La newsletter d’IRA (Numéro 1
du 16 au 22 février 2015)
A la demande de nombre d’observateurs
de la scène mauritanienne tant au niveau politique qu’au niveau des droits
de l’homme, nous avons décidé d’éditer cette newsletter hebdomadaire pour
vous informer, principalement, de l’état de nos prisonniers, des conditions
de leur détention et de l’évolution de leur dossier judiciaire. Cette
lettre d’information sera donc circonscrite dans son objet à la condition
carcérale de nos détenus et limitée dans le temps à la durée de cet
épisode.
1-
La prison d’Aleg : Biram et ses codétenus entament une grève de la faim
illimitée
Biram Dah Abeid,
président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste
(IRA), Prix 2013 de l’ONU pour les Droits de l’Homme, son adjoint, Brahim
Ramdhane Bilal et leur compagnon de lutte, Sow Djiby, président de Kawtaal
ont entamé aujourd’hui, lundi 23 février 2015, une grève de la faim
illimitée à la suite du refus de l’Administration pénitentiaire de
satisfaire les revendications élémentaires qu’ils ont confiées à une lettre
adressée au Procureur de la République de la Wilaya du Brakna il y a de
cela quatre jours. Parmi ces revendications figurent le droit de visite des
amis et proches, la réintégration à leur juridiction d’origine à savoir
Nouakchott-Rosso et l’ouverture du procès des autres militants d’IRA
maintenus en prison sans jugement.
En représailles à
cette grève de la faim, les autorités carcérales leur ont supprimé le droit
de visite jusque-là toléré, deux fois par semaine, pour leur épouse et
retiré le poste de télévision qui les reliait au monde extérieur, les
plongeant de la sorte dans un isolement absolu.
Les trois militants
sont dans une aile isolée de la prison, regroupés dans une même pièce de 20 m2 avec accès à un
couloir où ils peuvent déambuler une heure par jour. A aucun moment de la
journée, ils ne voient le soleil. Interdiction absolue leur est faite de
recevoir des visites autres que celles deleur épouse (visites supprimées
depuis aujourd’hui). Or, la prison d’Aleg est à 250 Km de Nouakchott où
résident leurs familles, ce qui rend la visite des épouses très difficile.
La moindre conversation doit se faire en présence des gardes. C'est ce qui
a fait que lors de la visite des avocats, ces derniers avaient refusé de
communiquer avec eux étant donné qu'ils ne pouvaient le faire en l'absence
des gardes. Pas de téléphone ni journaux. Ils disposent d'un poste de
télévision qui représente pour eux la seule lucarne sur le monde extérieur
et sur lequel ils peuvent recevoir les chaînes d’information
nationales.
Les trois prisonniers
ne reçoivent ni nourriture ni fourniture de la part de l'administration
pénitentiaire d'Aleg, en contradiction flagrante avec les lois
mauritaniennes. Les repas et les fournitures (moustiquaires,
couvertures...) sont à la charge de leurs parents. Quand ils avaient
interrogé le Procureur à ce propos, ce dernier leur a expliqué qu'ils ne
dépendaient pas de sa juridiction...! "Vous avez été jugés à Rosso
et vous attendez votre jugement en appel à la Cour d’appel de Nouakchott.
On vous a amenés ici et on m'a demandé de vous surveiller et de vous
appliquer les restrictions que vous connaissez et c'est tout...le reste ne
me concerne pas et je n'ai pas de budget pour vous entretenir!"
Nous sommes, à IRA,
très inquiets sur la vie de nos militants et exhortons les hommes et femmes
de bonne volonté à tout faire pour les faire libérer. Nos militants et
sympathisants sont plus que jamais mobilisés et multiplieront les formes de
luttes pacifiques pour ne pas laisser les abolitionnistes dépérir dans la
prison d’Aleg. Nous tenons Ould Abdel Aziz pour responsable de tout ce qui
pourrait leur arriver.
Nous rappelons ici
que les détenus sont en attente d'être jugés en appel et sont,
théoriquement, sous le régime de la garde à vue.
Le dossier de
l'appel est encore au niveau de la cour de Rosso. Le juge ne semble pas
pressé de le transmettre à la Cour d'Appel de Nouakchott. C'est dire
qu'aucune date n'est encore envisagée pour le procès en appel.
Pour mémoire, les
trois prisonniers ont été arrêtés le 11 novembre 2014 à la suite de leur
participation à la Caravane pour l’abolition de l’esclavage foncier qui
avait été autorisée par le Ministère de l’intérieur mauritanien. Ils ont
été condamnés en première instance à deux ans de prison ferme et à une
forte amende par la Cour pénale de Rosso pour « rébellion non armée » et «
appartenance à une organisation non reconnue ».
2- Les prisons de
Nouakchott : trois ans de prison ferme requis à l’encontre d’autres
militants d’IRA
Les procès des militants
d’IRA se suivent et se ressemblent en Mauritanie. Le Docteur Saad Ould
Louleid, Madame Mariem Mint Cheikh et Messieurs Yacoub Moussa, Yacoub
Inalla, Boubacar Yatma et Hanana M’Borick, Hanana M’Boirik, Brahim Jiddou
et Sabar Housseine, tous arrêtés pour dénonciation de l’esclavage et des
pratiques esclavagistes, comparaissent depuis trois semaines devant la cour
pénale de Nouakchott. Le 14 février dernier, le Dr. Saad fut admis aux
urgences, menottes aux poignets, après avoir été victime de plusieurs
syncopes consécutives à de l’hypoglycémie. Il soufre d’un diabète aggravé
par le manque de suivi médical et les mauvais traitements dont il fait
l’objet de la part de certains hauts gradés de la garde qui ont en charge
sa surveillance. Madame Mariem Mint Cheikh a été, elle aussi, la cible de
mauvais traitements au sein de la prison des femmes de Sebkha. Lors du
procès, le collectif de défense, composé de 22 avocats du barreau de
Nouakchott, a pu mettre en pièce tout le montage que l’accusation a grossièrement
échafaudé. Mais, en dépit de tout, le Procureur a requis 3 ans de prison
ferme à l’encontre de Saad, Mariem et Moussa assortis de 540 000 UM
d’amende et la déchéance des droits civiques pendant 5 ans. Le verdict de
ce procès est attendu le 7 mars 2015. Hanana M’Boirik avait été condamné en
première instance à un an de prison ferme et avait fait appel ; cela fera
maintenant dix mois qu’ils croupissent dans la prison de Dar Ennaiim puis
dans la Prison Centrale en attendant d’être rejugés.
3- Mais la solidarité
s’organise
Les luttes des
antiesclavagistes mauritaniens interpellent les consciences du monde dans
ce qu’il a de plus sensible et de plus profond. Ces hommes et ces femmes
qui payent par leur liberté, leur quiétude et leur intégrité physique le
prix de la liberté et de l’émancipation de
milliers d’autres
hommes et femmes ne peuvent laisser indifférent. De nombreux partis
politiques, organisations et institutions en Mauritanie ont déjà exprimé
leur solidarité avec les abolitionnistes d’IRA. Des Etats, par
chancelleries interposées ou directement par les voix les plus autorisées
ont exigé la libération des prisonniers d’opinion que sont ces militants
des droits humains injustement incarcérés. La semaine dernière, plusieurs
dizaines d’ONG de défense des droits de l’homme, menées par Amnesty
International, ont réclamé l’élargissement du président d’IRA et de ses
codétenus.
Nous rappelons que
l’une de ces ONG, Walk Free, avait placé la Mauritanie sur la plus haute
marche de l’infamie en la désignant numéro 1, dans son rapport annuel de
2013, en termes de prévalence de l’esclavage dans le monde.
IRA se réjouit de
cet élan de solidarité et exprime sa gratitude envers tous ces acteurs
nationaux et internationaux qui la soutiennent dans cette épreuve.
L’esclavage est une offense à l’humanité tout entière. Aucun Etat ni
organisation ne devrait continuer à commercer ou à échanger avec un régime
qui le tolère ou l’encourage en mettant en prison ou en harcelant ceux qui
le combattent. Le monde entier se doit de bannir un régime comme celui de
Ould Abdel Aziz. C’est ce qui a fait plier le régime d’apartheid en Afrique
du Sud.
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