J’ai honte
Au premier anniversaire de son putsch du 6 Août 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz aura été installé la veille dans les fonctions de président de la République Islamique de Mauritanie, en toute légalité, moyennant une reconnaissance internationale de la régularité du scrutin du 18 Juillet 2009. Cette élection aura été aussi contrainte que les consentements successifs des opposants à ce qui, à partir de la prétendue négociation de Dakar, il y a dix semaines, les a chacun enchaînés.
J’ai honte pour les Mauritaniens – pour ceux d’entre eux qui ont consenti, à un moment ou à un autre au processus de légitimation du coup militaire, pour ceux d’entre eux que ne choque pas l’affichage du portrait de leur président-fondateur Moktar Ould Daddah sur le même calicot que celui de l’homme fort, souligné poar le lien des deux dates : 1960, l’indépendance et 2009, la Mauritanie à nouveau nouvelle… mais est-ce que cela me regarde ? tandis que la politique françafricaine me concerne, et me fait encore plus honte.
La fête de Nouakchott est une honte parce qu’elle est un mensonge. La France officielle en est responsable. Dirigée par un joueur de poker dont l’immédiat entourage a reconnu l’exact et cynique analogue. Car Mohamed Ould Abdel Aziz n’a cessé d’imposer son jeu à ses compatriotes puis à une « communauté internationale » dont les points faibles lui furent signalés, à mesure, un par un, étape par étape.
Les Mauritaniens auxquels je me suis attaché depuis qu’en Février 1965 je vins chez eux pour, jeune énarque, y enseigner à leur Centre de formation administrative, et que Moktar Ould Daddah m’honora dès lors et jusqu’à sa mort de sa confiance et de son amitié au point de me faire relire ses mémoires [1] et de me faire contribuer à leur mise au point – ont été abusés sur la bonne foi des putschistes du 3 Août 2005 qui, renversant une autocratie de vingt ans, commencée en uniforme et dont le règne que consacrent les cérémonies du 5 Août 2009, a toutes chances de prendre exemple, s’étaient engagés à ne plus interférer dans la vie démocratique du pays. Ils montèrent, selon des rivalités et des accords de palais un piège à retardement qui fit du premier élu civil à un scrutin pluraliste, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le prisonnier de son état-major particulier et d’une garde prétorienne qui lui était imposée. Les Mauritaniens furent abusés sur les conditions – quasi-impossibles – dans lesquelles leur président tentait de s’émanciper et de gouverner. Ils ont été abusés toute cette année par une lecture simpliste et puérile de leur passé national uniquement fait de corruption et de gabegie, et par une mise au pilori des contestataires du putsch, précisément à raison de ce passé. La mise en œuvre envisagée des sanctions prévues par le traité de Cotonou liant l’Union européenne aux Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, et par la Charte africaine, dont la Mauritanie, quelques jours avant le coup, avait justement été la première à la ratifier, a fourni, en même temps que le massacre d’une patrouille dans le grand nord, prétexte à l’union nationale contre les agressions morales ou physiques. Malgré tout cela, une forte minorité de parlementaires, des manifestations de rue et le boycott de déplacements officiels du putschiste, signifiaient une prise de conscience – civique et démocratique, en faveur de la légalité – qui avait peu de précédent en Afrique et ne préjugeait en rien d’un bilan du président déchu et empêché de s’exprimer, autrement qu’indirectement.
Le destin hésitait donc, d’autant que la hiérarchie militaire n’était pas tout entière représentée dans la junte et que celle-ci était plus composite que dans sa mouture de 2005. Khadafi, président en exercice de l’Union africaine, abusa alors aussi bien ses pairs en contrevenant carrément aux décisions arrêtées par eux, que les principales parties mauritaniennes qu’il avait d’abord entendues chez lui. Elles se refusèrent toutes cependant, sauf le putschiste, qui n’y trouva donc pas sa consolidation. Des « états-généraux de la démocratie », destinés à faire paraître consensuelle l’anticipation forcée de l’élection présidentielle, n’y contribuèrent pas davantage puisque le principal parti d’alors n’en ratifia pas le compte-rendu. Il fallait donc plus. Déjà, à la mi-Octobre 2008 au moment de présider – au titre de l’exercice semestriel français – le groupe de consultations euro-mauritanien, Alain Joyandet avait assuré que personne à Nouakchott ne réclamait le rétablissement du président élu sans contestation dix-huit mois auparavant. A la fin de Mars 2009, Nicolas Sarkozy fit mieux que son secrétaire d’Etat et le Guide libyen ensemble : il assura mensongèrement avoir téléphoné à l’infortuné mauritanien, qu’il était bien le seul à l’avoir fait alors même qu’aucune manifestation ne soutenait ce dernier.
L’intervention française avait désormais habillage et vocabulaire – consensus et démocratie – alors que son soutien était acquis à Mohamed Ould Abdel Aziz, pour des raisons qui sont encore à démêler, mais dans lesquelles est pour beaucoup la méconnaissance de l’Afrique manifestée par Nicolas Sarkozy, découvrant à mesure de sa lecture publique à Dakar, un texte d’Henri Guaino lui-même inspiré par Hegel, sans reconnaissance de l’emprunt [2]. Et surtout pratiquant le gouvernement de la France à la manière de tant de ses homologues africains, comme si la Françafrique avait fini par faire tolérer en France ce que nous critiquons chez nos « protégés »… d’ailleurs le numéro deux de la junte – en dépit des interdictions européennes de visas pour les putschistes – était régulièrement reçu par Claude Guéant depuis la mi-Septembre. La soi-disant négociation d’un accord « inclusif » [3] à Dakar, sous l’apparence de multiples égides, a consisté pour la France, au mépris des décisions de l’Union européenne prises et publiées le 4 Avril 2009, à seulement convaincre le putschiste de surseoir à son plébiscite organisé pour le 6 Juin et décommandé seulement l’avant-veille au point que les candidats de paille pour les apparences du pluralisme y perdirent souffle et tire-lire pour la re-belote. Le texte de l’accord est resté inchangé du début à la fin, il n’est pas de rédaction mauritanienne et fut tellement imposé qu’initialement les opposants voulurent qu’ils figurent comme la contribution du putschiste à laquelle ferait pièce leur propre proposition de rédaction.
En échange d’un sursis au plébiscite, l’intoxication fut telle que 1° les opposants à la candidature présidentielle du militaire l’acceptèrent et, pour cautionner le scrutin, y participèrent, 2° sans autre garantie qu’une refonte de la Commission électorale laquelle fut cependant pratiquement empêchée d’aller sur le terrain, 3° le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, malgré le vœu de l’opposition, resta celui nommé par les putschistes, 4° le décret prévoyant une nouvelle date du scrutin (le 18 Juillet), quoiqu’annulé par le Conseil constitutionnel à la veille d’imposantes manifestations, fut repris dès la formation du nouveau gouvernement, en sorte qu’aucun contrôle sérieux ne put être mis en place, faute de temps [4].
Il y avait cependant eu l’éventualité d’une ultime résistance, celle de l’élu au scrutin précédent. Sans son abdication formelle, tout le processus revenait à préférer un plébiscite à la poursuite d’un mandat de cinq ans exercé seulement quinze mois. Sidi Ould Cheikh Abdallahi était initialement résolu – j’en suis témoin par écrit – à ne consentir à signer la formation du gouvernement aux modalités convenus à Dakar qu’à plusieurs conditions, dont chacune était de bon sens. Qu’à la démission du président de la République légitime corresponde la dissolution de l’organe politique des putschistes (le « Haut Conseil d’Etat »), que la garde prétorienne soit également dissoute, que le gouvernement nouveau à former ait compétence pour revenir sur les textes et nominations intervenus depuis le putsch et consolidant celui-ci. En logique, enfin, l’élu du 25 Mars 2007 demandait à ne remettre ses pouvoirs qu’à l’élu quel qu’il soit du 1er Août 2009 (second tour du scrutin), ce qui l’eut placé en garant et arbitre, totalement désintéressé, du processus électoral à ouvrir et que depuis Janvier, il avait accepté d’entamer. Tellement circonvenus, ses partisans le laissèrent seul devant la responsabilité d’un échec de l’ensemble de ce qui était appelé une médiation. Quant à celle-ci, elle avait anticipé son suicide en tenant pour acquise, dès la première circulation du projet de texte à Dakar, sa « démission volontaire ». Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’obtint que le changement d’appellation de la junte se rebatisant en Conseil supérieur de la défense nationale, prévu par l’article 34 de la Constitution – les compétiteurs du putschiste à l’élection ne perçurent pas tout ce qu’ils perdaient à ne l’avoir pas ultimement soutenu, conformément d’ailleurs à la pétition de départ d’une grande partie d’entre eux – mais son discours d’adieu, le 26 Juin, lui a conféré une autorité morale dont, sans doute, la Mauritanie fera bon usage.
Et il y eut l’élection du 18 Juillet, la fête du 5 Août et la déculpabilisation de la « communauté internationale ». Unanime, France comprise, elle avait initialement condamné le coup du 6 Août 2008.
Alors qu’à dix jours du scrutin, le putschiste-candidat était si peu assuré même de figurer au second tour qu’il menaça le pays et ses partenaires, à trois reprises, en réunion publique, d’un nouveau coup militaire, et qu’on pouvait donc croire à une défaite dans les urnes des prétentions militaires de trente ans –, alors aussi que les principaux opposants, y compris le chef de la junte précédente, s’accordaient contre de telles menaces et convenaient pour trois d’entre eux de gouverner en coalition ministérielle et parlementaire si l’un quelconque d’entre eux l’emportait –, les choses se dénouèrent pour Mohamed Ould Abdel Aziz, par une victoire, au premier tour à peine moindre que celle du dictateur précédent trois fois de suite.
Avant même que le Conseil constitutionnel et la Commission électorale aient commencé leurs travaux et leurs vérifications, la France a salué la légitimation du putschiste. Le commissaire Louis Michel avait désavoué le président français dans la journée de son mensonge de Mars. L’Union africaine n’avait pas suivi son président en exercice. La France, qui a reçu en pleine campagne présidentielle mauritanienne le putschiste en personne et son banquier, pour d’ultimes concertations et assurances, donne constamment le la. Et nos partenaires européens ont continué de respecter cette sidérante habitude que, dans son « domaine africain », c’est la France qui fait la décision. Alain Joyandet peut donc imiter son maître et assurer que la France a rendu la démocratie à la Mauritanie.
Bertrand Fessard de Foucault, ancien ambassadeur
Au premier anniversaire de son putsch du 6 Août 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz aura été installé la veille dans les fonctions de président de la République Islamique de Mauritanie, en toute légalité, moyennant une reconnaissance internationale de la régularité du scrutin du 18 Juillet 2009. Cette élection aura été aussi contrainte que les consentements successifs des opposants à ce qui, à partir de la prétendue négociation de Dakar, il y a dix semaines, les a chacun enchaînés.
J’ai honte pour les Mauritaniens – pour ceux d’entre eux qui ont consenti, à un moment ou à un autre au processus de légitimation du coup militaire, pour ceux d’entre eux que ne choque pas l’affichage du portrait de leur président-fondateur Moktar Ould Daddah sur le même calicot que celui de l’homme fort, souligné poar le lien des deux dates : 1960, l’indépendance et 2009, la Mauritanie à nouveau nouvelle… mais est-ce que cela me regarde ? tandis que la politique françafricaine me concerne, et me fait encore plus honte.
La fête de Nouakchott est une honte parce qu’elle est un mensonge. La France officielle en est responsable. Dirigée par un joueur de poker dont l’immédiat entourage a reconnu l’exact et cynique analogue. Car Mohamed Ould Abdel Aziz n’a cessé d’imposer son jeu à ses compatriotes puis à une « communauté internationale » dont les points faibles lui furent signalés, à mesure, un par un, étape par étape.
Les Mauritaniens auxquels je me suis attaché depuis qu’en Février 1965 je vins chez eux pour, jeune énarque, y enseigner à leur Centre de formation administrative, et que Moktar Ould Daddah m’honora dès lors et jusqu’à sa mort de sa confiance et de son amitié au point de me faire relire ses mémoires [1] et de me faire contribuer à leur mise au point – ont été abusés sur la bonne foi des putschistes du 3 Août 2005 qui, renversant une autocratie de vingt ans, commencée en uniforme et dont le règne que consacrent les cérémonies du 5 Août 2009, a toutes chances de prendre exemple, s’étaient engagés à ne plus interférer dans la vie démocratique du pays. Ils montèrent, selon des rivalités et des accords de palais un piège à retardement qui fit du premier élu civil à un scrutin pluraliste, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le prisonnier de son état-major particulier et d’une garde prétorienne qui lui était imposée. Les Mauritaniens furent abusés sur les conditions – quasi-impossibles – dans lesquelles leur président tentait de s’émanciper et de gouverner. Ils ont été abusés toute cette année par une lecture simpliste et puérile de leur passé national uniquement fait de corruption et de gabegie, et par une mise au pilori des contestataires du putsch, précisément à raison de ce passé. La mise en œuvre envisagée des sanctions prévues par le traité de Cotonou liant l’Union européenne aux Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, et par la Charte africaine, dont la Mauritanie, quelques jours avant le coup, avait justement été la première à la ratifier, a fourni, en même temps que le massacre d’une patrouille dans le grand nord, prétexte à l’union nationale contre les agressions morales ou physiques. Malgré tout cela, une forte minorité de parlementaires, des manifestations de rue et le boycott de déplacements officiels du putschiste, signifiaient une prise de conscience – civique et démocratique, en faveur de la légalité – qui avait peu de précédent en Afrique et ne préjugeait en rien d’un bilan du président déchu et empêché de s’exprimer, autrement qu’indirectement.
Le destin hésitait donc, d’autant que la hiérarchie militaire n’était pas tout entière représentée dans la junte et que celle-ci était plus composite que dans sa mouture de 2005. Khadafi, président en exercice de l’Union africaine, abusa alors aussi bien ses pairs en contrevenant carrément aux décisions arrêtées par eux, que les principales parties mauritaniennes qu’il avait d’abord entendues chez lui. Elles se refusèrent toutes cependant, sauf le putschiste, qui n’y trouva donc pas sa consolidation. Des « états-généraux de la démocratie », destinés à faire paraître consensuelle l’anticipation forcée de l’élection présidentielle, n’y contribuèrent pas davantage puisque le principal parti d’alors n’en ratifia pas le compte-rendu. Il fallait donc plus. Déjà, à la mi-Octobre 2008 au moment de présider – au titre de l’exercice semestriel français – le groupe de consultations euro-mauritanien, Alain Joyandet avait assuré que personne à Nouakchott ne réclamait le rétablissement du président élu sans contestation dix-huit mois auparavant. A la fin de Mars 2009, Nicolas Sarkozy fit mieux que son secrétaire d’Etat et le Guide libyen ensemble : il assura mensongèrement avoir téléphoné à l’infortuné mauritanien, qu’il était bien le seul à l’avoir fait alors même qu’aucune manifestation ne soutenait ce dernier.
L’intervention française avait désormais habillage et vocabulaire – consensus et démocratie – alors que son soutien était acquis à Mohamed Ould Abdel Aziz, pour des raisons qui sont encore à démêler, mais dans lesquelles est pour beaucoup la méconnaissance de l’Afrique manifestée par Nicolas Sarkozy, découvrant à mesure de sa lecture publique à Dakar, un texte d’Henri Guaino lui-même inspiré par Hegel, sans reconnaissance de l’emprunt [2]. Et surtout pratiquant le gouvernement de la France à la manière de tant de ses homologues africains, comme si la Françafrique avait fini par faire tolérer en France ce que nous critiquons chez nos « protégés »… d’ailleurs le numéro deux de la junte – en dépit des interdictions européennes de visas pour les putschistes – était régulièrement reçu par Claude Guéant depuis la mi-Septembre. La soi-disant négociation d’un accord « inclusif » [3] à Dakar, sous l’apparence de multiples égides, a consisté pour la France, au mépris des décisions de l’Union européenne prises et publiées le 4 Avril 2009, à seulement convaincre le putschiste de surseoir à son plébiscite organisé pour le 6 Juin et décommandé seulement l’avant-veille au point que les candidats de paille pour les apparences du pluralisme y perdirent souffle et tire-lire pour la re-belote. Le texte de l’accord est resté inchangé du début à la fin, il n’est pas de rédaction mauritanienne et fut tellement imposé qu’initialement les opposants voulurent qu’ils figurent comme la contribution du putschiste à laquelle ferait pièce leur propre proposition de rédaction.
En échange d’un sursis au plébiscite, l’intoxication fut telle que 1° les opposants à la candidature présidentielle du militaire l’acceptèrent et, pour cautionner le scrutin, y participèrent, 2° sans autre garantie qu’une refonte de la Commission électorale laquelle fut cependant pratiquement empêchée d’aller sur le terrain, 3° le Premier ministre du gouvernement d’union nationale, malgré le vœu de l’opposition, resta celui nommé par les putschistes, 4° le décret prévoyant une nouvelle date du scrutin (le 18 Juillet), quoiqu’annulé par le Conseil constitutionnel à la veille d’imposantes manifestations, fut repris dès la formation du nouveau gouvernement, en sorte qu’aucun contrôle sérieux ne put être mis en place, faute de temps [4].
Il y avait cependant eu l’éventualité d’une ultime résistance, celle de l’élu au scrutin précédent. Sans son abdication formelle, tout le processus revenait à préférer un plébiscite à la poursuite d’un mandat de cinq ans exercé seulement quinze mois. Sidi Ould Cheikh Abdallahi était initialement résolu – j’en suis témoin par écrit – à ne consentir à signer la formation du gouvernement aux modalités convenus à Dakar qu’à plusieurs conditions, dont chacune était de bon sens. Qu’à la démission du président de la République légitime corresponde la dissolution de l’organe politique des putschistes (le « Haut Conseil d’Etat »), que la garde prétorienne soit également dissoute, que le gouvernement nouveau à former ait compétence pour revenir sur les textes et nominations intervenus depuis le putsch et consolidant celui-ci. En logique, enfin, l’élu du 25 Mars 2007 demandait à ne remettre ses pouvoirs qu’à l’élu quel qu’il soit du 1er Août 2009 (second tour du scrutin), ce qui l’eut placé en garant et arbitre, totalement désintéressé, du processus électoral à ouvrir et que depuis Janvier, il avait accepté d’entamer. Tellement circonvenus, ses partisans le laissèrent seul devant la responsabilité d’un échec de l’ensemble de ce qui était appelé une médiation. Quant à celle-ci, elle avait anticipé son suicide en tenant pour acquise, dès la première circulation du projet de texte à Dakar, sa « démission volontaire ». Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’obtint que le changement d’appellation de la junte se rebatisant en Conseil supérieur de la défense nationale, prévu par l’article 34 de la Constitution – les compétiteurs du putschiste à l’élection ne perçurent pas tout ce qu’ils perdaient à ne l’avoir pas ultimement soutenu, conformément d’ailleurs à la pétition de départ d’une grande partie d’entre eux – mais son discours d’adieu, le 26 Juin, lui a conféré une autorité morale dont, sans doute, la Mauritanie fera bon usage.
Et il y eut l’élection du 18 Juillet, la fête du 5 Août et la déculpabilisation de la « communauté internationale ». Unanime, France comprise, elle avait initialement condamné le coup du 6 Août 2008.
Alors qu’à dix jours du scrutin, le putschiste-candidat était si peu assuré même de figurer au second tour qu’il menaça le pays et ses partenaires, à trois reprises, en réunion publique, d’un nouveau coup militaire, et qu’on pouvait donc croire à une défaite dans les urnes des prétentions militaires de trente ans –, alors aussi que les principaux opposants, y compris le chef de la junte précédente, s’accordaient contre de telles menaces et convenaient pour trois d’entre eux de gouverner en coalition ministérielle et parlementaire si l’un quelconque d’entre eux l’emportait –, les choses se dénouèrent pour Mohamed Ould Abdel Aziz, par une victoire, au premier tour à peine moindre que celle du dictateur précédent trois fois de suite.
Avant même que le Conseil constitutionnel et la Commission électorale aient commencé leurs travaux et leurs vérifications, la France a salué la légitimation du putschiste. Le commissaire Louis Michel avait désavoué le président français dans la journée de son mensonge de Mars. L’Union africaine n’avait pas suivi son président en exercice. La France, qui a reçu en pleine campagne présidentielle mauritanienne le putschiste en personne et son banquier, pour d’ultimes concertations et assurances, donne constamment le la. Et nos partenaires européens ont continué de respecter cette sidérante habitude que, dans son « domaine africain », c’est la France qui fait la décision. Alain Joyandet peut donc imiter son maître et assurer que la France a rendu la démocratie à la Mauritanie.
Bertrand Fessard de Foucault, ancien ambassadeur
[1] - Moktar Ould Daddah, La Mauritanie contre vents et marées (Karthala . Octobre 2003 . 669 pages)
[2] - Pierre Lembeye, Sarkozy . un président chez le psy (Scali . Février 2008 . 111 pages), pp. 66 à 73
[3] - « qui contient en soi qqch d’autre » - Larousse dit bien dans quel panneau on tombe
[4] - l’Union européenne, qui a seule savoir-faire, expérience et logistique, avait le budget mais demandait trois mois de délai, exactement celui prévu par la Constitution mauritanienne, à compter de l’ouverture de l’intérim
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