Le processus de Dakar – dont les termes ont été rédigés hors Mauritanie et sans concertation originelle avec les Mauritaniens puis sans véritable négociation – est bloqué depuis huit jours.
J’en appelle au président de la République française puisque les deux chefs de la junte ont été – notoirement – reçus par le secrétaire général de l’Elysée.
Bertrand Fessard de Foucault
Reniac – 56450 Surzur . tél. 06 . . . & courriel b.fdef@wanadoo.fr
Reniac, le vendredi 19 Juin 2009
sujet : la Mauritanie après l’accord dit de Dakar
Monsieur le Président de la République,
depuis le 2 Mai dernier, je me suis permis de vous entretenir de ce pays dont les affaires ne me sont plus étrangères depuis que j’y ai accompli notre service national en 1965, rencontrant notamment son président-fondateur, Moktar Ould Daddah.
Mes lettres des 23 et 26 Mai, puis du 4 Juin ont porté sur des solutions à la crise ouverte par un putsch que vous avez été des premiers à condamner. Ces solutions tiennent beaucoup à l’abnégation du président légitimement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, que vous avez d’ailleurs reçu à l’Elysée, il y a dix-huit mois, et avec qui vous aviez convenu d’une assistance à la mise en ordre de l’organigramme militaire.
L’accord dit de Dakar doit beaucoup à votre pression, puisqu’il est notoire pour les Mauritaniens que Claude Guéant a prié le général Mohamed Ould Abdel Aziz de le signer. La suite aussi puisque ce dernier a pu (la semaine dernière) s’entretenir, à Paris, avec votre secrétaire général, qui avait reçu, grâce à M° Robert Bourgi – que je connais depuis cet automne et dont j’apprécie la franchise et la cordialité – le numéro deux de la junte, le général El Ghazouani, cela au moins à quatre reprises.
C’est dire que jamais depuis l’indépendance de ce pays, la France n’a été davantage impliquée dans la recherche d’une solution.
L’impasse tient actuellement au refus du général Mohamed Ould Abdel Aziz de procéder à la dissolution de son Haut Conseil d’Etat, en parallèle à la démission « volontaire » du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Le putschiste a d’ailleurs, en sus, prétendu maintenir le Premier ministre qu’il avait nommé en même temps qu’il emprisonnait l’été dernier celui qu’avaient investi le président de la République, élu sans contestation interne ni internationale, le 25 Mars 2007, et le Parlement, pourtant déjà sous influence des militaires. Ces atermoiements rendent déjà intenable la date du 18 Juillet prévue par l’accord de Dakar pour le premier tour de l’élection présidentielle, puisque c’est un gouvernement d’union nationale et de consensus, à l’instar de celui qui a fait signer le texte de Dakar, qui doit organiser cette élection de bout en bout, depuis la révision des listes électorales jusqu’au mode de proclamation des résulatts. Il apparaît aussi que le contrôle européen – notamment – de ce scrutin, dont le financement a été pourtant mis en place, ne pourra être effectif, en si peu de temps : quinze jours de perdu dans un délai déjà très court. Enfin, il est fait bon marché de ce qui fonde la démocratie : la légitimité.
Il apparaît que pour dénouer les choses, le chef de la junte – candidat à cette élection depuis la première minute de sa prise de pouvoir par la force et pour laquelle il a nommé à tour de bras chaque semaine depuis dix mois des gens à ses ordres – doit consentir à
1° dissoudre l’appareil politique de la hiérarchie militaire
2° accepter le changement du Premier ministre,
faute de quoi il est certain que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, maintenant compris parfaitement par ses compatriotes et par l’ensemble des personnalités d’opposition au putsch et à l’ « unilatéralisme » du général-candidat, ne signera pas sa démission. Votre haut homologue mauritanien est allé très loin jusqu’à hier soir dans des consentements et propositions de rédaction que le président Abdoulaye Wade a bien reçues. Sans ce dénouement, très vite, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi incarnera alors une légitimité d’autant plus grande que, depuis Janvier, il a déjà consenti à beaucoup. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, élu à la sauvette, sera fragile chez lui, parmi ses collègues de l’armée et s’il ne devait, dans la communauté internationale, n’apparaître que selon la seule reconnaissance de la France, nous engagerait dans un très mauvais cas.
Les différentes entrevues accordées par votre secrétaire général aux putschistes – en d’autres temps, par exemple celui du général de Gaulle, si elles avaient été le fait d’un autre Etat-membre ou de la Commission, nonobstant les décisions prises par l’Union européenne – auraient donné lieu à une condamnation sévère d’un tel « cavalier seul ».
A ces deux conditions, je crois qu’il serait noble et prévoyant d’ ajouter une troisième, qui rétablirait la chaîne de la légitimité. Imposer au général Mohamed Ould Abdel Aziz que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi ne remette ses pouvoirs – même si leur exercice est actuellement empêché, mais il ne le sera pas pour la signature reconnaissant la formation du gouvernement d’union nationale – qu’à l’élu du scrutin à venir. D’un élu à l’autre. Si ce devait être le général Mohamed Ould Abdel Aziz, cela scellerait certainement la véracité du scrutin. La relation privilégiée qui a été nouée entre la France et le putschiste, trouverait, s’il est possible, quelque raison avouable.
Les rencontres et éphémérides de ces derniers mois montrent qu’un tel dénouement peut être imposé par nous à la junte, et que la communauté internationale – à commencer par les intermédiaires sénégalais à qui nous devons beaucoup – nous en sera reconnaissante.
Cette clarté nouvelle, rachetant aisément ce qu’il a pu y avoir de trouble ou contradictoire dans nos positions depuis dix mois envers la Mauritanie, facilitera les explications du Quai d’Orsay et nous rendra une bonne apparence à Bruxelles. A défaut, nous porterions la responsabilité d’un gâchis public. Des personnalités d’exception comme le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, épuré et émancipé par l’épreuve, comme Messaoud Ould Boulkheir, champion d’une cause sociale décisive en Afrique subsaharienne et courageux président de l’Assemblée nationale par sa contestation ab initio du coup militaire, comme Ahmed Ould Daddah que nous avons toutes raisons d’estimer, sont en ce moment méprisées par certains de leurs compatriotes militaires, avec notre aveu, ce qui est un comble – ce qui devait former la paix civile tourne à des « déballages » et à des anti-portraits insensés. Nous avons formé les uns et les autres, intellectuellement et à des idéaux que sans nous ils auraient formulés et pratiqués autrement : quelle pratique en soutenons-nous ? Dans cet exercice, nous avons aussi entraîné le président de la République du Sénégal, M° Abdoulaye Wade.
Nous ne pouvons donc laisser se parjurer tant de parties prenantes en tolérant, et en imposant que soient tolérés, le cynisme et l’entêtement d’un putschiste qui, au demeurant, n’avait pas fait la meilleure impression à nos trois hauts fonctionnaires, dont un de vos collaborateurs directs, quand ceux-ci ont fait la revue des protagonistes en se rendant en Mauritanie le 29 Novembre dernier. Vous le savez.
Reniac – 56450 Surzur . tél. 06 . . . & courriel b.fdef@wanadoo.fr
Reniac, le vendredi 19 Juin 2009
sujet : la Mauritanie après l’accord dit de Dakar
Monsieur le Président de la République,
depuis le 2 Mai dernier, je me suis permis de vous entretenir de ce pays dont les affaires ne me sont plus étrangères depuis que j’y ai accompli notre service national en 1965, rencontrant notamment son président-fondateur, Moktar Ould Daddah.
Mes lettres des 23 et 26 Mai, puis du 4 Juin ont porté sur des solutions à la crise ouverte par un putsch que vous avez été des premiers à condamner. Ces solutions tiennent beaucoup à l’abnégation du président légitimement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, que vous avez d’ailleurs reçu à l’Elysée, il y a dix-huit mois, et avec qui vous aviez convenu d’une assistance à la mise en ordre de l’organigramme militaire.
L’accord dit de Dakar doit beaucoup à votre pression, puisqu’il est notoire pour les Mauritaniens que Claude Guéant a prié le général Mohamed Ould Abdel Aziz de le signer. La suite aussi puisque ce dernier a pu (la semaine dernière) s’entretenir, à Paris, avec votre secrétaire général, qui avait reçu, grâce à M° Robert Bourgi – que je connais depuis cet automne et dont j’apprécie la franchise et la cordialité – le numéro deux de la junte, le général El Ghazouani, cela au moins à quatre reprises.
C’est dire que jamais depuis l’indépendance de ce pays, la France n’a été davantage impliquée dans la recherche d’une solution.
L’impasse tient actuellement au refus du général Mohamed Ould Abdel Aziz de procéder à la dissolution de son Haut Conseil d’Etat, en parallèle à la démission « volontaire » du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Le putschiste a d’ailleurs, en sus, prétendu maintenir le Premier ministre qu’il avait nommé en même temps qu’il emprisonnait l’été dernier celui qu’avaient investi le président de la République, élu sans contestation interne ni internationale, le 25 Mars 2007, et le Parlement, pourtant déjà sous influence des militaires. Ces atermoiements rendent déjà intenable la date du 18 Juillet prévue par l’accord de Dakar pour le premier tour de l’élection présidentielle, puisque c’est un gouvernement d’union nationale et de consensus, à l’instar de celui qui a fait signer le texte de Dakar, qui doit organiser cette élection de bout en bout, depuis la révision des listes électorales jusqu’au mode de proclamation des résulatts. Il apparaît aussi que le contrôle européen – notamment – de ce scrutin, dont le financement a été pourtant mis en place, ne pourra être effectif, en si peu de temps : quinze jours de perdu dans un délai déjà très court. Enfin, il est fait bon marché de ce qui fonde la démocratie : la légitimité.
Il apparaît que pour dénouer les choses, le chef de la junte – candidat à cette élection depuis la première minute de sa prise de pouvoir par la force et pour laquelle il a nommé à tour de bras chaque semaine depuis dix mois des gens à ses ordres – doit consentir à
1° dissoudre l’appareil politique de la hiérarchie militaire
2° accepter le changement du Premier ministre,
faute de quoi il est certain que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, maintenant compris parfaitement par ses compatriotes et par l’ensemble des personnalités d’opposition au putsch et à l’ « unilatéralisme » du général-candidat, ne signera pas sa démission. Votre haut homologue mauritanien est allé très loin jusqu’à hier soir dans des consentements et propositions de rédaction que le président Abdoulaye Wade a bien reçues. Sans ce dénouement, très vite, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi incarnera alors une légitimité d’autant plus grande que, depuis Janvier, il a déjà consenti à beaucoup. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, élu à la sauvette, sera fragile chez lui, parmi ses collègues de l’armée et s’il ne devait, dans la communauté internationale, n’apparaître que selon la seule reconnaissance de la France, nous engagerait dans un très mauvais cas.
Les différentes entrevues accordées par votre secrétaire général aux putschistes – en d’autres temps, par exemple celui du général de Gaulle, si elles avaient été le fait d’un autre Etat-membre ou de la Commission, nonobstant les décisions prises par l’Union européenne – auraient donné lieu à une condamnation sévère d’un tel « cavalier seul ».
A ces deux conditions, je crois qu’il serait noble et prévoyant d’ ajouter une troisième, qui rétablirait la chaîne de la légitimité. Imposer au général Mohamed Ould Abdel Aziz que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi ne remette ses pouvoirs – même si leur exercice est actuellement empêché, mais il ne le sera pas pour la signature reconnaissant la formation du gouvernement d’union nationale – qu’à l’élu du scrutin à venir. D’un élu à l’autre. Si ce devait être le général Mohamed Ould Abdel Aziz, cela scellerait certainement la véracité du scrutin. La relation privilégiée qui a été nouée entre la France et le putschiste, trouverait, s’il est possible, quelque raison avouable.
Les rencontres et éphémérides de ces derniers mois montrent qu’un tel dénouement peut être imposé par nous à la junte, et que la communauté internationale – à commencer par les intermédiaires sénégalais à qui nous devons beaucoup – nous en sera reconnaissante.
Cette clarté nouvelle, rachetant aisément ce qu’il a pu y avoir de trouble ou contradictoire dans nos positions depuis dix mois envers la Mauritanie, facilitera les explications du Quai d’Orsay et nous rendra une bonne apparence à Bruxelles. A défaut, nous porterions la responsabilité d’un gâchis public. Des personnalités d’exception comme le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, épuré et émancipé par l’épreuve, comme Messaoud Ould Boulkheir, champion d’une cause sociale décisive en Afrique subsaharienne et courageux président de l’Assemblée nationale par sa contestation ab initio du coup militaire, comme Ahmed Ould Daddah que nous avons toutes raisons d’estimer, sont en ce moment méprisées par certains de leurs compatriotes militaires, avec notre aveu, ce qui est un comble – ce qui devait former la paix civile tourne à des « déballages » et à des anti-portraits insensés. Nous avons formé les uns et les autres, intellectuellement et à des idéaux que sans nous ils auraient formulés et pratiqués autrement : quelle pratique en soutenons-nous ? Dans cet exercice, nous avons aussi entraîné le président de la République du Sénégal, M° Abdoulaye Wade.
Nous ne pouvons donc laisser se parjurer tant de parties prenantes en tolérant, et en imposant que soient tolérés, le cynisme et l’entêtement d’un putschiste qui, au demeurant, n’avait pas fait la meilleure impression à nos trois hauts fonctionnaires, dont un de vos collaborateurs directs, quand ceux-ci ont fait la revue des protagonistes en se rendant en Mauritanie le 29 Novembre dernier. Vous le savez.
L’impasse est telle qu’il est envisagé de nouvelles réunions du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine et même un « Dakar 2 ». Il serait plus économique à tous égards que tout cela se règle directement avec l’auteur premier de la crise : le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Vous en avez les moyens, et aux yeux du putschiste, vous en avez le prestige et la force morale.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes sentiments déférents, attentifs et confiants.
à Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République
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