Une Mauritanie dont la maturité exceptionnelle marginalise le
régime d'autorité et d'improvisation
Mauritanie qui choisit entre une élection
présidentielle à date flottante et sans contrôle, même interne et la manifestation
de son union nationale et spirituelle hier après-midi.
Un peuple sage et tolérant, que
tout devrait en principe fractionner : statuts sociaux, ethnies, niveaux de vie,
tribalisme, pratiques esclavagistes persistantes, pauvreté extrême pour
l'ensemble de la population, insécurité sanitaire... et qui démontre de plus en
plus une maturité exemplaire, que nous ne rencontrons pas ailleurs en Afrique ou
au Proche-Orient arabe. C'est ce qu'a manifesté hier après-midi, avec un
calme et une unanimité spectaculaires, la marche des haratines soutenue par la
quasi-totalité des politiques de tous milieux, races, âges et statuts (sauf
"notre" Biram). Manifestation éminemment nationale et périmant toute lecture
fractionnelle du pays et de son histoire récente, toute dictature aussi
puisqu'aucune ne peut prétendre répondre par elle-même de l'unité donc de
l'avenir mauritanien. La Mauritanie existe par elle-même. Démonstration à été
faite, me semble-t-il, que Maures et haratines peuvent dépasser tout ce que des
siècles de pratique de l'esclavage ont ancré de stupides sentiments de
supériorité chez les uns et de haine chez les autres. La très large
participation à cette marche a dit fortement que toute politique des Pouvoirs
Publics visant à mettre fin aux injustices dont les haratines sont victimes et
aux retards qu''ils connaissent sur les plans économique et social, serait la
bienvenue. L'expérience de tous les régimes autoritaires, dont l'actuel, montre
que la démocratie est un préalable, et que seule celle-ci peut traiter par
consensus les dossiers si vivants et si douloureux, cf. la marche des rapatriés.
Les quinze mois de démocratie, incarnée par le président Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi en ont constitué la contre-épreuve... Les Mauritaniens sont en
train de chasser de leur esprit le fait-même du régime actuel, se révélant sans
emprise politique ni mentale...
... et un patron - colosse aux
pieds d'argile - casant sa parentèle et ses alliances aux postes politiques, aux
entreprises publiques, s'enrichissant personnellement par tout trafic y compris
les plus répréhensibles internationalement et se moquant ouvertement de toute
opposition, assuré qu'il est cyniquement de n'avoir aucune nécessité d'un
gouvernement d'union nationale pour en rallier assez par des débauchages
individuels, afin que les apparences
pour la montre internationale soient acceptable... sans doute pas de répression
avec des morts sauf deux exceptions, sans doute accidentelles... sans doute une
presse libre en dehors des légitimes organes gouvernementaux (les archives de
l'agence de presse gouvernementale, numérisées depuis 2001, ne sont plus, depuis
le putsch, accessibles qu'à compter du 6 Août 2008) mais ne pouvant en rien
gêner le pouvoir en place, le pays et les populations étant ce qu'elles sont
pour les éditions-papier et s'informant par les chaînes étrangères : les nôtres,
la Tunisie et Al Jazeera
... et au lieu de rivaliser
avec un Premier ministre fantôche, pour rallier le plus possible de
personnalités au système d'élections jouées d'avance et d'ailleurs à leur
détriment, nous devrions rompre avec le précédent mandat présidentiel chez nous dont la caution fut
achetée en liquide au secrétaire général de l'époque à l'Elysée... et faire en sorte
de n'être pas considérés comme adhérents d' "honneur" au parti
présidentiel.
Donc peser pour l'Etat de droit, c'est-à-dire pour l'avenir
qui peut commencer à tout moment. La pérennité d'une dictature a montré ses
effets catastrophiques avec Maaouyia : les événements de 1989, toujours pas
pansés mais si présents dans la mémoire collective, les massacres dans l'armée
selon critères ethniques en 1990-1991, toujours pas admis ni réparés, alors
qu'eux aussi sont présents.
Nos tolérances et nos alliances,
que nous croyons nécessaires pour les opérations militaires que nous menons, ont
pour conséquence notre isolement dans l'Union européenne. Nos partenaires nous
ont soutenu dans notre décolonisation avec les protocoles ad hoc du traité de
Rome, puis dans le règlement du drame algérien parce que l'évidence était notre
bonne volonté puisqu'il y eut le général de Gaulle, synonimes de pratiques et de
concepts. Aujourd'hui, nous sommes seuls et ce que nous faisons est précaire.
La question de Mauritanie est de petite échelle, quoique stratégiques
ethniquement et géographiquement. La résoudre est dans nos moyens d'influence,
l'Europe sera avec nous. Tandis que le Maghreb méditerranéen qui va nous sauter
à la figure... sera une bien autre affaire. Nous pouvons nous préparer le
concours européen en changeant de visage et de pratiques au sud du
Sahara.
C'est notre intérêt. C'est aussi
question d'honneur . pas seulement pour laver la trahison Guéant . mais
vis-à-vis de jeunes générations ou d'élites encore contemporaines de notre
décolonisation - en études parisiennes et en première expérience gouvernementale
- et qui ont cru à nos valeurs. Faut-il maintenant des guillemets à ce mot-là
?
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