pour le Calame
L’homme d’une âme
La silhouette
jamais empesée, le visage émacié plus en saillants et en angles aigüs qu’en une
moindre courbe, le regard acéré mais pas impérieux, Mohamed Ould Cheikh
était d’abord le Mauritanien de tente, de moyen nomadisme et tout logiquement
pour la plus longue partie de son existence – celle où le pouvoir politique
l’avait quitté à qui il ne réclama jamais la plus minime partyie d’un dû qui
était immense – il fut un homme de prière. Longtemps, il avait été un homme de
réflexion, surtout quand de 1958 à 1966 il fut une personnalité politique de
premier plan, quoiqu’insaisissable pour l’observateur, pour ses compatriotes,
pour l’étranger. Affable, précis, bon vivant s’il le fallait, sobre de
vocabulaire et de mœurs, Mohamed
Ould Cheikh me paraît – encore aujourd’hui mais pas plus
qu’au début des années 1960 – le type d’homme d’Etat que sait produire la
Mauritanie et dont elle a besoin. Il me semble selon les échos reçus ces
jours-ci que la conscience nationale mauritanienne sait parfaitement la place –
plus que considérable – qu’a occupée dans l’histoire au jour le jour, dans la
construction nationale que voulut Moktar Ould Daddah, et qu’occupera dans l’histoire
exhaustive et encore à documenter, Mohamed Ould Cheikh. Lignée frères, fils,
filles qui donne aussi au pays autant de personnalités, le structurant à ses
époques tournantes : Yedali Ould
Cheikh, Abdallahi Ould Cheikh, Abdel Wedoud Ould Cheikh…
qu’ils veuillent bien ici, recevoir parmi des milliers d’autres, les condoléances
et l’expression d’admiration et de communion dans la prière et la nostalgie,
celle d’un compatriote d’adoption. Affectionné.
Evoquer Mohamed Ould Cheikh,
lui rester reconnaissant et fidèle, c’est d’abord dire, parfois dans le détail
des équipes et des faits, les dix premières années de la période moderne pour
un « ancien et noble pays », selon le général de Gaulle. C’est aussi
s’interroger, avec des points de suspension, sur ce qu’eût pu être pour la
Mauritanie actuelle, une participation continue d’un jeune homme d’Etat,
exceptionnellement sensitif de l’âme nationale. Son retrait volontaire est sans
doute la manifestation la plus réfléchie de l’amour réaliste, lucide et
exigeant qu’il avait pour la Mauritanie, sans doute aussi la considération éclairée,
précise dans laquelle il tenait la société de ses compatriotes.
Décisivement, Mohamed Ould Cheikh est
l’homme de la défense nationale, confiée à un type d’hommes, non politisés,
tout dévoué au développement et à la sécurité d’un pays en gestation,
revendiqué et à l’identité encore incertaine pour beaucoup des siens. Mohamed Ould Cheikh,
secrétaire général de la Défense de 1961 à 1965 [1],
concrètement ministre délégué par le président de la République pour tenir l’un
des portefeuilles fondamentaux de l’Etat en commencement, est celui par qui les
forces armées ne causent aucun souci au pouvoir politique. C’est lui qui reçoit
les éléments transférés de l’armée coloniale à la République Islamique
de Mauritanie, c’est lui qui les forme, les met en place. Il partage avec Ahmed
Bazeid Ould Ahmed
Miske, directeur de la sûreté, qui lui succèdera en Février 1966 pour dix-huit
mois, comme ministre de la Défense, les responsabilités sécuritaires et
anti-terroristes. C’est lui qui préside les formations successives de la Cour
criminelle spéciale juge des attentats de 1961 et de 1962 quand du Mali,
commandités ou non par le Maroc ou seulement par l’ancien député du Territoire
à l’Assemblée nationale métropolitaine, Horma Ould Babana, des tueurs se
répandent à Atar, à Nouakchott, à Néma. Il convainc le président de la
République de ne pas faire grâce. Dans ces deux rôles, il incarne – presque
plus que Moktar Ould Daddah
– l’instrument étatique. Un outil, reçu des Français : « le projet
d’Etat » ainsi Moktar Ould
Daddah voyait-il la Mauritanie dans les dernières années de
la période d’administraiton étrangère.
Mohamed Ould Cheikh,
en équipe avec Ahmed Bazeid Ould
Ahmed Miske et avec une même fidélité à l’homme quand leurs
propres carrières tourneront, est au cabinet du jeune vice-président du Conseil
de gouvernement. Très vite pris, tous deux, en grippe par le Gouverneur
français du Territoire, auquel Moktar Ould Daddah doit fréquemment rappeler l’esprit des
nouvelles institutions, celles de la Loi-Cadre, voulue par Gaston Defferre en
Juin 1956. C’est en réalité l’Association de la Jeunesse de Mauritanie (A.J.M.)
[2] qui
constitue les éléments nationaux des nouveaux cabinets ministériels. Mohamed Ould Cheikh,
Ahmed Baba Miske,
son frère Ahmed
Bazeid alternent ou siègent ensemble dans le bureau exécutif de cette
organisation contestataire du parti dominant devenu la matrice du premier
gouvernement mauritanien.. Il est donc d’abord politique, formation encore plus
d’autodidacte, de penseur indépendant qu’instituteur rétribué et organisé par
l’administration. Et parce qu’il est politique – et que son objectif n’est pas
telle orientation nationale ou telle forme de gouvernement ou tel type de
relation avec l’extérieur – il ne demeure pas à l’A.J.M. dont il n’a été
secrétaire général, non fondateur, que six mois – avant de partir dans le
commandement territorial à l’intérieur du pays : il est de la première
promotion, en Janvier 1958, des adjoints mauritaniens [3] aux
commandants de cercle, administrateurs de la France d’Outre-mer – et ne fait pas non plus partie du système issu,
au congrès d’Aleg en Mai 1958, de la fusion des deux partis qui se sont opposés
pendant toute la dernière période coloniale, celle des élections locales ou
métropolitaines depuis 1945. Contrairement à Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske, co-créateur et animateur principalde la Nahda, indépendantiste et
d’opposition. Est-ce sur la demande de Moktar Ould Daddah ? Il est en
revanche décisif pour préorganiser le parti unique, dont la « table
ronde » des formations existant au moment de l’indépendance, décide le
principe à sa seconde réunion mais il n’en devient l’animateur principal [4] que
lorsque l’orientation en est certaine, d’autant qu’il n’est membre d’aucune des
quatre formations.
Le Congrès de
l’Unité ne l’est que de façade, il y a tout à organiser et surtout il y a à
régler les questions que la Mauritanie pour la première fois réunie en une
sorte d’assemblée générale et en ambiance démocratique, s’est aussitôt
découverte : les expressions en sont peu compatibles. Mohamed Ould Cheikh
est avec Ahmed Baba Ould
Ahmed Miske l’un des deux fondateurs du Parti du Peuple première version.
Bureaux politiques nationaux successifs, tels qu’élu en Décembre 1961, puis
profondément renouvelé en Mars 1963 sans souci de cohérence avec les objectifs
initiaux du Parti, et finalement restreint en opérationnel en Janvier 1964 [5] iset
commissions ad hoc diverses sont animés par eux [6] .
Différents l’un de l’autre au possible, le premier reste l’homme lige du jeune
président de la République dont il est – de fait – le ministre de la Défense et
des Forces armées, encore embryonnaires, tandis que le second est l’agitateur,
le propagandiste, le faiseur d’idées et d’idéologie qu’il sera toujours et est
encore… intelligence du secret et intelligence de l’exubérance. Ils tirent dans
le même sens depuis le printemps de 1961, mais ne font pas partie du
gouvernement. Ahmed Baba n’est
que directeur de l’Information et Mohamed Ould Cheikh
traite en tête-à-tête avec Moktar Ould Daddah les questions de défense.
A la mise en
minorité au B.P.N. du secrétaire général du Parti, Moktar Ould Daddah, en butte aux
députés refusant que cesse l’autonoie financière de « leur »
Assemblée, c’est Ahmed
Baba qui organise le voyage d’études en Guinée, matrice en
Octobre-Novembre 1963 des propositions de refonte du Parti du Peuple en
conférence des cadres, puis concrèes extraordinaire réuni à Kaédi en Janvier
1964. Ce qui lui vaut – paraadoxalement – de quitter les instances supérieures
de la politique intérieure mais d’animer supérieurement l’émergence de la
Mauritanie aux Nations Unies. La suite ultime sera analogue pour Mohamed Ould Cheikh,
quoique beaucoup plus spectaculaire. A la suite de la constitutionnalisation du
Parti unique de l’Etat et du renouvellement l’Assemblée nationale un
gouvernement – d’une exceptionnelle qualité relativement à tous ceux qui se
sont succédés depuis l’indépendance – est formé par Moktar Ould Daddah. La
Chine populaire est reconnue par une Mauritanie qui quitte le système politique
de l’Afrique d’expression française
[7].
Pour la première fois, le Chef de l’Etat abandonne tout portefeuille et ceux de
la Défense qu’il n’avait que dékégué en secrétariat général et celui des
Affaires Etrangères confié puis repris,
sont tous deux donnés à Mohamed
Ould Cheikh,
qui les cumule, comme les avait donc cumulés Moktar Ould Daddah. Il semble
alors, sinon l’héritier déjà d’un fondateur qui n’est pas encore père [8], au
moins le numéro deux. L’ambassadeur de France analyse alors le personnel
politique mauritanien comme désormais formé par les « jeunes turcs »
de 1957-1958 : A.J.M. et Nahda : Mohamed Ould Cheikh
dirigeant armée et diplomatie à Nouakchott, Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske mettant en œuvre le dessein saharien aux Nations Unies et la future
admission de la Chine populaire. Quand surviennent, en conséquence d’une loi
scolaire commençant d’arabiser l’enseignement secondaire, le manifeste des
Dix-Neuf, puis les premières échauffourées de Janvier 1966, l’homme fort est
donc Mohamed Ould
Cheikh à qui – dans un dialogue resté secret (sauf avancée
dans le dépouillement des archives diplomatiques françaises de l’époque) –
Jean-François Deniau propose l’emploi des troupes de l’ancienne métropole,
encore stationnées à Dakar mais que Moktar Ould Daddah a fait se retirer
de leur base d’Atar. Assistant aux premières manœuvres de la jeune armée
mauritanienne, autour d’Aleg, Mohamed Ould Cheikh est rappelé à Nouakchott, puis
fait la navette [9]. Il préconise le 12, la
réunion d’une commission mixte chargée d’étudier les problèmes fondamentaux de
la coexistence des deux communautés, ce qui met fin à la grève des
fonctionnaires originaires de la Vallée du Fleuve. Et le 31, la suggestion est
mise en œuvre [10]Mohamed Ould Cheikh
passe alors pour comprendre et même défendre le point de vue et les
revendications de ceux-ci, pendantes et éludées depuis le Congrès de l’Unité.
Reprendre les travaux de commission de cette époque ?
L’équipe n’est
plus avec Ahmed Baba Ould
Ahmed Miske, peut-être encore son frère Ahmed Bazeid, au cabinet du président de la
République, elle est surtout avec le syndicaliste, enseignant d’histoire,
Elimane Mamadou Kane, ministre du Développement. Leur fait face Ahmed Ould Mohamed
Salah, de formation également d’instituteur, mais d’expérience gouvernementale
déjà aguerrie : entré dans le gouvernement formé à la suite de l’élection
présidentielle, pour tenir un portefeuille secondaire d’abord [11],
puis devenir ministre de l’Intérieur et de l’Information, avec l’intérim des
Finances en Juillet
1963, et en cumulant l’administration territoriale et la Justice un an plus
tard : le maître d’œuvre de l’interdiction des partis d’opposition malgré
les hésitations de la Cour suprême à l’été et à l’automne de 1964, puis de la
révision constitutionnelle de Janvier 1965, c’est Ahmed Ould Mohamed
Salah. Celui-ci n’est entré au Bureau Politique national qu’au second congrès,
en Mars 1963, et il y joue un rôle qui paraît alors mineur : assurer
l’implantation du Parti dans l’intérieur du pays, grâce aux initiatives du
personnel d’autorité de l’Etat. Il passe – lui – pour favorable aux points de
vue des Maures. Quand, après un report de quinze jours, vu l’agitation scolaire
et le trouble au Parlement, a lieu enfin le voyage officiel du président de la
République au Mali, c’est lui qui fait l’intérim à Nouakchott.
Tour à tour, ces semaines-là, les deux ministres non
seulement paraissent en rivalité mais peuvent être soupçonnés de préparer un
coup d’Etat : c’est la
rumeur. L’ambassadeur de France en a rendu compte dès
Novembre 1965 après que e chef d’état-major national, premier mauritanien à en
tenir les fonctions, lui en ait fait part : le commandant M’Bareck Ould
Bouna Moktar. Entre Jean-François Deniau et Mohamed Ould Cheikh,
la relation est d’une telle intimité et estime réciproques, qu’elle est notoire
à Nouakchott et dans l’ambiance de Janvier 1966 peut tout laisser supposer.
L’ambassadeur de France, contrairement à ses deux prédécesseurs, a une bien
moindre compréhension de la personnalité du président de la République :
il a d’ailleurs commencé sa mission au lendemain du voyage d’études guinéen du
secrétaire général d’un parti unique qui n’est évidemment pas sa propre
conception. Mais au début de Février, les positions changent. Mohamed Ould Cheikh
accompagne Moktar Ould Daddah
au Mali et Ahmed Ould
Mohamed Salah a les rênes libres en Mauritanie. Mustapha Ould Mohamed Saleck
fait l’intérim de M’Bareck. Quand l’avion présidentiel revient de Bamako, il
est conseillé au président de la République d’aller se poser à Dakar… Moktar Ould Daddah atterrit le 10,
Jean-François Deniau, doyen du corps diplomatique, a convoqué celui-ci,
escortant et peut-être protégeant le chef de l’Etat. Le dénouement [12] est
d’abord dans la rue et dans le milieu politique. Ni l’un ni l’autre des deux
ministres supposés rivaux n’y prend part. C’est le lieutenant Soueïdate, le
soldat d’élite, et le communiqué de total soutien à Moktar Ould Daddah que publie
l’U.T.M. qui font la
décision. Au ksar, le 15, le secrétaire général du Parti
président de la République donne une version des événements et en tire surtout
les conclusions : le racisme est mortel pour le pays. Ce à quoi n’avait
pas abouti son appel, le 10 Janvier précédent, des bases fondatrices de la
nation mauritanienne selon la proclamation de son indépendance le 28 Novembre
1960, est alors obtenu. Mais c’est surtout l’épilogue gouvernemental qui
subjugue l’ambassadeur de France et l’étranger, et fait gagner au pays le temps
de reprendre souffle. Le 21 Février, le Chef de l’Etat reçoit ensemble (ce qui
est contraire à son habitude) cinq de ses ministres à qui il fait connaître sa
décision de les libérer de leurs fonctions. Il forme un nouveau Gouvernement
dont ne font plus partie ni Mohamed Ould Cheikh, responsable de la Défense
depuis 1961, ni Ahmed
Ould Mohamed Salah, membre du Gouvernement depuis 1961 et
chargé de l’Intérieur depuis 1962. Aux Affaires Etrangères, honnête mais pâle, Maloum
Ould Braham, et à la Défense, Ahmed Bazeid Ould Ahmed Miske coéquipier
de toujours, succèdent à Mohamed Ould Cheikh. A Ahmed Ould Mohamed
Salah, succède un fidèle absolu de Moktar Ould Daddah : Mohamed Lemine Ould
Hamoni, premier président mauritanien de la Cour suprême devient ministre de la
Justice et de l’Intérieur. Aux ministres remerciés, le Chef de l’Etat a donné
le choix de servir à Nouakchott ou dans l’administration tererirotiale, cela
vaut aussi pour Mamadou Samboly Ba, compagnon de la première heure et président
de l’Assemblée nationale : Ahmed Ould Mohamed Salah reste à Nouakchott, il est
inspecteur des affaires administratives et va préparer le congrès du Parti qui,
à Aioun-el-Atrouss, définira les options linguistiques transitoires pour le
pays. Mohamed Ould
Cheikh st nommé à Aleg, Bamba Ould Yezid au Hodh occidental
et l’ancien ministre et grand parlementaire chef de subdivision à Chinguetti.
Epilogues… tandis qu’en Avril, Sidi El Moktar N’Diaye et
Souleymane Ould Cheikh
Sidiya, chacun compétiteur putatif ou avoué de Moktar Ould Daddah, sont réintégrés
dans le Parti alors que leurs tentatives de créer des partis d’opposition, à la
suite du Congrès de Kaédi avait déterminé la constitutionnalisation de
l’exclusivité politique du Parti du Peuple, Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske publie à Washington sa décision de démissionner de toutes fonctions
diplomatiques [13]. Une arrestation pour
prévarication suivra un an après pour cet autre fondateur du Parti du Peuple , et
Mohamed Ould Cheikh,
s’étant écarté volontairement de toute responsabilité politique, tandis qu’Ahmed Ould Mohamed
Salah, chargé de la permanence du Parti puis de nouveau ministre, restera au
pouvoir jusqu’au coup militaire faisant change d’ère politique la Mauritanie [14]. Revenu
à Nouakchott et nommé petitement directeur des Transports, en Août 1966, Mohamed Ould Cheikh prendra
le parti d’Ahmed Baba avec
cinq autres hauts fonctionnaires [15] pour
être suspendu, puis amnistié avec beaucoup d’autres et banalement [16] :
le premier coéquipier de la fondation mauritanienne est devenu de « droit
commun », et en 1975 à la suite d’une publication signée mais guère écrite
par lui, d’inspiration marxisante, il est révoqué et privé de pension. Ses
demandes de l’audience présidentielle sont interceptées, n’aboutissent pas,
elles n’étaient pas des supplications. Vivant de la solidarité familiale, Mohamed Ould Cheikh
va alors vivre quarante ans de silence. Dans la foule qui fait liesse pour le
retour de Moktar Ould Daddah
à Boutilimit en Décembre 2001, un quasi-anonyme : à celui et au pays qui
lui doivent une part décisive de la construction nationale, il dit simplement
« ne m’oubliez pas ». Peu avant le 15 Octobre 2003, le père fondateur
qui en fut marqué, me le rappelait. Et maintenant, le 17 Juillet 2013, vient de
les réunir dans la miséricorde divine, la reconnaissance mauritanienne et
l’estime aussi instinctive que fondée de n’importe qui, depuis longtemps,
maintenant et dans l’avenir, veut comprendre et évaluer un pays décisif.
Exemplaire aussi des débats possibles et des débats éludés. Le civisme, le
désintéressement personnels autant que le civisme de tout dirigeant et les mutuelles
considérations entre origines sociales, ethniques, entre cultures, savoirs
traditionels et acquisitions unibversitaires ou scolaires. Mohamed Ould Cheikh,
implacable pour les ennemis de l’Etat, savait comprendre tous les points de
vue, affronter toutes les vérités. Il n’a donné sa mesure qu’en trop peu de
domaines et bien trop peu de temps. Sa fidélité aux valeurs fondatrices de la
Mauritanie contemporaine et à celui qui les incarna l’empêcha de cautionner qui
ou que ce soit ensuite. Ni après le 10 Juillet 1978 alors que tant de
collaborateurs du régime renversé puis peu à peu travesti dans la mémoire
collective, reprirent immédiatement ou ensuite du service, ni pendant les douze
ans suivant son éloignement de Moktar Ould Daddah, soutenant les personnes mais jamais une
opposition en tant que telle [17]. Ni
en 1967, ni en 2003 ou en 2005, je ne l’entendis se plaindre. Jamais. Ni non plus dénigrer aucun de ses adversaires ou
successeurs. Il n’était pas l’homme des portraits d’autrui, mais celui qui
savait caractériser les problèmes, les obstacles et analyser les paramètres du
moment autant que ceux du long terme. Souverain, tranquille, réflexif, la
hauteur de l’intelligence ? bien davantage, l’âme d’une entreprise, celle
d’une nation.
L’histoire putative est impossible à écrire. Mais la
disparition d’une personnalité telle que celle de Mohamed Ould Cheikh
de la suite d’une histoire nationale qu’il avait tant contribué à faire
commencer, permet trois interrogations.
La relation entre les forces armées et les institutions
politiques, sans problème tandis qu’il fondait les premières et inspiraient en
bonne partie la première version des secondes, aurait-elle évolué autrement
s’il était resté chargé de la
Défense. L’intégration nominale des forces armées dans le
Parti unique de l’Etat et les nominations d’officiers supérieurs dans
l’administration territoriale puis dans le gouvernement n’a, en rien (très malheureusement),
empêché d’éclore l’esprit putschiste. La suite a même produit le contraire,
c’est l’Etat et le parti de gouvernement qui a été intégré dans la logique et
la hiérarchie militaire, et la légitimité nationale à raison d’un consensus et
d’un dessein évidents dans les vingt premières années de la Mauritanie
indépendante a été contrainte de laisser la place à un discours et surtout une
pratique faisant de l’armée la détentrice en dernier recours de la souveraineté
nationale. La Mauritanie politique subit cette logique depuis trente-cinq ans.
Ce n’est certainement pas ce que fondaient Mohamed Ould Cheikh
avec Moktar Ould Daddah.
Le parti unique selon Mohamed Ould Cheikh,
encore plus que Ahmed
Baba Ould Ahmed Miske, devait être un creuset d’élites et de
cadres, et non un parti de masses. Le débat avait été occulté au Congrès de
l’Unité par les débats que suscitèrent les revendications à fondements
ethniques, il reprit mais insuffisamment à Kaédi. Moktar Ould Daddah arbitra pour le
parti de masses, qu’il pratiqua surtout comme un élargissement constant aux
jeunes générations et aux oppositions, y compris en thèmes (la révision des
accords avec l’ancienne métropole, la nationalisation des mines de fer, la
charia) et même dans une composition si ouverte du Bureau politique national
qu’au coup de 1978 une bonne partie de celui-ci faisait partie des conjurés et
de ces civils sans l’inspiration et les encouragements desquels au moins
Mustapha Ould Mohamed
Saleck n’aurait pas sauté le pas, et sans celui-ci les
putschistes auraient manqué de cohésion. Ce qui n’est pas accessoire, tous ont
continué de rendre hommage au créateur de leurs unités : Mohamed Ould
Cheikh.
La dernière considération est la plus actuelle. Mohamed Ould Cheikh
était partisan de ne pas éluder la question ethnique ni donc celle des cultures
et des langues. Sans prôner un schéma précis ni a fortiori la fédération, et
pas du tout en opposition de fond avec Moktar Ould Daddah [18], Mohamed Ould Cheikh
voulait vider les abscès et mettre tout au net. C’est certainement ce que
continue de demander une partie du pays, et pas seulement les originaires de la
Vallée du Fleuve. Moktar Ould
Daddah, fondateur, donnait à la Mauritanie son souffle autant
que son identité : le souffle d’une vocation à unir les Afriques, une
identité arabe mais tolérante. Aucune des trajectoires institutionnelles et
thématiques n’était achevé en 1978. Elles auraient gagné à la contribution de
Mohamed Ould Cheikh.
Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaïge
[1] - le 27 Juin 1961, le Conseil des ministres approuve,
en même temps qu’un un projet de loi
relatif à l'élection du Président de la République, la création d'un
secrétariat général à la défense nationale. Le décret est pris le 30 et le
nouve organisme placé sous l'autorité du ministre chargé de la Défense en
l'occurrence Moktard Ould Daddah,
alorsPremier Ministre. Le 7 Juillet 1961, Mohamed Ould Cheikh,
est nommé secrétaire général de la Défense nationale, en même que Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah, commandant de
cercle de l'Assaba cumulativement avec le Hodh occidental et Mohamed Lemine Ould
Hamoni, commandant de cerclede l'Adrar cumulativement avec la Baie du Lévrier
[2] - le 24 Novembre 1955, création de l’Association de
la Jeunesse par des jeunes dissidents de l’U.P.M. en marge du Congrès de Rosso
: bureau provisoire chargé de préparer
un Congrès avec Yacoub Ould Boumediana, président et Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske, secrétaire général
Puis du 15 au 17 Juillet 1957, à Rosso encore se tient le 2° Congrès
ordinaire de l’Association de la Jeunesse de Mauritanie en présence de Dey Ould
Didi Baba,
membre d’honneur et représentant le Conseil de gouvernement :
renouvellement du Bureau (haut comité d’action) composé de Mohamed Ould Taki,
président - Kone Ali Bere, vice-président - Mohamed Ould Cheikh,
secrétaire général - Ahmed
Ould Mohamed brahim,
secrétaire général adjoint - Yarba
Ould Ely Beiba, secrétaire général adjoint - Mohamed Ould
Bah, trésorier général - Yahya Ould Abdi, commissaire aux comptes &
création d’une commission de presse composée de Gaye Silly Soumare, directeur
de publication - Ahmed Bazeid Ould
Ahmed Miske, rédacteur français - Ahmed Ould Abdallah,
rédacteur arabe
Enfin, les 25 et 26 Décembre 1957 à Rosso toujours, un congrès extraordinaire de l’Association de
la Jeunesse de Mauritanie (en présence de Fall Ould Oumeir émir du Trarza, de Cheikhna Ould Mohamed
Laghdaf et de Bouyagui Ould Abidine) rejette toute idée de fusion avec tout
parti politique et renouvelle le bureau : Mohamed Ould Taki réélu président
- Abdallahi Ould Cheikh
secrétaire général (remplacé en Janvier par Ahmed Bazeid Ould Ahmed Miske) - Mohamed
Ould Babah trésorier général - Seck Momar commissaire aux comptes - Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske directeur du journal - Ahmed Ould Abdillah rédacteur arabe - Bamba Ould
Yezid rédacteur français (remplacé en Janvier par hamadou Ould Zein)
[3] - le 14 Janvier 1958, le Conseil de gouvernement
nomme les adjoints mauritaniens aux commandants de cercle : Brakna : Mohamed Ould Cheikh
- Inchiri : Samory Ould Biya - Hodh : Sidi Ahmed Ould Mohamed
- Tagant : Nagi Ould Moustapha
- Assaba : Mohamed Saliou et
Mohamed Sidya - Sélibaby : Sy Ismaelia - M’Bout : Diaga Calibou
[4] - les 20-22
Mai 1961 : 1° réunion de la
"table ronde" des partis et tendances politiques, "réalisation rapide de l'unité politique
en Mauritanie" et "unité d'action entre les formations en
présence" – le bureau permanent du Comité d'union est composé d’Abdoul
Aziz Ba, Ahmed Baba Ould
Ahmed Miske et Dembele Tiecoura
du 2 au 4 Octobre
1961 :
5° réunion de la "table ronde" des partis et des tendances
politique. Il rsst décidé que le
congrès de l'unité aura lieu le 25 Décembre et que la représentation y sera
égale pour chaque formation qui enverra 80 délégués maximum ; il sera fait
appel à des personnalités indépendantes ; Mohamed Ould Cheikh, secrétaire permanent de la
Table ronde
[5] - * Bureau
politique national provisoire élu par le Congrès de l’Unité en vue d'un congrès prévu pour le 25 Mai 1962 : Moktar Ould Daddah, secrétaire général - Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske - Mohamed Ould
Cheikh - Souleymane ouls Cheikh Sidya - Bouyagui Ould Abidine
- Youssouf Koita - Hamoud Ould
Ahmedou - Bouna Ould Abeidallah - Mohamed Abdallahi Ould
El Hassen - Doudou Ba - Hadrami Ould Khattri - Sakho Abdoulaye
Sidi Ould
Abass - Ba Mamadou
Samba Boly - Haiba Ould Hamody - Ahmedou Ould el Hadj Habib - Salem Ould
Boubout -Touré Mamadou dit Racine - Mohameden Ould Babah - Yahya Ould Abdi -
Dey Ould Brahim
* 2 Avril 1963 : le premier Congrès ordinaire renouvelle le Bureau politique national ; les députés y ont
la majorité et le président de l'Assemblée nationale en fait partie - Moktar Ould Daddah, secrétaire
général - Souleymane Ould Cheikh Sidya - Hbib Ould Ahmed Saloum - Mohamed Ould Cheikh
- Yahya Ould Abdi - Youssouf Koita - Dah Ould Sidi haiba - Abdoul Aziz Ba - Cheikh Mohamed Lemine Ould
Sidi - Sidati Ould Moumouna - Cheikhna Ould Mohamed Laghdaf - Bouna Ould
Abeidallah - Samory Ould Biya - Sidi Mohamed Ould Abderrahmane - Moktar Ould Ahmed Ethmane - Cherif Ould Mohamed Mahmoud
- Haiba Ould Hamody - Ahmed
Baba Ould Ahmed Miske - - Ahmed Ould Mohamed
Salah -Yahya Kane - Doudou Ba
* à l’issue du Congrès extraordinaire de Kaédi, le 31
Janvier 1964, le Bureau Politique
National, réduit de 21 à 13 membres, est renouvelé : il ne comprend plus
que deux députés dont le Président de l’Assemblée – Me Moktar Ould Daddah, secrétaire
général - Ba Ould Ne - Mohamed
Ould Cheikh - Birane Mamadou Wane - Mohamed Salem Ould
M’Khaittirat - Sidi
Mohamed Diagana - Mamoudou Si dit Sy Seck - Samory Ould Biye
- Hbib Ould Mohamed
Saloum - Haiba Ould Hamody - Sidi Mohamed Ould
Abderrahmane - Yahya Ould Menkouss - Ahmed Ould Mohamed
Salah
[6] - le 1er
Janvier 1962, première réunion du Bureau
politique national (B.P.N.) : ses membres se répartissent en
cinq commissions * organisation et propagande, orientation : Mohamed Ould Cheikh
- * politique générale et relations extérieures : Bouyagui Ould Abidine - *
administration, information et documentation : Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske - * finances et affaires économiques : Mamadou Samba Boly Ba - * affaires
culturelles, sociales et jeunesse : Touré Mamadou dit Racine. Mais Mohamed Ould Cheikh
ne fait pas partie de la commission pour préparer le règlement intérieur : Ahmed Baba Ould Ahmed
Miske, Touré Racine, Bouyagui Ould Abidine, Abdoulaye Sakho
Le
15 , le Bureau politique national désigne une "commission chargée
d'étudier certains problèmes difficiles qui se sont posés au Congrès"
(l’officialisation de la langue arabe et les garanties demandées en échange de
la minorité) : Youssouf Koita, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, Touré Racine, Mohamed Ould Cheikh
Le 8 Février 1964, mêmes rôles de mise en application, à la suite du congrès vraiment fondateur,
celui de Kaédi : dès sa première réunion, le nouveau B.P.N. désigne ses
commissions : politique : Mohamed Ould Cheikh
(suppléant : Birane Mamadou Wane) - administrative : Ahmed Ould Mohamed
Salah (suppléant O/Menkouss) - économique, sociale et culturelle : Ba Ould Ne
(suppléant: Mamoudou Si) et décide de missions du B.P.N. pour étudier
l’emplacement des comités ruraux du Parti, et d’élaborer un programme de
formation civique et politique, enfin d’organiser un stage de formation des
« animateurs du parti »
[7] - le 26 Juillet 1965, le Président de la République
remanie le Gouvernement dans lequel entrent Mohamed Ould Cheikh,
secrétaire général à la Défense, et Elimane Kane, secrétaire général adjoint de
l’U.T.M.
Président de la République, Me
Moktar Ould Daddah
Affaires Etrangères & Défense Nationale Mohamed
Ould Cheikh
Garde des Sceaux, Justice &
Intérieur Ahmed Ould Mohamed
Salah
Finances, Plan & Fonction
publique Bamba
Ould Yezid
Développement Elimane
Mamadou Kane
Construction, Travaux publics
& Transports Yahya
Ould Menkouss
Education & Culture Baham
Ould Mohamed Laghdaf
Jeunesse, Information &
Téléc. Sidi Mohamed Ould
Abderrahmane
Santé, Travail & Affaires
sociales Sidi Mohamed Diagana
[8] - le premier né du
Président et de Mariem Daddah ne leur arrive qu’en Décembre 1066 et
l’expression de « père de la nation » n’apparaît qu’en Décembre 1975
[9] - du 9 au 11 janvier 1966, à Aleg, Mohamed Ould Cheikh
assiste aux premières manœuvres de l’armée mauritanienne tandis que le 11
reprend la grève des lycéens originaires de la Vallée du Fleuve - demande
préventive de renforts par les chefs de circonscription administratives -
« élargi » au groupe parlementaire et aux membres du Gouvernement, le
Bureau Politique National voit s’affronter les deux communautés au sujet des
sanctions à appliquer aux « 19 », le Président de la République pose
la question de confiance et rappelle le ministre de la Défense
[10] - le Bureau Politique National
« examine la situation politique dans son ensemble ainsi que les mesures à
prendre pour le renforcement du Parti » et désigne une Commission
nationale d’études chargée d’étudier tous les aspects des relations entre les
deux communautés : Abdallahi Ould Daddah, Abdoulaye Baro, Ahmed Bazeid Ould Ahmed Miske, Bakar Ould
Sidi Haiba, Bocar Alpha Ba, Gaye Silly Soumare, Mohameden Babbah, Hamdi Ould
Mouknass, Seck Mame Diack, Ibrahima Kane, sous la présidence du Chef de l’Etat
[11] - le 29 Septembre 1961,
sept semaines après son élection, le Président de la République forme un
nouveau gouvernement en se gardant les portefeuilles des Affaires
étrangères et de
1 commentaire:
Bonjour, et merci pour vos lumières sur ces événements. Est-ce normal que je n'arrive pas à lire les notes à partir de la n°12 ?
Cordialement,
CE
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