mercredi 1 avril 2015

Cheikh Sid'Ahmd Ould Babamine, président de la 1ère et seule vraie CENI (2005-2007), ancien ministre, ancien permanent du Comité militaire (1982-1984), patriote


source : Biladi

Le mépris : jusqu’où et  jusqu'à quand ?

Dans un article publié en début d’ année 2011 , en réponse  à une question posée par l’un de ses amis  ,  l’intellectuel et philosophe égyptien , le Dr. Youssouf   Zidane affirmait sur un ton péremptoire    ,  que le problème le plus important et le plus grave auquel est confrontée  l’Egypte  était       la suprématie  de la  culture    du mépris ,  érigée  en système de gouvernance .C’est  , selon lui  , cette culture dominante  ,  qui a  généré  et  qui   explique entre autres raisons  ,  certains phénomènes  et réactions au sein de la   société égyptienne,  ayant abouti à la révolution du 25 janvier 2011 

          Pour l’ intellectuel Egyptien  , ce  modèle  de gouvernance  , instauré  par un  Hakem parvenu par hasard au  sommet de la hiérarchie de l’Etat     , constitue l’unique  moyen   de combler  la vacuité   du   fauteuil  présidentiel  sur   lequel  il s’est installé  mais dont , en son for intérieur ,  il ne  se sent pas suffisamment  digne . Pour compenser ,   il    s’entoure d’une cour   de  ministres et autres collaborateurs de haut rang qu’il s’évertue à mépriser  pour         leur faire expier    ses propres     insuffisances par rapport à cette  lourde  charge .

            Fort à propos  et comme pour nous rappeler   que la fonction ne vaut que par celui qui l’incarne  ,  le Dr Youssouf Zidane  nous rafraichit la mémoire par cette   réflexion du  grand  soufi   Mouhyi Dine Ben Arbi  : المكان اذا لم يؤنث فيصير مكانة لا يعول عليه   
         
          Cette pertinente  analyse de la situation qui prévalait en Egypte,  était  et demeure   encore aujourd’hui  parfaitement transposable,   à nombre d’autres    pays arabes dont les chefs d’état ne sont ni des héritiers légitimes d’un trône monarchique ni les vainqueurs d’une élection démocratique transparente  .Je me rappelle  qu’en  Afrique du Nord et dans les années 80-90,    cette situation  était déjà baptisée la hogra     par les jeunes désœuvrés  des quartiers , appelés   hittistes  ,    pour dénoncer   la marginalisation dont ils étaient  victimes dans leurs pays respectifs  .
On se souvient à cet égard que c’est  dans un pays du Maghreb , en Tunisie  ,  où ce dédain avait   atteint son paroxysme,   que nous ayons enregistré  la  fameuse gifle    donnée  par un agent de l’Etat au jeune    Mohamed  Bouazizi  .

                 Mais  comme à chaque fois  que le Rubicon est  franchi ,   c’est ce     geste ,    qui   a fait  ,  le 17 décembre 2010 ,  déborder    le vase de la  colère des  peuples de la sous région. Cette colère  qui a   fait fuir nuitamment   Ben Aly  de  Tunisie  , abdiquer Moubarak en Egypte quelques semaines plus tard , chasser Aly Abdellah Salah du pouvoir au Yemen  après avoir   mis   fin dans les conditions atroces  que tout le monde a vues  à 42 ans de règne despotique et aberrant    de Mouammar   Kadhafi en Libye  . Et alors qu’au   Bahrein les stigmates   des échauffourées  de janvier 2011 ne semblent pas totalement effacées  , les affres de la guère  civile sont en passe de réduire l’Irak ,  la Syrie ,  le Yemen  et à nouveau  la Libye  en cendres ,  sous l’effet conjugué des bombardements des armées régulières , des mouvements armés de l’opposition  et , plus récemment , de DAECH et des coalitions internationale et régionale .

               Chez nous ,en son temps ,  de  nombreuses voix se sont  élevées depuis l’aube de ces révoltes   pour   suggérer  et  souhaiter    à travers un dialogue inclusif qui  n’ a jamais pu se tenir ,   la prise de mesures de nature à nous épargner   les épreuves endurées par les pays où le cyclone avait déjà frappé  . Aujourd’hui encore et  n’en déplaise aux laudateurs de tous poils , même si  les  prémices de cette révolte    ont été jusqu’ici  étouffées dans l’œuf par toutes sortes de subterfuges et par notre lâcheté collective  , tous  ses  ingrédients    sont  plus que jamais réunis sinon  davantage exacerbés parla juxtaposition de nouveaux facteurs de désordre qui   risquent , si l’on n’y prenait  garde ,   de devenir   de plus en plus incontrôlables  ; dangereuse montée des particularismes  identitaires et  ethniques , paupérisation galopante , paralysie par les  grèves de grandes entreprisses comme la SNIM ,  cherté du coût   de la vie ,  ,  népotisme  ,  insécurité , etc, le tout sur un fond de gestion patrimoniale de plus en plus insupportable. 

         Et puisqu’on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets  , notre système politique actuel ,  archétype  du  modèle de gouvernance despotique  , ne devrait plus perdre de temps pour favoriser  les évolutions  nécessaires à la mise du pays  à l’abri des turbulences  qui ont déjà emporté nombre de régimes similaires et durablement compromis le développement de ces Etats  
         
           On peut , hélas   déplorer que jusque là ,  celui qui nous gouverne sans partage ,  installé dans ses certitudes et  insensible à toutes les  sirènes du  changement , préfère  camper sur ses positions .Celles ci ,  fondées sur le mépris érigé en système de gouvernance   , ont    pu , jusque là compter sur   l’esprit stoïque de nos compatriotes et leur  répugnance quasi religieuse à s’opposer  à l’autorité établie. D’autant plus que  , le cas échéant ,  nos  foughahas officiels   et autres érudits de la Mauritanie nouvelle  ,    sont   toujours là pour  culpabiliser toute contestation  de nature à déplaire au  prince  du moment .    

       A la décharge de l’actuel  chef de l’Etat qui l’avait même plus ou moins stigmatisé dans l’une de se premières déclarations publiques ,cet  esprit de soumission   aura , en réalité  bénéficié à tous ceux  qui l’ont précédé  à la tête de notre pays et   qui en  ont usé ou abusé à des degrés divers  , selon le tempérament et le style  de chacun   .

           Mais depuis  quelques années  , et comme pour compléter le tableau  , les  deux nouveaux  fléaux de l’opportunisme et de la cupidité  sur fond de  tribalisme , dont les récentes visites présidentielles dans nos deux  Hodhs ont étalé au grand jour des  images aussi rétrogrades que complaisantes  ,   sont venus se greffer  sur  cet état d’esprit   déjà obséquieux   pour    parfaire   le     terreau   sur lequel prospère ce type  de gouvernance despotique  .Ce sont    désormais    ,  ces  deux   leviers   que nos   pouvoirs manient  avec une remarquable  dextérité  non seulement    pour s’attacher les services  et fidéliser      les  notabilités traditionnelles  pourvoyeuses d’électeurs  ,    mais aussi et surtout pour prendre et maintenir  en otages un grand nombre de nos   cadres supérieurs et de note  élite politique dont les notions de l’honneur et de la  dignité sont désormais  les cadets des soucis  et qui sont   de plus en plus  convaincus qu’ils gagnent davantage  à faire la cour   qu’à servir    eur pays   
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             Désormais plus aucune valeur , plus aucun scrupule  ne peut résister à ce sport national, à  cette attraction , ce  besoin d’être ou de se maintenir   dans les bonnes grâces du système. D’ailleurs , sur  ce registre de la flagornerie  ,   nos élites et nos notabilités ont su innover ces dernières années. Désormais ,  quad on les gifle sur la joue gauche elles en demandent encore et encore  sur  celle de droite .Même après avoir   subi les pires humiliations  du régime , des  cadres de haut rang  ont continué  de plus belle à afficher  leur indéfectible  loyalisme et  à  courber l’échine dans l’espoir  de reprendre du  service ou , à tout le moins ,  de prouver   qu’ils demeurent de fidèles obligés . Pire , ces  fléaux   n’auront même  pas épargné notre jeunesse    que les services du système n’ont  de cesse de    noyauter   et d’ embrigader dans des pseudo structures politiques   spécifiques  et plus ou moins  antagoniques  pour la distraire et surtout l’ éloigner  du champ de la contestation où  , en Tunisie , en Egypte et ailleurs  ses  homologues ont été   les moteurs du changement pacifique . Il est loin le temps où nos jeunes des années 70 , toutes tendances ethniques et  idéologiques confondues , y compris les fils  et autres neveux de nos ministres et  hauts fonctionnaires étaient à l’avant-garde de la contestation et des revendications légitimes de notre société .

           Rassurés par cette mentalité  courtisane   , savamment entretenue ,  la  tendance despotique et le mépris  de nos gouvernants  sont  allés  crescendo ,  au fur et à mesure  que les peuples ,  autour de nous  ,  se sont mis à  réclamer plus d’état de droit et de liberté , de démocratie et de justice . 

          Dans la Mauritanie Nouvelle  , née en Aout 2008 pour ses  tenants ,  le style  suffisant et dédaigneux    affiché par  notre actuel Chef d’Etat ,   n’en   trahit pas moins , y compris lors de sa dernière conférence de presse qui a failli tourner en fiasco ,   la  réalité  de son rapport  à   ce pays et à ses habitants qu’il n’a pas été préparé ni  eu l’occasion de  connaitre suffisamment avant d’avoir à présider à leurs destinées . Or,  de même qu’on ne peut pas aimer ce que l’on ne connait pas ,  il est impossible  , avec les meilleures intentions ,   de faire le bonheur d’un peuple ou de  construire un pays avec lesquels on n’a aucun atome crochu  .  Et de  s’être , dès son avènement  ,  affublé du  surnom artificiel  de Président des pauvres ,  ne saurait suffire pour    combler ce déficit .
Au contraire ,  aujourd’hui      , pendant que de larges couches de  nos populations   sont en train de croupir    sous le poids de la misère ,  on voit ,    surgies   des sables ,  des fortunes colossales pousser  comme des champignons .Certains de ces     propriétaires écrans , illustres inconnus  au bataillon des hommes d’affaires il y’a sept   ans et particulièrement  proches de notre Président  sont en effet  devenus milliardaires du jour au lendemain .
    



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           Cette boulimie au sommet ,  sans précédent  dans l’histoire de notre pays et cette    débauche de richesses spontanées  constituent un affront et   une arrogante  insulte au  dénuement et à l’intelligence de nos  populations  qui doivent apparemment   se suffire , pour les plus chanceuses,  de  l’ attribution   de dizaines de milliers de lopins  de sables , sur les périphéries inhospitalières  de  la ville de   Nouakchott. Une  inflation foncière qui   occupe une place privilégiée dans le bilan des réalisations de notre gouvernement dont jusqu’à une date récente , aucun ministre  ne ratait  l’occasion de la  ressasser  Mais  quand on sait que le problème le plus  grave et le plus insoluble de  la ville  Nouakchott est aujourd’hui  celui des voierie et réseaux divers ( VRD  ) , en  particulier l’absence totale d’un réseau d’assainissement  ,  on peut apprécier à sa juste valeur la multiplication par trois de   la superficie  de notre capitale.         Loin de résoudre le problème  de la précarité du logement des habitants  de Nouakchott  ,  cette opération d’essence éminemment  démagogique   , irréfléchie et irresponsable ,  qui participe par ailleurs au dépeuplement de  nos villes de l’intérieur et qui aura été l’occasion de s’attribuer et aux siens de nombreux domaines  , va surtout   amplifier  la paupérisation  de nos concitoyens   et , pour l’Etat ,  engendrer des besoins exponentiels en  financements de VRD et autres équipements collectifs (écoles , hôpitaux  , marchés , etc. )
                   
          Bientôt sept ans    après son  coup d’état contre le Président le plus démocratiquement élu de l’histoire de notre pays , putsch  dont on se souvient qu’ il a  eu  l’habileté de faire  partager la responsabilité morale et politique avec, plus que ses acolytes  de la majorité actuelle , d’autres  responsables de l’opposition et de la société civile  ,  ce Président a  jusqu’ici raté  l’occasion  de devenir celui  de tous les mauritaniens . Il ne peut ni ne veut  visiblement commercer qu’avec   ceux qui l’applaudissent , tant qu’ils l’applaudissent. Les autres n’ont droit qu’à un peu plus de mépris  et d’exclusion de sa part .

         Par ailleurs ,  témoin  privilégié pendant plus de vingt ans du laxisme  du régime à l’ombre duquel  il a  grandi  , et dont  il a fait de  la   stigmatisation le puissant leitmotiv de son discours électoral de 2009 ,   il n’en réunit pas moins  aujourd’hui  , autour de sa personne et d’une petite poignée de  proches  et alliés d’affaires ,   le seul  consensus de notre opinion nationale : celui de la   gestion la plus solitaire , la plus opaque et la   plus outrancièrement patrimoniale que le pays ait jamais connue .

          Face à cette situation  et plus qu’à n’importe quel autre moment de notre  histoire ,    beaucoup de mauritaniens  éprouvent  un  sentiment  de  gêne  ,      voire de honte à regarder ,  impuissants ,  leur pays  aller à vau-l’eau ,   géré comme un domaine personnel  et son patrimoine économique ,  dans  la  diversité de ses ressources  , devenir   une propriété privée d’un homme  dont le  seul mérite   est d’avoir ,  au mépris de la constitution de son pays et du suffrage de ses concitoyens  , renversé par la force ,   un Président démocratiquement élu  dont le seul  crime   était d’avoir décidé de se passer de ses services .O combien maladroitement ,  il es vrai !
           
         Jusque quand  cette situation peut elle  perdurer ? Jusqu’où les mauritaniens seront-ils capables de supporter   , ce que les plus conscients d’entre eux  vivent  déjà comme un calvaire , un   hold-up  de leur pays ?
         
        Peut-on  encore espérer que par  miracle  ,  dans un   sursaut de lucidité peu fréquent dans les  cas d’espèce  ,  notre chef d’Etat actuel et ceux avec lesquels il partage quelque chose  puissent  réaliser   qu’aucun pouvoir ,  même s’il était   démocratiquement acquis  ne saurait constituer indéfiniment  un titre de propriété sur un  pays quelconque    ? .
S’est il suffisamment  donné le temps, notre Président ,  de réfléchir à ce qui est arrivé à Khaddafi et  à sa famille   en Libye , à Ben Ali en Tunisie , à Housni Moubarak et  à ses enfants en Égypte , à Aly  Abdella Saleh au Yemen et aujourd’hui à Bechar El Essed en Syrie  , entre autres despotes ?
Saura-t- il cette fois ,  à travers le dialogue dont il vient   de suggérer  la tenue et même si  sa dernière conférence de presse ne laisse rien  présager  dans ce sens  ,  se donner et au pays ,  la chance de sortir du bourbier où il l’a plongé sous les applaudissements de larges pans de politiciens et notables véreux  ou, au contraire  , croit il pouvoir  continuer indéfiniment à  surfer   sur les    contradictions et autres   atermoiements d’une opposition qui peine à se rassembler pour peser de tout son poids  ? C’est sans doute  possible mais pas indéfiniment.
 





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