Père Martin HAPPE Nouakchott, Noël 2013
Evêque de
Nouakchott
Tél. (+.222)45.25.04.27
B.P. 5377 -
Nouakchott
R. I. de
MAURITANIE
mgrmartinhappe@yahoo.fr
C.C.P. La Source 39 539 54
S
« Il aura souci du faible et du
pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie. »
Liturgie du 2ème dimanche de l’Avent
Ps. 71
Chers amis,
Cet extrait du psaume 71, que l’Eglise propose
à notre méditation le 2ème
dimanche du temps de l’Avent, - temps qui d’une manière toute particulière nous
invite à « préparer les chemins du Seigneur » en ayant, comme lui, un
amour préférentiel pour les pauvres, - m’a incité à regarder un peu la vie de
notre petite Eglise de Mauritanie. Est-ce que ce souci de Dieu pour les pauvres
dont il veut sauver la vie est aussi notre souci ? Et si oui, est-ce que
cela se voit ? En me posant cette question j’ai dû penser à une rencontre
que j’ai eu, il y a quelques années, avec une monitrice d’un de nos centres de
promotion féminine.
J’ai l’habitude, à l’occasion des visites
pastorales annuelles, d’aller voir sur place l’une ou l’autre activité de nos
religieuses. C’est ainsi que je me retrouve un jour dans un centre de promotion
féminine dans une banlieue pauvre de Nouakchott et que là, une des monitrices
dit vouloir me parler. Donc, nous nous mettons un peu à l’écart et elle me dit
à peu près ceci :
« Je faisais partie du premier
groupe de femmes formées par les sœurs en coupe et couture. Comme je montrais
des aptitudes pour ce métier, la sœur qui dirigeait le centre à ce moment-là
m’a demandé, après ma formation, de rester auprès d’elle comme monitrice. Il se
trouve, qu’elle me proposait une rémunération, alors j’ai accepté bien
volontiers. Cela me faisait un revenu sûr pour ma famille. En plus je
m’étais rendu compte, que la sœur avait vraiment besoin de quelqu’un à ses
côtés qui connaissait la langue et la mentalité des femmes du quartier. Cela me
paraissait essentiel dans la démarche d’apprentissage de quelque chose de
complètement nouveau pour nous !
J’ai donc accepté l’offre de la sœur, et
cela fait plus de 10 ans maintenant que je travaille ici. Pendant ces 10
années, j’ai eu à fréquenter un certain nombre de sœurs, toutes différentes de
caractère et aussi dans leur manière de travailler et de faire travailler. Mais
ce qui me frappe et m’incite à vous en parler : malgré leur différences,
ce femmes qui sont des religieuses catholiques, ont toujours respecté notre
religion musulmane. Jamais je n’ai vu ou entendu qu’une sœur aurait fait
pression sur l’une d’entre nous, pour nous faire changer de religion, pour nous
convertir au christianisme ! Ce qu’elles cherchent et ce qui les rend
heureuses, c’est de constater que grâce à leur appui, nous réussissons à faire
vivre nos familles d’une manière honnête ! » – Pour comprendre cette réflexion, il
faut savoir que beaucoup de ces femmes sont des mamans qui ont des enfants de
plusieurs maris, mais se trouvent seules pour prendre en charge ces enfants.
Comme elles n’ont pas appris de métier et que le petit commerce ne rapporte pas
grand chose, il leur reste souvent, comme seule porte de sortie, la
prostitution.
Après une pause de réflexion, mon
interlocutrice continue : « Notre religion musulmane aussi nous
fait l’obligation de l’aumône et nous demande d’aider plus pauvre que nous.
Mais cette attention est toujours portée à un coreligionnaire ! Jamais un
marabout nous a demandé de nous soucier de personnes qui ne seraient pas
musulmanes ! Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ces femmes chrétiennes se
dévouent tant pour nous qui sommes toutes musulmanes ? »
Une fois de plus, pour formuler ma
réponse, j’ai été, à ce moment, très reconnaissant à l’évangéliste St. Luc. Parce
que, si nous lui devons l’évangile de Noël, nous lui devons aussi la parabole
magnifique du bon Samaritain. Dans cette parabole, que vous connaissez sans
doute, Jésus nous parle d’un homme qui est tombé entre les mains de brigands.
Résultat : il se trouve dépouillé de tout et à moitié mort sur le bord de
la route qui mène de Jéricho à Jérusalem. Jusque là, rien d’extraordinaire.
Cela fait partie des choses qui continuent d’arriver sur les axes routiers très
fréquentés, même de nos jours ! La différence se trouve dans la
suite du récit. La victime est, le texte de la parabole le sous-entend, un
homme juif. Passent par là des notabilités civiles et religieuses, qui ont
toutes des choses plus importantes à faire que de s’occuper de se pauvre
hère ; en plus, il faut éviter des ennuis ! Donc, ces messieurs font
semblant de ne rien remarquer d’extraordinaire et continuent leur chemin. Puis,
passe un samaritain, hérétique et ennemi héréditaire pour les juifs. Mais à la
différence des autres, celui-ci voit le monsieur en détresse et il fait le
nécessaire, pour qu’il reçoive les premiers soins et que l’on s’en occupe
jusqu’à rétablissement complet. - Et c’est à ce point précis de son histoire
que Jésus pose une question à son interlocuteur, un légiste, question qui a
comme résultat lointain le fait, que des femmes chrétiennes s’occupent de
femmes musulmanes et s’impliquent pour les aider à s’en sortir de leur
situation peu enviable. Jésus demande à son interlocuteur : « Lequel
des trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux
mains des brigands ? Il (le légiste) dit : Celui qui a
exercé la miséricorde envers lui. Et Jésus lui dit : Va, et
toi-aussi, fais de même. »
Cette histoire merveilleuse n’est pas
seulement la cause, qu’aujourd’hui encore, tous les disciples du Christ sont
invités par celui-ci à se préoccuper de toute personne dans le besoin, mais
aussi elle m’aide à faire comprendre aujourd’hui aux Mauritaniens le pourquoi
de l’action pour et avec les pauvres de nos paroisses, de nos sœurs et de notre
Caritas. – Non, nous n’avons pas des idées de prosélytisme derrière la
tête ! L’affaire est toute simple : si nous, Eglise de Mauritanie,
nous nous préoccupons de personnes et de situations dont peu d’autres se
préoccupent, c’est parce que Jésus a agi ainsi et qu’il nous demande de faire
de même !
A Noël nous nous penchons sur la crèche
pour y voir un petit enfant qui a besoin d’aide pour pouvoir survivre. Cet
enfant traversera plus tard son pays en annonçant la Bonne Nouvelle du
Royaume par ses paroles, mais aussi et surtout par sa façon de se comporter
avec des personnes vivant en marge de la société - pêle-mêle : lépreux,
collecteurs d’impôts, prostituées, mendiants etc. -. A eux-tous, il rend la
dignité de fils de Dieu ! Il a vécu pour cela et, comme cela dérangeait
certains, il est mort pour cela.
Si nous ne voulons pas que Noël soit pour
nous simplement une belle fête qui nous donne l’occasion de chanter ou
d’écouter des chants qui nous accompagnent depuis notre enfance, si nous sommes
prêts à l’accepter plutôt comme le point de départ d’une vie, par laquelle Dieu
se montre « Emmanuel », Dieu avec nous… alors, nous devons prendre au
sérieux l’invitation que Jésus fait au légiste après lui avoir conté la
parabole du bon Samaritain : « Va, et fais de même ! »
Dans ce sens : Joyeux Noël et une
Bonne Année (avec 365 jours pour « faire de même » !
Père Martin HAPPE
évêque de Nouakchott
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