mardi 3 décembre 2013

Nicolas Beau sur le site Cridem - il faut que l'ancien gouverneur de la Banque centrale réponde



03-12-2013 08:30 - Aziz le magnifique : Main basse sur Nouakchott

Aziz le magnifique : Main basse sur NouakchottVéritable angle mort sur le plan international, le régime mauritanien illustre la collusion qui existe entre les potentats locaux et les puissances occidentales, qui couvrent ces régimes sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, alors que le chef d'Etat, un général inconnu et médiocre du nom d'Aziz, et son clan s'approprient les richesses de Mauritanie.

Pour qui emprunte « la route de l’espoir » à la sortie de Nouakchott, l’état de misère dans laquelle vit la majorité des Mauritaniens devient instantanément une évidence. Goudronné après l’indépendance par le premier président Moktar Ould Daddah, cet axe permet de gagner les 1 200 kilomètres de frontière que la Mauritanie possède avec le Mali.

Des deux côtés de la route, d’innombrables barrages policiers ont été installés pour tenter d’interpeller d’éventuels terroristes. De vastes dunes désertiques sont balayées par des vents de sable qui ignorent les quelques groupes de maigres prosopis plantés pour retenir le sol.

À perte de vue se succèdent des baraquements en tôle, sans eau ni électricité, où vivent surtout des femmes et d’innombrables. Sur le bas-côté, le dépôt de nourriture d’une ONG est fermé depuis des mois, en raison de la distribution d’un maïs frelaté par des intermédiaires douteux. Quelques écoles coraniques, financées par les pays du Golfe, apparaissent flambant neuves.

Plus loin, surgissent de nulle part de superbes villas qui appartiennent à sept frères qui se sont lancés dans le commerce de diamants avec le Congo. À moins qu’ils n’aient fait fortune, murmure-t-on, dans le trafic de stupéfiants, à l’origine, en Mauritanie comme ailleurs dans le Sahel, de fortunes aussi rapides qu’inexpliquées.

Dans le petit local de trois pièces que loue son association dans un quartier populaire de Nouakchott, la présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), maître Fatimata Mbaye, dresse un tableau alarmant de l’état de décomposition de la société mauritanienne. « La Mauritanie, explique-t-elle, présente un visage pacifique, voire nonchalant. Mais il ne faut pas s’y tromper. La situation est bouillonnante et un jour, ce sera pire que chez nos voisins maliens ou sénégalais.

Nous avons entrepris une course dangereuse sur un toit glissant. Le parti islamiste a infiltré de manière horizontale toutes les sphères de la société. Si nous allons vers des élections vraiment libres et transparentes, les Frères musulmans seront présents au moins au deuxième tour. Il suffit d’un rien pour que nous basculions dans une situation à l’égyptienne ou à la libyenne. »

La nébuleuse d’al-Qaida aurait déjà infiltré un bon nombre de mosquées. « La misère est telle, poursuit-elle, que pour 1 000 dollars, un jeune est capable de tuer son père et sa mère. » Sans se départir de son sourire, maître Fatimata Mbaye dénonce les agissements du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a détruit le fichier électoral lors de son arrivée au pouvoir en 2008, et figé l’état civil, rendant ainsi l’exercice démocratique illusoire.

De plus, la liberté d’expression affichée à Nouakchott est très encadrée. « Lorsque je suis dans un lieu public, explique l’avocate, je tourne ma langue sept fois, je ne sais pas qui est autour de moi. Je garde toujours une carte sous la manche, c’est ma porte de sortie. » « À la France, plaide-t-elle, qui a combattu avec courage l’extrémisme au Nord Mali, de nous aider à établir une vraie démocratie. »

Coups d'Etat permanents

Présidente d’un mouvement qui s’occupe de tous les damnés de la terre, l’Association des femmes chefs de famille (AFCF), Aminettou Elmoctar est une autre grande figure de la société civile mauritanienne. Le diagnostic qu’elle fait de l’état de la Mauritanie complète celui de son amie de l’AMDH. Dans la cour attenante à la modeste maison qui abrite ses bureaux, deux jeunes esclaves d’une extrême maigreur sorties des griffes de leurs maîtres rasent les murs, encore apeurées. « Malgré la loi qui en 2007 criminalise l’esclavage, explique cette Mauritanienne, aucune poursuite n’est jamais engagée. »

Le pouvoir mauritanien n’est pas plus sensible à la cause des femmes qu’aux traces de l’esclavage. Le 8 mars 2012, journée des femmes, une grande manifestation de quatre mille personnes, organisée pour demander le vote d’une loi criminalisant les violences conjugales, était autorisée. Nous étions, à l’époque, quelques semaines après le début du Printemps arabe. Le pouvoir mauritanien était condamné à lâcher du lest s’il ne voulait pas provoquer la colère populaire.

Un an plus tard en revanche, la situation n’est plus la même. La manifestation prévue pour la journée des femmes, le 8 mars 2013, a été interdite. « À quelques mois des élections législatives de novembre 2013, explique cette militante, la présidence ne tolère plus que les initiatives organisées sous sa tutelle. »

Depuis 1978, un militaire en chasse un autre au sommet de l’État. Le pouvoir ne tient que par la peur qu’inspire le Basep, la super-police présidentielle. Une économie qui devrait prospérer grâce à des matières premières abondantes est entièrement vampirisée par le clan de la présidence.

Face à ses alliés, le régime mauritanien cherche à donner toutes les apparences de la démocratie. Des élections législatives sont prévues en novembre 2013, mais avec deux ans de retard sur les dates prévues, et sans la participation des vrais opposants, qui qualifient le scrutin de farce électorale. La presse est pluraliste, parfois même virulente, mais sans moyens véritables, elle est très peu distribuée.

Les lois sont sans doute exemplaires, notamment en matière de corruption, mais elles ne sont pas appliquées par une justice aux ordres. Comme sous les dictatures passées de Ben Ali et de Moubarak, la lutte contre l’intégrisme violent est le prétexte invoqué auprès des Occidentaux pour justifier les mesures attentatoires aux libertés, comme l’explique le fringant directeur d’Internet au ministère de l’Information, Abdallah Yacoub Hommatollah. « Nous sommes certes tous des démocrates, mais il faut repenser l’action démocratique compte tenu du danger que représente l’islam radical. »

À l’époque de Nicolas Sarkozy, la faute de la France fut de « blanchir » le coup d’État de 2008 du président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui renversait Sidi Ould Cheikh Abdallahi, que l’on connaît sous le surnom familier de« Sidioka ». Le premier est un général qui a fait ses classes au Basep, le second le seul chef d’État démocratiquement élu dans l’histoire de la Mauritanie. Le soutien de la France aurait dû aller au président légitime.

Le 6 août 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz prend le pouvoir. L’Élysée, dans un premier temps, dénonce le coup d’État. Professeur de mathématiques et ancien ministre de la Pêche sous la présidence de Sidioka, Assane Soumari raconte comment, le 14 septembre 2008, il rencontre Bernard Kouchner et Rama Yade, alors ministres des Affaires étrangères et des Droits de l’homme. Ces deux-là lui prodiguent quelques bonnes paroles. Mais le vent tourne vite.

« J’ai vite compris que le virage avait été pris par l’Élysée, en droite ligne de ce qu’avait toujours été la Françafrique. » « Aziz était soutenu par Nicolas Sarkozy, par les Libyens et par les Sénégalais », résume Abdoulaye Mamadou Ba, l’ancien conseiller de Sidioka, le président déchu, qui se confie dans un petit restaurant de Nouakchott, où un policier, depuis la table voisine, surveille le moindre propos qu’il adresse au journaliste étranger de passage.

Sous le patronage de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, les accords de Dakar en 2008 consacrent une transition douce à Nouakchott. L’émissaire de l’Élysée, Robert Bourgi, participe même à des meetings de soutien au candidat de l’armée. Le 9 juillet 2009, Aziz est élu à la présidence de la République avec 52 % des voix et toutes les apparences d’une élection démocratique. Le général Aziz se voulait alors « le président des pauvres ». Certes, il n’est pas un pauvre président !

Mais les projets sociaux des premiers mois du règne du président Aziz se sont perdus dans les sables. Désormais, la corruption le dispute au népotisme. 451 hectares de terrains constructibles sont abandonnés à des proches du régime, en vue de l’hypothétique construction d’un aéroport surdimensionné (pouvant accueillir deux millions de passagers dans un pays qui en compte quatre). Le projet, qui aurait dû être inscrit au budget, ne l’a pas été.

Lorsqu’il s’agit, dès 2009, d’attribuer à une société anglaise inconnue, Tulow Oil, l’essentiel de la commercialisation du gaz et du pétrole, c’est un cousin d’Aziz, Kemal Ould Mohamedou, qui représente l’État mauritanien. Le propre beau-fils du président est envoyé à Paris, tous frais payés, pour le compte de la première entreprise minière du pays, la SNIM, véritable caisse noire du régime. Deux nouvelles institutions financières sont créées sur mesure pour être immédiatement confiées à des amis dans un pays de quatre millions d’habitants, dont 97 % n’ont pas encore de compte en banque.

Chaque jour, les sites Internet mauritaniens comme Cridem révèlent de graves escroqueries concernant la présidence. Dans l’affaire dite du « Ghanagate », en 2006, le président mauritanien, qui était alors chef de la garde présidentielle, participe à une curieuse négociation commerciale avec un homme d’affaires irakien portant sur des transferts de fausse monnaie.

Sur la bande enregistrée rendue publique, on identifie parfaitement la voix d’Aziz qui, pour se défendre, dénonce un montage sans nier qu’il s’agit de sa voix. Le futur président mauritanien aurait expliqué à l’intermédiaire irakien : « Ils n’ont qu’à prendre 2 millions de dollars dans une des valises » Le 1er avril 2013, le principal parti d’opposition, le RFD, devait demander l’ouverture d’une enquête internationale, en déplorant ce niveau record de « déchéance morale » de la part d’un chef d’État.

L’entourage présidentiel, sans mettre en cause les enregistrements, tente de les justifier maladroitement. « À l’époque, la Mauritanie avait besoin de fonds étrangers », devait expliquer un député du parti majoritaire et proche du président mauritanien. Dans les enregistrements, on reconnaît parfaitement la voix de Coumba Ba, une proche du président mauritanien Aziz. Successivement ministre de la Fonction publique et secrétaire d’État aux Affaires africaines avant d’être nommée conseillère du président, elle joue un rôle apparemment clé dans le trafic de fausse monnaie en 2006. Depuis les révélations du scandale, cette collaboratrice de premier plan a été mise à l’écart.

Des promesses envolées

Mis au ban de la communauté internationale après son coup d’État, le président Aziz a joué un joli coup en se tournant vers la Chine, prête à s’engouffrer dans la brèche. Le gouvernement de Nouakchott trouve un accord avec un certain Haijun Zhang, qui dirige à Pékin la Commission de l'industrie alimentaire et de la haute science technique. Un « Bureau de promotion des investissements sino-mauritaniens » est créé, qui promet la lune : des villas haut standing sur 50 hectares, un hôpital d’excellence, 5 hectares de grandes surfaces, des transports par bus, un projet d’éclairage public à énergie solaire et l’enlèvement des épaves de bateau à Nouadhibou, le premier port du pays. Autant de mirages qui n’ont jamais vu le jour.

En retour, le secteur de la pêche (10 % du PIB, la moitié des recettes d’exportation, 40 % des emplois) est bradé à une obscure entreprise chinoise connue pour des faits de vente illégale d’armes à l’étranger.

Le 7 juin 2010, un colonel mauritanien et intime de la présidence a négocié cet accord extravagant pour une durée de vingt- cinq ans. Aucune loi ne peut pendant ce quart de siècle remettre en cause les conditions fiscales et commerciales exorbitantes prévues. Les Chinois s’étaient engagés à investir pour 100 millions de dollars dans des usines de transformation des produits de pêche. Les engagements ne seront pas tenus et obligeront le pouvoir mauritanien à demander une révision dudit contrat.

Créée en France par l’avocat français William Bourdon, qui fut à l’origine de la procédure dite « des biens mal acquis » contre le Gabon, le Congo et la Guinée, après dix ans de combats judiciaires, l’ONG Sherpa a pondu un rapport sévère sur la gestion du pouvoir mauritanien. « La Mauritanie, écrivent ces experts, n’échappe donc pas au phénomène de la malédiction des ressources – également appelé “paradoxe de l’abondance” – qui postule que l’abondance de richesses naturelles accroît paradoxalement la pauvreté et les inégalités.

Aux yeux de bon nombre d’observateurs, la corruption constitue la principale dynamique de cette malédiction des ressources qui freine le développement de la Mauritanie. Observons que, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) que l’organisation Transparency International publie chaque année, la Mauritanie figure de façon constante parmi les plus mauvais élèves en ce domaine. »

Un rapport du FMI d’août 2012 note que ce pays est l’un des rares à avoir enregistré « une détérioration de la gouvernance », notamment au regard de l’indicateur qui mesure le niveau de corruption reçu. Encore aujourd’hui, la Mauritanie figure parmi les pays en développement « les moins avancés » et bénéficie, à ce titre, du dispositif en faveur des pays pauvres très endettés.

Selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un tiers de la population vit avec moins de 1,25 USD par jour, et l’espérance de vie à la naissance ne dépasse pas 59 ans. Seule la moitié des adultes sont alphabétisés.

Postures vertueuses

Comble du cynisme, le pouvoir mauritanien adopte des lois vertueuses. Des stratégies nationales de lutte contre la corruption, hommage du vice à la vertu, sont proclamées. Obligation est faite à tout haut fonctionnaire de déclarer l’état de ses biens, mais personne ne se plie à cette règle. Les réformes du code de passation des marchés publics se multiplient. « La Mauritanie, s’interrogent les experts de Sherpa, ne serait-elle pas l’illustration caricaturale d’une instrumentalisation par voie d’affichage et de déclarations publiques de la lutte contre la corruption avec comme seule ambition non pas de la réduire, mais [...] de délégitimer les critiques qui pourraient s’exercer sur la Mauritanie en se “protégeant” derrière ce “parapluie” de belles déclarations ? »

Toujours d’après Sherpa, la Banque centrale mauritanienne (BCM) constitue un rouage important de ce système de corruption généralisée. La BCM est régulièrement mise en cause dans des opérations illégales : manipulations de taux de changes, blanchiment, création et rémunération d’emplois fictifs, achat de matériels d’écoute et d’armes, détournements de l’aide financière extérieure et dépenses extrabudgétaires gouvernementales. Le cabinet Ernst & Young a émis de sérieuses réserves concernant les états financiers de la Banque centrale de Mauritanie des années 2007 à 2010.

La Mauritanie dispose d’importantes ressources naturelles avec des gisements d’or, de pétrole, de cuivre et surtout de minerai de fer. Les investissements ne cessent de croître dans un secteur pourvoyeur de devises. En 2010, environ soixante-six sociétés extractives figuraient sur les cadastres minier et pétrolier en Mauritanie, dont cinquante-trois minières et treize pétrolières, soit le double du nombre de sociétés existant cinq ans auparavant. L’expansion est aujourd’hui devenue vertigineuse. Le nombre des permis attribués a augmenté de 540 % au cours des trois dernières années.

Le secteur public a été pratiquement exclu des attributions des permis de recherche minière en Mauritanie. Seuls deux opérateurs étatiques en ont incidemment bénéficié, dont la puissante société nationale chargée d’extraire le minerai de fer. Le reste a été attribué au secteur privé, notamment à des hommes d’affaires proches du régime.

Les défenseurs de l’écologie craignent que le rythme accéléré des attributions de permis ne conduise, à brève échéance, à une sorte de privatisation du territoire mauritanien et à la création de « féodalités » au profit de sociétés privées soucieuses uniquement du profit tiré de l’exploitation des ressources naturelles.

Toujours avec la prétention d’afficher une gestion propre, le gouvernement du président Aziz a adhéré à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE), chargée d’attribuer un quitus de bonne gestion aux États pour la gestion du secteur minier.

En février 2013, la Mauritanie a été suspendue par cette ONG. Aucun rapport n’avait été remis entre 2010 et 2012, à l’exception d’un document truffé de chiffres faux sur la mine d’or de Tasiazt, où mille cinq cents travailleurs poursuivent une grève depuis des mois.

En 2012, la France distribuait encore 80 millions d’euros d’aide et de prêts au gouvernement mauritanien. Officiellement, « la gouvernance » et « le développement humain » comptent parmi les objectifs de l’antenne locale de l’Agence française de développement (AFD), logée dans une des plus agréables villas de Nouakchott, et qui gère l’essentiel de ces fonds. Sauf que l’AFD n’a pas les moyens de surveiller l’usage des aides accordées. Avec quatre agents seulement, dont deux jeunes contractuels, les Français laissent le partenaire mauritanien sans véritable contrôle.

Des vengeurs masqués

Face à ces dérives, les garde-fous ne fonctionnent plus. Les bailleurs de fonds traditionnels ne contrôlent en rien les procédures opaques imposées par le pouvoir en place. La vigilance des grandes institutions financières devrait, en théorie, dissuader Nouakchott de franchir certaines lignes jaunes. Pourtant, force est de constater que le FMI, qui finance ce pays depuis 2010 à coups de dizaines de millions de dollars dans le cadre de la « facilité élargie de crédit », ne prend pas en compte la mise sous coupe réglée de l’économie au profit d’un clan.

Comment continuer à donner le change ? Pour satisfaire les « experts » du FMI et des autres grands bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement repousse à plus tard des régularisations urgentes sur des montants importants. L’exemple de la Banque centrale mauritanienne est symptomatique. Des opérations ont purement et simplement disparu des comptes.

La « rançon » de 200 millions de dollars payée par le gouvernement né de la révolution libyenne contre l’extradition d’Abdallah Senoussi, ancien chef des services secrets libyens, n’apparaît nulle part.

8. Moyennant une somme de 200 millions de dollars, débloquée officiellement par l’actuel pouvoir libyen, le président Aziz a livré à Tripoli le colonel Senoussi dans des conditions obscures. Cette rançon a disparu des comptes de la Banque centrale mauritanienne. « Ces fonds sont en lieu sûr », a assuré sans rire un représentant du parti au pouvoir devant l’Assemblée mauritanienne.

Côté FMI, c’est la fuite en avant... On loue les progrès de l’économie, fondée uniquement sur la hausse du cours des matières premières, en laissant la gabegie s’installer.

En 2012, le programme étatique EMEL 2012, doté de 120 millions de dollars, est adopté, après la sécheresse de l’année précédente, pour distribuer de la nourriture aux plus démunis et approvisionner en semences et en matériel le monde agricole. Le projet tourne au désastre, alors qu’un million de Mauritaniens risquent la famine. Un appel aux dons est lancé ensuite par les Nations unies alors que 120 millions d’euros se sont volatilisés. On marche sur la tête !

Les dernières frasques du président Aziz, ont été dénoncées au FMI dans un courrier anonyme, daté du 9 avril 2012 et fort bien documenté, signé par un mystérieux « Œil de lynx ». La mansuétude dont bénéficie le régime mauritanien serait liée, d’après cet informateur masqué, au lobbying d’un ancien gouverneur de la Banque centrale mauritanienne, Zeine Ould Zeidane, qui a été embauché au FMI.

Lorsque ce haut fonctionnaire était encore à Nouakchott, il avait adressé aux différents départements ministériels impliqués dans la négociation avec le FMI une note leur conseillant d’adresser de faux chiffres au FMI. Depuis, l’ancien gouverneur de la BCM est resté très proche du pouvoir mauritanien, dont il défendrait habilement les positions, toujours d’après le courrier anonyme, au sein de l’institution prestigieuse où il travaille aujourd’hui.

Dans cette note sur le problème de données avec le FMI, le gouverneur de la Banque centrale qu’était en 2004 Zeine Ould Zeidane recommande à ses collaborateurs de « ne plus communiquer sur les données du passé mais exclusivement à partir de fin 2004 [...] Les avantages d’une telle position, écrit-il, sont : (i) éviter le misreporting sur le passé, (ii) focaliser les discussions sur les politiques et programmes à court terme et à venir, (iii) maintenir le doute sur les données historiques et ne pas embarrasser le FMI et la Banque mondiale de leur myopie caractérisée sur plusieurs décennies. »

À la fin de cette note, le gouverneur écrit : « Il faudra une solidarité totale de l’équipe économique dans cette option. » Autrement dit, il ne faudra à aucun prix divulguer ces petits arrangements avec la vérité comptable.

Par Nicolas Beau

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