Mohamed Ould Abdel Aziz
?
Les biographies : l’officielle et l’officieuse ne diffèrent
pas – sauf pour le lieu de naissance (Akjoujt pour l’officielle) et l’enfance
que l’Agence mauritanienne d’information passe entièrement sous silence – et
sont limpides. Né au Sénégal, marié à une Marocaine [1],
origines modestes tant tribale, que familiale, sociale. Bagage mince : après
un passage à la direction du Budget de l’Etat mauritanien comme agent, il passe
à la mécanique automobile d’abord en officine puis dans l’armée mauritanienne
(recruté par Ely Ould
Mohamed Vall, directeur de la sûreté nationale dès
l’avènement de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya), formation tant intellectuelle que
militaire très succincte (quelques mois à l’école d’état-major de Meknès au
Maroc). Faits d’armes et participation à des opérations : néant. Le
président du Comité militaire, Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, dont il est à deux
reprises l’aide-de-camp [2],
le charge vers 1986-1987 (époque des soi-disants complots baasiste puis peul, et
début des « années de braise »), de constituer un bataillon
d’élite : il séjourne en Irak pour l’apprendre, il n’en quittera le
commandement personnel que que pour un ou deux stages. De ce BASEP, véritable
garde prétorienne rendue progressivement mieux équipé et plus opérationnel que
n’importe quelle autre unité de l’armée mauritanienne, et donc capable – en cas
d’épreuve de force – d’équilibrer une éventuelle coalition, le putchiste devenu
le président de la République garde toujours le commandement effectif. Il l’a
cumulé avec la position de chef de l’état-major particulier du président de la
République : Sidi
Mohamed Ould Cheikh Abdallahi . 25 Mars (investiture 19
Avril) 2007 au 6 Août 2008. Promu général au printemps de 2007 par celui qu’il
trahira, auto-proclamé président du Haut Conseil d’Etat, chef de l’Etat, à
l’été de 2008, élu président de la République dès le premier tour d’une
élection dont il a forcé l’anticipation l’été de 2009, et selon toutes
probabilités, réélu dans les mêmes conditions d’arbitraire et de succès l’été
prochain. Elu enfin président de l’Union africaine pour l’exercice 2014-2015,
sans doute par défaut puisque l’Afrique du nord (dont, au titre de l’Union du
Maghreb arabe, fait partie la Mauritanie) n’avait aucun autre pays-candidat « présentable »,
mais élu et en place quand même. L’Union Africaine n’est pas à un paradoxe près
puisqu’au début du « printemps arabe », le putschiste censément
légitimé avait présidé du 19 au 23 Février 2011, à Nouakchott puis à Abdijan,
le « panel » de chefs d’Etat, chargé depuis la fin de Janvier par sess
pairs africains de trouver une solution à la « crise
post-électorale » en Côte d’Ivoire.
Trois silhouettes apparaissent cependant,
qui obligent à considérer le personnage comme plus complexe que sa carrière le
laisserait d’abord à penser. Mais chacune correspond à un
« public » : le militaire pour la France et les organisations
sécuritaires « occidentales » au Sahara et au Sahel, le politique
dans la norme africaine pour les partenaires étrangers de la Mauritanie, et
pour ses concitoyens il est l’émule de son prédécesseur militaire le plus
durable qu’il a renversé comme il a renversé le seul président démocratiquement
élu (scrutin pluraliste à deux tours contrôlé internationalement de la
confection des listes électorales à la transmission des résultats de bureaux de
vote aux instances consensuelles de Nouakchott).
Le pur militaire ? c’est celui que la
France officielle et ses « services » croient fréquenter sans égards
particuliers puisque l’entretien de l’homme fort avec le président Sarkozy est
le seul moment marquant d’une soi-disant visite d’Etat et ne donne pas lieu à
communiqué, ce qui n’a aucun précédent dans les registres et sites de l’Elysée,
et que celui avec le président Hollande est lié à une longue hospitalisation
pour chirurgie en France : pas de communiqué non plus, que des vœux et
constats de bonne santé. Le montage semble avoir tenu uniquement à l’intéressé
qui, dès le début de la présidence de Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi, est en relations avec les « services »
français à qui, grâce à des actions terroristes « tombant bien », il
démontre les lacunes et le manque de jugement du président en place davantage
que sa propre efficacité, puisque lui-même, les renseignements et la sécurité
de la Mauritanie n’ont rien vu ni empêché,. Le président Sidi, à la suite de
l’attentat coûtant la vie, le 24 Décembre 2007 à quatre Français, sur la route
dite de l’Espoir qui est très fréquentée, et non loin d’Aleg, pays de sa naissance,
a en effet assuré à la presse internationale que la Mauritanie n’est pas un
pays de terrorisme ni de recrutement de terroristes. Une évasion spectaculaire
de l’un des présumés meurtriers des Français, divers coups de main pendant la
visite en Avril 2008 à Nouakchott de l’émir du Qatar qui, apeuré, repart plus
tôt que prévu, achèvent la
démonstration. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz serait donc plus
fiable, en matière de sécurité, que le civil et courtois Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi. Le putschiste se conformera, une fois parvenu à la première
place, aux souhaits de Paris : expéditions coordonnées au Mali, notamment l’équipée
des 20-22 Juillet 2010 qui provoque l’exécution de Michel Germaneau le
surlendemain, présidence Sarkozy [3]
; participation aux réunions sécuritaires, présidence Hollande et en toute
occasion exposés sur l’unique thème sécuritaire, soutien aussi en relations
internationales des opérations françaises en Afrique ; enfin expression
directe dans les médias de l’ancienne métropole, le 15 Avril 2012 (Le Monde,
TV5 et RFI).
A y regarder de plus près, la réputation a
des fondements discutables. A peine le putsch perpétré, le 15 Septembre 2008, à
Tourine (70 kms à l’est de Zouerate), une patrouille mauritanienne est détruite
dans un guet-apens attribué à AQMI, mais les cercueils des victimes présentés
aux familles sont en réalité… vides. Fréquents semi-attentats dans la capitale
et l’assassinat de Christopher Legget, humanitaire américain,tué en pleine rue,
au Ksar, le 23 juin 2009, meurtre revendiqué par Al Qaida, ou encore le
kamikaze explosé près de l’ambassade de France le 7 Août 2009 . Le 29
Novembre suivant, sur la route reliant Nouakchott à Nouadhibou, trois
humanitaires espagnols, Alicia Gamez, Albert Vilalta et Roque Pascual sont
enlevés et remis à Aqmi ; ils sont
libérés le 23 Août 2010 contre rançon. Diverses courses-poursuites de véhicules
soi-disant AQMI dans le sud-est. Expéditions de mauvaise apparence juridique et
politique en territoire malien.
Le chef d’un Etat africain dans la moyenne
de ses homologues dont le plus grand nombre est devenu président par la force
armée, ne défroquant qu’ensuite : l’amnésie internationale permet toutes
les légitimations, les soupçons précis de corruption et de recels personnels ne
sont pas que mauritaniens, la tolérance aux trafics de drogue ou aux abus de
pouvoir soit par des réseaux mafieux soit du fait des forces militaires est
courante. Le pays est riche en propositions d’exploitation de ses ressources
minières et halieutiques, aucune chasse gardée n’interdit la pénétration
économique, financière et politique, les intérêts français, européens,
américains, chinois prospèrent et sont bienvenus. Les examens
macro-économiques, même de complaisance (décalage fréquent entre les rapports
de mission et les évaluations finales par le FMI et la Banque mondiale), voire
des truquages statistiques (la double comptabilité à la Banque centrale pendant
les dernières années de Maaoyia Ould Sid’Ahmed Taya et de nouveau aujourd’hui)
n’ébranlent pas les propensions à investir. En une vingtaine d’années
d’ailleurs le pays a vu apparaître quelques grosses fortunes locales
personnelles donnant à l’étranger à la fois des assurances quand au climat des
affaires, et des interlocuteurs ou accompagnants pour des investissements et
prospections d’importance. s et prospections d’importance. Peu d’attention est
prêtée, à l’international, à l’émergence parmi ces fortunes de proches du
putschiste de Nouakchott, insolvable avant son accession de force à la tête du
pays.
La démocratie de façade [4]
est plus soignée que sous le précédent régime militaire. Des états-généraux,
des dialogues nationaux entendent appliquer des promesses écrites échangées, le
20 Décembre 2009 avec la Commission européenne sur un « dialogue
inclusif » avec les oppositions [5]:
. La liberté des médias écrits et virtuels est totale mais à ceci près que
l’autorité supposée inépendante qui les supervise (la HAPA) dispense
souverainement les aides publique, et qu’elle est maintenant inféodée. Les
prisonniers de grande notoriété politique ou médiatique sont libérés par grâce
présidentielle (Hanevy Ould Dehah, Biram Dah Ould Abeid) ce qui évite tout
« déballage » en procès public, mais – péjorativement – le sont en
même temps que des condamnés de droit commun, puis satellisés en échange. Pas
de morts ni de blessés, sauf exception (le 4 Mars dernier : Ahmed Ould
Hamoud, étudiant de dix-huit ans, au cours des émeutes en réplique à une
profanation à la réalité mal établie, et, deux ans et demi aauparavant, à
Maghama, Lamine Mangane, le 27 Septembre 2011) et si les manifestations, soit à
caractère politique, soit en mouvement social, sont vivement réprimées, elles
ne mettent pas en cause l’ordre public ni un calme général d’apparence. Le
régime a même fonctionné jusqu’à l’automne sans dissolution du Parlement élu
près de deux ans avant le putsch : le renouvellement tardif au regard de
la règle constitutionnelle (qui ne fut pas modifié pour autant) de l’Assemblée
nationale et des municipalités a accru les majorités de complaisance, mais
celles-ci étaient en partie sous influence des militaires déjà dans la période
de sincérité démocratique.
Enfin vis-à-vis de l’Union européenne, il
a la clé des accords de pêche qui importent décisivement à plusieurs de ses
Etats-membres, et celle aussi des flux migratoires plus ou moins clandestins de
l’Afrique vers l’Europe. Nouadhibou est – en économie, en trafics mafieux et en
tentatives clandestines – un des points les plus sensibles de tout le
continent.
La troisième silhouette me paraît la plus
conforme à la vérité du personnage, mais si elle est qualifiée – le politicien
– elle n’est pas très étudiée. Je la crois explicative, tant une fois
constatée, elle précise des interrogations valant réponses.
J’entends par politicien le personnage,
fréquent en France, de grand entregent pour parvenir, d’habileté pour demeurer
ou progresser en place, de vif appétit pas seulement d’honneurs, et au total de
courtes vues pour le pays, et de dévoiement de l’esprit, avec des apparences de
modernité pour la communication et des équipements ralliant des suffrages pour
aisément un bon et visible bilan. Mohamed Ould Abdel Aziz avec ses nouvelles
voiries (quoique solubles au moindre crachin maritime ou d’hivernage), ses
électrifications (en réalité, objets de marchés soi-disant publics mais gagnés
par concussion et au profit de sa propre), sa relation avec les banquiers
nationaux totalement chanagée une fois le pouvoir acquis serait donc le
président des pauvres, celui qui d’entrée de jeu a promis de « régler tous
les problèmes » et de mettre fin à « la gabegie » qui dure
depuis cinquante ans (soit depuis l’autonomie interne si l’on compte à partir
de son putsch…). Longue patience pour s’approprier un pouvoir dont il est en
position d’observer le fonctionnement le plus intime pendant vingt ans (avec
mise à sa propre écoute, grâce aux services de l’Elysée a-t-on prétendu à
Nouakchott, du président dont il est censé assurer la sécurité et la relation
avec les forces armées) et art consommé pour compromettre avec lui vis-à-vis de
leurs troupes et militants ses adversaires supposés ; ainsi Ahmed Ould Daddah, dès
avant le putsch, puis Ibrahima Sarr et Kane Hamidou Baba, pourparlers admis à
condition de résultats, or il ne tient pas ses engagements. Enfin, Messaoud
Ould Boulkheir acheté par la présidence du Conseil économique et social pour
céder la présidence de l’Assemblée nationale, sinon se rallier putativement au
candidat de l’été prochain. De quoi mépriser intimement et parfois publiqument
chacun de ses concurrents putatifs. Une compréhension avisée aussi de l’appétit
de ses concitoyens pour une relève de génération : il est d’ailleurs plus
jeune d’une quinzaine d’années que les plus connus de ses compétiteurs civils.
Enfin, chef d’œuvre, l’amorce d’un « printemps » mauritanien, le 25
Février 2011, par un premier sit-in à
Nouakchott, place dite des blocs, se répètant le 1er Mars puis
s’amplifiant avec sa réplique à Nouadhibou et à Aïoun-el-Atrouss, se pérennise
à partir du 4 : elle est étouffée aussi bien par les obstacles matériels
multipliées contre son centre et la contagion possible de la manifestation, que
par une habile disqualification des manifestants venus censément des milieux
aisés de la capitale.
Dès l’été, ceux-ci se rallient, en tant que mouvement, au
pouvoir en place, et fondent un parti le 2 Octobre 2011, qui n’a pas de suite.
Mohamed Ould Abdel Aziz
a su résister contrairement à ses homologues tunisien et égyptien, à ce qui
avait d’abord ressemblé à l’insurrection les balayant. Les ingrédients, les
mêmes, étaient pourtant réunis en Mauritanie, sauf la longévité du militaire
d’origine au pouvoir : une tentative de suicide par le feu, explicitement
motivée, le 17 Janvier 2011 à Nouakchott (« mécontent de la situation politique du pays et en colère contre le
régime en place », Yacoub Ould Dahoud, quoique
rapidement hospitalisé, ne survit pas) [6],
puis l’incendie de bâtiments publics le 18 Février suivant à Néma, extrême-est
du pays, en protestation populaire contre la cherté de la vie.
L’homme fort de Nouakchott passe pour
accumuler une fortune personnelle de
plus en plus importante. Ely Ould Mohamed Vall en
avait fait une, comme directeur de la sûreté nationale, sans doute par la
connaissance des lacunes de certains de ses compatriotes acquise par ses
fonctions. Quand il présida le Conseil militaire pour la justice et la
démocratie, il n’eut pas pour lui-même la main trop lourde sauf dans
l’attribution d’une filière téléphonique. Mohamed Ould Abdel Aziz est soupçonné de
profiter directement de trafics, notamment de drogue, de blanchiment d’argent
et de rétrocommissions. Même si les accusations de Noël Mamère n’ont pas
abouti, pour beaucoup de Mauritaniens, c’est une certitude :
l’enrichissement et l’avidité seraient le fond même du goût pour le pouvoir.
Son prédécesseur, Maouyia Ould Sid’Ahmed Taya est à l’origine, par une
tolérance lui donnant des alliés et des soutiens dans la sphère civile et pas
seulement dans sa tribu ou sa parentèle, de la plupart des fortunes actuelles,
mais lui-même ne s’est pas enrichi à titre personnel, et on ne lui connaît ni
investissements mobiliers, notamment en France, ni comptes secrets, comptes
secrets, ni même une maison dans la capitale. Son tombeur, au contraire, est crédité
par la rumeur publique d’être devenu, en quelques années, le plus grand
propriétaire immoblier en Mauritanie et de posséder, par son épouse marocaine
entre autres prête-noms, de nombreux immeubles au Maroc, au Sénégal et même en
France.
Coincidence ? ou lien de cause à
effet ? chacune des périodes militaires correspond dans l’histoire moderne
de la Mauritanie avec le réveil de deux maux endémiques. La période fondatrice
n’en avait connu qu’un qu’elle traitait avec prudence mais détermination :
la question des langues, principalement la place du français à perpétuer ou pas
après la fin du régime qui l’avait introduite dans un pays de culture arabe
dominant les langues vernaculaires des rives du fleuve Sénégal. Elle fait
l’agitation des élèves et des étudiants avec parfois des heurts très graves au
milieu des années 1990 et encore en 2010. En apparence, le pouvoir actuel reste
neutre, mais ce qui constituait antan le tout de l’expression d’antagonismes
possibles entre ethnies maure et noire – cela dit en langage simplifié – est
depuis 1990 et des massacres dont l’ensemble est appelé « le passif
humanitaire » d’une tout autre portée. L’enjeu grandit sous le régime
actuel sans pour l’instant troubler l’ordre public mais en gagnant bien des
domaines, de plus en
plus sensible. La question noir-maure se pose à propos des recensements
électoraux, à propos des pratiques esclavagistes persistantes – second mal du
pays qu’avant 1978 on ne traitait que par incompétence judiciaire en cas de
réclamation d’un esclave par ses maîtres – et même d’une interprétation
religieuse les permettant. Dans les années 1960-1970, le clivages étaient
binaires pour les dosages et chiffrages raciaux comme ils l’étaient vis-à-vis
du parti unique de l’Etat. Le multipartisme sert le pouvoir en place en
divisant les opposants. La montée en puissance dans les sphères politiques et
administratives des haratines change complètement la relation maures-noirs dont
l’artifice se démontre ainsi : une tierce composante de la population
mauritanienne, peut-être la plus nombreuse, est doublement métissée, en partie ethniquement
noire et culturellement totalement arabisée. La contestation des persistances
de l’esclavage mine l’unité nationale puisqu’elle véhicule désormais, par le
personnage complexe de Biram Dah Ould Abeid, son porte-parole
internationalement mais pas nationalement consacré, des interprétations souvent
erronées et fondées sur des clichés, et, à présent, leur donne de surcroit un
tour attentatoire aux révérences et références religieuses du pays. Tout se
noue donc autrement que par le passé mais risque de déséquilibrer l’ensemble
mental mauritanien.
Or, Mohamed Ould Abdel Aziz est
personnellement impliqué dans chacune de ces questions. Le viol des
législations adoptées non sans peine à l’initiative de Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi et grâce au travail de persuasion de Yahya Ould Ahmed Waghf, est le fait
notoire de certains de ses proches et de parents. La mainmise sur les
recensements électoraux pour écarter du vote et de la nationalité les
originaires du Fleuve tandis que son intégrés des Sahraouis est également son
fait puisque l’ensemble des processus électoraux est à sa main. Un des éléments
de complexité pour les issues de la crise malienne tient également à lui :
son mépris pour Amadou Toumané Touré et même, pendant les premiers mois, pour
Ibrahim Boubacar Keïta, ses relations troubles avec certaines factions rebelles
et terroristes, enfin ses attitudes successives à propos de l’Azawad et donc d’un
positionnement éventuel de soldats mauritaniens dans le dispositif militaire
multinational au nord de son voisin. Trafiquant les processus électoraux,
ravivant les conflits raciaux, ne faisant pas suite au consensus formé par son
prédécesseur démocrate pour régler « le passif humanitaire » autant
qu’il est humainement possible, Mohamed Ould Abdel Aziz est douteux pour
le retour de ceux, originaires de la vallée du Fleuve, qui dans le drame du
printemps de 1989, se sont réfugiés au Sénégal et au Mali, et qui dans le drame
du printemps de 1989, se sont réfugiés au Sénégal et au Mali, et il l’est plus
encore s’il s’agit de contenir puis d’éteindre l’incendie sahélien.
.
Ces lacunes et ces mises en cause,
notoires et précises, n’entament cependant son emprise sur le pays, ni –
étonnamment – sa crédibilité chez les principales puissances intéressées à la
sécurisation du Sahel et de l’Afrique du nourd-ouest, ni apparemment chez nous,
en France. Comment tient-il ?
Les premiers éléments de réponse font une
ambiance. Plus qu’aucun de ses prédécesseurs, l’actuel homme fort place des
parents, très crûment et en nombre, au Parlement et dans l’armée : le
président du Sénat, son dauphin constitutionnel, est son cousin, le chef
d’état-major de l’armée de l’air en est un également, le directeur de la sûreté
d’Etat (le renseignement intérieur) aussi. Par un langage populiste et même des
emprisonnements de quelques jours, il a intimidé dès sa légitimation électorale
les principales fortunes du pays et surtout leurs banques. Sa rupture avec le
financier du putsch et de la caution française qu’il obtint très vite :
Mohamed Ould Bouamatou, est exemplaire de son émancipation matérielle
personnelle.
Se précise alors la question
de sa pérennisation et de sa sécurisation au pouvoir. La réponse est donnée par
des Mauritaniens avec tristesse mais crûment.
D’une part le fléau de l’opportunisme
et de la versatilité pour ne pas dire de la lâcheté qui gangrène de plus en plus les notables
et autres élites de ce pays et dont beaucoup de Mauritaniens ont maintenant
honte, comme ils avaient honte pendant les dernières années du précédent régime
autoritaire, celui de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya. Proverbe maure : ce qui faisait se suicider les gens ne les
fait plus rougir aujourd’hui . Désormais,
dans l’essentiel de l’intelligentsia mauritanienne, plus aucune valeur ne
résiste à l’appât du gain , des honneurs artificiels de la promotion et parfois
seulement de la promesse .Et puisque Mohamed Ould Abdel Aziz dispose des
personnes et de la totalité des ressources du pays, à sa guise…
D’autre part, c’est
paradoxalement le seul président de la République élu démocratiquement – Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi – qui a permis la main-mise
totale de Mohamed Ould Abdel
Aziz sur une armée qui, en dehors du BASEP, ne le connaissait pourtant pas jusqu’à l’éphémère
établissement de la démocratie et de l’Etat de droit. L’ayant tout juste pris
pour son chef d’état-major particulier, le président Sidi a
surtout commis la faute, sans
doute sur son incitation, de dépouiller l’état-major et les principales unités
de tous les officiers supérieurs plus anciens que lui, en les envoyant soit à
l’étranger comme attachés militaires, soit auprès du ministre de la Défense en
tant que conseillers. Les nominations de Mohamed Ould Abel Aziz et de trois
autres de ses camarades ont porté atteinte à l’esprit autant qu’à la lettre de
la reglementation militaire en vigueur, qu’avaient jusques-là
respecté tous les régimes : un minimum d’ancienneté de quatre ans dans le
grade de colonel. L’habitude s’est prise depuis, le chef de l’état-major
particulier du Président, puis le président du Haut Conseil d’Etat et enfin le
président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, en constante ascension, a façonné et
perfectionné l’outil qui lui avait été donné. Il l’a fait à sa guise et selon
ses propres priorités, c’est-à-dire avant tout la sécurité de son système .
Celui-ci a deux soutiens publics. Une
alliance indéfectible – jusqu’à présent – entre deux officiers généraux :
El Gazouani et lui. Une docilité inentamable d’un Premier ministre
inamovible : Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Ces deux compagnons, très
différents de caractère et aussi de position dans l’organigramme réel du
pouvoir actuel, ne sont pas plus l’un que l’autre financièrement, familialement
et tribalement désintéressés. Mais leur fidélité a été éprouvée. Par nos
« services » à Paris, lors d’un premier séjour du général Mohamed
Ould Cheikh Ahmed dit
El Ghazouani, et par les circonstances (mystérieuses) d’un accident
d’hélicoptère pendant la campagne présidentielle de Juillet 2009 : le chef
d’état-major national pouvait ne pas secourir les
naufragés du désert, ou à tout le moins prendre le pas sur le disparu en
attendant que ceux-ci soient retrouvés. Il n’en fit rien. Le Premier ministre,
dès les premiers mois de son exercice, alors en complète illégalité, ne cachait
pas son peu de goût pour rester ; il l’a surmonté. Tous deux, le militaire
et le civil se sont montrés des intérimaires plus que loyaux pendant
l’hospitalisation du maître en France en Novembre 2012. Loyauté, stabilité de
ces deux appuis et soutien affirmé de l’ancienne métropole à la participation
inconditionnelle des opposants à chacun des processus, en fait des défis
électoraux. Les ingrédients essentiels ont fait leur œuvre depuis six ans et
demi, mais ils n’auraient pas suffi.
Ce qui amène à deux nouvelles questions
auxquelles il serait décisif de répondre.
Pourquoi l’armée dans son ensemble, et la
« haute hiérarchie militaire » en particulier, soutiennent-ils sans
jamais le mettre sous pression ou lui poser des conditions, le putschiste qui
s’est d’abord imposé à ses pairs bien avant de se saisir du pouvoir grâce à
eux. Des avantages matériels aux militaires et plus encore aux gradés ? Un
régime de surveillance mutuelle au niveau des cadres ? Une surpuissance du
BASEP appuyé le cas échéant sur d’autres unités affidées? En sorte qu’une
conclusion par la force du système actuel paraît très peu probable.
Et quels sont donc la séduction, le charme
qu’a pu exercer, qu’exerce Mohamed Ould Abdel Aziz sur les autres, sur ceux qu’il lui
faut gagner ? Ne l’ayant pas rencontré personnellement, je ne parviens pas
à pénétrer une mécanique intellectuelle ni une vision du monde, selon la
situation de la Mauritanie actuelle, et une culture propre. Il semble que
Mohamed Ould Abdel Aziz
ait le don rare d’induire en confiance : devant lui, trompées, se sont
inclinées des valeurs mauritaniennes sûres et des personnalités politiques
chevronnées. Notamment Ahmed Ould Daddah, Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi, Messaoud Ould Boulkheir. Les opposants peuvent protester, mais ils n’ont pas “réussi”. Au
contraire, même en discours de logique, en véritable trouvailles de
présentation et de communication, Mohamed Ould Abdel Aziz empêche la réplique. Le putsch
n’est qu’une « rectification », une considération par les militaires qu’il
vaut mieux l’un d’eux pour conduire la nouvelle expérience démocratiques.
Héritier de la jurisprudence de ses prédécesseurs militaires, Mohamed Ould Abdel Aziz s’oppose à toute
forme d’islamisme politique mais passe pour le protecteur cohérent de la religion,
ce qui met dialectiquement à sa discrétion l’opposant idéal qu’est Jemil Ould
Mansour, président de Tawassoul : celui-ci n’a pas respecté la décision de
boycott des électionss parlementaires et municipales de l’automne prise et
publiée par la Coordination de l’opposition démocratique et participera, en
candidat unique de celle-ci ou en concurrent si le candidat devait être un
autre, à la prochaine élection présidentielle. Gage de démocratie formelle et
gage de sécurité politique donné tout à la fois aux partenaires étrangers.
C’est peut-être là une des entrées en évaluation d’un
tel homme, passant pour très médiocrement cultivé et même physiquement peureux
: l’absence de vergogne faisant sa constitution intime. Pas de scrupules, ni
d'ordre religieux, ni d'un quelque autre ordre Des objectifs précis, qui sont
l'argent et le pouvoir pour l'àrgent et pour ne pas perdre celui-ci. Il ne
tient personne en réelle estime et se comporte comme ne devant rien à personne,
dès lors que ce n'est pas pour un besoin immédiat. Il est doué pour le
maniement de la carotte et le bâton. Sa carotte, se sont les nominations et les
opportunités offertes pour gagner de l'argentet le faire gagner à des proches
de confiance. Il dispose aussi d'une arme puissante qu'il a bien exploitée, qui
est la communication : télévision et radio publiques, en quoi il tranche
avec ses prédécesseurs militaires et il a habilement accepté une presse
indépendante qui satisfait l'extérieur mais n’a guère prise sur l’opinion
intérieure : tenant l’imprimerie nationale, il peut au jour le jour la
ruiner, et de cet ensemble de bonne apparence, à la manière d’élections
pluralistes dont l’étranger fait mine de ne pas douter, il a su tirer un second
profit d’image en encourageant le développement de certains médias privés à son
unique dévotion. Radio Mauritanie est la seule station à couvrir tout le
territoire, la télévision publique a treize relais de rediffusion et leurs
seules oppositions ou répliques sont Al Jazeera, les antennes tunisiennes et
Radio France International. Il n’y en a pas de nationales
Mais
cette amoralité foncière : mensonges publics patents, médisances, achat de
consciences, fausses promesses, pratiques contraires à ses propres déclarations
a ses avantages et ses inconvénients. Vis-à-vis de l’extérieur, Mohamed Ould Abdel Aziz n’a, pour le
moment, obtenu que les avantages, mais face à son opinion intérieure un net
changement est en train de s’opérer.
Si la perspective n’est qu’électorale, la date légale
– en Juin prochain – est maintenant trop rapprochée pour
permettre un dialogue sérieux et la mise
en place d’un dispositif électoral crédible et consensuel. L’opposition st sans
doute plus motivée que jamais pour faire bloc contre toute participation à une
nouvelle « mascarade ». Le Premier ministre – délégué ? ou
proprio motu ? – tient sans doute un langage conciliant en recevant ceux des chefs de partis
d’opposition qui veulent bien échanger avec lui au sujet des prochaines
élections présidentielles, mais son nouveau ministre de la Communication le
décrédibilise dont l’arrogance n’a pas de précédent dans les annales
gouvernementales mauritaniennes pourtant riches en période autoritaire.
Significativement, Mohamed Ould Abdel
Aziz ne s’en mêle plus : sûr de lui et de la suite
apparemment, alors que depuis sa prise de pouvoir et bien avant d’avoir reçu
« une balle amie » le 13 Octobre 2012, il sursaute en public à chaque
détonation.
Bertrand
Fessard de Foucault,
jeudi 13 . samedi
15 . dimanche 16 Mars 2014
après
consultations d’amis mauritaniens sur une première rédaction
Je marcherai, un
jour, pour me prouver à moi que je pourrai m’efforcer à mettre un pied devant
l’autre.
Je marcherai les
pieds nus sur l’asphalte chaud d’une capitale née du néant, par la volonté des
hommes, née d’un carrefour de vents et de sueurs.
Je sentirai le
feu, je supporterai la douleur des ouvriers anonymes, fantômes, qui ont
transpiré, souris pour une blague inerte.
Je marcherai sur
le sable brûlant d’une dune accroupie sous le poids du temps, sur les cicatrices
laissée par les larmes d’une jeune
fille, qui n’arrive plus à voir clairement un lever de soleil, qui ne comprend
pas la couleur rose d’une lune d’été.
Je marcherai, pour
tenir compagnie à un enfant sur une charrette d’eau qui n’a jamais connu une
PSP, qui ne comprends plus pourquoi les enfants ne sont plus les mêmes.
Je marcherai, pour
arracher une tourne vis du même enfant qui ne connaît pas la route de l’école.
Je marcherai, pour
essayer de répondre à la question du mendiant qui veut savoir pourquoi l’or ne
devient pas farine, viande, ou simplement une étoffe pour l’abriter du soleil.
Je marcherai, pour
essuyer les larmes de la prostituée du coin, qui après avoir offert une tranche
de vie à un soldat fatigué, avait oublié comment elle a tombé dans le
tourbillon de la vapeur d’une vie sans début ni fin.
Je marcherai, pour
dire aux hommes comme Gbagbo, que si le peuple dit non par les urnes, il pourra
le dire aussi par le bruit des pas..
Je marcherai, pour
que l’uniforme sacrée de mes soldats qui sillonnent le désert, qui se privent
de la tendresse de leurs femmes et de le bouillonnement des enfants, pour me
permettre de dormir, ne soient plus
souillés par des généraux « sauveurs ».
Je marcherai, pour
noyer ma tristesse de ne pouvoir acheter l’ordonnance d’un médecin
nonchalant, dans la poussière d’un
harmattan précoce d’un 25 février.
Je marcherai pour
entendre un Saidou Kane taquiner un cousin, en Hassaniya, pour que celui-ci lui
réponde en pulaar.
Je marcherai pour
que le Président que j’aurai choisi,
n’ait plus peur d’être renversé pour avoir pris une décision.
Je marcherai, pour
que je ne sois plus représenté par un perroquet automate dans un parlement de
somnolant.
Je marcherai, pour
faire comprendre aux autres que je suis à la tête de la hiérarchie, que je suis
le CITOYEN….
Je marcherai seul,
peut être, d’autres pourront se joindre à moi, par pitié, par curiosité, ou par
compassion.
Je marcherai comme
un funambule
Comme un
somnambule
Comme une boule
De neige.
Je marcherai… Abou
Nawass . en ligne sur Taqadoumy, 24 Février 2011
[1] - la
réalité diffère du droit strict de la nationalité : Tekeiber Mint Melainine Ould Ahmed est d’origine
mauritanienne ( Smacid comme Maaouya Ould Sid Ahmed Taya par son père et dTekna par sa mère Mint Moulay Ely),
même si elle est née au Maroc que son
père avait rallié dans le contexte de la revendication
de Mohamed V et en avait adopté la
nationalité
[2] - en 1984, dès le « 12-12 » :
renversement du colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, président du Comité
militaire de salut national par un autre mais plus discret putschiste de la
première heure, celle du 10 Juillet 1978,: Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, puis
de 1987 à 1991 … des dix aides-de-camp du président Moktar Ould Daddah, le fondateur de
la Mauritanie moderne, trois se sont succédés, et dans l’ordre chronologique, à
la présidence du comité des putschistes (les lieutenant-colonels Mustapha Ould Mohamed Saleck;,
Mohamed Khouna Ould Haïdalla, Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya ; le dernier en
date qui l’arrêta, lieutenant Moulay Hachem
Ould Moulay Ahmed, tenta lui aussi sa chance mais la manqua dès
Septembre 1978
[3] - en conférence annuelle des ambassadeurs à Paris, le
président d’alorse, coincidence, le 25 Août 2010, à
Néma, nouvelle tentative d’attentat-suicide, qualifie le raid de ‘’tournant
majeur’’
[4] - l’expression est de M°
Brahim Ould Ebety, avocat au barreau de Nouakchott et défenseur depuis sa
prestation de serment des grandes causes de l’Etat de droit et du respect des
droits de l’homme
[5] - en réalité, la conclusion avait été antérieure et
moins contractuelle : les bailleurs de fonds
avaient confirmé, lors d’une table-ronde organisée par la Commission européenne à
Bruxelles les 22 et 23 Juin 2010, les engagements qu’ils avaient pris avec le
gouvernement du président Sidi
Ould Cheikh Abdallahi, trente mois auparavant
[6] - Mohamed Ould Abdel
Aziz a pour commentaire, diffusé « en boucle » par
les médias publics : ‘’la Mauritanie est différente de la Tunisie. En Tunisie,
c’est un pauvre qui s’est immolé. Contrairement à la situation en Mauritanie,
où l’immolation est réservée aux hommes d’affaires à cause de l’arrêt des
pratiques malsaines.’’
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