PISTES POUR UNE
INTELLIGENCE PLUS INTIME
de la
signification et du futur
D'ISRAEL
(1996)
D'une assistance - pour des
raisons personnelles - au 6ème Congrès de la Fédération internationale des
Juifs humanistes et laïques, tenu salle Richelieu, à la Sorbonne les 4, 5 et 6
Octobre derniers, je retiens quelques points pouvant éclairer le comportement
d'Israël.
1° L'identité juive à travers le monde, quelle que soit l'option d'intégration ou pas à
la communauté nationale de résidence territoriale (l'option est manifestement
positive pour les Français juifs, qui en sont reconnaisants à la Révolution
comme à la République), se fonde, davantage que sur la culture ou la religion, sur trois événements historiques : le
Sinaï, la shoah et l'Etat contemporain d'Israël. On est conscient en
France que l'antisémitisme - conséquemment hors-la-loi à la suite de la shoah
- peut renaître et renaît du fait des politiques israëliennes.
Les
Français juifs ont donc deux soucis primordiaux pour ne craindre ni le passé ni
le futur. Que la vie commune en France demeure respectueuse de toutes les
identités : plus qu'une tolérance, une laïcité entendue comme le fait de
cultiver consciemment et expressément le pluralisme. Qu'Israël ne se laisse pas
emporter par l'intégrisme "orthodoxe" qui monte également dans la diaspora
et se manifeste aussi dans la communauté juive de France.
2° Une vue optimiste de l'histoire contemporaine d'Israël reste possible,
même si les perspectives depuis la rupture de Mai dernier sont très
inquiétantes.
Si
la colonisation juive, si le sionisme avaient pu être consacrés au moment du
projet et de son énoncé à la fin du XIXème siècle, l'Etat d'Israël n'aurait pas
existé. Il en eût été de même si cette colonisation - de fait - depuis 1917, avait
été acceptée en 1947.1948 par les Arabes.
Le
conflit ethnique et religieux - donc inexpiable - de 1948, fondé sur une
concurrence de légitimité et de droits historiques sur la même Palestine, s'est
trouvé - heureusement ou providentiellement - transmuté en un conflit
territorial par suite de la Guerre des Six jours, donc en un conflit
susceptible d'être résolu par les moyens traditionels de la diplomatie et par
une perception d'intérêts seulement ou d'abord stratégiques. La guerre du
Kippour a donc permis la relation avec le plus puisant des Etat de la région :
l'Egypte.
La
mise en oeuvre des accords d'Oslo permettait de passer à un stade encore plus
fécond, celui de l'examen ensemble des questions économiques et sociales. Ces
accords n'étaient possibles, du côté israëlien, que parce que la sécurité et la
puissance de l'Etat juif sont maintenant hors de discussion.
La
nocivité de la politique du nouveau Gouvernement a ceci de possiblement
bénéfique que la diaspora, insensible aux évolutions qui viennent d'être
décrites, et majoritairement hostile aux accords d'Oslo, pourrait prendre
conscience de la nécessité et du bénéfice d'un dialogue égalitaire avec Israël,
au lieu d'une solidarité inconditionnelle avec le gouvernement en place, quelle
que soit son orientation (solidarité qui s'est précisément défaite, au
détriment du Gouvernement PERES et à propos du "processus de paix ").
Israël, jusques-là inconditionnellement aidé, devrait désormais des comptes
politiques et moraux au reste du peuple juif, et même un certain soutien
financier aux quelques 700.000 Juifs considérés comme vivant au-dessous du
seuil de pauvreté à travers le monde...
L'avenir d'Israël ne serait plus
en relation simpliste avec les Etats-Unis d'une part et les Etats arabes de la
région d'autre part, mais bien davantage dans une relation à inventer entre les
deux parts du peuple juif, celui vivant en Irsaël, et celui constituant la diaspora,
entre une part vivant en situation de majoritaire et sous la coupe possible des
"orthodoxes", et une autre, vivant la situation de minorités et de
mixité, sinon de multiculturalisme. D'ici quinze ans, Israël sera plus nombreux
que la diaspora puisque c'est la seule partie du peuple juif en
croisance démographique.
3° L'idéal " humaniste et laïque " peut poser le peuple juif en
inventeur de la démocratie libérale (c'est aussi une lecture qui m'avait été donnée par
d'anciens membres - non-Juifs - du Gouvernement KREIKSY tandis que tombait le
mur de Berlin : l'Autriche-Hongrie pouvait survivre à son pluralisme par la communauté
juive importante dans chacune des composantes de la Monarchie). Le droit
français, intégrant au contraire du droit anglo-saxon, n'a pas seulement permis
aux Français juifs de pouvoir s'intégrer sans se "perdre", mais il
place la communauté française, seconde de la diaspora en nombre après
celle des Etats-Unis, en situation d'exemple : démontrer qu'on peut être Juif
tout en étant national, sans être forcément religieux, et sans avoir le projet
d'émigration. Ainsi serait passé le relais entre Israël, principal tenant de
l'identité juive après la shoah, et une diaspora très intéressée
à ce qu'Israël soit fidèle à un idéal juif de pluralisme, de tolérance, plus
culturel que religieux.
4° La défaite de Shimon PERES serait la sienne, plus encore celle de son équipe qu'une
réelle ingéniosité du vainqueur. Toutes les fautes en sociologie et en
propagande électorales auraient été commises. Mais on paierait aussi la rupture
intervenue quand la droite vint au pouvoir avec Isaac SHAMIR ; c'est celle-ci
qui sut conquérir la diaspora.
Les
débats étaient triangulaires : Juifs d'Amérique, d'Israël et de France, tous
sympathisants du parti travailliste, tous inquiets des prétentions des rabinats
respectifs à parler au nom de la communauté juive locale, tous convaincus
qu'une définition trop rigoriste et religieuse du judaïsme en éteindrait le
nomre. En France 50 % serait en couple "mixte".
Un
point de crise actuelle serait la mise en cause par la nouvelle Knesset des
jurisprudences récentes de la Cour suprême en faveur de la "laïcité".
La déclaration liminaire de l'indépendance du nouvel Etat a - faute de
Constitution à proprement parler - valeur de loi fondamentale ; c'est sur elle
que s'appuient les opposants à une évolution ultra-religieuse. dans le passé,
la diaspora surtout dans sa compsante américaine, a su s'imposer à la
Knesset.
A
aucun moment, l'attitude des Etats de nationalité ou de résidence n'a été
évoquée, alors que l'actualité la plus immédiate s'y prêtait. C'est indiquer -
là - que la France pourrait s'orienter
vers une attitude plus fine et plus enveloppante vis-à-vis de la politique
israëlienne.
Cela
pourrait s'articuler en trois points :
1° de même qu'elle est la première " puissance musulmane " en
Europe, la France est composée de la seconde diaspora juive. Elle a donc une sensibilité
culturelle et démographique à faire valoir, même une sorte de sécurité
psychologique nationale : la cohésion française dépend en partie de la bonne
intégration et du bien-être mental de la communauté juive, ce qui veut dire une
politique vis-à-vis d'Irsaël fondée sur des valeurs pratiquées non seulement
envers Israël ou l'ensemble de sa région, mais ausi chez elle (lutte
contre l'exclusion, le racisme, l'intégrisme). Donc une politique de peuple à
peuple plus encore que d'Etat à Etat (ce qui nous aiderait à mieux comprendre
que la laïcité n'est pas du tout un factreur de guerre scolaire ou de clivage
droite-gauche mais un élément d'une culture pluraliste).
2° l'Etat palestinien est une justice à reconnaître aux Arabes. Ce préalable acquis, toutes
les imaginations sont loisibles dont certaines seraient riches d'applications
ailleurs. Pourquoi ne pas concevoir deux Etats sur le même territoire ou à peu
près, la souveraineté étant de juridiction sur les personnes, mais de
coopération économique et stratégique sur les territoires en commun ? D'autant
que le " régime personnel ", hérité du droit ottoman consacré par les
Anglais, continue de régir et de résoudre les pluralités ethniques et religieuses,
de fait en Palestine en général et en Israël en particulier. Il semble qu'un
plan sur Jérusalem était presque acquis d'accord parties avant Mai dernier :
unicité de la ville, capitale palestinienne dans un faubourg, un peu comme
Pankow pour Berlin. Il est certain que l'aspect Lieux Saints devrait
pouvoir contribuer à la stabilité et à l'internationalité de la ville. Les
convergences avec le Vatican, qui eussent été - dans la région - encore plus
manifestes si nous nous étions tenus hors des opérations militaires
pendant la " Guerre du Golfe ", devraient trouver une application et
des perspectives à Jérusalem.
3° la militance française, comme dans les pays de l'ancien bloc
soviétique, devrait porter sur l'état de droit dans la région. Ce qui serait de bonnes gammes
pour éprouver comment faire de même en Afrique du nord : là est le moyen terme
entre une ingérence malaisée et critiquable, et une relation trop cynique
d'Etat à Etat que les populations ne peuvent vivre sans scandale intime./. (BFF-8.X.96)
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