lundi 23 décembre 2013

les passeports d'Azeddine Ould Daddah



pour Le Calame


Tout simplement


Détenir un passeport n’est pas en soi une preuve de nationalité du pays qui le délivre. Les passeports ont, entre autres mentions obligatoires, celle de la nationalité. Celle-ci n’est donc pas présumée par la détention d’un passeport.

La France, comme la plupart des Etats et depuis qu’il en existe, accorde des passeports de courtoisie aux personnes de son choix qu’elle souhaite aider et dont elle est heureuse (et fière) de répondre, en leur facilitant vie chez elle et déplacements à l’étranger. C’est le cas pour les exilés ou pour les demandeurs d’asile. Ce fut donc le cas pour la famille du président Moktar Ould Daddah, depuis 1978. Le Président, lui-même, condamé par contumace en Mauritanie aux travaux forcés à perpétuité [1]se vit offrir – et il l’accepta – un passeport de courtoisie, ivoirien, de la part du « doyen », le président Houphouët-Boigny. Celui-ci mit d’ailleurs en Octobre 1979 son appartement parisien, rue Albéric Magnard, à la disposition du Président et de Mariem. Il organisa aussi en Côte d’Ivoire des retrouvailles familiales qui ne pouvaient se vivre en Mauritanie, ainsi mère et fils pour le Président en Décembre 1984.

Azeddine Ould Daddah n’est donc nullement en illégalité. Dernier né de ses parents, ce n’est pas non plus un « fils à papa ». C’est au contraire lui qui a protégé ses parents (tandis que l’aîné, Mohamedoun, les veillait à Nice), en organisant leur retour d’exil, sans déchoir, directement avec le directeur du cabinet présidentiel de l’époque, Weddad Ould Louleïd [2], pour ne dépendre de personne, y compris de ceux qui avaient lancé une pétition pour ce retour : Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf pourtant du côté des putschistes, et même leur ministre des Affaires Etrangères, en 1978, et les militants du Rassemblement des Forces démocratiques, succédant tout juste à l’Union ds Forces démocratiques-Ere nouvelle…

C’est en revanche le général Mohamed Ould Abdel Aziz qui manque de mémoire et de sens politiques. Evidemment en faisant savoir que c’est lui qui a empêché le voyage d’Azeddine Ould Daddah, alors qu’il a une forte dette envers celui-ci et envers la veuve du « père de la Nation ». L’inauguration d’une avenue-panneau au nom du fondateur de la Mauritanie contemporaine, en Novembre 2008, alors que le pouvoir putschiste cherchait tous appuis et toutes cautions, a été honorée de la présence de Mariem Daddah et même de sa prise de parole, reconnaissante et élogieuse pour le nouveau pouvoir : Mohamed Ould Abdel Aziz en demandait-il tant ? La photo. qui orne la couverture des mémoires du Président – prise par moi à Maghta-Lahjar en tournée de prise de contacts au printemps de 1974 – lui a été donnée, à mon insu, par Azeddine Ould Daddah pour confectionner une banderole de propagande en recherche de légitimation électorale en Juin-Juillet 2009 : le parallèle du pouvoir usurpé avec 1960 et la grande naissance consensuelle, faisant croire que la « rectification » serait de même nature et de même postérité. C’est beaucoup.

La double nationalité n’existe ni en droit mauritanien ni en droit français. Azeddine Ould Daddah, mon jeune frère et mon ami affectionné, ne la demande pas. En revanche, l’homme fort, né à l’étranger et marié à une étrangère qui n’a pas renoncé à la nationalité marocaine, est demandeur d’identité personnelle et  politique, autant que d’alliances. Il vient de commettre une erreur du même ordre que son obstination à maintenir un scrutin dont il est peu probable que les résultats vaillent pour toutes les cinq années à venir.


Bertrand Fessard de Foucault,
ancien ambassadeur





[1] - le procès de Rosso, à l’issue duquel le colonel Ould Abdel Kader, également par contumace, fut – lui – condamné à mort, se tint juste au vingtième anniversaire de l’Indépendance, Mohamed Khouna Ould Haïdalla présidant alors le Comité militaire et tenant donc lieu de chef de l’Etat

[2] - l’avoir fait battre à Ouadane est également une erreur du pouvoir en place : Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, quoiqu’à Doha, en sait autant et peut autant contre lui, que Mohamed Ould Bouamattou, quoiqu’à Marrakech… un débiteur doit honorer ses créanciers, surtout s’il ne paye pas ou plus

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