pour Le Calame
Vingt ans, pour la Mauritanie, c’est bientôt la durée-type. Le père fondateur, vingt-et-un ans et deux mois : Mai 1957 à Juillet 1978… l’un de ses aides-de-camp, gentil et inconsistant, m’exposant dans l’antichambre du président Moktar Ould Daddah que celui-ci, pour le petit déjeuner, veut un bol ou une tasse de lait tiède. Pour l’aide-de-camp, préposé à ces tâches de détail aussi, quand lui et le chef de l’Etat voyagent à l’étranger, quelle difficulté pour obtenir ce lait et cette température ! Débuts de l’héroisme ou de l’adaptabilité ? non, car le lieutenant a été solide au feu de l’attentat de Néma, en Mars 1962. Le même – Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, devenu colonel, président du comité militaire, président de la République, trois fois élu et tout autant contesté – vingt-et-un ans moins quatre mois : Décembre 1984 à Août 2005. Le Calame, pile vingt ans.
Pour les Mauritaniens – sans doute, la référence hebodmadaire d’une réflexion suivie dans la même forme éditoriale, avec une qualité de plume exceptionnelle, du fondateur à l’actuel directeur (dût la modestie de celui-ci en souffrir..) et ne ménageant ni le pouvoir en place ni les oppositions – l’hebdomadaire certainement faut honneur à leur esprit national et à leur indépendance de jugement. Car il est donc possible dans des conditions pratiques et politiques, auxquelles ne survivraient aucun des journaux ou périodiques européens, d’analyser une actualité et des personnalités d’une façon telle que les contenus, relus deux décennies après, non seulement n’ont pas vieilli dans leur fond, puisque les régimes de force continuent de caractériser le pays, mais restent autant ouverts à l’avenir. Démonstration s’il en est que cette indépendance d’esprit est un des traits permanents de l’intelligence mauritanienne. Au moins en France, cela se retrouverait difficilement d’autant que l’instabilité de statut et de direction caractérise au contraire et tristement la presse française.
Vingt ans donc, mais pour celui qui raccompagnant Moktar Ould Daddah et Mariem de leur exil de vingt-trois ans… revient en Mauritanie près de trente ans après son dernier séjour, Le Calame s’est imposé dans toute la revue de presse qu’il s’était fait constituer pour percevoir l’écho de ce retour. La note juste, l’information générale et factuelle, tout y fut cette semaine-là. Les médias nationaux montraient l’homme fort du moment, en fuite apparente au Tagant, pour n’avoir aucun accueil à présider de l’aéroport à une villa modeste que l’Etat avait accaparé pour y loger le plus éphémère des présidents du comité militaire. C’est la jeunesse, qui nonobstant un match très suivi avec le Sénégal, ovationna le revenant. C’est quasiment tout le monde des plus anciens collaborateurs à plusieurs des chefs putschistes qui défila chez l’illustre. L’émotion imposait un quasi-silence. Première rencontre pour Bertrand Fessard de Foucault avec Le Calame, numéro évidemment conservé : 17 Juillet 2001.
Pour le cinquantenaire de la formation du premier gouvernement mauritanien – celui qui inaugura les institutions de la Loi-Cadre – le journal accueille une nouvelle signature. Ce seront des chroniques anniversaires. La série commence par l’analyse de la situation du pays le 20 Mai 1957, numéro presque de même date mais pour l’année 2007. Ould Kaïge pour le président Moktar Ould Daddah et son entourage de l’époque, rencontre les Mauritaniens et leur propose de concourir à leur mémoire nationale : je dois cette union d’intelligence et plus seulement de cœur avec mes compatriotes d’adoption à Ahmed Ould Cheikh , justement né à la date de ma première venue en Mauritanie : Février 1965, comme coopérant chargé d’enseigner au Centre de formation administrative, à Nouakchott, future Ecole nationale d‘administration mauritanienne. Deux futurs officiers pustchistes dans mes classes. Plutôt bons, d’ailleurs. Et mon directeur, celui du journal, justement né à Méderdra qui sera mon premier contact avec la brousse, avec la réalité de l’intérieur du pays, en compagnie d’un de mes élèves qui eût pu être mon père et m’hébergea au campement émiral.
Le Calame publiait juste mon analyse personnelle du premier coup militaire, pour le quarantième anniversaire du forfait, quand se commît le dernier en date, celui du 6 Août 2008. Tournant pour le polémiste que j’avais été en France contre Georges Pompidou, puis Valéry Giscard d’Estaing mais pour François Mitterrand, par fidélité à de Gaulle, démissionnaire à mes vingt-cinq ans… Ahmed Ould Cheikh prit – c’était un risque – la décision d’accueillir mes papiers critiques contre le nouveau cours. Il continue encore. Il avait publié au deuxième anniversaire de cet entretien, les propos que j’avais recueillis pour mon information personelle de Sidi Mohamed Ould heikh Abdallahi, dont – en Avril 2006 – personne n’aurait supposé qu’il serait un an plus tard le premier président de la République à être élu aussi démocratiquement qu’il est possible sous n’importe quels cieux, notamment en Europe et en Amérique du nord. De même, une certaine mémoire, sinon la justification des deux premiers putschistes : les colonels Mustapha Ould Mohamed Saleck et Mohamed Khouna Ould Haïdalla, ont trouvé place dans les colonnes du Calame. Tout naturellement, le bilan de la tentative démocratique ne pouvait que paraître dans Le Calame. Enfin, tel livre à signaler pour sa flagornerie et ses erreurs ou tel autre à montrer en modèle de ce dont tout homme de pouvoir en Mauritanie devrait s’acquitter pour être réellement homme d’Etat, perdent ou trouvent carrière dans ces colonnes.
L’hebdomadaire dont je m’enorgueillis d’être l’un des collaborateurs, a donc la souplesse et l’ambition, toutes deux vérifiées à chaque numéro de mettre l’actualité à la disposition de tout lecteur souhaitant réfléchir en analyse et en synthèse, et aussi de produire des matériaux pour l’histoire.
C‘est rare, c’est à saluer. Longue vie… s’il plaît à Dieu et aux lecteurs. Quant au pouvoir, démocratique ou autoritaire, peu importe… chacun à sa place, le pouvoir et le journal, le premier gagne à la critique du second, puisqu’en vingt ans – si je suis bien informé – l’homme fort, quelqu’il soit, a toujours eu l’intelligence de ne pas l’interdire ou le censurer. Parfois, cependant… ou simplement…, le papier ou quelque signature pour l’obtenir … manque comme par hasard.
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