, dans le sol mauritanien
[2]
–, il avait été libéré le 17 Janvier 1999 pour être finalement acquitté le 30
Mars 1999 par le tribunal correctionnel de Nouakchott, en même temps que Mohameden
Ould Babah. Le 24 Avril 2000, il avait été de nouveau arrêté. Il est devenu
« l’opposant historique » à Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, puisqu’il
n’a jamais été son ministre, au contraire de beaucoup qui s’en sont ensuite
séparés. Accusé d’« incitation à la violence » après voir appelé à la
tenue d’une manifestation pacifique de grande ampleur pour protester contre
l’absence d’Etat de droit et réclamer des enquêtes sur les assassinats
politiques, disparitions et actes de torture depuis la fin des années 1980. On
l’avait relâché le 29 Avril, sans inculpation.
Le président régnant – depuis une
révolution de palais le 12 Décembre 1984 (Le Calame du 12 Décembre
2007 – chronique anniversaire du 12-12), davantage que depuis deux élections à la tête de l’Etat en 1992
et en 1997, chacune contestée [3]
– vient de remanier, à la fin de l’hivernage, son gouvernement : le 12
Septembre 2000. Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna est resté Premier ministre,
la propre fille du colonel Mustapha Ould Mohamed Saleck, le premier des
présidents putschistes en 1978, est entrée au gouvernement (Fatimetou Mint
Mohamed Saleck). Pour fraudes et irrégularités au sein du système éducatif,
Sghaïr Ould M’Bareck, ministre de l’Education nationale est limogé dans les
huit jours, remplacé par Sid’El Moktar Ould Nagi, ancien ministre du Plan.
C’est le début d’une « purge » à l’Education nationale : le 28
Septembre, les sept plus hauts fonctionnaires sont à leur tour limogés.
Dans cette ambiance tendue, l’attaché
militaire français est expulsé au prétexte qu’il préparait l’assassinat du chef
de l’Etat avec la complicité d’opposants installés à Paris ( !) [4].
Le commandant Saleh Ould Hanena, commandant le bataillon des blindés, est radié
pour avoir critiqué, en caserne, l’établissement des relations diplomatiques
avec Israël. Or, le conflit israëlo-palestinien est juste en train de rebondir.
Le 6 Octobre, des manifestations non autorisées ont lieu à Nouakchott contre
les relations nouées avec Israël. En tête des cortèges, plusieurs dirigeants de
l’U.F.D. (Union des Forces démocratiques) : ils sont arrêtés et l’amalgame
est fait avec l’organisation islamiste clandestine Hassem. Les manifestations reprennent, relayées par l’Alliance
populaire progressiste, étiquetée « pro-nassérienne », que préside
Messaoud Ould Boulkheir. Pour donner le change, le parti dominant, le P.R.D.S. [5]
organise une marche de soutien au peuple palestinien, le 14 Octobre : elle
réunit entre dix et quinze mille manifestants. Mais la cible est autre :
le 28, le gouvernement dissout l’U.F.D. pour « incitation à la
violence » alors qu’Ahmed Ould Daddah, son président, est à l’extérieur du
pays. Le 31, le Front des partis d’opposition (F.P.O.) décide en réplique de
rompre tout contact avec le gouvernement, appelle à un arrêt de travail de quarante-huit
heures et met ses moyens à la disposition de l’U.F.D., légalement réduit à la
clandestinité. Le 1er Novembre, nouvelle manifesation hostile aux
relations avec Israël : arrestations brutales de Mohamed Ould Maouloud,
Cheikh Ould Sidaty et Mohameden Ould Babah, chacun représentant l’un des
principaux mouvements d’opposition. Des élèves du secondaire manifestent à leur
tour : répression brutale, le 4, à Noukchott. Au terminus de l’autobus
circulant du dispensaire polyclinique à Teyarett, Aminetou Mint Eleyat trouve
la mort par gaz lacrimogènes (que Dieu ait son âme). Les arrestations qui
suivent, frappent surtout l’U.F.D. et, pour contourner l’interdit et la
dissolution du parti, une de ses branches, dirigée par Mohamed Ould Mouloud,
décide – le 12 Novembre – de changer son nom en Union des Forces du Progrès (U.F.P.).
Le lendemain, huit de ses militantes sont arrêtées.
Comme il ne saura plus le faire ensuite,
Maaouyia Ould Sud’Ahmed Taya comprend qu’il lui faut « lâcher du
lest » ; il réédite la manœuvre de 1986 et de 1991, la démocratie
réintroduite sans bilan du passé et unilatéralement. Pour le quarantième
anniversaire de l’indépendance, il annonce, le 27 Novembre, une réforme des
lois relatives à l’élection des députés et des sénateurs : « une dose de
proportionnelle qui permette une plus grande participation des différents
acteurs politiques ». Le
Front des partis d’opposition (F.P.O.) juge « recevable » le projet
et la toute nouvelle U.F.P. estime que se referme « le chapitre des
répressions et de rupture qui ont marqué ces dernières semaines ». Le 13 Décembre, le ministre de la.
Communication, Rachid Ould Saleh, annonce des élections municipales anticipées
(au lieu de leur tenue régulière en Janvier 2003) pour coincider en Octobre
2001 avec les élections législatives. La « dose » de représentation proportionnelle
pour l’élection des députés n’est introduite qu’à Nouakchott, à Nouadhibou et à
Sélibaby, soit pour 17 sièges sur les 91 composant l’Assemblée nationale,
celle-ci élue en un seul tour de scrutin. Pour les sénatoriales, la
proportionnelle est établie seulement à Nouakchott (trois circonscriptions de 3
sièges chacune) et toujours pour un seul tour de scrutin. Surtout, des
facilités nouvelles sont accordées aux partis : réduction de 60% de la
caution financière, abaissement de 10 % à 5% des suffrages exprimés du seuil de
remboursement des cautions, financement forfaitaire des mouvements politiques
même à faible représentativité (1% au plan national dans les élections
municipales). Le 3 Janvier 2001, le Parlement adopte les lois portant réforme
électorale. La détention d’Ahmed Ould Daddah donne son sens à celle-ci… le 9
Janvier, il est ramené à Nouakchott, de Tichitt où il était emprisonné depuis
un mois, sans la moindre explication ou comparution.
L’arrestation, le 8 Avril 2001, de Chbih
Ould Cheikh Ma El-Aïnin, ancien ministre de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya et
ancien candidat à l’élection présidentielle de 1997 contre lui, fait
diversion : le chef du Front populaire est accusé – lui aussi – de sédition
et son procès s’ouvre le 7 Juin, à Aïoun el Atrouss, presqu’au lendemain de la
visite officielle en Israël du ministre des Affaires étrangères, Dah Ould Abdi.
De son côté, Ahmed Ould Daddah continue de contester la décision de dissolution
de l’U.F.D. mais une solution autant juridique que politique est trouvée :
créer un Rassemblement des forces démocratiques : le R.F.D., succédant de
fait à l’U.F.D. que dirigera un bureau exécutif de huit membres tous issus de
l’U.F.D. mais sans qu’Ahmed Ould Daddah en fasse partie. A peu près au même
moment, le 10 Juillet, Azeddine Ould Daddah confirme le retour de son père au
pays. Cinq semaines auparavant, le ministre français des Affaires étrangères,
Hubert Védrine était venu à Nouakchott recommander le dialogue qui « doit
être constamment entretenu »…
[1] - l’Union des forces démocratiques (U.F.D.) avait succédé
à l’automne de 1991 au Front démocratique uni des forces du changement, suscité
au printemps par l’annonce d’une démocratisation du régime militaire en place
depuis le 10 Juillet 1978. Quatre personnalités l’avaient d’abord
dirigée : Hadrami Ould Khattri,
Mohameden Ould Babah, Amadou Mamadou Diop qui avaient été ministres de
Moktar Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir ancien ministre de Maaouyia Ould
Sid’Ahmed Taya. Ahmed Ould Daddah ne s’était imposé qu’en tant que candidat
libre mais soutenu par ceux-mêmes des mouvements politiques qui avaient d’abord
décidé par principe le boycott du scrutin présidentiel. Celui-ci – intervenu le
24 Janvier 1992 – sera contesté autrement, peut-être même par la défaite du
président du Comité militaire : les résultats officiels afficheront le
contraire. Aussi, le jour de l’installation du Président de la République – le 18
Avril 1992 – , Ahmed Ould Daddah, présenté comme le « coordonnateur de
l’opposition » dénonce en conférence de oresse un « régime
sanguinaire et déstabilisateur ». Le compétiteur ne peut qu’être élu – le
15 Juin – à l’unanimité président d’une nouvelle UFD par le conseil national
provisoire réuni à Nouakchott. Celle-ci est devenue, le 25 Mai, à l’initiative
de Mohameden Ould Babah, premier coordinateur de l’UFD, l’Union des Forces démocratiques UFD-Ere
nouvelle et ses instances dirigeantes se sont élargies à l’entourage d’Ahmed
Ould Daddah. Une longue histoire commence… celle des oppositions – toujours
dirigées par les mêmes personnalités s’entendant puis se concurrençant – aux
dictatures militaires successives, légitimées par l’habit civil et des scrutins
périodiques.
[2] - informations publiées par le quotidien marocain Al Mounaddama, proche de l’extrême
gauche
[3] - le 24 Janvier 1992, il recueille dès le premier tour
62,8% des voix contre 32,9% à Ahmed Ould Daddah, les abstentions estimées à 50%
- il remporte l’élection suivante boycottée par le Front des oppositions,
obtenant le 12 Décembre 1997, 90% des voix contre 7% à Mohamed Lemine Chbih Ould
Cheikh Ma El-Ainin, ancien ministre du Plan, puis du Développement rural que soutiennent en sous-main Messaoud Ould
Boulkheir et Mohameden Ould Babah ; les abstentions sont alors estimées à
75%
[4] - en fait, il s’agit pour le président
régnant de répliquer à la mise en examen, le 2 Juillet 1999, du capitaine Ely
Ould Dah, alors que celui-ci effectuait un stage au 81ème RI de
Montpellier. Il est accusé d’avoir torturé, dans la prison de Jreïda en 1990 et
1991, deux ex-officiers Mamadou Diagana et Ousmane Dia. Le colonel Baby Ould
Housseinou, attaché militaire à Paris, avait alors démissionné. Le parquet, sur
pression du Quai d’Orsay, avait obtenu le 28 Septembre 1999, que la chambre
d’accusation de Montpellier remette le tortionnaire en liberté mais sous
contrôle judiciaire, après deux mois de détention ; l’officier avait
ensuite disparu, non sans complicités
[5] - fondé en Septembre 1991 pour soutenir la
candidature présidentielle de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya à la première
élection censément démocratique, le Parti républicain démocratique et social (P.R.D.S.),
initialement dirigé par l’ancien ministre Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, avec le
titre de « coordinateur » d’une commission de seize membres –
revendique aussitôt 3 à 500.000 adhérents … Il est le seul à diposer directement
d’un journal Al Joumhouriya …
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