19 août 2016 Bulletins, Dans la presse
En réaction à la lourde condamnation judiciaire de treize
militants de son organisation, le leader anti-esclavagiste, Biram Ould Dah
Abeid dénonce un procès politique. Il annonce un vaste lobbying international,
y compris en Afrique, contre le régime de Mohamed Ould Abdelaziz.
Le jeudi 18 août, la
justice mauritanienne condamnait treize militants de l’Initiative
pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) à des peines
allant de trois à quinze ans de prison ferme pour « usage de
violence » lors de manifestations contre le pouvoir. La Cour a rejeté
toute introduction de recours dans cette affaire qui prend l’allure d’un procès
politique. Dans cette interview, le président de l’ONG anti-esclavagiste, Biram Ould Dah Abeid,
dénonce une condamnation inique selon lui et appelle, encore une fois, le
président Mohamed Ould Abdelaziz à se retirer dignement du pouvoir à
l’issue de son mandat.
Jeune Afrique : Comment interprétez-vous le verdict
prononcé par la justice mauritanienne à l’encontre des militants de l’IRA ?
Biram Ould Dah Abeid: C’est un jugement rendu par
le chef de l’État Mohamed Ould Abdelaziz. Tout au long du procès, nos avocats
ont démontré que la loi a été violée par un juge sous les ordres du régime.
Pour moi, ce jugement dénote une fuite en avant d’un pouvoir désemparé, pris
par la panique à cause des adhésions massives à l’IRA, surtout au sein des
populations marginalisées, sans parler du soutien de la communauté
internationale. Je réitère mon appel à Ould Abdelaziz à se retirer
dignement à la fin de son mandat et à organiser des élections
démocratiques, libres et transparentes.
L’acharnement du pouvoir contre notre organisation montre que notre
discours a un impact fort en Mauritanie
Quelle est l’influence réelle de l’IRA en Mauritanie ?
L’acharnement du pouvoir contre notre organisation montre que notre
discours a un impact fort en Mauritanie. Depuis sa création, l’IRA occupe
l’actualité. Elle a fait bouger les lignes en matière de droits de l’homme et a
dévoilé le passé lourd de la Mauritanie en matière de déportations,
d’exécutions extra-judiciaires et d’esclavagisme agricole. L’IRA a aussi défié
le pouvoir lors de la précédente élection présidentielle et a pu s’affirmer
malgré les fraudes massives qui ont entaché ce scrutin.
Avec une opposition politique qui a choisi la carte du
boycott électoral, ne vous sentez-vous pas isolés dans votre rôle de
dénonciation ?
Nous ne sommes pas isolés dans notre combat. Les langues ne peuvent
pas se délier à cause de l’épée de Damoclès qui pèse sur tout le monde. Je ne
critique pas la position de boycott de ces partis politiques. Je respecte leur
point de vue. Leurs arguments sont fondés car le pouvoir n’a pas encore
souscrit à un jeu démocratique.
Vous êtes actuellement à Abidjan dans le cadre d’une
tournée africaine de sensibilisation à votre cause. Quels sont les pays
que vous allez visiter ?
Je vais visiter quelques pays de l’Afrique de l’ouest et de
l’Afrique australe et centrale en plus du Maghreb. L’objectif est de
sensibiliser la société civile dans ces pays à la cause des victimes de
l’esclavage et des droits de l’homme en Mauritanie. Le peuple mauritanien est
maintenu dans une grande prison par Mohamed
Ould Abdelaziz, privé de ses droits politiques et économiques
J’ai appelé les Arabes et les Africains à se démarquer de la
gestion sectaire de l’islam en Mauritanie et de « l’apartheid » non
écrit qui y est pratiqué
Ne voyez-vous pas dans votre tournée un motif d’énervement
des autorités mauritaniennes ?
Certes, mon intervention médiatique à Dakar le 11 juin n’a pas plu
au pouvoir. J’y ai dit que la religion musulmane appelle à la fraternité, à la
liberté et à la justice entre les hommes, abstraction faite de leur race et de
leur couleur de peau. J’ai appelé les Arabes et les Africains à se démarquer de
la gestion sectaire de l’islam en Mauritanie et de « l’apartheid »
non écrit qui y est pratiqué. Le pouvoir mauritanien, qui veut monter les
communautés mauritaniennes les unes contre les autres, ne peut pas déformer mon
discours car il ne prête à aucune controverse. Nous n’avons pas de
problème avec une communauté, mais avec un seul homme : Mohammed Ould
Abdelaziz.
Quels sont vos soutiens actuels dans ces pays africains ?
Notre réseau est déjà bien implanté en Europe et en Amérique.
Maintenant, nous commençons notre action de sensibilisation en Afrique et dans
le monde arabo-musulman. A partir de la semaine prochaine, des organisations
africaines vont sortir des communiqués de soutien à l’IRA.
Y a-t-il des gouvernements africains parmi ces
soutiens ?
En tant que défenseur de droits de l’homme, je m’adresse à la
société civile africaine. Et chaque ONG sensibilise son gouvernement sur ce qui
passe en Mauritanie.
Le collectif d’avocats de vos militants condamnés a annoncé
une « stratégie de défense qui sera menée à l’intérieur et à l’extérieur
du pays ». De quoi s’agit-il ?
Nous sommes habitués à des démêles avec le pouvoir et à des
simulacres de procès. Même si la justice n’a accepté aucun recours à son
verdict, nous allons entamer des actions populaires pacifiques afin que nos
militants sortent de prison la tête haute. Quant à notre lobbying international,
il va se focaliser sur les trois grands partenaires de la Mauritanie: l’Union
européenne (UE) en tant que partenaire économique, les États-Unis en tant que
partenaire militaire et l’Union africaine (UA) en tant que partenaire
diplomatique. Ceci en plus de l’élargissement de nos soutiens internes au sein
des partis politiques et des ONG de droits de l’homme mauritaniennes.
Comptez-vous toujours vous présenter à l’élection
présidentielle de 2019?
Évidemment. C’est une date fondamentale pour le combat de l’IRA
© Biram Dah Abeid.org
2014 - 2016
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