Personne sans doute ne pouvait s'attendre à ce que le parquet fasse son
autocritique et admette avec humilité que l'invraisemblable verdict prononcé
contre les 15 militants présumés de IRA n'était ni juste, ni équitable et avait
mis tous les codes juridiques et moraux, sens dessus dessous.
Mais personne ne s'attendait non plus, raisonnablement, à ce que ce parquet tentât de convaincre ex post facto, les mauritaniens et le reste du monde que " les procès se déroulant devant les juridictions pénales mauritaniennes en général, et ce procès en particulier, ont toujours respecté toutes les exigences du procès équitable et transparent, conformément au droit mauritanien et aux conventions internationales auxquelles la Mauritanie est partie".
A qui donc s'adresse ce parquet? Aux chèvres de Nouadhibou ou aux poissons-chats de Boghé?
Pour ne relever qu'une faible partie du traitement qui fut réservé au droit par le parquet et la cour qui ont fait chorus, il suffit, même pour un profane, de voir la relecture pure et simple que fait le communiqué, de l'article 278 du code de procédure pénale dont il est dit qu'il "interdit au public d'introduire dans la salle d'audience des moyens d'enregistrement et de photographie". Il est facile de constater que l'interdiction (d'usage et non d'introduction) de ce matériel ne concerne pas seulement le "public" mais TOUT LE MONDE. Le texte ne se réfère même pas au terme "public" pour restreindre son domaine d'application.
Pour ceux qui n'étaient pas au procès, il convient de savoir que l'un des gros incidents entre les avocats des accusés et le parquet a éclaté justement lorsque, en application de cet article 278, ces avocats ont demandé à la Cour de bien vouloir empêcher le procureur d'utiliser en pleine audience un appareil( tablette) qui pouvait précisément, enregistrer et filmer, pour un usage inconnu, puisque l'interdiction s'adresse à tout le monde..
Allant plus avant dans son opération de charme, le communiqué du parquet affirme que " le parquet est en droit en sa qualité de partie prenante à un procès pénal, de présenter et d'exploiter tous les modes de preuve-principe consacré par l'article 386 du code de procédure pénale-et singulièrement les preuves à support électroniques et audiovisuelles". Autrement dit, la police, publique ou secrète, peut enregistrer et filmer qui elle veut, soumettre ces "productions artistiques" à toutes sortes de "traitements" et les produire comme une œuvre cinématographique à l'audience, sans préalables ni précautions, sans possibilités d'expertises ou de contre-expertises. En somme, désormais, tout le monde devrait accepter d'être à la merci des œuvres artistiques et cinématographiques des polices, politiques, économiques sociales ou religieuses censées veiller sur chacun d'entre nous, 24h/24?
Tout le problème est là: que valent au plan juridique et moral, ces "productions" policières notamment face à de graves allégations de tortures et de traitements inhumains et dégradants? La Cour- et le Parquet s'en félicite bruyamment, a rejeté tout examen de ces allégations de torture par la quasi-totalité des 15 accusés, " avant dire droit", au motif qu'elle est incompétente à le faire, en violation manifeste de la toute récente loi contre la torture- qui impose précisément la compétence de tout juge devant qui cette terrible accusation de torture est portée, avant d'examiner le fond de l'affaire en cours ( d'où le terme barbare "d'avant dire droit" que les juristes utilisent ).
Mais le plus scandaleux dans cette triste affaire est passé sous silence par ce communiqué du parquet. C'est lui qui atteste le plus cruellement du caractère parodique de ce procès: les 15 ont été jugés suivant la procédure du flagrant-délit, alors qu'aucun d'eux, ABSOLUMENT AUCUN, n'a été arrêté sur les lieux et le jour même des émeutes. Au contraire, tous ont été arrêtés au moins 3 jours après les faits, et pour certains, après avoir fait l'objet d'une disparition forcée de plusieurs jours, hors de toute procédure légale. Enfin, aucun des accusés n' a fait l'objet d'une reconnaissance formelle de la part de ceux qui ont été arrêtés sur place lors de ces émeutes spontanées comme l' a reconnu le propriétaire du terrain par qui les événements ont éclaté et qui s'est dit effaré par la tournure qu'ils ont pris avec une intervention policière que rien apparemment ne justifiait, étant donné les circonstances et les accords conclus entre les occupants et le propriétaire.
Après tout ça, comment les Chèvres de Nouadhibou et les Poissons-chats de Boghé pourraient-ils croire à ce communiqué du Parquet? S'ils y croient, alors tout le monde devrait aussi y croire...
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