Ce que je pense
Les élections de Novembre-Décembre, tant
de fois reportées pour leur ensemble et pour chacun de ses tours de scrutin, on
ne sait plus en vertu de quel texte et on ne savait dès l’automne de 2011 si
l’on devait compter la durée des mandats à partir des élections de
Novembre-Décembre 2006 ou de la réunion effective des assemblées en Avril 2007...
Ce qui fait revenir à l’une des causes génératrices de tout. A vouloir se
prémunir contre l’élu à venir, quel qu’il soit mais sans doute les tombeurs de
la dictature précédente avait une idée de celui qu’il leur fallait ne pas avoir
et de celui qui tiendrait lieu, on a organisé un piège : les candidatures
indépendantes des partis contre lesquelles ceux de l’époque, notamment Ahmed Ould Daddah
et Messaoud Ould Boulkheir, bien avisés, protestèrent dès Mars 2006 auprès du
président du Conseil militaire (dont on ne sait plus s’il en était le vrai chef…) et
donc une majorité volatile, mais face au pouvoir en place, les partis sont
aussi volatiles – on le voit depuis Mai 2010 où l’opposition avait massivement
et solidairement manifesté pour le départ du putschiste de 2008, soi-disant
légitimé en Juillet
2009 en bonne partie parce qu’elle avait accepté à Dakar (Mai-Juin 2009) de
renier/oublier son préalable à toute participation : qu’il n’y ait aucun
militaire, défroqué ou pas, qui serait candidat… aussi volatiles et
pusillanimes que les personnes d’autant que la plupart des partis :
vingt ? trente ? quarante ? cinquante ? sont des « partis-cartables »
[1].
Pusillanimité des personnes et des partis faisant donc l’apologie indirecte du
parti unique de l’Etat, à condition qu’il fonctionne démocratiquement et reste
ouvert à toutes et à tous – ce qui fut avec Moktar Ould Daddah, puisque
d’ailleurs la fusion des mouvements politiques existantlégalement ou pas au
lendemain de l’indépendance fut voulue par tous, et l’œuvre de tous.
Et d’un.
L’ancienne métropole dont, à partir de
Jean-François Deniau, les ambassadeurs, se croyant perspicaces, ont constamment
critiqué par écrit et verbalement le père fondateur, longtemps un homme très
jeune au charme et à la sainteté qui auraient dû les ébranler, sinon les
convertir – je le fus à la première minute de ma première audience en Avril
1965, je vois encore le président de la République se lever de sa grande table,
fenêtres donnant vers tout le désert, pas un bâtiment au revers du
« palais présidentiel », et venir à moi avec un sourire inoubliable
et abordant aussitôt le sujet : qu’au moins l’Université, française puisqu’il
y avait lieu, aide à comprendre la construction et les outils que nous faisons,
que nous avons – et à partir de Juillet 1978 (trois ministres des putschistes à
l’ambassade pour le 14 Juillet, alors que le coup était du 10…) ont constamment
plaidé à Paris pour une compréhension, une tolérance des dictateurs successifs
(dans l’ordre chronologique où ils avaient été aide-de-camp du Président…),
exception que je présume sans en avoir lu les dépêches : Pierre Lafrance
et Patrick Nicoloso, avec auparavant l’empathie certaine pour le pays de
Maurice Courage qui y servit deux fois. La France réticente pour admettre la
chute de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya que Jacques Chirac, président de la
République, escorté d’Hubert Védrine, ministre socialiste des Affaires
étrangères, et de Pierre Messmer, gaulliste s’il en est, compagnon de la
Libération, ancien gouverneur du Territoire, ancien Premier ministre, étaient
venus soutenir (Septembre 1997) à trois mois d’une réélection que toute la
classe politique boycottait, sauf Chbih Ould Cheikh Malaïnine, qui y gagna d’être arrêté… « années
de braise » et la France n’y voyait que du feu. Réflexe de quelques jeunes
diplomates à l’Elysée et au Quai d’Orsay : le putsch du 6 Août 2008 est un
cas d’école, un élu démocratiquement à la face du monde, avec quelques deux
cent cinquante contrôleurs, observateurs, experts ayant travaillé pendant plus
d’un an du recensement électoral à la transmission des résultats bureau de vote
par bureau de vote, on le condamne, Nicolas Sarkozy régnant endosse nonobstant
le calamiteux discours de Dakar qu’on lui avait fait lire sans le lui montrer
qu’en voiture quelques minutes avant de monter à la tribune de Cheikh Anta
Diop. Bravo… puis, sans précédent sous la République, il n’y eut sous d’autres
régimes que l’achat de Talleyrand…, le secrétaire général de l’Elysée est
acheté (aujourd’hui perquisitionné et un moment gardé à vue pour le reliquat de
moitié de ce qu’il avait perçu), la France désormais cautionne de Septembre
2008 à l’instant où j’essaie de résumer ce que je pense… un homme auquel ses
compatriotes reprochent surtout son inculture et le flou de ses origines. Les
ambassadeurs – d’ordre inchangé – n’ont d’empathie que pour lui. Nouakchott
sous les eaux, deux bulletins de vote dans la même main, celle de l’homme fort
devant l’isoloir qu’il dédaigne, des soupçons de trafic et d’enrichissement
(considérable) personnel, des irrégularités criantes, une CENI refusant de
communiquer ses papiers au Conseil constitutionnel, et dont le président –
consensuellement nommé pour Juillet 2009 avait démissionné dans les minutes
suivant la clôture du scrutin d’alors… parce qu’il voyait ! Rien n’y fait.
La France félicite, surtout pour ne pas trop tarder après les Etats-Unis.
Ceux-ci prennent fait et cause contre les pratiques esclavagistes, dans les
quarante-huit heures de la proclamation de leur vive impatience qu’ait lieu
l’élection présidentielle, donc la perpétuation pour à nouveau cinq ans d’un
militaire, mécanicien de métier et sans aucun fait d’armes, qu’une détonation
fait frémir et qu’une femme peut tirer à bout portant (quoique la version
officielle soit d’une sentinelle abusée par les phares du cortège présidentiel
ou par la pénombre…) alors que l’éradication de cette honte qui continue
d’occulter l’image de la Mauritanie a pour préalable le complet retour aux
droits de l’homme, qui s’appelle la démocratie. Chemin
et dossier que le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait ouvert et
traité, non sans difficultés au Parlement dont il a été compris trop tard qu’il
avait été composé par les militaires de 2005.
Et de deux, avec l’immense avantage
désormais que les opposants – rien que les élections, les non-élus et les
non-investis vont la grossir – savent que la France est fière de sa
contradiction africaine : intervenir en toute légalité internationale pour
rétablir paix, justice et démocratie au Mali et en Centrafrique, tout en
s’appuyant au mépris de toute morale sur des dictateurs avérés qui, dans le cas
d’Idriss Déby, sont même des impérialistes pour bouter le feu des guerres de
religions et de tribus du Darfour aux frontières d’un Congo
« démcratique » qui n’a pas besoin qu’on frotte des allumettes à son
flanc… Voilà une diplomatie, voilà une stratégie, voilà qui peut donner envie
aux partenaires européens de l’ancienne métropole de faire cause commune avec
elle. Ce qui est pourtant l’intérêt de tout le monde (voix du général de
Gaulle, pas petite ni vénale) comme il est de l’intérêt de la France… Donc, une opposition enfin mentalement
indépendante de tout recours extérieur de quelque ordre qu’il soit : elle
ne gagnera qu’en exprimant le peuple et non en défaisant la caution parisienne.
Vient maintenant un beau doublé pour
qu’avec les félicitations internationales, le succès soit complet, ces jours-ci
pour Mohamed Ould Abdel Aziz. Son habileté, à première vue, est constante
depuis dix ans (au moins… jamais de sang sauf le probable axssassinat par des
tiers commandités du chef d’état-major et du second au BASEP à l’occasion de la
tentative d’Hannenah en Juin 203… et jamais de censure de presse ou de médias,
sauf arrestation d’un ancien ministre en disant trop sur la télévision
nationale, sauf inaccessibilité sur le site AMI de toutes dépêches antérieures
au matin du 6 Août 2008, sauf achat du fondateur de Taqadoumy, sa grande plume
arabisante, la taule puis la libération sans procès pour qu’il n’y ait rien au
grand jour). Donc, l’affaire des passeports montrés par le cadet du père
fondateur – le fondateur dont on détourna la photographie en portrait afin de
faire croire que 2009 et l’élu probable étaient de la même cuvée que 1960 et le
président Moktar Ould Daddah… Affaire des passeports traitée directement
par l’homme fort, selon ce qui a été publié des dires de l’officier de police à
l’aéroport… Et compensation ou rétribution ? aveu terrible que la
dictature a toujours et par nature besoin de la caution de grands noms autant
que de la faiblesse humaine, donc la nomination de l’aîné au grand poste
d’ambassadeur représentant permanent à Bruxelles (prédécesseurs : son
propre oncle Abdallahi nommé par les putschistes de la première génération, et
l’actuel Premier ministre)… système inauguré en même temps qu’une
avenue-panneau en Novembre 2008 et honoré par la veuve du Président.
Toi, le venin ! [2]
à l’inoubliable musique (celles de mon adolescence). Après avoir dévoyé la
démocratie et travestissant constamment son coup de force : une
« rectification », malheureusement « comprise » par un
autre membre de la famille, Mohamed Ould Abdel Aziz attire – fascine par son pouvoir de fait,
reconnu par tant, qu’on veuille en bénéficier, clé des élections, ou qu’on
brigue une succession qu’elle qu’en soit la voie, erreur stratégique d’Ahmed Ould Daddah à
l’automne de 2008 – et essaye de déshonorer un patronyme dont il espère le recel.
Les apparences ne seront qu’un temps pour de tels agissements. Les victimes –
Moktar Ould Daddah,
la bonté même et la tolérance patiente sauf si l’Etat et l’indépendance
nationale étaient en question (l’Etat bafoué par la corruption, y compris celle
des militaires : son dernier discours-communiqué de Juin 1978,
l’indépendance et la dignité nationales : l’ultimatum de Boumedienne à
Béchar en Novembre 1975) en dirait limpîdement : plus à plaindre qu’à blâmer – se réveillent et réintègreront leur propre
honneur. J’en suis sûr. Un patronyme
dont personne ne dispose sauf quand on est arrêté à cause de cela seulement, la
prison pour Ismaïl Ould Mauloud Ould
Daddah, en 1980-81.
Il n’est pas plaisant d’avoir à condamner
les agissements et les représentants de son pays. Il l’est encore moins – quand
on se sent tellement de la famille – de voir piégés des Ahel Daddah. Ai-je le
droit de l’écrire ? peut-être pas. Mais, à défaut d’autres, j’en ai donc
le devoir. Il y eut même des collaborateurs qui usurpèrent une demande que le
Président ne faisait pas et firent la quête en son nom pour s’en approprier le
produit, des collaborateurs tellement intimes et tellement intègres qui lui en
voulurent, résolument, de ne pas s’être rebellé en Juillet 1978 pour sauver
un régime, c’est-à-dire leurs positions et carrières à eux.
Il y eut un soir, qui fut mon honneur –
tandis que nous avions terminé en tête-à-tête une nouvelle dictée pour des
passages ou des notes en vue de la publication de mémoires d’abord manuscrits dont
à première lecture, la qualité et le rythme me causèrent un choc violent… de
bonheur – un soir, à Nouakchott où le Président apprenant les sentiments de
l’un d’eux sut sourire avec tendresse. Les soupçons de corruption d’un
ambassadeur et d’un ministre, en charge du dossier névralgique, par le
partenaire marocain dans les mois décisifs qui précèdèrent l’avis de la Cour
internationale de justice sur le Sahara, puis la conférence de Madrid, il les
savait. Les turpitudes étaient, pour lui, secondaires, négligeables. Il avait
confiance dans le destin du pays, de la Mauritanie et laissait à Dieu la
pénétration du regard. Le jugement il ne le portait pas. Nous nous bénîmes
mutuellement, je sortis pétrifié d’émotion. Mariem, avec délicatesse et
grandeur – exceptionnelles – savait nous laisser presque chaque soir, c’était
en Janvier 2003, continuer seul à seul l’écriture et le commentaire de ce qui
avait été la grandeur d’une fondation et préparer ainsi le travail avec elle,
du lendemain, avant l’accord et le mot-à-mot de l’auteur.
Les assauts répétés depuis 1978 et qui
continueront encore, n’ont pas, à bien voir, eu raison de cette fondation.
Parce que celle-ci répond, et elle seule, aux réalités. La dictature a visage
individuel, elle n’est jamais l’âme d’un peuple. Ceux qui la favorisent ou la
tolèrent, en établissement puis en perpétuation, ne savent – tout simplement –
pas ce qu’ils font. Ceux qui un temps et de bonne foi, se trompent, ont
toujours l’occasion de se racheter, surtout à leurs propres yeux. C’est patent depuis
trente-cinq ans de dictatures subies.
Bertrand Fessard de
Foucault alias Ould Kaïge,
matin du vendredi 27
Décembre 2013
[1] -
expression que j’ai reçue en Janvier 2003 de mon éminent ami M° Brahim Ould
Ebety, en même temps que celle aussi heureuse de « démocratie de
façade » pour qualifier ls systèmes militaires depuis Juin 1991
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire