Sire,
veuille Votre Majesté accueillir ces
quelques mots que je Lui adresse – selon la pensée et le cœur de beaucoup de
Français de toutes religions et confessions – pour Sa participation à notre
marche nationale, le 11 Janvier dernier, à Paris, aux côtés notamment du
président de la République française.
Cette présence d’un descendant du Prophète
Mohamed, au 43ème degré, a été la plus éminente qui soit, et une
preuve remarquable de la confiance de Votre peuple et de tant de croyants
musulmans pour la France, telle qu’elle est et telle qu’elle se veut, pour
elle-même et pour le monde entier.
Nous nous souvenons d’ailleurs aussi bien
de l’estime et de l’amitié qu’avait le général de Gaulle pour Votre très noble
et courageux Père, Sa Majesté le Roi Hussein, que de ce que nos propres rois
conservaient avec fierté de leur lignage du Prophète par la reine Blanche de
Castille, familialement unie aux souverains de Cordoue.
Nos parentés pour la défense de la liberté
et de la démocratie doivent être de plus en plus fécondes dans le moment actuel
que traversent, à grands risques et périls, mais ensemble l’Oumma et l’Union
européenne. Les organisations mises sur pied à Barcelone pour notre partenariat
euro-méditerranéen ne suffisent certainement plus. Le vrai règlement du conflit
israëlo-palestinien passe – je le crois bien – par l’édification d’un Etat
palestinien, unitaire, laïc parce que multiethnique et multiconfessionnel,
Arabes et Juifs citoyens ensemble de cet Etat. Utopie ? aujourd’hui, mais
nécessité pour toute suite et notamment pour que nous ayons ensemble, dans
votre environnement et dans notre propre pays, raison des extrêmistes qui se
réclament à tort de la religion. Daech et islamophobie s’appuient l’un l’autre.
Bien évidemment, nous refusons que Votre
geste du 11 Janvier fasse ensuite de Votre Majesté, ainsi que de Sa Majesté la
Reine, ayant marché à Vos côtés avec nous, des otages de certaines de nos
maladresses ensuite.
Nous sommes beaucoup à regretter que le
président de la République française ne soit pas allé aussi sinon d’abord, à la
suite de l’attentat du 7 – antérieur à celui perpétré dans un commerce à
enseigne juive – dans une ou l’autre mosquée française, de préférence d’ailleurs
dans ces « quartiers » où la religion risque d’être mal comprise. Le
président Hollande certainement fera ce geste de solidarité reconnaissante pour
Votre Majesté et pour nos compatriotes Français musulmans. Beaucoup aussi à regreetter
que nos gouvernants n’aient pas simplement gardé le silence pour manifester
leur compréhension des indignations publiques dans le monde arabe et dans le
monde musulman, jusques chez Vous, à la suite d’un nouveau numéro, maladroit,
des rescapés de Charlie-Hebdo.
Pardonnez-le nous. Vous nous connaissez
assez pour savoir que ce n’est pas notre fond et que notre laïcité et notre
respect des droits de l’homme sont l’espace mental pour la dignité de chacun,
chez nous et au dehors, et notamment la liberté de chacun de choisir, de
cultiver et d’instruire en profondeur et en vérité sa foi religieuse. Nous
avons d’ailleurs dans l’Eglise catholique nos propres talibans et djihadistes.
L’amitié que Votre Majesté a bien voulu
nous redire le 11 Janvier dernier de la place de la République à celle de la
Nation, chez nous, à Paris, est bien le gage qu’ensemble nous récusons ces
extrêmistes et ces faussaires d’un faux dieu, celui de la haine.
Mon admiration pour la nation arabe et
pour l’Islam me viennent d’un service national à mes vingt ans, en République
Islamique de Mauritanie. J’y ai – de 1965 à sa mort – recu l’honneur et le
bonheur dont m’ont gratifié la confiance et l’affection du président-fondateur
Moktar Ould Daddah. Et je sais qu’il y a entre la culture profane et religieuse
de Votre pays et du pays de Chinguit, de très vivantes parentés. Pays de
Chinguit qui m’a si bien reçu depuis cinquante ans et tant apporté, que je le considère
comme une seconde patrie par adoption.
Mes parents, dans les années 1930, depuis
Le Caire où ils résidaient alors et où est né l’ainé de mes frères, ont souvent
parcouru avec passion Votre Royaume./.
Veuillez agréer, Sire, l’hommage de ma grande admiration et de ma
reconnaissance.
à la très haute attention de
Sa Majesté le Roi Abdallah II de Jordanie
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