mercredi 6 août 2014

2008 .... note circulée le 8 Août 2008




Les 6-8 Août 2008






Réflexions improvistes sur le nouveau coup d’Etat en Mauritanie

6 . 8 Août 2008




Les présentes réflexions sont proposées plus à la discussion que comme une synthèse assurée. Elles sont données sans le préalable d’une compilation – notamment des éphémérides – portant sur l’ensemble de la période de présidence de Mohamed Sidi Ould Cheikh Abdallahi, sans non plus être revenu en Mauritanie depuis la fin d’Avril 2006. Correspondants à Nouakchott, agences de presse mauritanienns et A.F.P. m’ont servi. La mémoire des précédents aussi.




soir du mercredi 6 Août 2008

Factuellement – en fin de journée – on ne sait que peu de choses. Vers deux heures du matin, dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6, Sidi Ould Cheikh Abdallahi décide de limoger les deux militaires dont la rumeur depuis sa propre élection, dit qu’il est la marionnette : le général Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de l’état major particulier et commandant la garde présidentielle (commandement qu’il avait déjà à la fin du règne de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya), et le général Mohamed Ould Cheikh Ahmed dit El Ghazouani, chef de l’état-major national. Le décret nommant leurs remplaçants respectifs est lu à la radio. Vers neuf heures, ce matin, le président de la République est arrêté et emmené on ne sait où, le Premier ministre est semblablement cueilli à son bureau. Les téléphones des deux institutions sont coupés, la télévision et la radio occupées sont muettes. – Ces faits d’abord propagés par téléphone avec l’extérieur, sont confirmés par Al Jazira.

En fin de matinée, il est communiqué que le décret de la première heure est nul et non avenu. Puis dans l’après-midi – chronologie à établir – premier communiqué officiel, formation d’un « Conseil d’Etat » présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz, sans qu’une liste de ses membres soit donnée. En fin de journée, il est dit que Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’est plus président de la République.



Situation jusqu’à la nuit dernière. Un bras de fer – parfaitement loisible selon la Constitution de 1991 – entre le président de la République et l’Assemblée nationale depuis que le Premier ministre du début de mandat avait été limogé et remplacé par un homme-lige de Sidi. Motions de censure à l’Assemblée, mise en cause de l’épouse du président de la République pour recel d’abus de biens sociaux, et autres événements successifs dont le dernier aurait été la défection d’une cinquantaine de parlementaires et dont les plus importants semblent avoir été la démission-redésignation du nouveau Premier ministre et un discours radiotélévisé du président de la République, d’un ton ferme, et évoquant une dissolution de l’Assemblée.

Ambiance. Contestation générale de la personnalité du président élu en Mars 2007. Manque d’autorité personnelle – soit comme trait de caractère, soit parce que l’élu est en fait de paille et manipulé par les militaires. Désillusion de la population. Insécurité chronique dans les villes. Attentats et menaces d’attentats depuis l’automne. Annulation du Paris-Dakar dans des conditions peu prestigieuses pour le gouvernement mauritanien. – En regard, aucun des principaux dossiers hérités des vingt ans d’autorité absolue de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya n’est traité : la relation avec Israël est maintenue, le passif humanitaire est minimisé et pas traité (massacres de militaires originaires de la vallée du Fleuve en 1987 et 1991, pogroms et exil forcé de populations noires), la Mauritanie ne réintègre pas la C.D.E.A.O. et la libre circulation en Afrique de l’Ouest est entravée pratiquement pour les ressortissants mauritaniens traditionnellement commerçants et marabouts dans toute la région.

Les évaluations du pustch se font selon la supputation que trois puissances étrangères étaient au courant du projet et n’y seraient pas – dans le fond – défavorables. France et Etats-Unis par souci de sécurité puisque la guerre anti-terroriste est la prioriété atlantique et occidentale et qu’un foyer se trouve au Maghreb avec transit possible vers l’Afrique sahélienne par le Sahara mauritanien. Quant au Maroc, il aurait reçu l’assurance par les deux putschistes – visitant Mohamed VI l’an dernier – que la Mauritanie s’alignera sur lui dans l’affaire du Sahara anciennement administré par l’Espagne, ce qui aurait été reçu comme une allégeance. On ajoute aujourd’hui les dires du précédent ambassadeur de France, Nicoloso, qui aurait exprimé publiquement à son envol de Nouakchott son attachement pour le pays mais aurait ajouté, qu’à son avis, celui-ci n’était pas dirigé. – Les communiqués à l’étranger, rapportés par les médias français, sont de désapprobation à Bruxelles – Commission européenne – et à Addis-Abeba – Union africaine. On y indique explicitement que Sidi Ould Cheikh Abdallahi doit être remis en situation d’exercer ses fonctions. La France se dit attachée à la stabilité du pays – ce qui est d’une tonalité assez différente – et les Etats-Unis n’ont encore rien communiqué – près de 23 heures françaises.

Les scenarii évoqués – sans que rien ne soit « officiel » de la part des pustchistes – sont des élections présidentielles à brève échéance : deux mois. Il n’est pas dit que la Constitution est suspendue. Les députés qui avaient quitté le parti dit du pouvoir, lundi, expliquent que le président de la République a pris l’initiative de bloquer le jeu des institutions en ne tenant pas compte de la censure de son gouvernement et en refusant la tenue d’une nouvelle session. Surtout – ce qui est un aveu de taille – en ayant démis les deux militaires, contraints ainsi à devenir putchistes. Sidi avait lui-même admis dans son récent discours qu’il devait en partie son élection à l’appui des militaires. Ainsi, le rôle de l’armée, ou au moins de ses chefs, est-il consacré : ils inspirent les élections et en cassent le résultat quand leur élu manifeste de l’indépendance.

C’est ce rôle – contraire aux engagements pris le 3 Août 2005 par ceux qui renversèrent la « démocratie de façade » de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya – qui est contesté par une partie de la population et clairement par Ahmed Ould Daddah, « opposant historique » depuis le premier scrutin truqué de Janvier 1992. Mais il est possible que ce rôle soit en revanche prisé par une autre partie de la population – régulièrement docile aux injonctions de l’ « administration » et donc aux achats de voix et aux divers échanges de services – et maintenant par les élus sans étiquette de Novembre 2006 qui fournirent la majorité au gagnant de la compétition présidentielle de Mars 2007.

Il reste que deux conceptions de la légitimité s’opposent. Celle tenant aux urnes, et celle tenant aux militaires.

Je ne crois ni à l’une ni à l’autre dans la Mauritanie contemporaine. Je contreste notamment l’affirmation – courante depuis quinze mois – que Sidi Ould Cheikh Abdallahi ait été le premier président démocratiquement élu depuis l’indépendance. Cela avec deux arguments. Le premier est que cette affirmation avait déjà été propagée en Janvier 1992 pour la confirmation du pouvoir en place, celui du président du Comité militaire arrivé par un coup contre un autre militaire en Décembre 1984. Or, l’élection était frauduleuse, ce fut reconnu bien après coup par l’étranger, à commencer par les Allemands, moins prudents et moins attachés à l’existant que les Français. Elle l’est restée depuis, et il a existé des éléments de contestation graves et précis pour l’élection de Mars 2007. C’est d’ailleurs, ce qui a fragilisé dès le départ Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et accrédité l’emprise des militaires sur lui. Le second est plus compliqué à faire valoir dans les modes de pensée aujourd’hui. Les élections successives à partir de 1961 du président Moktar Ould Daddah se firent à candidature unique et selon le soutien d’un parti unique constitutionnel, ce qui n’est évidemment pas l’habitude des Etats-Unis et des pays d’Europe occidentale. Mais la première élection du père fondateur enregistrait le consensus de tous les partis de l’époque que rien formellement n’avait obligé à l’union, puis à la fusion, d’ailleurs postérieures (Décembre 1961) à l’élection présidentielle (Août 1961). Et les suivantes participaient d’une conception des institutions proprement mauritanienne avec des inspirations musulmanes et africaines traditionnelles : on ne vote pas, on discute et l’on décide consensuellement. La démocratie n’est pas alternance au opouvoir, elle est, si possible, participation de tous à la décision ou au pouvoir. En ce sens, les élections en forme constitutionnelle étaient des ratifications. La discussion, la contestation étaient antérieures. Depuis les urnes ont été constamment truquées. Depuis aussi, les militaires ont proclamé une conception étonnante selon laquelle la légitimité originelle pour le pays vient d’eux. Ce qui ne correspond à aucun événément marquant de l’histoire de la fondation du pays à l’époque moderne. L’Algérie, au contraire, pouvait légitimement dire que la lutte anti-coloniale avait fait de l’armée de libération et du F.LN. la source du pouvoir dans le pays à son indépendance.

La thèse d’une légitimité de l’action des militaires fut énoncée par le propre aide-de-camp du président Moktar Ould Daddah à l’arrestation de celui-ci. Elle a été répétée par le chef nominal des pustchistes de 1978 dans la conversation qu’il eût le 23 Avril 2006 avec Ould Kaïge et récemment publiée dans Le Calame. Elle a été redite à Jeune Afrique par Ely Ould Mohamed Vall. Celui-ci, au passage, confirmait l’habituel discours du régime qu’il venait de renverser en prétendant démontrer que le système de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya était analogue à celui de Moktar Ould Daddah.

Le présent pustch est original à trois points de vue.
Les pustchistes de 1978 et de 2005 – voire ceux de 1984 – pouvaient tenter de plaider, en fait à tort en1978, et certainement à bon droit en 2005, qu’ils mettaient fin à un système impopulaire et en impasse. Aujourd’hui, il s’est agi pour les deux officiers les plus gradés de ne pas perdre leur position. Leur action manifestement improvisée et précipitée ne peut passer pour une contribution au bien commun national.

Le retour à la stabilité est en logique très difficile pour les putschistes. Déposer un président pour anticiper des élections présidentielles vicie le processus-même de ces élections. Leur résultat ne sera-t-il pas, lui aussi, précaire. Les précédentes déjà contestables, celles à venir vont l’être plus encore. Et si elles portent au pouvoir Ahmed Ould Daddah, qu’y auront gagné les militaires qui ne la voulaient déjà pas en 2007. La rumeur court que le demi-frère de Moktar Ould Daddah a été approché – mais indirectement, par cousinages, parentés diverses avec des cadres de son parti – avec assiduité depuis deux mois par les futurs putschistes. Il est dit que ce dernier, à aucun moment, ne serait entré dans ce jeu. Une élection factice – dans laquelle Ahmed Ould Daddah, s’il se présente, serait battu comme en 1992 et 2003 par les tenants du système militaire – amènerait l‘homme de paille que risquait de ne plus être Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? Qui ? le précédent Premier ministre, Zeïdane, arrivé en troisième position à l’élection de 2007, candidat d’ailleurs de la France ? mais qui empêcherait les cadidatures de Sid’Ahmed Taya ou d’Ely Ould Mohamed Vall. Ce dernier passe, aujourd’hui, pour avoir, lui avant Sidi, la marionnette de Mohamed Ould Abdel Aziz. Et le pustchiste, lui-même candidat pour être vraiment sûr que le pouvoir ne lui échappe pas ?

La reconnaissance internationale de ce processus sera plus difficile à obtenir que le consensus des Mauritaniens. Ceux-ci sont, certainement, lassés de ce qu’ils vivent depuis quinze mois de l’impéritie du président de la République aujourd’hui évincé. Mettent-ils à son crédit sa résistance de dernière heure ? ou au contraire saluent-ils les pustchistes avec reconnaissance pour avoir mis fin à une impasse. Même si ce sont eux qui ont produit l’impasse en bridant le président élu.

Moktar Ould Daddah posait aux militaires comme condition de son retour en 2000 des élections générales, auxquels ils auraient pris l’engagement de ne pas se présenter ni soutenir aucun candidat, et qui auraient d’abord concerné le président de la République, puis – ensuite – l’Assemblée nationale. Il a pu sembler ingénieux en 2006 de désarmer par avance le président de la République en composant au préalable une assemblée qui ne serait pas tributaire de son influence. Le résultat a été une majorité volatile. Et un président acculé à la timidité, se condamnant dès qu’il voulût exister – malheureusement dans des circonstances qui ont semblé plus liées à des considérations de personnes qu’à la situation générale du pays.

L’événement significatif – dont je ne réalise que maintenant qu’il était précurseur de tout – a été la mise à l’écart de Mohamedou Ould Tidjani. Celui-ci ne se cachait pas d’avoir été le premier inspirateur de la candidature présidentielle « indépendante » de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ce que j’entendais ainsi il y a trois mois était-il l’indication d’une fidélité originelle et personnelle, ou bien l’aveu, que je n’ai pas compris, que cette candidature avait été inspirée, et donc manipulée. Le président de la République, en l’écartant, ne se séparait pas de son premier fidèle en chronologie, mais d’un mentor placé par les militaires auprès de lui ? et dans le même temps, il changeait de Premier ministre pour avoir à la « primature » un homme à lui. Le troisième acte, ce matin, lui a été fatal.

Quoiqu’un scenario – rappelant le coup d’Août 1991 à Moscou – et remettant en place le président élu en 2007 paraît le plus réalisable, à condition que Sidi Ould Cheikh Abdallahi accepte encore plus de main-mise des militaires parce que ceux-ci – aussi contraints que lui – lui auraient donné une seconde chance ?

Ou bien le pays entrerait de nouveau dans un cycle autoritaire d’une ou deux décennies ? c’est peu imaginable.

Dernier trait – jamais dans ces putschs – il n’y a eu de mouvements populaires de résistance ou de contestation. Docilité et passivité de la population ? ambivalence des événements ? le pouvoir semble facile à prendre à Nouakchott. En sens contraire pourtant le coup de main empêché du Polisario en Juin 1977, l’opération de commando des colonels Ould Sidi et Abdel Kader en Mars 1981, celui enfin de Juin 2003.

Deux conséquences peu réversibles.

Le prochain pouvoir quel qu’il soit, est frappé de précarité pour longtemps tant dans le pays que dans l’estime de ses partenaires étrangers. Les chefs des forces armées nationales ont confirmé qu’ils n’abandonneraient pas la scène politique. La rupture du 10 Juillet 1978 continue de produire ses effets désastreux.
 


soir du jeudi 7 Août 2008


L'AFP donne à penser que l’opposition "comprend" le coup d'Etat : est-une compréhension intellectuelle (une inévitable dialectique ou une logique ?) ou est-ce une approbation ? Le "conseil d'Etat" maintenant mis en place – selon mes corespondants à Nouakchott – comprendrait autant de civils que de militaires, deux fois cinq et parmi les cinq civils, chacun présent selon des emplois constitutionnels, figurerait le chef de l'opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, es qualités. La rumeur serait que les futurs putschistes faisaient son siège depuis deux mois par cousins interposés, parents et autres envoyés vers lui mais jamais reçus, et allant alors vers ses collaborateurs ou lieutenants dans le R.F.D., pour lui faire savoir qu'ils s'étaient trompés, qu'il y avait malentendu à son endroit, etc...

J'ai du mal à imaginer qu’Ahmed Ould Daddah arrive au pouvoir par "les baïonnettes", ou qu’il "profite" de celles-ci. Elu en fin de ce processus, serait-il moins dépendant des militaires que ne l'était Sidi Ould Chiekh Abdallahi ? et ne pourrait-on alors lui opposer tout ce que l'on opposa à Sidi, sauf évidemment son caractère que je connais et apprécie, aime tellement...
    
A vrai dire, Sidi ou pas, il était tellement à craindre dès 2006 que les militaires réinterviendraient en cours du mandat présidentiel, que je pensais dès le début à la nécessité d'une alliance entre Ahmed Ould Daddah et Sidi Ould Cheikh Abdallahi contre les militaires. Je l'ai couriellé à Sidi à son élection, le dimanche soir et même avant que les résultats soient certains, lui conseillant de prendre Ahmed comme Premier ministre (si celui-ci l’acceptait)... combinaison de salut public et de maintien de la démocratie, encore plus valable aujourd’hui. Mais ne pourrait-on aussi penser qu’Ahmed Ould Daddah ait à présent le parcours du général de Gaulle en 1958 ? certes la révolte d’Alger et la mutinerie du général Salan, les circonstances bien impures, mais l’homme du 18 Juin, lui-même n’y étant pour rien, personnellement ? et revenant au pouvoir par consensus… y compris celui du président de la République passant la main (un peu forcée) : René Coty ! Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? Mais de Gaulle était militaire…  Rien en Mauritanie ne peut se faire sans consensus. La contrainte désunit et avilit.
L’étranger, les partenaires américain, européen, français, l’Union africaine demandent la libération et le rétablissement du président de la République. Des budgets d’aide sont coupés ou vont l’être.


soir du vendredi 8 Août 2008

Un cynisme effarant ou bien une inconscience totale. Avec la somme de contradictions qui vont immanquablement avec. Ceux qui renversent le président régulièrement élu, affirment ne le faire que pour préserver la continuité de l’Etat et restaurer la démocratie. Casser tout pour que ce soit plus solide. Et bien entendu, l’enflure : de 1978 à 1984, les :militaires restaient modestes, leur institution s’intitulait « comité », celui de 2005 s’est promu « conseil », l’actuel se hausse en « haut conseil d’Etat » de même qu’on est passé des lieutenants-colonels aux généraux…La continuité qui s‘affirme et que consacrerait de nouvelles élections présidentielles, sans que l’élu du 25 Mars 2007 ait librement démissionné, est tout simplement la pétition du 10-Juillet-1978 : l’armée détient par elle-même (et au profit de ses chefs) la légitimité nationale. C’est textuellement dit :  «  ce sont les forces armées qui ont instauré la démocratie et qui l'ont préservées et (qu') elles resteront fidèles à cela ». Le pouvoir aux civils devient une parenthèse entre des régimes militaires. A la légitimité de 1978 s’ajoute celle de 2005. Comme il n’y a pas trente-six vocabulaires possibles, « la rectification du processus démocratique », son « redressement » sont les mots-mêmes employés en 1979 et 1980 quand la main passa de Mustapha Ould Mohamed Saleck à Mohamed Khouna Ould Haïdalla. Le parler militaire est au moule. Enfin, l’appel à se rasembler autour de l’institution parlementaire est paradoxal puisque c’est la crise de la majorité parlementaire qui a déterminé les initiatives du président de la République.
Il est dit aujourd’hui qu’avant de se servir de l’élu du 25 Mars 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, comme d’une marionnette, Mohamed Ould Abdel Aziz avait fait de même d’Ely Ould Mohamed Vall, poussé pour la forme dans la position de président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie. Cela n’en donne que plus de poids à ce que celui-ci déclarait pendant les opérations électotrale du second tour : (AMI – 25 Mars 2007) citation « Le chef de l'Etat a ajouté qu'il n y aura plus besoin d'une nouvelle étape de transition ni du recours à un coup d'Etat militaire, précisant que les institutions constitutionnelles élues seront investies le 19 Avril prochain.  "L'avenir de la Mauritanie est radieux", a ajouté le président, précisant qu'un "Etat de droit est entrain de se construire sur une nouvelle voie".  "Ce qui importe n'est pas le nom du nouveau candidat, mais plutôt cette majorité qui sera dégagée demain pour l'un des candidats qui doit dès lors être le président de toute la Mauritanie", a-t-il dit en substance. Le président du CMJD, Chef de l'Etat, a indiqué qu'il ne se prononcera pas sur l'un des candidats avant la proclamation définitive des résultats, mettant l'accent sur l'intérêt pour le pays de tourner la page des coups d'Etat et des agissements qui les entraînent, ajoutant que les autorités ont oeuvré à consacrer la rupture avec les changements par les coups de force. » fin de citation
Mais deux éléments nouveaux sont apparus qui vont dominer ce que je crois devoir être davantage une crise qu’un énième changement de régime.
Il y a des manifestations d’hostilité au nouveau cours et des pétitions pour la légalité. L’étranger est hostile, il est beaucoup plus présent qu’auparavant et hostilité et présence protègent de fait les manifestations légalistes. Le scenario de 2005-2007, les engagements d’alors sont trop frais pour que des explications sur le dysfonctionnement des institutions, ces derniers mois, soient recevables, surtout si elles sont données en uniforme. Elles ne le seraient que précédées d’un vote de censure et dites par un gouvernement disposant d’une majorité parlementaire. Personne n’est dupe aujourd’hui, les militaires ont voulu avoir leurs élus au Parlement et leur élu au palais présidentiel (le terme de palais était connu au temps – maintenant ancien – de Moktar Ould Daddah, celui de la limpide fondation). Ils se sont trompés sur leur homme qui s’est finalement révolté contre eux. Ils recommenceraient ? soit à truquer le scrutin pour que ce ne soit pas Ahmed Ould Daddah, une première fois écarté grâce à Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? soit à admettre l’élection de l’opposant historique, qui ne sera pas homme de paille. Qu’auront-ils gagné alors à ce « redressement », à cette « rectification » ?
La question n’est pas une question de personne – même s’il est, à mon sens, décisif que, exactement comme en Juin 2003, Dieu ou le hasard ont fait que l’opposant historique était absent de Mauritanie pendant les événements : Ahmed Ould Daddah devrait être de retour à Nouakchott dimanche soir – elle est de fond, si les Mauritaniens souhaitent avoir un Etat de droit (ce que je crois). L’article 34 de la Constitution, censément en vigueur : « Le Président de la République est le Chef suprême des forces armées. » – restera-t-il du pipeau et les nominations militaires devront-elles être négociées avec les officiers concernés à peine de renversement de ce « chef suprême » ? nonobstant les dispositions des articles 40 et 41 sur l’empêchement présidentiel (rien n’est prévu pour une saisine militaire du Conseil constitutionnel…) et de l’article 93 sur son éventuelle mise en accusation par le Parlement devant la Haute Cour de Justice pour le cas de « haute trahison ». S’il en est question aujourd’hui pour entrave – prétend-on – au fonctionnement des institutions, la procédure est limpide et la majorité, travaillée depuis deux mois, devrait être claire…
J’ai conclu mon appréciation du putsch de Juillet 1978 (Le Calame paru mardi 5…) par ce qui me paraît encore plus d’actualité en Août 2008 trente ans après… Les Portugais surent conclure la « révolution des œillets », militaire s’il en fût, par cette disposition constitutionnelle : « Les forces armées obéissent aux organes de souveraineté compétents, conformément à la Constitution et à la loi. Les forces armées sont au service du peuple portugais. Elles sont rigoureusement non partisanes et leurs éléments ne peuvent profiter de leur arme, de leur poste ou de leurs fonctions pour toute intervention politique. » article 275 de la Constitution du 2 Avril 1976. J’avais proposé cette rédaction au C.M.J.D. en Mars 2006.

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