Ce que je pense – le carrefour si fréquent, participer ou pas à un
scrutin « joué d’avance »
Apparemment, la situation mauritanienne
n’est pas nouvelle. Depuis qu’en 1991, après treize ans de règne autoritaire et
parfois sanglant, les militaires putschistes ont accepté de « jouer le jeu
démocratique », d’oragniser des élections et de permettre des partis
politiques, la suspicion s’est aussitôt faite sur les conditions pratiques des
scrutins. Elles ont toujours paru suspectes, précisément parce que si le
pouvoir y consent, c’est qu’il y trouve son avantage, le moyen de se perpétuer
au pouvoir. Donc, le boycott en réponse. Mais il n’a jamais été total. Ahmed Ould Daddah de
retour au pays l’a enfreint, doublant donc Messaoud Ould Boulkheir qui s’y
tenait selon les décisions du Front uni de l’opposition d’alors : il s’en
est fait un ennemi définitif, ce qui aujourd’hui encore est une des plaies de
la vie publique mauritanienne, cette inimitié mutuelle. Chbih fut candidat en
1997. Chacun y alla en Novembre 2003 – juste dix ans, présage d’une chute moins
de deux ensuite après un énième triomphe, ce qui ne semble pas frapper Mohamed
Ould Abdel Aziz
– et chacun y alla en Juillet
2009, alors même que toutes les conditions exigées pendant les mois qui
suivirent le putsch n’étaient manifestement pas remplies : seul l’héroïque
Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi avait rempli la sienne, par civisme et abnégation. Et les
élections de 2006-2007, censément exemplaires furent organisées en chronologie
étrange et en latitude laissée à tout indépendant des partis
« classiques » de courir sa chance, faute que les militaires aient pu
décemment revenir sur leur parole de ne pas concourir à l’élection : le
piège s’organisa dès ce moment avec l’étrangeté de prévoir le résultat du 25
Mars puisque la compensation des perdants sembla avoir été organisée
d’avance : position du responsable de celui disposant du plus grand nombre
de siècles au Parlement, même s’il n’en fait pas partie (ce qui désignait déjà Ahmed Ould Daddah)
mais qui fut laissée à la ratification du vainqueur. De la même manière furent
pourvues la présidence de l’Assemblée et la primature.
Deux confirmations aujourd’hui. La
première est que le tenant du pouvoir est assurément gagnant quelle que soit la
date constitutionnelle ou pas du scrutin. Depuis l’administration coloniale, la
dépendance d’une majorité écrasante de la population mauritanienne vis-à-vis de
l’Etat quelqu’en soit le chef force les consciences et le vote. Pour être
civique en Mauritanie, en Afrique, il faut un héroïsme et un degré de culture
politique et économique dont les pays développés, par exemple mon cher pays, la
France, ne sont manifestement pas ou plus capables. Qu’ils ne parlent donc pas
d’exemple. La seconde est que l’opposition ne s’unit jamais durablement, car
elle ne sait pas prendre l’initiative. Et la seule qui était possible depuis
2008 était de tenir une ligne, une seule : certainement celle d’un
rétablissement, au besoin conditionné et consensuel, de Sidi Mohamed Ould Cheikh
Abdallahi. A défaut de ce rétablissement et puisqu’une autre élection s’était
tenue légalement du fait de sa courageuse abdication, il fallait, il faut
encore que tous les opposants désignent – tout de suite, maintenant – un
candidat unique pour la prochaine élection présidentielle. Celui-ci sera donc –
tout de suite, maintenant – le « challenger » permanent de Mohamed
Ould Abdel Aziz,
le porte-parole permanent des populations se reconnaissant peu à peu en lui,
et lui confiant leurs souhaits à proportion qu’ils sont déçus par
« le président des pauvres », l’incarnation pour l’étranger et les
partenaires de la Mauritanie d’un pays qui peut se redresser et qui en a déjà
l’âme, et qui en reconstituera les moyens. Alors, la partie deviendrait égale.
Idéalement, le processus – pour passer de la dictature et du cynisme à l’air
libre de la sincérité –devrait être le gouvernement de transition et de
consensus justement proposé depuis des mois par Messaoud Ould Boulkheir. De
manière précisément à ce que l’administration territoriale – enfin – ne pèse
plus sur les comportements électoraux. Rêve ? Le système du parti unique
de l’Etat, avec Moktar Ould
Daddah avait traité le problème franchement. Oui,
l’administration oriente les élections et anime la population, donc un parti
unique, donc des scrutins joués d’avance, certes, mais le consensus constamment
recherché et dont les élections ne sont que la traductionune fois qu’il est
obtenu, et la démocratie s’inventant au jour le jour dans un système de
gouvernement très délibératif permettant toutes les évolutions
institutionnelles et tous les débats. L’absence de votation en Bureau
politique, sauf – exemple a contrario – lors de la crise d’Octobre 1963 qui
conduit au congrès historique de Kaédi… faisait que le Président lui-même
pouvait sans déchoir être convaincu par des opinions majoritairement contraires
à celle qui était la sienne initialement en entrant en salle du Conseil ou du
Bureau politique.
La Coordination de l’opposition
démocratique a énoncé de la manière la plus précise et la plus lucide les
conditions – minimales – pour que des élections soient honnêtes. Avec force Ahmed Ould Daddah les
a rappelées en réponse cinlante aux appels de Mohamed Ould Abdel Aziz, pas même capable
d’adresser personnellement son message à un « chef de file de l’opposition
démocratique », institution certes démodée et dépassée mais existant
encore et rendant statutaires les rencontres.
Ne pas s’y tenir, c’est évidemment
confirmer la jurisprudence de vingt-deux ans : l’union des opposants ne
tient jamais devant les initiatives du pouvoir et surtout la perspective des
élections. Tawassoul a une occasion unique de montrer que convictions
islamistes et démocratie sont bien le visage de la religion et de la politique
en République Islamique de Mauritanie. S’en tenir loyalement aux décisions de
boycott arrêtées depis longtemps en conférence des présidents de parti :
pas de surprise. Mais le calcul qu’être, en participant, les champions de tout
et de tous face à la dictature, tandis que seront absents de la campagne les
autres partis les plus importants ou dont les chefs sont les plus respectables
et notoires, est à très courte vue. Le pouvoir ne sera pas gagné ainsi, et la
Mauritanie même en parti unique de l’Etat n’a jamais été gouvernée qu’en
coalition de fait. La transgression du boycott va provoquer une scission de
Tawassoul entre démocrates, loyaux à la Coordination, et islamistes se croyant en Turquie, en
Tunisie, en Egypte, exemples peu concluants, et surtout situation pas du tout
mauritanienne. Tawassoul y perdra, Mohamed Ould Abdel Aziz y gagnera, se posant en rempart contre
les islamistes – que seule la démocratie, celle incarnée pendant quinze mois
par Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi, avait légalisés contre les militaires, version Maaouyia Ould
Sid’Ahmed Taya ou Ely Ould
Mohamed Vall – contre les « terroristes »
potentiels, interprétation des « Occidentaux ». Belle posture, mais
pauvre pays ! celui de mon adoption puisqu’il m’a adopté depuis 1965.
Pour l’opposition, les oppositions. Seule
logique, le boycott. Puis la candidature pré-proclamée et unique. Et les « dialoguistes »
ne doivent pas avoir pour impératif une démocratie que manifesterait « la
plus large participation » (Mustapha Ould Abeïderrahmane), mais une
démocratie sincère que la réalisation des conditions posées par la Coordination
peut seule introduire.
Pour Mohamed Ould Abdel Aziz, c’est tout
simple. Le gouvernement de consensus sera formé par Ahmed Ould Daddah et
la garantie de sincérité du processus de retour à la démocratie sera donnée par
Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi auquel le putschiste de 2008, traître à celui qui l’avait
maintenu, promu et qui avait placé lui et ses amis en toutes places, présentera
des excuses publiques. L’ancien président supervisera l’ensemble des institutions,
des opérations et des contrôles nationaux et internationaux de l’élection, de
quelque nature qu’elle soit : parlementaire, municipale, présidentielle. Les
excuses vaudront pour tout le peuple mauritanien et pour tout le passé des
militaires en politique : il sera dit solennellement qu’ils ne sont plus
« les détenteurs en dernier recours de la souveraineté nationale »
comme ils le prétendent à chacun de leur coup. Naturellement, terminant son
mandat, leur version actuelle, Mohamed Ould Abdel Aziz n’en sollicitera
plus aucun. Pas davantage aucun des hiérarques du conseil de défense nationale
s’étant substitué pour la montre à la junte et à ses auto-appellations, en
feint respect de la
Consstitution. L’ancien président supervisera l’ensemble des
institutions, des opérations et des contrôles nationaux et internationaux de
l’élection, de quelque nature qu’elle soit : parlementaire, municipale,
présidentielle. Et « l’opposant historique » rachètera son soutien
mal inspiré et mal motivé aux putschistes pendant leurs premiers mois en
n’étant que primus inter pares dans
le gouvernement d’union nationale : son expérience, son prestige, son
autorité, son nom-même feront le reste pour l’appréciation ds Mauritaniens.
Viendra alors après un quinquennat de réhabilitation de la politique et sutout
de l’économie et de la société (puisque tout régime putschiste fait renaître
les tensions ethniques et les pratiques sociales les plus contraires à l’unité
et à l’intérêt de la nation mauritanienne)… la relève des générations. Elle est
attendue.
Est-ce rêver ? Plutôt que
d’ « une balle amie », la raison, sinon la conversion.
10:48 25.08.13 aussi sur cridem.org
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