70 .
26 Juillet 1960 & 17 Juillet 2001
la
Mauritanie,
en accord avec la France,
arrête
la date de proclamation de son
indépendance
&
le président Moktar Ould Daddah,
atterrissant à Nouakchott depuis Paris,
met fin à son exil de vingt-trois ans
Le 17 Juillet 2001, en début d’après-midi, par le courrier régulier d’Air France, le président Moktar Ould
Daddah rentre au pays. Quinze mois après son renversement par les militaires,
il l’avait quitté – évacué sanitaire – le 2 Octobre 1979 dans la soirée.
Le départ en France avait été difficile à
organiser. A l’évidence mal portant depuis la fin de Décembre 1978, et selon le
diagnostic des médecins chinois l’ayant examiné à l’hôpîtal de Kiffa [3],
le Président ne peut être traité sur place. Débat en Comité militaire, sans
décision. Sa libération souhaitée par Ahmed Ould Bouceif, éphémèrement au
pouvoir, n’avait pas recueilli de majorité. Devenu Premier ministre, mais pas
encore l’homme fort qu’il ne sera qu’à partir du 4 Janvier 1980, Mohamed Khouna
Ould Haïdalla [4] s’était
rendu du 18 au 20 Septembre 1979, en visite
officielle à Paris. Contre une protection des frontières septentrionales que
pouvait menacer le Maroc à la suite de l’accord de paix entre la Mauritanie et le
Polisario, Valéry Giscard d’Estaing avait obtenu que le Père fondateur embarque
à bord d’un avion gouvernemental français pour être examiné et traité en
France. Seul tenu au courant dans le Comité, Ahmedou Ould Abdallah, le
chef d’état-major national qui s’entretient avec le Président juste avant son
envol. Gouvernement et Comité demanderont des explications et obtiendront
que, pour la montre, l’illustre patient soit réclamé aux Français qui
refuseront. Condamné, le 20 Novembre 1980, aux travaux forcés à perpétuité pour
dilapidation des ressources nationales et infraction à la Constitution en
menant la guerre au Sahara (cf. Le Calame 14 Novembre 2007 . chronique
anniversaire), Moktar Ould
Daddah avait été amnistié le 21 Décembre 1984 par le colonel Maaouyia Ould
Sid’Ahmed Taya qui venait de prendre le pouvoir. Bénéficiaires de cette grâce
« présidentielle » en même temps que lui, « toutes les personnes
condamnées pour des raisons politiques se trouvant à l’intérieur et à
l’extérieur du pays » et notamment Mustapha Ould Mohamed Saleck, président
de la première junte, celle de 1978, et Sid’Ahmed Ould Bneijara, le Premier
ministre civil de Mohamed Khouna Ould Haïdalla, qui – lui – a été arrêté à sa
descente d’avion le 13 Décembre, et sera maintenu quatre ans en détention (cf. Le Calame 12
Décembre 2007 . chronique anniversaire du 12-12). Les biens confisqués aux détenus politiques leur sont
rendus… mais pas la maison que s’était fait construire, le couple présidentiel,
sur prêt bancaire : elle a été affectée au colonel Mohamed Mahmoud Ould
Louly, éphémère chef d’Etat de Juin 1979 à Janvier 1980, qui l’occupera une
quinzaine d’années et les loyers ne seront régularisés qu’encore plus tard.
Le retour au pays du Président
n’a fait l’objet d’aucune négociation. Une pétition circulait depuis quelques
semaines, portant plus de dix mille signatures déjà et le président régnant
avait fait savoir à l’exilé, le 1er Mars 2000, par son ambassadeur
que ce retour était souhaité et serait facilité. Il ne l’a été – en fait – que
par la remise en état sommaire de sa résidence privée.
Au jour dit, qu’avait annoncé
Azeddine Ould Daddah dès le 10, Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya est ostensiblement
au Tagant. Les médias publics, la télévision notamment n’en ont que pour cette
tournée. Du grand retour, des milliers de personnes devant l’aéroport, puis
escortant – surtout des jeunes –, les voitures jusqu’à la maison avec
enthousiasme et grand bruit… il n’est
rien rapporté. La chronique et les dépêches quotidiennes sont même suspendues,
pour la date du 17 Juillet 2001, afin de ne rien écrire ni commenter. Le Calame comme toute la presse écrite
indépendante, donne cependant la une à l’événement, le vrai, tandis que Mohamed
Khouna Ould Haïdalla vient présenter regrets, excuses et hommages au
président-fondateur, accompagné d’une magnifique chamelle : il s’y
connaît.
Moktar Ould Daddah est donc
revenu chez les siens juste à temps pour relire ses mémoires, les compléter en
respirant de nouveau l’air natal. Dans la semaine de son retour, il choisit de
passer une fin d’après-midi et une soirée à la badia. Ses anciens co-équipiers auront défilé, certains avec une
très grande émotion, parfois pour demander quelque pardon. Les mémoires
paraîtront juste le lendemain de la mort de leur auteur, soit le 16 Octobre
2003. Le président régnant, qui a failli être renversé avant l’été, est alors à
la veille d’une réélection, programmée pour le 7 Novembre, que chacun sait
d’avance frauduleuse. C’est à l’étranger qu’il vient, enfin, s’incliner
quelques minutes devant celui dont il fut autrefois le très effacé
aide-de-camp : au Val-de-Grâce de Paris, le 7 Septembre, avant de déjeuner
le lendemain à l’Elysée avec Jacques Chirac. Regard inquiet et circulaire,
constamment, dans l’hôpital-même. A la harangue du visiteur impromptu, Moktar
Ould Daddah cligne seulement des yeux. Dieu seul sait le jugement ou le pardon
qui sont les siens, à cet instant. Second et dernier moment, le 18
Octobre : le cercueil recouvert du drapeau national, peut-être cinq mille
personnes alignées parallèlement dans l’enceinte de la plus ancienne des
mosquées de la capitale, celle inaugurée le 3 Mai 1963, si belle et simple
alors, analogue au Père de la nation. Qu’il est tardif l’hommage...
[1] - le 1er Janvier 1960. Ce sont ensuite le
Sénégal et le Soudan au sein de la Fédération du Mali, le
20 Juin selon un accord du 4 Avril – le 26 Juin, Madagascar – les Etats de
l’Entente : le 1er Août, le Dahomey, le 3 le Niger, le 5 la Haute-Volta et le 7 la Côte d'Ivoire - le 11 Août, le Tchad, le 13 la République centrafricaine, le
15 le Congo-Brazzaville et le 17 le Gabon – le 30 Juin, le Congo belge est, lui
aussi, indépendant
[2] - Moktar Ould Daddah expose ce cheminement dans ses
mémoires (La Mauritanie contre vents et marées Karthala . Octobre 2003 . 669 pages –
disponible en arabe et en français), pp. 201 à 207
[3] - du 11 au 24 Janvier puis du 5 Mai au 7 Juin 1979,
c’est-à-dire pendant que la formation initiale du Comité militaire se disloque
et qu’est écarté du pouvoir le lieutenant-colonel Mustapha Ould Mohamed Saleck
[4] - il avait visité le Président les 13 Août et 1er
Septembre 1978. Moktar Ould Daddah expose les
circonstances de sa détention, puis de son évacuation, et la teneur de ces
entretiens dans ses mémoires op.
cit. pp. 32 et suivantes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire