dimanche 23 décembre 2012

un entretien, utile à la mémoire et à la sociologie mauritaniennes

 

 

Passionnant et fondé. Notamment, je peux contrôler à propos des Berbères, selon mes entretiens à Aïn Selama avec mon éminent et très regretté ami, Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah. Chacune des réponses, n’éludant jamais la difficulté présentée, me met à l’aise. Et comment n'être pas sensible à la culture de cet officier ? et, pour un Français, à ses références très adéquates.

 

 

dimanche 23 décembre 2012

 

Le capitaine Ely Ould Krombolé, un ex-officier de l’armée Mauritanienne répond à nos questions.


Blog-Au secours des haratine : Sos-Abolition reçoit le capitaine Ely Ould Krombolé, un ex-officier proche des cavaliers du changement réfugié politique en France, mouvement des jeunes officiers mécontents de la gestion chaotique du pouvoir de l’ex-dictateur Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya en 2003, en leur tête le commandant  Saleh Ould Hanana. Grâce à leur détermination, le dictateur a fini par être trahi par ces plus proches collaborateurs, notamment le colonel Ely Ould Mohamed et son cousin l’actuel général Mohamed Ould Abdel Aziz qui est à la tête du pouvoir actuellement. Bonne lecture 


-1- Bonjour capitaine Ely Ould Krombolé, beaucoup de gens vous lisent mais vous connaissent -très peu, présentez vous à nos lecteurs ?

Je tiens d'abord à rectifier une erreur de jugement concernant mon appartenance aux « cavaliers du changement » .Bien qu'ayant des rapports, souvent fraternels avec tous ceux qui ont voulu renverser le pouvoir de Maawiya le 8 juin 2003.Parmi ceux-là il y avait mon propre frère utérin, le CDT Cherif Ahmed Ould Krombelé emprisonné une année durant. Le mois de Mai 2003 le CDT Saleh Ould Hanené, un jeune cousin à moi est venu me rendre visite. Je lui fis part de mon départ pour Madrid en consultation sanitaire le 4 juin 2003.Mon intention était de rester en Europe jusqu'à ma retraite en 2004, n’ayant ni terrain ni maison, travailler afin de réaliser quelque chose pour mes enfants en bas âge. Mon salaire de capitaine avec sept ans anciennetés étant de trente deux mille ouiguiyas (32000 Um) dont 6000 Um comme indemnité  chef de section. Raison pour laquelle Saleh ne m'a jamais peut être  parlé de son projet de coup d'Etat, lorsqu’il a constaté que mon départ était imminent.

   Concernant  votre question proprement dite, il me sera difficile de parler de moi-même. Cette prétention, même légitime ne m'est jamais arrivée à l'esprit. On entend souvent dire faites « et laissez dire ». J'ajouterai « soyez » aussi car l'être humain est par nature complexe. La psychanalyse ne l'a pas encore disséqué ; il peut être lui-même et son contraire. Combien de fois vous croyiez connaitre votre voisin de palier, votre ami pour ensuite déchanter et rétorquer « mon Dieu, il est comme tel? », je ne savais pas. Il est rare qu'un homme vous parle de ses défauts, ne faisant ressortir que ce qui est destiné à la consommation, à l'appréciation pro domo .Comme le dit bien le critique littéraire Sainte -Beuve dans toute écriture il y a une part de biographisme. Autrement dit à travers les écrits d'un auteur vous pouvez vous faire déjà une idée sur sa façon de penser, son éducation, son éthique etc...Donc laissons  les lecteurs faire leur travail.

-2- La situation du pays est confuse depuis la blessure du général Ould Abdel Aziz victime d’un tir « ami » selon la version officielle, la crise Malienne n’arrange non plus la position géographique de notre pays, donnez nous votre lecture de ces situations dans lesquelles se retrouvent la Mauritanie ?

Les raisons qui ont poussé la Mauritanie à intervenir au Mali, au-delà de la proximité géographique, sont antérieures au pouvoir du général AZIZ. Déjà du temps de Maawiya les Islamistes profitant de la déconfiture de l'Armée Mauritanienne avaient-ils mené des coups de mains meurtriers jusqu'au cœur du pays. La France acteur incontournable dans cette contrée, concocta un deal avec le général AZIZ : reconnaitre son régime issu du coup d'Etat du 6 Aout contre son implication effective dans la lutte face aux terroristes sévissant dans l'espace sahélo-saharien. Actuellement le général AZIZ est malade. Je lui souhaite un bon rétablissement. Car je n'ai pas l'habitude de m'en prendre aux indigents encore moins  tirer sur des ambulances.

    Quant à la confusion, elle ne peut que perdurer car les positions sont inconciliables de par l'idiosyncrasie impérieuse du général-président, la paupérisation du microcosme politique traditionnel mauritanien. Dans ce kaléidoscope qui donne du tournis, la gestion de la crise malienne à nos portes doit être menée avec professionnalisme. Jouer les procurateurs pourrait se retourner contre soi. Le Mali  est un et indivisible et seuls les maliens pourront venir à bout de leur différend. Il serait souhaitable pour notre sécurité que nous n'intervenions pas directement dans ce conflit en cas d'offensive de la CEDEAO ou de la communauté internationale. Les partis politiques et leurs leaders doivent mettre l'intérêt supérieur de la nation avant leurs ambitions et rester vigilants à l'égard des intentions souvent belliqueuses des militaires. La Mauritanie a d'autres priorités auxquelles elle doit faire face comme la lutte contre la pauvreté, l'illettrisme, la gabegie, l'esclavage, le racisme etc..

-3- Malgré les lois abolissant, incriminant l’esclavage, le phénomène perdure avec la complicité des plus hautes autorités du pays, le général Mohamed Ould Abdel Aziz en personne  disait : « n’est esclave que celui qui veut l’être », encore récemment, on parle de criminaliser l’esclavage dans la constitution de la république islamique de Mauritanie, pourquoi nie-t-on le phénomène et vouloir faire le contraire ?

L'esclavage est l'une des entreprises les plus abominables que l'humanité ait connues. Parler de son abolition au 21eme siècle me semble une faute contre la dignité humaine .Mais comme le disait HEGEL à propos de «  l’Oiseau de Minerve », il n'est jamais trop tard même la nuit tombée, après une éternité d'obscurantisme, de niaiserie, de vouloir enfin penser juste. Puisque l'humanité toute entière est passée par là, faut-il mettre l'esclavage sur le compte d'une nécessité sociologique ou plutôt   un épiphénomène entretenu par une frange de la société perfide et mégalomane? En Mauritanie le système d'esclavage pratiqué par les différentes composantes du pays (Maures, Negro-africains) est malin voire pernicieux. Chez les Maures l'esclave même libre fera partie, s'il le veut de la tribu, du clan, du fief. Dans ce cas il demeurera toujours une tare .Pourvu de notoriété, il pourra même prétendre épouser son ancienne maitresse, jouer un rôle prédominant au sein du groupe. La non célèbre « maxime » du général AZIZ à savoir (n'est esclave que celui qui veut l'être) va à mon avis dans ce sens. Mais le général oublie qu'en décrétant une loi, il faut produire les outils nécessaires à son application. Pour les Haratines, rabougris des siècles durant, il faudra absolument une positive discrimination quant à l'éducation, l'emploi surtout. Chez les Négro-mauritaniens, l'esclave n'est pas sujet à l'exploitation mais il est introduit dans un moule duquel il ne pourrait s'émanciper. Tant mieux s'il récolte des miettes lors de pratiques cosmogoniques (mariages, baptêmes, funérailles etc...)Un Maccudo (esclave en pular) ne pourra jamais prétendre épouser la fille d'un noble Torodo ou un pasteur peulh se croyant le plus souvent le fils de Jupiter.

  L'esclavage existe encore en Mauritanie du moins dans ses séquelles indélébiles. L'élite Haratine a sa part de responsabilité. A chaque fois qu'un Hartani surgit jouant les « Martin L. King », et juste au moment de gagner la compassion de ses compatriotes, en ayant fait le plus  difficile du parcours, il se mue en..... « Oncle Tom ». On se demande si les élites Haratines ne font la promotion  que   pour elles-mêmes oubliant les masses laborieuses qui, sans mages, seront à la merci d'hommes sans foi ni loi dans un pays de tradition esclavagiste.

  Enfin la Constitution mauritanienne a ses insuffisances, car  produite à chaque fois par des pouvoirs dont la doctrine s'écarte rarement d'intérêts égocentriques loin des préoccupations légitimes d'une nation en gestation depuis 1960, année de notre indépendance. Les Haratines doivent compter sur eux-mêmes d'abord au lieu de vouloir « attendre Godot ».Car ce personnage mythique pourrait ne jamais être au rendez-vous.

-4- Certes nous avons besoin des lois fortes mais pourquoi elles ne sont jamais appliquées ? Avez-vous une idée de ces forces hyper puissantes tapis sous le sol qui bloquent l’application des lois de la république ? L’état Mauritanien cherche-t-il à se couvrir  uniquement en ratifiant et signant des traités, conventions internationaux sans jamais vouloir se conformer  avec son engagement?

N'ignorez jamais que les lois tout comme la Constitution sont élaborées par des hommes. Elles peuvent ne pas être appliquées ou respectées pour la simple raison qu'elles vont souvent à l'encontre de la doxologie érigée par l'oligarchie dirigeante et ses nombreux thuriféraires. Et pourtant une loi votée à la chambre basse est l'expression de la volonté populaire .Le pouvoir exécutif se doit de la propager sur tout le territoire mauritanien .Ainsi le pouvoir judiciaire contre-poids des deux précédents peut être saisi par toute personne ou entité quant à la non application de la loi. Encore faut-il que « l'Esprit des Lois » de Montesquieu dont s'inspire le droit français que nous copions, soit respecté dans ses fondements.

  L'Etat ce n'est pas Ould Abdel Aziz seulement, ce sont aussi les parlementaires, les partis politiques, les présidents de partis, les universitaires, les syndicats, les ouvriers etc... Pourquoi Messaoud Ould Belkheir ne tape-t-il pas du poing la table pour l'application stricte de la loi concernant son domaine de prédilection, je veux dire la défense des droits des Haratines, ses semblables? Il croit peut être, comme tant d'élites haratines le combat pour la dignité, l'égalité des chances terminé?

  Enfin l'Etat mauritanien est asymptomatique de ses dirigeants; s'ils sont indigents l'Etat le deviendra; performants, l'Etat le sera.

-5- Que pensez-vous de l’acte de l’incinération des livres supposés être « religieux » par des militants abolitionnistes en guise de protestation du contenu négationniste de l’esclave qu’enseignent les religieux aux étudiants dont voici un extrait du contenu:

1- La femme esclave doit entretenir son maître par sa chair.
2- Elle ne doit pas couvrir son corps du regard de son maître.
3- L'enfer promis à l'esclave qui n'obéit pas son maître
4-. Un maître peut vendre ou marier son esclave à qui il veut et a tout moment.
5- Le maître peut terminer le mariage de son esclave chaque fois qu'il le veut.
6- interdiction pour un esclave ou descendant d'esclaves de diriger la prière
7- Un maître peut à tout moment entretenir des rapports sexuels avec son esclave. ?

Une erreur de casting, l'incinération des livres de rite malékite était inopportune et sans effet bénéfique, reflétant la même image de soldats américains entrain de « pisser » sur les cadavres de combattants afghans ou de militaires israéliens se torchant dans les toilettes avec des feuilles du livre sacré. L'incinération de livres sacrés ou pas sacrés me fait penser à chaque fois à l'invasion mongole de l'actuel Irak où les hordes de Gensis Khan ont saccagé la prestigieuse bibliothèque de Baghdad. Un livre quel qu'il soit est une preuve palpable soit du génie créateur de l'homme soit de sa bêtise. Comment les générations postérieures au national-socialisme Hitlérien, peuvent-elles rebuter les idées racistes du Fuhrer sans éplucher « Mein Kampf »? Ceux qui ont incinéré des livres à Nouakchott devraient plutôt lire à chaque prière des passages désormais incompatibles avec les mœurs de notre société d'aujourd'hui et dire aux fideles    croyants que ces  exégèses ont  plutôt  peint un monde à jamais révolu. Car tout ce qui n'est pas dans le Saint Coran est une expression humaine, donc discutable.

   Quant au droit du maitre sur son esclave etc...Tout cela reflète les sociétés d'antan où les prisonnières étaient à la merci des vainqueurs. Cela se passe même de nos jours dans les pays où il y a des conflits. En Mauritanie, qui  peut   violenter la sœur de Boidjel, la fille de Mohamed Ould Berbosse? En tout cas l'instigateur risque de passer un mauvais quart d'heure selon l'expression populaire.

   N'exagérons rien car en Mauritanie on peut être un bon musulman, respectueux des autres membres de la Umma Islamique sans jamais avoir lu IBN ACHER ou même l'Imam MALEK.C'est mon cas. L'islam c'est avant tout une profession de foi entre un être pensant et une puissance qui le transcende. Chez nous les musulmans c'est ALLAH. ALLAH m'a mis au monde libre. Je n'accepterai pas que d'autres individus mal intentionnés veuillent jouer les intermédiaires entre mon Demuirge et moi. Ceci nous ramène encore à l'expression du général AZIZ (est esclave qui veut) qu'on peut interpréter de diverses manières. C'est aux défenseurs des droits de l'homme de sensibiliser les anciens esclaves sur tout ce qui a trait à la liberté, à l'émancipation .Ces défenseurs, nous les voyons toujours dans les centres urbains, dans les colloques, les tribunes à Genève, Bruxelles, Washington, Paris mais jamais à Debay Soungarou, Kerkeratt, ni Debay Litamé etc...Pourquoi deux  poids, une et une seule mesure ? 

-6- Très peu de jeunes arabo-berbères adhérent à la lutte contre l’esclavage, par contre ils se livrent sur des scènes de diabolisations des ONG anti-esclavagistes par tous les moyens, expliquez nous pourquoi un tel comportement, vous qui êtes issu de cette communauté  et milite contre le phénomène?

Dans toute communauté vous trouverez des extrémistes. La Mauritanie est un jeune Etat multiculturel et multiracial .Les entités qui la composent souffrent d'un déficit d'identité. La composante blanche ne veut pas se couper du monde Arabe dont elle est issue et voit en l'autre l'alibi qui l'empêche de concrétiser son dessein. La composante négro-africaine étalée sur la rive droite du fleuve Sénégal, s'accroche à ses racines pour ne pas  voir couper le cordon ombilical qui la relie à l'ensemble noir dont elle partage la même cosmogonie. Reste le gros morceau, ce sont les Haratines dont la majorité a tendance à s'arabiser. On oublie souvent que le racisme n'est point une différence de couleur de peau, mais plutôt une question de culture. Un Hartani évoluant chez des Maures, se comportera comme eux et sera à la longue un Maure....noir. Si en Mauritanie il n y avait pas des Arabo-berbères et des Négro-africains, la réticence de jeunes maures à l'égard de l'émancipation des Haratines aurait passé inaperçue. Les Maures ne veulent pas que leurs « protégés » avec qui, ils ont désormais des liens indéfectibles, soient attentifs même aux cornemuses de la négritude, le seul socle les liant aux Peulhs, Soninkés, Wolofs de Mauritanie.

  L'appartenance de toutes ces entités à l'Islam attenue la hargne ethniciste heureusement et ne laisse la place qu'à des considérations de second rang .Cette question de représentativité trouvera une réponse adéquate si les pouvoirs publics se penchent sur le tryptique  esclavage, unité nationale, justice  indépendante. Là les frustrations vont se dissiper, les névroses s'atténuer. Et une fois tous les deuils consommés, rien ne viendra gripper désormais les soupapes du développement économique et social du pays du million de poètes.

-7- On accuse souvent les militants abolitionnistes de taire l’esclavage dans le milieu noir « négro-africain », des accusations graves allant jusqu’à nous traiter de « racistes », l’esclavage arabo-berbère est il comparable à celui de la féodalité noire mauritanienne ? Pouvez vous nous faire votre aperçu ou approche sur la question de l’esclavage dans le milieu des communautés noires : « Haratine, Haalpoular, Soninké, Wolof et Bambara » ?



L'esclavage pratiqué par les Maures ou par les Bambaras, Soninkés etc... a la même finalité. Les deux ensembles dénient à leurs semblables le droit de jouir de leur liberté, d'entreprendre, voire de rêver. Si l'exploitation de l'homme par l'homme est beaucoup plus visible chez les Maures, la différence de la peau faisant foi, chez les Négro-africains les relations maitre-esclave sont beaucoup plus subtiles, voire pernicieuse comme je disais tantôt. N'oublions pas que c'est entre Noirs, souvent du même nom de famille où il y a des nobles, des esclaves, des forgerons, des pécheurs, des tisserands, des cordonniers, des griots etc.. La stratification de la société maure émane des coutumes de l'Empire du grand Mali qui a atteint son apogée au 13eme siècle. La bataille de Kirina où Soundjata Keita a défait le roi du Sosso l'ancêtre de tous les forgerons Soumaoro Kanté a donné naissance au Mali qui comprenait la majorité de l'actuelle Afrique occidentale, une partie de la Mauritanie.

    Le problème ici n'est pas de comparer l'esclavagisme en milieux maure ou negro-mauritanien, mais plutôt comment s'en débarrasser. Les Haratines reprochent à l'élite negro-mauritanienne de ne pas s'intéresser à leur émancipation. Les negro-mauritaniens reprochent aux Haratines d'être les bras armés, manipulés par les Maures surtout lors des événements de 1989-1991. Récemment les clivages semblent s'estomper surtout avec le pèlerinage d'Inal en 2011, sur l'initiative de L'IRA.

  Personnellement, je vois mal la féodalité Peule tisser des liens indéfectibles avec les « Hardanés » comme elle le dit communément. L'ensemble Haratin est pour le moment une communauté à part entière, certes plus proche des Maures de par la culture, les mœurs, la langue. Une communauté laborieuse, pas encore consciente de son poids démographique, de sa représentativité. Le jour où cette communauté va se réveiller, elle pèsera sans doute sur l'échiquier national et rien ne sera comme avant. 

-8-  Les haratine sont ils vraiment des « arabes », pourquoi certains arabo-berbères font tous pour arabiser les haratine qu’ils n’ont jamais  considéré comme eux, c’est quoi l’intérêt d’arabiser les haratine ? Le gouvernement recrute même certains cadres haratine pour justement développer, cultiver l’idée d’aliénation, de greffer à tout prix et maintenir les esclaves et anciens esclaves sous la coupe des arabes, cherchent-ils à conforter leur hégémonie le plus durablement possible ?

Lorsque les Arabes Beni Hassan sont arrivés en Mauritanie vers le 16éme-17eme siècles, ils ont soumis les berbères à leur civilisation. L'apport des Beni Hassan en matière de religion est nul car ils ont trouvé les Berbères déjà islamisés, d'ailleurs héritiers d'un des mouvements (les Mourabitounes) les plus prestigieux du monde arabo-musulman. Les Berbères ont été assimilés, tenus de ne plus parler leurs langues maternelles d'où le Hassanya. Dans l'actuelle région du TRARZA, quelques rares tribus berbères (Ndeije GOURAR) par exemple, aux environs de Tiguinte, ont pu résister au diktat des Beni Hassane et parlent leur dialecte mais en cachette, c'est à dire entre eux. 

   Les Haratines compagnons infortunés des Maures ne souffriront pas d'exception. Ils font partie de l'histoire des Maures ou des Arabo-berbères comme beaucoup aiment le dire et de manière souvent péjorative. Cependant de par leur originalité, leur spécificité au sein de l'ensemble Maure avec lequel ils partagent la langue, instrument majeur de communication, les mœurs etc... Les Haratines  ont     le droit d'évoluer dans un couloir autonome jusqu'à l'émancipation effective du dernier esclave. L'émulation entre Maures et Negro-mauritaniens quant à la captation des Haratines ne doit en aucun cas  faire dévier ces derniers de leur dessein imputrescible. La lobotomie subie par les Haratines des siècles durant doit céder la place à une conscientisation des masses populaires, seul prélude à l'émergence d'une Mauritanie moderne, multiraciale et multiculturelle. 

-9-  Les douloureux événements 1989 sont toujours présents dans nos esprits, donnez nous votre témoignage sur ces événements, pourquoi l’armée Mauritanienne s’est livrée à des exécutions sommaires  des soldats noirs, c’était quoi le motif, les ordres venaient de qui ?

L'exécution de militaires negro-mauritaniens en 1990-1991, abominable n'est pas survenue ex nihilo. Rien ne justifiait cette barbarie même si les deux entités Maure et Négro-africaine se jaugeaient, se défiaient  pour ne pas dire voulaient en découdre. Des deux cotés de la rive du fleuve Sénégal les extrémistes aiguisaient leurs sicaires en entrainant avec eux de paisibles citoyens .L'attitude des deux chefs d'Etats du moment, Abdou Diouf du Sénégal et Maawiya n'a pas apaisé les esprits belliqueux. Si Maawiya est nationaliste Arabe, Abdou Diouf a été manipulé par les habitants du Fouta avec lesquels il tenait des réunions dont la dernière a eu lieu le mois de Mars 1989.Juste après, il eut l'incident de Diawara entre pasteurs peulhs et agriculteurs Soninkés. On connait le reste conflit, déportations, exactions, etc..L'Armée se disait combattre sur deux fronts, face au Sénégal d'abord et ensuite face à l'attitude passive des militaires noirs mauritaniens. Cela peut se comprendre car la Mauritanie a eu le même   cas avec Ehel Sahel supposés proches du Polisario lors de la guerre du Sahara. On a commencé à vider les militaires negro-mauritaniens qui constituaient selon le colonel Mohamed Ould Sid’Ahmed Lekhal alors chef d'état-major adjoint plus de 51 pour cent des effectifs de l'Armée. Cela n'a probablement pas suffi et il fallait inventer autre chose : un complot venu de la 7eme région militaire. Entre temps on a muté la majorité des noirs vers les régions du Nord (1ere, 2eme régions, Atar, AKjoujt) d'où le nombre important de morts dans ces zones militaires.

  J'étais à Nouadhibou en 1990-1991 au pk 55 où les negro-mauritaniens étaient beaucoup plus nombreux que les maures et haratines réunis, même si  la majorité des commandants étaient blancs. Chaque militaire avait une arme (kalach) et sa dotation en minutions, soient 600 cartouches 7,62 mm. Les Peulhs pouvaient contrôler la situation lorsqu'ils voyaient leurs camarades, frères, cousins appelés par seulement le cdt de sous-groupement (pk 55) et deux soldats hartanis, chauffeurs de citerne et de camion 1113 pour être tabassés, ligotés, balancés dans un véhicule direction Inal. Comment peut-on voir son frère ligoté et être conscient que votre tour viendra sans avoir eu la présence d'esprit de tirer sur tout ce qui bouge? Et surtout en tant     que militaire en pleine campagne. Ils se sont laissés massacrer comme des pigeons sans avoir eu l'opportunité de tirer une seule cartouche pour l'Histoire.

  Malheureusement ce sont tous les Maures qui payent les pots cassés et à la communauté noire la compassion du monde entier à cause de quelques extrémistes blancs. A se demander comment  un combattant imbu de sa dignité peut tirer sur un homme désarmé. Dans ce contexte mieux vaut être du coté des victimes.

-10- Le 18 novembre 1987, trois Officiers, les lieutenants Saydou SY, Amadou SAAR ET Seydi BA furent condamnés à la peine de mort et exécutés le 6 décembre 1897  à Jreida. Ils sont accusés de tentative de putsch,  est ce qu’il y a eu putsch ou simple tentative ? Ces hommes ont-ils mérité cette  sentence suprême, alors qu’en 2008, il y a eu un putsch avec effusion de sang mais les auteurs n’ont pas été condamnés au même sort ?



Malheureusement l'histoire de la Mauritanie post-coloniale est émaillée d'exécution d'officiers qui ont tenté de changer les régimes en place en période d’exception (1978-1992).Les cavaliers du changement ayant bénéficié de la période où Maawiya croyait en sa démocratie. Le 16 Mars 1981 des officiers valeureux ont tenté de renverser Ould Haidalla. Ahmed Salem ould Sidi, un st-cyrien fils d'Emir, Abdel Kader Ould Bah, un pilote sans  égal     encore dans l'Armée de l'Air, Doudou Seck et Niang Sala au courage incommensurable ont peu de temps été exécutés à Jreidé.

  Quant aux officiers Ba Saidi,Sy Saidou, Sarr Amadou, ils ont vu leur sort scellé en 1987,année où j'étais en stage en France. Je ne peux ni infirmer ni confirmer ce dont ils étaient accusé. Parmi ces officiers je ne connais que le seul Sarr Amadou, qui  fut  mon premier commandant d'unité à Kaédi en Novembre 1980. L'actuel président  Aziz était avec nous comme cdt d'unité également, tous coiffés par le lieutenant Lebatt Ould Mayouf. Heureusement que ce genre de mort d'hommes est difficilement admissible de nos jours et que les revendications à caractère ethnique sont l'œuvre de militants sans armes.

-11- Capitaine Ely Krombolé,  vous avez connu, côtoyé le général Mohamed Ould Abdel Aziz, après l’incident qu’il a eu le 13 octobre 2012, quel message avez-vous à son adresse ?

Je vous ai déjà dit tant qu'AZIZ n'est pas en mesure de pratiquer son sport quotidien, la course à pieds, je ne parlerai pas de lui. Son intervention au chevet de l'ancien président Moustapha Ould Welaty, le transport de sa dépouille à Nouakchott me réconfortent    dans cette décision. Oui, j'ai côtoyé AZIZ, du moins AZIZ m'a côtoyé car nous vivions chez un cousin à moi au quartier « Moderne » de Kaédi de novembre 1980 jusqu’à son départ en fin 1981 ou 1982 en Algérie pour un stage d'officier Automobile, ce qui est différent de la mécanique comme beaucoup le prétendent. D'ailleurs il était avec le Lt Sarr Amadou, son collègue de promotion sortant comme lui  de Meknès le 1er Aout 1980. Le 13 Octobre AZIZ a été victime d'un tir à balles réelles. En tant que président rien ne le prédisposait à cette mésaventure. Est-ce un message de Dieu pour qu'il fasse un « flash-back » et amender toute sa stratégie politique, de communication, de géopolitique etc... ? A sa place je le ferai et ce n'est point une faiblesse.

-12-  Le docteur Mohamed Yahya Ould Ciré, membre fondateur et président de l’association des haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), association fondée en juillet 2001 a soutenu sa thèse sur « L'abolition de l'esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application », éditée en livre, avez-vous lu le livre ? Si oui quelle est votre impression ? Quel regard portez-vous sur les activités de L’ A.H.M.E depuis sa création 2001 ? Êtes-vous prêt à y adhérer un jour ?

Malheureusement je ne connais Mohamed Yahyé Ould Ciré que de nom et je n'ai    pas eu le privilège de lire sa thèse pour la simple raison que j'ignorais son existence. Un descendant d'esclave qui lutte pour l'émancipation effective de ses frères trouvera en moi un allié indéfectible. Car je suis toujours du coté des faibles, des spoliés, des damnés de la terre. La lutte contre l'esclavage est l'affaire de tous, pas seulement des descendants d'esclaves, de tous les hommes épris de justice, d’égalité des droits. Cependant il arrive que des Haratines, profitant de l'acuité du problème s'adonnent à des promotions pro domo dans le seul but d'emprunter l'ascenseur social pour accéder à l'olympe, à la différence des escaliers sûrs mais lents et  sans intérêt hédoniste. Combien de cadres Haratines ont tronqué la noblesse de leur lutte contre la volupté du poème d'Horace du "carpe diem"? Ah oui le désert  militantiste est souvent   amer, l'altruisme pas payant dans l'immédiat, ce qui pousse des hommes pourtant de bonne foi au début de leur engagement à changer de procédure .La lutte contre l'esclavage sera longue et ennuyeuse et la récolte ne se mesurera ni en Bentham, ni en Dirham mais plutôt par la position du curseur du cœur de chaque.

  Quant à mon éventuelle adhésion à l’A.H.M.E, elle ne se traduira pas par un scoop. Je suis  prêt à œuvrer dans n'importe quelle entreprise humaniste de bonne foi. Par attitude empirique, je me méfie de la kyrielle d'ONG, d'ASSOCIATIONS dont le seul but est à caractère lucratif. Et je crois que les Haratines de France en ont assez vu lorsque du temps des « Abdallahi Ould Hormetallah » les dols étaient la chasse gardée des prétendument défenseurs des droits de l'Homme.

  Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer

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