jeudi 16 juin 2011

journal de maintenant - jeudi 16 juin 2011



Jeudi 16 Juin 2011

Je fais le point de ce que je ressens sur son pays, au plus éminent de mes correspondants mauritaniens.

… quelques lignes, ce soir, sur ce que je ressens de votre pays, ayant depuis la mi-Janvier une note de synthèse du genre de celle que je commis à la veille de l'élection de 2009 (dont je ne pensais pas qu'il y faudrait des guillemets dès qu'elle aurait eu lieu ou aurait été perpétrée), note en suspens et à reprendre totalement.

Depuis le coup du 6 Août, imagination de la mise au tapis de MOAA par un contre-coup. Scenario courant encore tout 2009 et une partie de 2010 mais comme seule issue imaginable, alors même que le lien Ghazouani-MOAA semble indéfectible et que personne en sait rien - à ma connaissance - de ce que pensent les officiers supérieurs et de ce à quoi la troupe, sans doute sous payée et sous-équipée, sauf le BASEP, serait disposée à faire. Espérance de la pression internationale le premier semestre de 2009, puis nouvelle échéance en Juin 2010 avec la réunion des bailleurs de fonds à Bruxelles. Déception, tout le monde a coupé dans le discours de MOAA ou la "communauté internationale" - France et Etats-Unis notamment - juge MOAA le meilleur sécuritaire.

Arrive le "printemps arabe" (titre de Benoist-Méchin sur 1956 et Nasser, sinon le FLN - trilingue, spécialiste de l'Allemagne après 14-18, ministre du maréchal Pétain de Février 41 à Avril 42, la seule alternative stratégique française à celle incarnée par de Gaulle, condamné à mort à la Libération, se convertit à un autre centre d'intérêt, le monde arabe dont il devient le spécialiste avec la biographie d'Ibn Séoud - celle aussi de Mustapha Kémal - conseiller de Barre explicitement, inspirateur probable de Couve de Murville, déjà très initié par son ambassade au Caire de 1950 à 1954 (chute de Farouk, débuts de Nasser et du barrage d'Assouan). Suicide de daoud junior, mouvement du 25 Février : processus tunisien ou égyptien ? rien n'a pris. La place des Blocs rendue indisponible, le mouvement noyauté, pas vraiment la rue en ébullition (elle ne le fut qu'en solidarité avec le président renversé, entre Août 2008 et Mars 2009, elle l'était potentiellement encore en Juin 2009, et le sit-in occupation de l'Assemblée nationale au début de Mai 2009, s'il s'était installé dans la durée aurait eu des conséquences décisives... ce ne fut pas). Aujourd'hui, les palinodies des partis et des personnalités... en fait depuis le voyage de Kouchner en Juillet 2010, Ahmed et Messaoud se relayent pour la pantalonnade des conversations hors COD avec MOAA et l'ADIL avec Yahya est entré dans ce jeu. Ces "dialogues" n'ont aucun sens profond, puisque le pouvoir - dans le système Taya ou MoAA - ne se partage pas. La probabilité c'est de truquer ensemble les élections et de se répartir à nouveau des rôles : MOAA, Messaoud, Ahmed. Les deux personnalités sur lesquelles le président Sidi, dans la période démocratique, avait commencé de s’appuyer : Ould Mouloud et Jemil, sont estimées, sont maintenant ensemble dans l'opposition mais ne parviennent pas à s'imposer à l'ensemble et notamment à supplanter Messaoud et Ahmed.

Ce jeu de la politique - qui rétrospectivement justifie le parti unique et les intégrations d'opposants en groupe ou individuellement à mesure des étapes d'indépendance effective du pays - est hors du réel. Il est sans prise sur des décisions désastreuses, comme la convention de pêche avec la Chine. Il confirme vos compatriotes dans le mépris de cette classe qui n'existait pas initialement et qui double tristement celle des nouveaux riches.

Les vieux conflits et les vieux théâtres subsistent : l'Université, les clivages ethniques sous des couverts linguistiques dans le secondaire et dans le supérieur. La question de l'esclavage combinée de façon complexe avec celle des haratine, voire de la perception des équilibres ethniques et sociaux, n'a peut-être pas ressurgi, plus qu'avant, mais elle est très exprimée dans le pays et à l'étranger.

L'investissement est national et privé. Il semble peu étranger, il n'est plus novateur.

L'éducation est parente pauvre, la connaissance de la Mauritanie par elle-même et ses enfants est faible : l'enseignement ne dit pas la Mauritanie contemporaine.

Plusieurs problèmes - assez nouveaux, sur dix ans...
- les jeunes de trente à quarante ans n'espèrent pas faire carrière selon leurs capacités au pays
- les opposants et les sites internets qui vont avec, sont à l'étranger
- les anciens restés ou revenus au pays vivent de retraites versés par l'étranger ou de locations d'immeubles locaux à des étrangers
- le pays n'étant pas un Etat de droit, toute carrière publique est précaire et les carrières privées, dès qu'elles réussissent vraiment, cherchent l'alliance avec le pouvoir en place quel qu'il soit

Les Mauritaniens et leur pays se referment sur eux-mêmes faute d'un régime ouvert à tous, faute de capitaliser sur l'enseignement.

Facteurs très handicapants : la sécheresse des années 70-80, le déficit alimentaire, la sédentarisation massive sans que l'économie ni l'urbanisation y correspondent...

Voilà quelques réflexions, apparemment tristes, mais vos compatriotes ont tellement de valeur, de vérité que je ne doute pas de l'avenir.






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