jeudi 19 mars 2015

courriel à l'Elysée - Tunisie : nature de la France et enjeu de ce siècle


Cf. mon message d'hier soir, cher ami, Monsieur le Secrétaire général.

Ce que je reçois d'un ami franco-tunisien

Le 19/03/2015 01:41, ... a écrit :
Très touché par votre message. 
Ce drame me bouleverse, j'ai peur pour ma petite Tunisie, pour ma famille et mes amis, mais je suis confiant dans l'unité des tunisiens pour vaincre la barbarie. L'islam de Tunisie est fort, il résistera au sectarisme.
Hélas, il est probable qu'en Tunisie et en France, d'autres épreuves encore plus terribles nous attendent. Il faut s'y préparer.

Que FH suive votre suggestion, ce serait trop de grandeur. Il rejoindrait alors dans l'estime des tunisiens le souvenir de Mendes France en 54. J'ai peine à l'imaginer.

Chaleureusement,


L'enjeu est certain et identifié. Il n'est pas l'équilibre budgétaire, il n'est pas le traité transatlantique, il n'est pas les réformes en catalogue de ventes par correspondance. Il est nous.

La France, par excellence, est douée pour le discernement et le remède que notre époque exige, vitalement. Elle l'est par elle-même, par son expérience, par sa constitution mentale et physique particulièrement depuis deux siècles. Elle est capable de rassemblement indicible et efficace, de révolution féconde et universelle. Elle a changé la société en Europe et aboli partout la féodalité, elle a inspiré Marx et tenté la Commune, elle a prophétisé la revanche mondiale sur 1940 et rédigé la déclaration universelle des droits de l'homme, elle a clamé avec souffrance et espérance le droit des peuples à l'autodétermination. Elle n'a jamais été totalitaire. Elle sait le Maghreb et la Syrie, elle sait " la haine qui ressemble à l'amour " depuis la guerre d'Algérie... elle n'a pas, au contraire des Britanniques, organisé la Palestine pour le feu qui s'est ravivé aux élections d'hier en Israël... elle a connu la Russie presque démocratique de Stolypine en 1911, son alliée pour la Grande Guerre et la Russie de la Normandie au Niemen, la vraie, et peut deviner celle qui frémit ces jours-ci de plus en plus...  elle sait quotidiennement la dilapidation de ses acquis et de son patrimoine qu'une classe dirigeante de la politique et de l'entreprise peut imposer par cécité et cupidité à tout un peuple (le sien) au point que l'esprit public découragé n'ait plus aucun appétit pour une pratique électorale où il est probable que les partis "normaux" ou à peu près, mais sans plus aucune prise ni vision, n'auront pas même, chacun, les 12% requis en vue d'un second tour... la France sait et vit.

La France peut. La fille aînée de l'Eglise et l'inspiratrice de Vatican II. La plus nombreuse pratique de l'Islam en Europe. La seconde diaspora juive du monde. La déclaration Schuman, la foi et la perspective européennes.

Le combat se joue dans les âmes. Il est affaire d'élan et d'équilibre dans les âmes. L'insurrection contre la désespérance, la bêtise, le fanatisme, le non-amour, le traitement des écuriées d'Augias, qui va en donner le signal ? Il est magnifique et parlant qu'hier à Tunis le discours de Carthage ait reçu une telle confirmation par la qualité d'un peuple et de son gouvernement démocratique. A l'instar d'avant-hier quand l'esprit français tel qu'il demeure fut agressé à mort rue Nicolas-Appert. L'honneur d'être cible, mais le destin de répondre.

Tout est à inventer pour plusieurs générations de culture, de qualité, de tolérance : tolérance n'est pas relativisme de part et d'autre, mais respect et même admiration, curiosité d'esprit et d'affection.

Personne, aucune autorité établie ou à naître - il va en falloir - ni aucun pays ou institution n'a la solution pour répondre à cet enjeu d'aspect multiple. Evidemment, mais nous savons d'instinct qu'il faut aboutir à la sincérité de la démocratie. Quotidiennement, chez nous, nous en sommes si loin, découragés pour la plupart ou parleurs lamentables en langue de bois quand la fonction ou la profession, politique et médias, s'y prêtent. D'exemple, nos dirigeants - forcés par nous, comme un dimanche 11 janvier - doivent susciter la réflexion partout dans l'univers actuel. Et vouloir la concertation à tous. Les réorganisations de tous genres iront de soi - d'une autre essence qu'un diktat allemand, sous couvert de "prudence" et de "couverture"en banque pour le sort grec ou que les arrangements occultes d'une hégémonie à qui nous devons beaucoup mais qui n'a plus d'orientation : les Etats-Unis avec l'Iran et avec Bachar...

Nous devons faire l'ambiance, chaque peuple attaqué comme il vient de l'être ou comme il va l'être, en est capable. A tous, il peut se faire la grande invention d'un tout autre ressort que le suicide djihadiste ou de la crispation totalitaire. Les masques - que nous contribuons trop à légitimer : Pékin, Moscou, le Golfe, Jérusalem, peut-être les géants d'Amérique latine et leurs femmes respectives - ils doivent tomber. Nous sommes ensemble. Face à la prolifération de l'initiative de tuer ou exécuter, il y a la marée d'un autre vouloir et de la fraternité.

Les attaques (vg. djihad et Crimée) n'ont pas de sens. Nos propres inanités et petitesses non plus. Diriger un pays c'est en discerner la grandeur, qui n'est jamais statistique, qui est toujours spirituelle. Nous diriger, c'est nous animer : pas nous gérer (d'ailleurs fort mal).

La paix est davantage possible que l'effusion grandissante du feu et du sang. Le refus va devenir contagieux. Il le faut constructif.

Puis-je vous dire, cher ami, qu'il faut à l'Elysée une conversion à la grandeur personnelle et à la réflexion ajustée sur l'essentiel. Je persiste à y croire parce que je l'espère.



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