samedi 18 juillet 2009

journal de maintenant - samedi 18 juillet 2009


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J’ai ouvert ce cahier et laissé bien des pages depuis le mardi 2 juin. C’est exprès, car j’ai jugé que je ne pouvais – dans des semaines où se joue peut-être le destin d’un pays qui m’est cher et où il y a peut-être des lecteurs qui font confiance à mon information ou à mon jugement – ou plutôt au recul de la distance et de la mémoire, de la référence à une certaine époque, celle de Moktar Ould Daddah – que je ne pouvais donc tout livrer dans l’instant. Des réflexions et analyses surtout de pyschologie – selon moi – de quelques-unes des personnalités actuellement les plus en vue. Des correspondances avec des amis. Je vais pouvoir – tout en continuant de taire les noms de mes correspondants – remplir ces blancs d’ici quelques jours. Notes prises en journal intime. Courriels échangés. Depuis la conférence de presse donnée à Niamey par Nicolas Sarkozy – le président de mon pays – conjointement avec son homologue nigérien, soit le vendredi 27 Mars 2009, je suis honoré de la correspondance, au début téléphonique, tant il y avait urgence à démentir et à délibérer, et maintenant électronique, du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. J’y ferai allusion ou j’en prendrai des matériaux, quand je vais remplir les « blancs » de ce journal de maintenant, mais ce véritable trésor n’est pas communicable encore. Honneur que j’ai eu de rencontrer si tôt dans ma vie et pas tard dans la sienne, le président Moktar Ould Daddah. Grand intérêt que j’ai eu à accompagner et escorter Ahmed Ould Daddah, surtout en 2003, dans la tentative de faire observer les élections présidentielles d’alors : manifestement, en intelligence et en maintien, l’homme d’Etat. Notre première rencontre date de l'automne de 1964, la cité universitaire de Paris, boulevard Jourdan. Beaucoup de pratique ensembme, beaucoup de conversations, raisonnements, informations. La tête très bien faite, la grande allure. Chance insigne aussi de plusieurs soirées d’affilée, à Nouakchott, chez lui, en Avril 2006, avec Messaoud Ould Boulkheir mettant dans mon esprit en place ce qui était latent : les conditions de la cohésion sociale en Mauritanie et de considérer avec d’autres – pourtant ? ou parce que ? de grande tente – que lui aussi peut être le prochain président de la République Islamique. Et qu'il m'ait ainsi fait confiance. Mais honneur et chance, tout ensemble, d’avoir été – électroniquement – le compagnon du saint de Lemden, et de peser avec lui, jour après jour, ce qu’il fallait et ce qu’il était possible de faire… partage sans équivalent, honneur de connaître cet homme au moment tournant de sa vie et de celle du pays, et d'approfondir une âme chaleureuse, confiante, morale, solide. Peut-être, alors mon compagnonnage a-t-il été utile autant à un chef d'Etat qu'à son pays-même. Moktar Ould Daddah d'esprit fut là.
à suivre


Samedi 18 Juillet 2009


10 heures 40 + Je « boucle » une note de 320 et quelques pages, faisant état des lieux avant les résultats du premier tour, et la diffuse d’abord à mes amis et relations en Mauritanie. Trois semaines surtout à collationner les documents d’une année de putsch et de cheminement vers la reconnaissance du fait accompli. L’anticipation du scrutin légitime évidemment le putsch d’il y a onze mois. Le scrutin lui-même ne règle rien. Si Mohamed Ould Abdel Aziz est élu ou s’il se maintient par subterfuge ou par un nouveau coup (avec ou sans le compagnonnage, cette fois, d’El Ghazouani), il sera contesté encore plus par une partie de la population que par les perdants, surtout les « grands » parmi les perdants. Si au contraire, l’un des civils l’emporte, il sera contesté par le général-candidat et sans doute celui-ci pourra-t-il recruter des civils pour le cautionner. Bref, on recommence soit le scenario Taya soit le scenario Sidi. On n’en sortira qu’à moyen terme. Le service militaire obligatoire pour les garçons et les filles de manière à encadrer les gradés, à les noyer dans la masse, à les surveiller, cf. de Gaulle et le « contingent » pour réduire le putsch d’Alger, le 22 Avril 1961. L’arrivée au pouvoir suprême des quadragénaires.

11 heures 15 + France Infos. donnant la chronique de Manon Rivière, depuis Nouakchott, pour Radio France International. Je ne la connais pas, je l’ai lu hier sur Taqadoumy. Sa prédiction et son commentaire pour l’élection, selon elle, certaine du général-candidat semble avoir choqué beaucoup de Mauritaniens, la jugeant propagandiste plutôt que journaliste. Elle persiste en esquissant un jeu à trois que domine le « président des pauvres », l’ex-général, etc… puis viennent selon des traits devenus classiques Ahmed et Messaoud, avec chacun un électeur ou une électrice témoignant de son vote.

Midi + Le message d’un ancien ministre de Moktar Ould Daddah, diplomate ensuite, chroniqueur à l’occasion : J'ai bien peur que vous ne soyiez "complètement dépassé". D'abord vous êtes encore là où le Pays n'est plus : quelques années en arrière, sinon quelques décennies : je crois que nous ressemblons vous et moi et quelques autres peut-être à des "gens normaux" qui se seraient trouvés dans un royaume de fous à ligoter.Alors les fous les auraient ligotés, estimant que ce sont eux les fous. Dans ce pays il s'est installé une "certaine culture" qui a ses repères et ses règles et qui n'a plus rien avoir avec ce que nous avions connu: ce bout de pays est bien "foutu", il faut le pleurer plutôt.


18 heures + Je courielle ma note aux autorités françaises, les directeurs des deux cabinets ne sont plus – depuis le printemps – ceux aux manettes dans les débuts de l’exercice. J’ai rencontré les uns et les autres, deux générations mentales : avec les premiers, à l’automne, nous avons pu ensemble écrire un plan d’action, une possible entremise tout à fait inofficielle qui eût fait tourner, je le crois, les choses tout autrement. Par eux, j’ai su le rôle possible de Robert Bourgi dont le portrait est souvent faux, et j’ai rencontré celui-ci, à deux reprises. En Décembre, il était preneur, en Février, il ne l’était plus. Un tournant s’était produit, une rencontre ou un événement qui n’est pas seulement dans la chronique des conversations d’El Gazouani avec Claude Guéant, très vite sans témoins, même l’avocat franco-sénégalo-libanais. De la seconde génération, je ne tire pas même un accusé de réception. La décision est ailleurs. Jusqu’à quand ?

voici ce que j'adresse - ou soumets - à mes relations mauritaniennes, amis très proches, personnalités en vue ou contacts plus électroniques seulement. J'ai pensé que cela pourrait vous être utile. Au moins comme témoin d'avant les résultats.
Ceux-ci ne vont pas amener la paix ni la stabilité. Si Aziz gagne réellement ou par subterfuge ou par coup, il sdera de toute manière conresté et soupçonné, et la rue tôt ou tard sera là, et de nouveau il y aura putsch. Si c'est un civil, Aziz et ses compagnons lui feront le maximum d'ennuis, encore plus qu'à Sidi, le sachant d'avance adversaire, et comme contre Sidi ils trouveront des civils pour les cautionner.
Solution - le service militaire, garçons et filles, universel pour encadrer et surveiller les gradés. Cf. le contingent et de Gaulle, le 22 Avril 1961 en Algérie. Et attente de la nouvelle génération : les quadra.
J'ai engagé une action en référé à Nouakchott car le général-candidat affiche son portrait accompagné de celui du président Moktar Ould Daddah - escroquerie politique certaine, mais mon intérêt pour agir - étranger en sus que je suis - est que le cliché m'appartient : photo prise du Président en tournée à l'intérieur du pays avec lui, en Mars 1974. Sidi faisait partie du voyage.
Enfin, communication ? M. Joyandet en Octobre, le Président de la République à Niamey en Mars, M° Robert Bourgi au rassemblement du général-candidat à Nouakchott ... nous passons pour favorables à ce dernier, en sus de précisions et d'indiscrétions d'agenda des putschistes à Paris. C'est d'autant moins judicieux que depuis 1978 nous sommes, chaque "fois", soupçonnés d'intervention ou de faveur... et qu'en 2005 nous nous sommes au contraire accrochés à une personnalité que le pays entier, pas seulement ses cadets devenant putschistes à son propre exemple, vomissait. Cette fois, dans la séquence, nous n'avons pas été discrets. Et la vraisemblance nous accuse, alors qu'auparavant, j'ai beaucoup enquêté, nous pouvions soutenir que le procès était faux, même si les logiques et les coincidences étaient fortes.

J’envoie aussi à Bruxelles. Les réponses automatiques me disent qu’il n’y aura personne ce soir ou cette fin de semaine pour répondre au cas où … Louis Michel est passé au Parlement européen depuis le 14. Qui le remplace comme Commissaire ? celui qui tient le dossier mauritanien, contact très amical et efficace depuis l’automne, est en vacances, et son remplaçant (qui traite aussi le Niger où « les » choses vont commencer…) n’est pas au bureau : y sera-t-il lundi ?

Monsieur le Commissaire, cher Monsieur le Ministre, pensé que vous-même et vos services - qui suivez si bien et avec une objectivité que n'ont pas tous les Etats membres... les affaires de Mauritanie et spécialement la démocratie dans ce pays qui y est tout à fait apte... - auriez quelque goût à recevoir les réflexions jointes. Le fichier est gros parce qu'aux neuf dixièmes il est fait de pièces documentaires, la plupart publiées mais éparses. Vos observations et celles de vos services me seront précieuses, et je reste à votre disposition.
D'autre part, cher Monsieur le Ministre, la rumeur courant que vous ne souhaitez pas continuer l'exercice des responsabilités dont vous vous êtes pourtant si bien acquitté, je souhaite demeurer en relations avec vous, et si possible vous rencontrer - Europe - Afrique - patriotisme européen - institutions enfin susceptibles de mobiliser les peuples et progressivement de faire qu'ils soient un... comment maintenir et approfondir ce contact ?


19 heures 15 + Je note maintenant avant de connaître les débuts de réponse dans trois quarts d’heure.

Pronostics. Le plébiscite du général-candidat assuré le 6 Juin, probable en début de campagne pour ce premier tour du 18. Puis, il y a une dizaine de jours, apparition de sondages – il y en avait, paraît-il, eu en Février du même genre (la gendarmerie ?) – l’excluant du second tour. Renversement complet de perspectives, discours menaçants de sa part : un nouveau coup. Chacun suppute lequel ? car il faut que ce soit plausible. Le vote de l’étranger, assez cvonsidérable, près de 300.000 votants potentiels, peut faire une différence au second tour en sa faveur puisque les ambassadeurs toute cette année, n’ont été que les siens. Communiqué de quatre des candidats pour le mettre en garde. C’est le moment où tout semble refluer vers Ahmed Ould Daddah, le second tour ne lui opposerait « que » Messaoud Ould Boulkheir. Puis, nouvelle rumeur : Ely Ould Mohamed Vall, en tête ? sans que cela soit commenté, ce serait un choix de paix, quitte à avoir un militaire, qu’on ait celui-là, le plus civilisé et capable d’en imposer aux autres, ou en tout cas de faire qu’un putsch contre lui serait compliqué à exécuter (le renseignement, ce fut lui de 1984 à 2005…). Et depuis deux jours, c’est de nouveau Abdel Aziz, en tête : le vote des grandes villes, la démagogie… les canalisations et les adductions d’eau, le discours qui fait rendre gorge aux prévaricateurs, même si les preuves contre Ahmed et Messaoud ne sont finalement pas venues.

Alors ? autant dire que je ne sais rien et que personne ne sait rien. Je dis cependant que Ibrahima Moktar Sarr avait recueilli près de 7% des voix en 2003, ce n’est pas rien et il est un candidat notoire pour la vallée du Fleuve, poète, raflé en 1987 et mis au mouroir de Oualata… et il y a Jemil Ould Mansour. J’ai annoté ce matin Taqadoumy : plusieurs propositions, chacune intelligentes, en cours de campagne. Une confrontation des neuf candidats à la télévision, un débat et un consensus sur la relation ou pas avec Israël, et en cours d’opérations aujourd’hui, la remarque que le voile féminin – il est islamiste censément – c’est la fraude bien plus aisée… pas d’identification. Il peut avoir beaucoup de voix, et le report au second tour n’est pas acquis. C’est le général qui a fermé l’ambassade d’Israël. Les inconnues me paraissent les scores de ces deux candidats.

Le raisonnement des avertis est que si Mohamed Ould Abdel Aziz n’est pas élu au premier tour – on le disait exclu du second, donc, il n’y a pas dix jours – il est battu.

Donc, aucune idée des scores, sinon que je crois à des surprises. Et seule certitude : le putschiste n’admettra pas sa défaite.
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Minuit + Pas de résultats appréciables. A Pékin, donc Jémil en tête ; à Bruxelles, Ibrahima Sarr : mais il s’agit d’une centaine ou quelques centaines. Dépouillement à Nouakchott sur quelques centaines de voix : Aziz à 57,81 % - Ahmed à 26,90 % et Messaoud à 15,29 %. J’accepte l’augure : élection, fraude ou pas, au premier tour. Re-vingt ans de Taya, mais sans plus les aléas du Sahara qui avait tué le régime Haïdalla, ni les complots ethniques qui ensanglantèrent les débuts du règne de Maaouyia. On va avoir des fortunes colossales qui vont redoubler.. et puis ce sera tout. Je croyais à un résultat bidon à l’ouverture du site click4Mauritania Ce semble être une première totalisation sur 2143 voix, Aziz à 53,34% - Ahmed à 15,77% - Messaoud à 11,95% - Jemil à 9,66% - Ibrahima Sarr 6,25% - Ely 2,10% - et les trois derniers à bien moins de 1%. Donc, c’est fait… que va-t-il se passer ? La « communauté internationale » peut reconnaître le fait accompli. La leçon est que la rue, les médias indépendants, la discussion peuvent être occupés par tes peu de gens qui impressionnent par leur densité et par leur mouvement. A quatre-cinq maximum, pendant ma campagne à Pontarlier en 1980 – que suivait Moktar Ould Daddah, admiratif – où je n’avais aucun appui ni politique ni financier et où j’arrivais sans y avoir jamais mis les pieds auparavant, nous avons fait plus de volume, collé plus d’affiches, tenu plus de réunions, distribué davantage que les deux principaux candidats réunis, chacun conseiller général. Ainsi, l’opposition a-t-elle fait illusion ? les accueils en masse enthousiaste pour Messaoud et pour Ahmed, alors ? tandis que MOAA ne parvenait plus à s’exprimer en public ?

Minuit vingt + Rien pour Nouadhibou, pour le Gorgol, mais en « général » sur 3.350 voix, les choses changent, Aziz ne passe plus au premier tour (48,45%), Messaoud devance Ahmed (23,85%) qui descend à 13,76%. La tendance serait donc qu’Aziz a des chances sérieuses de passer au premier tour, mais sans certitude cependant, et qu’Ely a complètement échoué. L’entente Messaoud-Ahmed sur le papier est insuffisante pour que l’un des deux l’emporte au second tour. On est dans une configuration – moderne ! – qui ressemble à celle de la succession à de Gaulle : Pompidou à 43% au premier tour avec Poher, le centriste et président du Sénat, président de la République par intérim à 23% et Duclos, le communiste à 21%. – Rien sur l’Inchiri. Rien sur le Trarza.

Minuit trente-cinq + Cinq cent voix de plus comptabilisées. Aziz se rapproche de la barre à 49,77% - Messaoud grimpe à 26,20% - Ahmed descend encore à 11,94%... Rien pour l’Adrar.
Je courielle à Sidi, Ahmed et Messaoud ensemble : car ils le sont. Cela se jouera donc à très peu pour qu’il y ait second tour, et ce second tour se jouera lui aussi à très peu. Est-ce à dire que les Mauritaniens sont divisés en deux parts ? les anciens et les modernes ? car je ne crois pas à une distribution sociale et ethnique des voix.

Minuit quarante + On est à 4000 et quelques, Aziz rebaisse à 46,83% - Messaoud, c’est la tendance forte de ce soir, continue de monter, mais loin encore derrière le putschiste : 24,66% et Ahmed se retrouve à 13,21% – autre tendance, mais à confirmer, Jemil est maintenant à 8,75% alors qu’il était autour de 6 ou 7% à mille bulletins de moins.

Minuit quarante-cinq + Au Brakna, tout change. Lemden s’y trouve et Messaoud, si j’ai bonne mémoire, en est ? il est en tête avec 52,61% - Aziz seulement de moitié : 24,80% - Ahmed 9,46% les Braknas n’aiment pas les Trarzas – Jemil 8,32% et Ely n’existe pas, ni les originaires de la Vallée… ainsi, ce que disait mon correspondant hier : on ne le dit pas mais Aziz a une forte popularité à Nouakchott, et ce sur quoi se fondait aujourd’hui Manon Rivière, est exact. Nouakchott opposante sous Taya est à moitié, au moins, pour Aziz et c’est l’intérieur du pays qui va faire la différence, et elle se fera en faveur de Messaoud, tout simplement parce que sa cause est universelle en Mauritanie, celle d’Ahmed est trop située. Et puis, il y a – à voir – l’effet légitimiste/opportuniste.

Près d’une heure du matin + 4.429 voix dont 48,21 % à Aziz et 22,94% à Messaoud. Ahmed a près de neuf points de retard et Jemil s’approche à cinq points de lui. Messaoud peut gagner. L’esclave proclamé président de la République. Sa tenue en faveur de la légitimité et son adoubement final par Sidi auront autant joué. Décidément, la Mauritanie n’a pas fini de surprendre : noblesse oblige. De Gaulle commença sa lettre de vœux à l’indépendance : la Mauritanie, ancien et noble pays…

Une heure et quart + L’Assaba… Aziz à plus de 55%, mais le second reste Messaoud à plus de 17% tandis qu’Ahmed n’en est pas loin à près de 15%. Si les deux restent unis, et si Jemil ne part pas vers Aziz, sous prétexte d’Israël, les choses restent possibles, mais comme elles seront tendues.

Une heure vingt + Deux mille voix de plus… l’écart énorme. Aziz à 52,39% et Messaoud à 18,95%. Je me couche… il est vingt-trois heures là-bas. Ahmed, sans déshonneur mais nettement, et Ely, misérablement, sont écartés. On est dans la clarté, le putsch ou pas.

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