vendredi 12 octobre 2012

Amnesty International et la ratification de certaines conventions par la Mauritanie, sans application d'autres

AMNESTY INTERNATIONAL

DÉCLARATION PUBLIQUE

11 octobre 2012
AFR 38/009/2012

Mauritanie : Amnesty International appelle la Mauritanie à respecter ses obligations après la
ratification de deux principaux instruments internationaux

Amnesty International salue l'engagement de la Mauritanie à protéger les droits humains, illustré
par les récentes ratifications de la Convention internationale pour la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées (ci-après Convention contre les disparitions forcées) et le
Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (ci-après Protocole facultatif à la Convention contre la torture). Amnesty
International appelle la Mauritanie à prendre les mesures nécessaires visant à garantir, dans sa
législation, ses politiques et la pratique, que ces textes et les autres traités internationaux relatifs
aux droits humains sont pleinement mis en oeuvre.

Cependant, Amnesty International reste préoccupée par des informations persistantes faisant
précisément état des violations des droits humains soulevées par ces traités. L’organisation
s’inquiète notamment de la disparition de 14 personnes condamnées pour terrorisme qui ont été
transférées de la prison centrale de Nouakchott, la capitale, vers une destination inconnue, le 23
mai 2011. Leur lieu de détention n’a pas été révélé par les autorités depuis lors.

En refusant de révéler le lieu de détention de ces 14 personnes, les autorités mauritaniennes violent
la Convention contre les disparitions forcées, ratifiée le 3 octobre 2012. Cette convention prévoit
que «
l’arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des
agents de l'État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation
du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve la soustrayant à la protection de
la loi
», constitue une disparition forcée. Une disparition forcée ne peut jamais être justifiée et
constitue un crime au regard du droit pénal international.

Amnesty International appelle donc la Mauritanie à révéler immédiatement le lieu de détention de
ces 14 hommes, de les placer dans un lieu reconnu de détention et de permettre aux familles et aux
avocats des prisonniers de les voir. L’organisation appelle également les autorités mauritaniennes à
s'assurer que les prisonniers sont autorisés à accéder à des soins médicaux appropriés. Les
personnes responsables de leur disparition forcée doivent être traduites en justice lors de procès
équitables, et les victimes doivent recevoir des réparations.

Au cours de plusieurs missions en Mauritanie menées par Amnesty International, l'organisation a
également constaté que les forces de sécurité recouraient systématiquement à la torture et autres
mauvais traitements et que les conditions de détention dans plusieurs prisons demeuraient
déplorables.

La torture continue d'être utilisée comme une méthode d'investigation et de répression contre tous
types de détenus en Mauritanie, hommes ou femmes, islamistes présumés et personnes arrêtées
pour des infractions de droit commun. En particulier, les détenus accusés de terrorisme, y compris
certains des 14 hommes disparus, ont été systématiquement torturés lors de leur arrestation et
certains ont été soumis à des mauvais traitements en détention. À la connaissance d'Amnesty
International, aucune enquête n'a été menée sur ces allégations. Tous les cas de torture et autres
mauvais traitements doivent être l’objet d’une enquête rapide, indépendante, impartiale et efficace.
Les personnes soupçonnées de tels actes doivent être traduites en justice lors de procès équitables,
et les victimes doivent recevoir des réparations.

Amnesty International appelle les autorités mauritaniennes à donner suite à leur ratification du
Protocole facultatif à la Convention contre la torture en établissant un mécanisme national de
prévention indépendant, professionnel, représentatif et doté de ressources suffisantes,
conformément au Protocole facultatif, afin d’effectuer des visites dans les lieux de détention et
d’adresser des recommandations au gouvernement sur les moyens de prévenir et de faire cesser la
torture et autres mauvais traitements, y compris l'amélioration des conditions carcérales. Amnesty
International appelle également les autorités mauritaniennes à mettre en oeuvre les dispositions de
la Convention contre les disparitions forcées dans sa législation nationale et à reconnaître la
compétence du Comité mis en place pour surveiller la mise en oeuvre de cet instrument.

La ratification de ces traités constitue une étape importante mais ne doit pas se limiter à une
simple signature sur un document. Les ratifications doivent être suivies de mesures concrètes visant
à garantir que les droits humains sont respectés et protégés en pratique.

Aucun commentaire: