Le texte ci-après est à lire comme le manifeste de certains anti-esclavagistes mauritaniens. Un tract de grande circulation à partir d'Avril 1986 analysait la Mauritanie de la même manière, et ouvrit la sinistre période des " années de braise".
A mon sens, le préalable de tout est le rétablissement de la démocratie, et que l'objectif final est bien l'unité nationale. C'est par une conscience nationale plus vive que pourront se faire les éradications multiples de ce qui continue de produire de l'esclavagisme. Il manque - décisivement à mon sens - cette déclaration préalable et finale dans le discours de Biram. Seule, la démocratie fat bouger les esprits et change les choses. Nous l'avons bien vu avec le président Sidi, les débats parlementaires de l'été de 2007 et finalement l'adoption de la grande loi criminalisant ces pratiques.
Ce n'est pas rendre service à la Mauritanie ni à ceux qui tentent d'y faire triompher la démocratie, que de réduire la Mauritanie à une image esclavagiste. Cette image dispense l'étranger de réfléchir sur la situation actuelle, et contribue à tout figer, et d'abord un régime illégitime... BFF.Ould Kaïge
haratine.blogspot.fr - mercredi 13 août 2014
Allocution de Biram Dah Abeid, récipiendaire du prix Echos Of Africa,
le 8 août 2014 dans l’hôtel de ville de Philadelphia,
Pennsylvania, Etats-Unis d’Amérique.
Madame le
maire, honorables élus, excellences ministres et ambassadeurs, chers amis de la
société civile, honorable assemblée :
Permettez-moi
de féliciter le jury de la ville de Philadelphia, pour son choix judicieux de
nous décerner le prix Echos Of Africa pour l’année 2014 : une distinction
en hommage à l’apport de l’Etat de la Pennsylvanie en général et de la cité de
Philadelphia en particulier, dans les luttes pour l’indépendance des
Etats-Unis, et, l’émancipation et les droits civiques des Afro-Américains.
Ces thèmes, fondements de la dignité de tout peuple et des droits sacrés
de la personne humaine, reflètent, hélas, notre contexte national en
Mauritanie, marqué par l’hégémonie ethnique et de race, l’exclusion, la
discrimination, la pauvreté et l’injustice.
Ce sont là des
enjeux de gouvernance, perfides, ignobles et hors-la-loi, institutionnalisés et
déniés par l’Etat mauritanien. Ce geste de reconnaissance et de soutien de la
part de la ville et de l’Etat qui ont abrité la signature du traité de l’indépendance
des USA et le siège des deux premiers présidents, une ville creuset des élites
et des luttes abolitionnistes Afro-Américaines, ce geste contribuera à
l’imposition d’une nouvelle redéfinition des rapports du monde libre, avec
l’Etat et les groupes dominants mauritaniens, coupables d’institutionnalisation
et de sacralisation du racisme, de l’esclavage contre les noirs, à l’instar des
Afrikaners au temps de l’apartheid en Afrique du Sud.
C’est donc un
immense plaisir pour moi, de vous livrer l’expérience d’ IRA Mauritanie et
d’autres acteurs, dans mon pays, sur l’engagement citoyen pour le
changement, l’égalité, les libertés et l’entreprenariat social.
Depuis sa
création en 2008, IRA – Mauritanie, œuvre, malgré sa non reconnaissance
officielle, à éradiquer les pratiques d’esclavage traditionnel et moderne, les
discriminations raciales, tire la sonnette d’alarme à propos du cancer qu’est
la corruption et des dangers apocalyptiques des destructions écologiques. Notre
organisation compte des milliers de membres et de sympathisants à travers le
pays et à l’étranger.
Par des
actions citoyennes de dénonciation, d’indignation et le plaidoyer, IRA
Mauritanie, alerte les autorités policières et judicaires sur les crimes
d’esclavage qui lui sont quotidiennement signalés. Elle apporte appui et
assistance aux victimes, par l’aide judiciaire et la publication, aux fins
d’interpeller l’opinion.
A ce jour,
aucun de ces crimes, pendant devant la justice n’a trouvé un jugement
équitable. Les présumés responsables des pratiques esclavagistes, continuent de
jouir d’une totale impunité et les victimes apeurées et intimidées survivent
dans la misère et la désolation.
Les militants
antiesclavagistes d’IRA Mauritanie sont régulièrement arrêtés, torturés et
jetés en cellule. Messieurs Hanana Ould MBoïrick et Boubacar Ould
Yatma, purgent une peine d’un an d’emprisonnement ferme ; Cheikh
Ould Vall écope de 6 mois ; tous croupissent dans les geôles
mauritaniennes. Ces activistes, à l’instar de dizaines de membres
d’IRA au cours des années et mois écoulés, sont condamnés parce qu’ils
s’étaient organisés au sein d’IRA pour dénoncer le racisme et l’esclavage et
assister les victimes dans le cadre d’actions et procédures légales et
pacifiques. En effet, comme tout membre d’IRA, ces trois prisonniers
d’opinion, ont réclamé que toute la lumière soit faite sur l’expropriation des
terres des descendants d’esclaves Hratines et de l’ensemble des noirs non
arabophones de Mauritanie ; ainsi, nos amis en détentions et nous
mêmes, luttons pour l’application effective de la loi criminalisant
l’esclavage et une prise en charge des victimes « libérées ».
Honorable assistance
A ce jour, le
seul programme mis en place par le gouvernement, l’Agence de Solidarité
TADAMOUN, ne profite jamais aux victimes. Les financements obtenus des
organismes occidentaux et du golf arabique, bénéficient aux seules milieux
présumés coupables, et d’extraction esclavagiste qu’à la population issue de
milieux et de conditions serviles. En effet, ils sont gérés et mis en œuvre par
et pour des personnes favorables au système de domination, des notables et
cadres issus de la communauté arabo berbère, qui s’est accaparée de tous les
leviers du pouvoir et détourne à son seul profit les richesses du pays, l’aide
au développement et l’argent de la coopération.
L’action
citoyenne pleine et entière ne peut s’exercer dans un environnement
discriminatoire et d’exclusion.
Les Hratin et les afro mauritaniens, vivent une situation de marginalisation généralisée, systématique, multidimensionnelle et bien structurée. Elle produit l’exclusion du pouvoir politique, économique, culturel ainsi que du commandement, militaire, sécuritaire, etc. Par exemple, selon le Rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, M. Mutuma Ruteere « Environ 50 % des Haratines vivent dans des conditions d’esclavage, soumis qu’ils sont à la servitude domestique, au travail forcé ou au travail sous contrainte. Ils demeurent marginalisés et sous-représentés aux postes politiques et dans la fonction publique. En 2013, seulement 5 des 95 sièges à l’Assemblée nationale étaient occupés par des Haratines et un seul sénateur sur 56 appartenait à ce groupe. De plus, seulement 2 des 13 gouverneurs régionaux et 3 des 53 préfets régionaux sont Haratines».
Ce Rapport
d’une instance des Nations unies, confirme que «Des pratiques discriminatoires
analogues affectent, à des degrés divers, les autres communautés
afro-mauritaniennes, en particulier la minorité wolof. »
En effet, les
afro-mauritaniens sont à peine mieux lotis dans cette fabrique de misère,
d’essence racialiste et tribale.
Selon d’autres
sources, les Hratin comptent pour 80 % de la population analphabète, 80 %
d’entre eux n’ont pas achevé l’école primaire, et ne représentent que 5 % des
étudiants de l’enseignement supérieur. Plus de 90 % des dockers, des
domestiques, des maçons, ouvriers agricoles, bergers et autre travailleurs
occupant des emplois non qualifiés et mal payés sont des Hratin ; or,
seuls 2 % des fonctionnaires de haut rang et des dirigeants des secteurs public
et privé sont issus de ce groupe.
Pour
entretenir le déni et narguer l’opinion internationale, le gouvernement
mauritanien coopte quelques rares personnes des communautés hratin et
afro-mauritaniennes aux fins de colorer la façade de l’édifice. Ces dernières,
ne jouissent d’aucun respect et se cantonnent à la figuration ; leur
capacité de décision demeure inexistante, limitées qu’elles sont par la
consignes claire et non-écrite dans un rôle pitoyable de délateurs et de faux
témoins, contre les humbles et les justes, issus de leurs communautés.
Les
organisations de la société civile mauritanienne, inféodées au gouvernement,
sont les seules écoutées par le pouvoir et jouissent de tous les privilèges.
Elles s’emploient à justifier la politique d’exclusion du gouvernement et
s’avèrent peu préoccupées de la situation des personnes vulnérables. Elles se
contentent, avec un zèle proportionnel aux rémunérations, à venir conforter les
thèses du gouvernement, dans les forums internationaux et à l’intérieur du
pays.
Honorable assistance
La Mauritanie
produit plus de 10 millions de tonnes de fer par an, ce qui constitue la
principale source de revenus du pays. Elle exporte également du pétrole, de
l’or et, avant tout, du poisson, en grande quantité. Les rentes tirées de ces
ressources devraient mettre la totalité des citoyens mauritaniens, à l’abri du
besoin. Mais la mauvaise gouvernance et l’opacité dans la gestion publique, ont
conduit le pays à entretenir des rentes de monopole, au profit d’une poignée
d’individus, issus de la communauté arabo-berbère, celle, justement, des
anciens maîtres. Les organisations de la société civile impliquées dans
la transparence des industries extractives, ne trouvent pas un accès aux
informations et données fiables pour la conduite de leur travail.
Le système
d’exploitation et d’exclusion en Mauritanie, contraint les dockers, ouvriers du
bâtiment, les marins-pêcheurs, les mineurs et autres travailleurs journaliers,
issus des communautés Hratines et afro-mauritaniennes à une sous-traitance
automatique, sous contrôle de la minorité tribale qui gouverne, depuis
l’Indépendance, sans discontinuer. Le système de prédation des biens de l’Etat
et de préférence à l’attribution du crédit bancaire, permet, au groupe
dominant, de détenir les moyens et agréments requis à l’exercice de toute
activité lucrative dans les secteurs clés de l’économie. Les victimes de
l’exploitation touchent de misérables rémunérations et se heurtent à la force
brute, quand elles s’avisent de manifester.
Honorable assistance
Les Hratin et
les afro mauritaniens, constituent l’écrasante majorité de la population mauritanienne.
Ils sont embrigadés, pour entretenir une démocratie de façade et un système de
gouvernance ne profitant qu’aux seuls arabo berbères. Les masses noires de
Mauritanie, très visibles dans les taches subalternes et la misère des zones
périphériques, ne sont sollicitées qu’à l’occasion de processus
électoraux, à l’avance déterminés.
Outre le volet
de la discrimination flagrante au sein des Forces armées et des polices, les
principales sociétés de sécurité et les membres des fédérations de tir à la cible
traditionnelle possèdent des armes à feu et suffisamment de munitions dont la
délivrance, discrétionnaire, relève d’une faculté régalienne de
l’Etat ; ces organisations, constituées de membres issus de la seule
communauté arabo berbère, détiennent des moyens de coercition létale et les
pratiquent, sans aucun contrôle. Nous déplorons la gestion opaque et exclusive
du secteur et sommes préoccupés des visées inavouées de ces milices de fait.
Messieurs et Dames, élus de la ville de Philadelphia, chers invités
En Mauritanie,
la
communauté Afro-Mauritanienne vit un deuil depuis le milieu
des année 80 lorsque l’Etat Mauritanien a minutieusement mis sur pieds un plan
de dé négrification du pays ; ce plan s’est soldé par une tentative de
génocide qui a endeuillé les ethnies Afro-Mauritaniennes : puulaar,
sooninko, woolf et bambara de Mauritanie ;des dizaines de milliers de
déportés aux Sénégal et au Mali, des milliers de cadres et fonctionnaires au
sein des corps civils et militaires, dans les secteurs, public et privé, ont
été chassés de leur emplois ou fonctions, des centaines de personnes de race
noire ont été tuées dans des pogroms dans les rues des villes de Mauritanie,
des milliers de personnalités et cadres civiles et militaires Afro-Mauritaniens
ont été arrêtés, torturés, internés dans des camps-mouroirs ou des centaines
parmi eux ont perdu la vie ; des villages entiers d’Afro-Mauritaniens ont
été rasés, leurs terres, leurs biens meubles et immeubles ont été expropriés.
Les orphelins,
veuves et veufs, parents des disparus, ainsi que les déportés revenus
dans le pays, ceux toujours vivants en exil et les rescapés de cette tentative
de génocide, réclament toujours la vérité, la justice et les réparations ;
L’Etat Mauritanien persévère dans son entêtement à vouloir imposer l’impunité
définitive à ces assassinats collectifs et autres crimes assimilables à la
définition de génocide dans le droit international ; moi même, votre
lauréat, Biram Dah Abeid, et IRA-Mauritanie, l’organisation que je dirige, avons
opté pour un soutien indéfectible aux victimes de ces crimes jusqu’à ce que
tous les ayant-droit trouve leur consolation par la vérité, la justice et les
réparations, et à travers un mécanisme impartiale, équitable et
transparent ; je vous convie chers élus, chers amis, chers combattants
abolitionnistes et contre le racisme, je vous convie à nous épauler dans
cette bataille pour la vérité, cette bataille pour la justice ; nous
attendons de vous donc votre soutien par le plaidoyer et le lobbying devant les
institutions américains et internationales.
Vive l’Honneur
de la Personne
Humaine
Je vous
remercie
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