dimanche 28 novembre 2010

l'indépendance - circonstances de sa proclamation : analyses françaises en 1960



Le fait et les circonstances de la proclamation de l’indépendance



Les circonstances de la proclamation de l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie sont tout le contraire d’une opposition franco-mauritanienne. La France souhaite la ratification dans le monde d’une décolonisation pacifique dont elle est aussi fière qu’elle l’est rétrospectivement de son œuvre de plus de cinquante ans sur place. La Mauritanie a plusieurs opinions selon ses régions et ses générations, beaucoup sont encore soucieuses d’intimité avec la France et que continue le passé. La couverture militaire face à la revendication marocaine est essentielle. – Les événements et préoccupations sont donc la subversion marocaine et sa manifestation terroriste, la coexistence frontalière difficile avec l’ex-Soudan français devenu Mali, les éphémérides aux Nations Unies avec leur dénouement inattendu et décevant, enfin la relation très complexe de la Nahda avec le gouvernement présidé par Moktar Ould Daddah. Cette opposition est – à tort – regardée par les observateurs français comme pro-marocaine.


Le transfert des compétences de la Communauté

La négociation est courte. Le 14 Octobre 1960, arrivés à Paris, Moktar Ould Daddah et Sidi el Moktar N'Diaye sont reçus par le Général de Gaulle. Le Premier ministre mauritanien souhaite le transfert des compétences sans le préalable d'accords de coopération ; il l’obtient. Dans la journée du 18 Octobre, à l'Hôtel de Matignon, les négociations franco-mauritaniennes pour le transfert des compétences communes sont surtout l’examen des fururs accords de coopération mais sans paraphe ; y participent : Michel Debré, Jean Foyer, Jacques Foccart du côté français et Moktar Ould Daddah et Sidi el Moktar N'Diaye du côté mauritanien.


COMPTE-RENDU à Monsieur le PREMIER MINISTRE
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J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce que je viens d’avoir une conversation avec Monsieur LIBAUD, Chef de Cabinet de M. le Ministre des Armées. Cette conversation, toute personnelle, a porté sur le déroulement des négociations franco-mauritabnienens qui doivent s’ouvrir le 10 Octobre 1960.
Le Ministre des Armées n’est pas, dans l’organisation actuelle, le responsable de la Défense, celui-ci étant le Chef d’Etat-Major Général.
Il est vraisemblable que le Général NOIRET sera désigné par le Chef d’Etat-Major, pour le représenter au cours des conversations. Si le fait se confirme, c’est, d’après LIBAUD, une excellente chose, le Général NOIRET étant un homme extrêmement compréhensif.
Le Ministre des Armées sera représenté aux conversations par M. LIBAUD et par le Colonel LAMBERTON. Ces deux personnes doivent d’ailleurs se rendre en Mauritanie, ansi que vous en avez convenu avec M. MESSMER et n’attendent, pour le faire, que des précisiuons sur la date à la quelle vous désirez leur voir effectuer ce déplacement.
Le Ministre des Armées, pour des raisons personnelles, ne désire pas voir son rôle mis en avant au cours des conversations, mais il reste entendu qu’il est absolument décidé à appuyer directement, auprès du Premier Ministre de la République Française, les demandes de la Délégation Mauritanienne.
PARIS, le 11 Août 1960


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ACCORD PARTICULIER
portant transfert des compétences de la Communauté

Le Gouvernement de la République française, d’une part,
Le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie, d’autre part,
Vu l’article 86 (alinéa 3) de la Constitution du 4 octobre 1958, complétée par la loi constitutionnelle du 4 juin 1960,
Sont convenus de ce qui suit :
Art. 1er. – La République islamique de Mauritanie accède en plein accord et amitié avec la République française à la souveraineté internationale et à l’indépendance par le transfert des compétences de la Communauté.
Art. 2. – Toutes les compétences instituées par l’article 78 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont pour ce qui la concerne transférées à la République islamique de Mauritanie dès l’accomplissement par les parties contractantes de la procédure prévue par l’article 87 de ladite Constitution.
Fait à Paris, le 19 octobre 1960.
Le Premier ministre de la République française,
Michel Debré
Le Premier ministre de la République islamique de Mauritanie
Moktar Ould Daddah


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Lettre du Haut-Commissaire représentant le Président de la Communauté et de la République française au Premier ministre mauritanien

Saint-Louis, 23 Novembre 1960

annoté de Moktar Ould Daddah
M. Larue m’en parler 24 . 11 – 60

SECRET
n° 0700
Monsieur le PREMIER MINISTRE DE LA REPUBLIQUE
ISLAMIQUE DE MAURITANIE

NOUAKCHOTT

Echange des instruments
de ratification de l’Accord
de Transferts des Compétences
Communes.
Monsieur le Premier Ministre,

Sur la demande du Gouvernement Français, j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation un projet de procédure concernant l’échange des instruments de ratification que vous avez bien voulu prévoir pour le 27 Novembre prochain à 11 heures.
A l’heure fixée, les représentants des deux Etats pourraient échanger des lettres notifiant que chacun des
Pièces jointes : 5 Gouvernements a accompli en ce qui le concerne les procédures requises par l’article 87 de la Constitution d’Octobre 1958, c’est-à-dire les ratifications de l’Accord de Transfert par les deux Parlements. Vous trouverez ci-joint le type de correspondance qui a déjà été employé, en l’occurrence, par les autres Etats de la Communauté et la France. (Annexe n° 1)
Je dois toutefois porter à votre connaissance une varbiante qui a été adoptée à la demande du Gouvernement du MALI. Celui-ci ayant tenu à ce que l’échange d’instruments de ratification revête une forme particulièrement solennelle, les lettres du modèle ci-dessus indiqué ont été remplacées par des actes de notification (Annexe n° 1 bis).
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaître laquelle de ces deux suggestions recueille votre préférence, l’échange de ces documents, quelle que soit leur forme, devant être constaté par un procès-verbal qui, établi en double original, sera signé le même jour par les deux parties.
Le jour de la proclamation de l’Indépendance, le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française notifiera l’Indépendance de la République Islamique de Mauritanie aux Chefs de Mission accréditées à PARIS (Annexe n° 3). Mais, comme vous le savez, c’est à votre Gouvernement qu’il appartiendra, une fois acquise l’Indépendance, de saisir le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies aux fins d’admission de votre Etat à l’O.N.U. J’ai l’honneur de vous soumettre ci-joint, à cet effet, un projet de lettre (Annexe n° 4) qui s’inspire de précédents récents. En effet, aux termes du Règlement du Conseil, la demande d’admission doit contenir une déclaration, faite dans un instrument formel, par laquelle l’Etat intéressé accepte les obligations de la Charte. Dans la pratique, le Secrétariat accepte que cette déclaration soit incluse dans le texte de la demande elle-même. Certains Etats qui, récemment, ont omis de satisfaire à cette disposition ont eu par la suite de nombreuses difficultés avec le Secrétariat Général de l’Organisation internationale.
L’Etat candidat adresse lui-même sa demande au Secrétariat Général, éventuellement par câblogramme. Il n’y a cependant pas d’inconvénient à ce que, pour acheminer leur lettre par les voies les plus rapides, les Etats utilisent l’entremise de la Mission Permanente de la France à l’O.N.U. En tout état de cause, le Gouvernement Français serait heureux que vous l’avertissiez de l’envoi de votre demande, afin de permettre à la France de parraîner la candidature de la Mauritanie.
Je vous prie, Monsieur le Premier Ministre, d’agréer les assurances de ma haute considération.

Pierre ANTHONIOZ


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LE GENERAL DE GAULLE

Ancien et noble pays, la Mauritanie accède aujourd’hui à la souveraineté internationale en confiante et fraternelle amitié avec la France.
La République française et la République Islamique de Mauritanie resteront fidèles l’une à l’autre, fières de leur passé valeureux, sûres de leur avenir solidaire et prospère.
J’adresse au peuple mauritanien mon salut et les vœux de la France.
Vive la Mauritanie.
Vive la France.

Signé : CH. de GAULLE




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Les circonstances de la proclamation de l’indépendance,
analysées par le représentant de la France
pour l’ensemble du pays


Il s’agit de synthèses mensuelles ou bi-mensuelles que tient le Haut-Commissariat puis l’Ambassade : elles sont adressées à Paris : notamment à l’Elysée, au Quai d’Orsay et rue Monsieur. Les signataires sont Pierre Anthonioz et son adjoint Henri Bernard. Anthonioz – particulièrement apprécié par Moktar Ould Daddah – est de la France d’Outre-Mer. Né le 7 Janvier 1913, il a surtout un grand passé dans la France libre, grand-croix de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945 : un baroudeur qui a servi au Soudan et au Niger avant et pendant la guerre, mais aussi un amoureux du Pacifique (commissaire aux Nouvelles Hébrides dont il recevra beaucoup de visites pendant son affectation mauritanienne). Il est le premier ambassadeur de France à Nouakchott, alors que Moktar Ould Daddah souhaitait que l’ancien Haut-Commissaire n’en fasse pas office afin que le changement soit bien marqué : Paris s’y refusa. Par la suite, il sera ambassadeur en malaisie, au Ghana à Cuba et au Sri Lanka. Henri Bernard, né le 20 Septembre 1920 est aussi de la France d’Outre-Mer : Côte d’Ivoire et Niger avant d’être le dernier secrétaire général du Territoire en 1958, suppléant avec souplesse au gouverneur Mouragues. Il sera ensuite aux Comores, en Guine équatoriale et au Burundi, familier des cabinets ministériels. Tous deux sont de la même génération ou à peu près que Moktar Ould Daddah, et très à l’aise en Mauritanie qu’ils aiment.


Synthèse Générale n° 10
Période du 1er au 15 Novembre 1960.

SECRET – n° 0207

La nervosité et la déception qui perçaient dans les dernières déclarations marocaines relatives à la Mauritanie ont sans doute poussé les autorités de RABAT aux solutions extrêmes. En effet, le Député-Maire d’ATAR, ABDALLAHI OULD OBEID, a été assassiné le 8 Novembre, et il semble bien que l’initiative de l’attentat ait été prise au MAROC. Loin de provoquer le désarroi que ses auteurs avaient probablement escompté, ce rime a suscité de la part du Gouvernement de NOUAKCHOTT des réactions immédiates et efficaces. Il n’est pas impossible, en outre, que cet acte de terrorisme ait pesé sur la décision prise tout récemment par les deux principaux leaders de la NAHDA qui viennent, dans une volte-face inbattendue, de se rallier à la politique du Président MOKTAR OULD DADDAH. Enfin la position mauritanienne, déjà considérablement renforcée par les résultats de la Conférence d’Abdijan et l’annonce du soutien accordé par la TUNISIE, vient de recueillir à TUNIS les suffrages des Syndicats Africains, qui ont en même temps condamné avec une impressionnante unanimité les prétentions Marocaines.

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Au cours de la première semaine de Novembre, l’attention générale, qui n’était pas encore sollicitée par la situation intérieure, s’est portée sur les réactions Marocaines à l’annonce que la TNUNISIE soutenait désormais la thèse Mauritanienne. Surprise, déception, amertume, telles sont les impressions qui se sont dégagées de la lecture de la presse Chérifienne qui, dans son ensemble, a invoqué la solidarité du Maghreb Arabe pour condamner la position Tunisienne à l’égard d’un pays Africain qui n’a justement jamais fait partie du Maghreb. Ces commentaires qui ne sauraient surprendre, ont pris un tour plus insidieux lorsque certains journaux, prenant prétexte des risques que ferait courir à l’unité du Maghreb l’attitude Tunisienne, en sont arrivés à invoquer l’affaire d’ALGERIE. Esquissé par la presse, le nouveau thème de la propagande de RABAT a été précisé par M. ALAOUI, Ministre de l’Information, dans son dernier communiqué : « L’attitude de la presse Tunisienne – a-t-il dit – est indéfendable. Elle n’est pas maghrébine. Vouloir sacrifier la Mauritanie au nom de l’Algérie ne trompe personne. Travailler pour la libération de la Mauritanie, c’est également lutter pour l’Algérie et l’édification du Maghreb Arabe ». Cela signifie, en d’autres termes, que celui qui soutiendrait l’indépendance Mauritanienne, s’affirmerait contre l’indépendance Algérienne. Il est douteux qu’une dialectique aussi paradoxale parvienne à ébranler ceux qu’elle s’efforce de convaincre, en premier lieu la Tunisie et les Etats africains d’expression française dont l’unanimité sur le problème mauritanien vient d’ailleurs se trouver consacrée. La GUINEE a en effet répond par l’affirmative à l’invitation de NOUAKCHOTT pour les fêtes du 28 Novembre.

Ainsi, malgré l’affaiblissement d’une position qui n’a cessé de se dégrader depuis la publication des motions de la Conférence d’ABIDJAN, le MAROC s’est enfermé dans une attitude intransigeante que le Souverain lui-même a fait sienne. Dans un geste qui semble comme un défi lancé aux partisans africains d’une Mauritanie indépendante, le Sultan a nommé Ministre d’Etat, l’ex-Emir du Trarza, MOHAMED FALL OULD OUMEIR. Estimant enfin que la propagande habituelle ne saurait plus suffire à troubler l’opinion, les autorités chérifiennes semblent bien avoir déclenché ou tout au moins encouragé l’implantation d’une action terroriste en Mauritanaie.

Le Député-Maire d’ATAR, ABDALLAHI OULD OBEID a été tué le 8 Novembre à 20 heures dans la rue principale du Ksar de NOUAKCHOTT d’une balle de pistolet 7,65 tirée à bout portant dans le dos. Le meurtre a été commis alors que OULD OBEID sortait de l’échope d’un boutiquier chez lequel il venait de rédiger la communication qu’il devait lire le lendemain à la Radio.

Bien qu’il ait encore été impossible de se procurer les bulletins d’écoute de Radio-Rabat relatifs à la période qui a précédé le meurtre, il est probabale que l’annonce marocaine pourra être bientôt vérifiée.

Au cours d’une entreveu le 15 Novembre à NOUAKCHOTT, le Président MOKTAR m’a affirmé que la Radio Marocaine avait annoncé, puis démenti deux jours après cette exécution, en précisant que le premier attentat avait été manqué, mais que le second atteindrait son but.

Plusieurs témoins auraient en effet affirmé avoir entendu au cours de la soirée du samedi 5 Novembre dans la grand’rue du village un coup de feu au moment précis où ABDALLAHI OULD OBEID passait au milieu des promeneurs habituels. Ce dernier ne sse serait même pas douté de la tentative et la détonation aurait été attribuée par les témoins au pétard d’un enfant.

D’autre part, le communiqué officiel publié à la suite de l’assassinat du Député de l’ADRAR a fait état de déclarations de la Radio Marocaine sur un ton tellement formel que l’on peut être à peu près certain que plusieurs Mauritaniens de la Capitale ont entendu annoncer la mort d’OULD OBEID avant que celui-ci ait été turé. « Radio-Rabat – dit le communiqué de NOUAKCHOTT – a annoncé depuis plusieurs jours l’assassi,at de ABDALLAHI OULD OBEID. Les responsabilités de ce lâche assassinat sont donc clairement établies. Le Gouvernement Marocain tente aoinsi d’intimider l’opinion publique Mauritanienne en inspirant des actes de terrorisme. De tels actes soulèvent la réprobation générale et vont à l’encontre du but recherché. Ils ne peuvent que confirmer la volonté du peuple mauritanien de défendre l’indépendance nationale ».

L’hypothèse d’un assassinat organisé à partir du MAROC paraît d’autant plus vraisemblable que les transfuges Mauritaniens et les dirigeants Marocains avaient évoqué depuis longtemps cette éventualité. Par des actions terroristes ils espèrent en effet non seulement frapper l’opinion, impressionner le Gouvernement et fléchir sa résolution, mais aussi démontrer à l’étranger que le peuple Mauritanien n’hésite pas à recourir aux moyens les plus extrêmes pour obtenir la réalisation « de ses aspirations fondamentales ».

Cependant les aurorités de NOUAKCHOTT ont conservé tout leur sang froid. Le Conseil des Ministres s’est réuni le lendemain de la mort d’ABDALLAHI OULD OBEID et a arrêté les mesures suivantes :
– 1 – Perquisitions systématiques dans toutes les subdivisions au domicile des éléments Nahdistes.
– 2 – Contrôle rigoureux des militants. Ceux-ci devront se présenter matin et soir aux autorités du lieu de résidence.

– 3 – Les Chefs de Circonscription ont reçu toute latitude pour placer en résidence surveillée les activistes locaux qui leur paraîtraient dangereux.

– 4 – Expulsion, dans un délai de 24 heures, de tous les ressortissants Marocains d’ATAR et ROSSO. Des mesures conservatoires seront prises pour préserver leurs biens qui seront placés sous scellés.

– 5 – Dans tous les autres Cercles, l’expulsion des ressortissants Marocains a été également décidée. Elle ne pourra toutefois s’effectuer dans des délais aussi brefs, et certaines exceptions pourront être proposées au Gouvernement par les Chefs de Circonscription.

– 6 – Des postes de contrôle routier ont été mis en place à l’entrée et à la sortie de NOUAKCHOTT.

– 7 – Tous les activistes NAHDA de la Capitale, une vingtaine de militants environ, ont été arrêtés. Ils seront placés en résidence obligatoire à AKJOUJT.

Le meurtrier a pu s’enfuir à la faveur de la nuit et les recherches n’ont jusqu’à présent pas abouti. Elles s’orientent bien entndu vers les milieux nahdistes de NOUAKCHOTT, mais aussi vers les ressortissants de la Tribu SMACID d’ATAR à laquelle appartenait le défunt. Une partie importante de ce groupement qui se réclame du transfuge DEY OULD SIDI BABA – lui-même SMACID – était en effet violemment et depuis longtemps opposée au nouveau Maire d’ATAR, et il est possible que les instigateurs du meurtre, utilisant une haine traditionnelle pour préparer un crime politique, aient recruté un homme de main dans cette Tribu dont par ailleurs les attaches et les alliances avec le Sud Marocain sont connues.

La nouvelle de l’attentat, une fois passé le premier moment de stupeur, a suscité la réprobation générale des milieux officiels. On s’indigne d’un acte que l’on dit contraire aux mœurs Mauritaniennes. Un certain flottement et de l’inquiétude sont perceptibles au sein de la population de NOUAKCHOTT. Pour la rassurer autant que par mesure de sécurité les patrouilles qui parcourent la ville ont été renforcées et les Groupes Nomades qui doivent participer au défilé du 28 Novembre ont reçu l’ordre de gagner au plus tôt les environs de la Capitale.

L’attentat perpétré contre le Député d’ATAR a ramené l’attention sur un incident qui avait été interorété au moment où il s’est produit comme la vengeance banale d’un ancien condamné contre celui qui l’avait arrêté. Le vendredi 4 Novembre, à 20 h 30, un inconnu a tiré un coup de fusil de chasse sur le gendarme VINCENT, Chef de la Brigade de KIFFA. Ce dernier, gravement blessé à la cuisse, a été évacué sur SAINT-LOUIS et les recherches entreprises pour retrouver le coupable sont jusqu’à ce jour demeurées vaines. L’enquête a repris sur de nouvelles bases. Bien que rien ne permette de le penser, on peut se demander en effet si cette agression n’était pas la première manifestation d’une série d’actes de terrorisme dont la liste a peut-être été arrêtée par les transfuges installés au MAROC, comme le laissent entendre les rumeurs qui circulent à NOUAKCHOTT au sujet d’une liste « hommes à abattre » publiée par la radio marocaine, en tête de laquelle viendraient sucessivement les noms de ABDALLAHI OULD OBEID, MOKTAR OULD DADDAH eyt SIDIYA, Speaker à la Radio Mauritanienne. Il faut préciser à cet égard qu’à aucun moment le nom d’un européen n’a été prononcé par Radio-Rabat.

Quoi qu’il en soit Gouvernement et Assemblée s’efforcent d’offrir au londe extérieur un spectacle de travail et de sérénité.

Le 9 Novembre, au lendemain-même de l’attentat contre ABDALLAHI OULD IBEID, les Députés ont approuvé debout et par acclamations le projet de loi portant approbation de l’accord signé le 19 Octobre 1960 entre le Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie et celui de la République Française, portant transfert des compétences de la Communauté. A cette occasion le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier Ministre ont réaffirmé avec force leur foi dans l’indépendance de la Mauritanie et leur hostilité aux prétentions Marocaines.

La nomination de Monsieur DEYINE, Ministre de l’Education Nationale au poste de Ministre de l’Intérieur a été rendue publique. Celui-ci a choisi comme Directeur de Cabinet l’Administrateur AHMED OULD BAH, dont le caractère et la fermeté se sont affirmés à plusieurs reprises au cours des commandements qu’il a assumés, à KIFFA et NEMA notamment. On sait que la charge de l’Intérieur avait jusqu’ici été assurée par le Premier Ministre lui-même, assisté d’un Directeur de l’Intérieur, M. BOURGAREL. Monsieur DEYINE conserve en outre le Portefeuille de l’Education, de la Jeunesse et de l’Information.

Le Conseil des Ministres a d’autre part donné son approbation aux nominations suivantes :
– SAMORY OULD BIHA, Commandant de Cercle de NEMA ;
– DEYE OULD BRAHIM, Commandant de Cercle d’AKJOUJT ;
– AHMED OULD MOHAMED SALAH, Commandant de Cercle de Tidjikja ;
– SID AHMED OULD MOHAMED, Commandant de Cercle d’ALEG ;
– HAMADA OULD ZEIN, Chef de la Subdivision d’AIOUN ;
– AHMED OULD MOHAMED LAGHDAF, Chef de la Subdivision nomade de NEMA ;
– KANE AMADOU, Adjoint du Commandant de Cercle de ROSSO ;
– BASTOUIL, à la disposition du Ministre de l’Economie rurale.

Ainsi, le Gouvernement a poursuivi sa tâche sans se laisser intilider. Ce calme et cette confiance sont d’ailleurs d’autant plus justifiées que les nouvelles parvenues de l’extérieur ont confirmé le progrès considérable accompli par la thèse Mauritanienne dans l’opinion mondiale.

Lors de la réunion du 8 Novembre à TUNIS de la Conférence Syndicale Africaine, un Mauritanien, M. FALL MALICK, a été proposé pour le poste de Vice-PréSIDENT ; Il aurait été probablement élu s’il n’avait lui-même fait remarquer que la demande d’adhésion de son organisation à la C.I.S.L. n’était pas encore officiellement ratifiée. Cette élection aurait permis à la Mauritanie de faire avant l’heure, et dans l’une des capitales du Monde Arabe, son entrée sur la scène internationale. Bien que le projet n’ait pu aboutir, le fait qu’il ait été proposé atteste que le monde Africain du travail, qui n’avait pas eu jusqu’à présent l’occasion de faire entendre sa voix, apporte à la Mauritanie un soutien qui sera particulièrement appréciable.

La position des Délégués à la Conférence Syndicale s’est encore affirmée avec force le 12 Novembre lorsqu’après avoir condamné l’ « immixtion inadmissible » du Gouvernement chérifien dans le domaine Syndical » ils ont adopté une résolution appelant tous les travailleurs Africains à saluer l’Indépendance de la Mauritanie comme « une spectaculaire victoire des Syndicats Africains dans leur lutte conbstabte pour libérer le Continent de toute domination colonialiste et impérialiste ».

Les délégués Maricains furent seuls à voter contre la résokution. Encore devaient-ils spécifier dans le même temps – comme s’ils étaient gênés d’obéir à des instructions qu’ils n’approuvaient pas – qu’ils n’étaient pas opposés à l’accession de la Mauritanie à l’indépendance. Ce nouvel échec a dû être ressenti à RABAT avec une amertume comparable à celle qui avait accueilli la prise de position Tunisienne car les délégués Algériens eux-mêmes se sont prononcés pour l’indépendance de la Mauritanie etr se sont abstenus au moment du vote. La position formelle adoptée par les Délégués à la Conférence Intersyndicale est d’autant plus opportune que la Commission Politique à l’O.N.U. a décidé le 10 Novembre d’aborder le 15 la question de la République Islamique de Mauritanie, et que les autorités de RABAT ont décuidé à leur tour d’envoyer des Missions dites « d’amitié et de bonne volonté » chargées d’exposer aux Gouvernements le point de vue marocain. Ces délégations sont digigées par les personnalités suivantes :

Asie – Moyen-Orient : M. ALLAL EL FASSI, Président de l’Istiqlal ;
Europe : M. BALAFREJ, ancien Ministre des Affaires Etrangères ;
Amérique : M. ABDEL KADER TORRES ; ancien Président du Parti Réformiste du Nord.

Quant à la Mission « Afrique », elle a à sa tête M. ABDELKEBIR MEHDI EL FASSI, Ambassadeur à BONN, et compte parmi ses membres le transfuge Mauritanien MOHAMED EL MOKTAR OULD BAH, Directeur de la Radiodiffusion Marocaine.

De leur côté, les Délégations envoyées par le Gouvernement Mauritanien en Afrique et en Amérique du Sud s’apprêtent à rejoindre NOUAKCHOTT, leur mission remplie. Avant de regagner PARIS où il a été chargé de représenter son pays à la Conférence réunissant les Etats Africains d’expression Française devenus indépendants en vue d’étudier dans quelles conditions ils pourraient demeurer associés à la Communauté Economique Européenne, M. CHEIKHNA OULD MOHAMED LAGHDAF, Ministre de la Justice, a confirmé à Mexico que les Nations de l’Amérique Latine donneraient leur appui à la Mauritanie. De son côté, M. BA MAMADOU SAMBA BOLI, Ministre du Plan, qui a fait le tour de toutes les capitales des Etats Indépendants d’Afrique Noire, a eu l’occasion de me préciser à son passage à SAINT-LOUIS combien il était satisfait de l’accueil qui lui avait été réservé et des appuis qu’il avait recueilli partout.

Enfin il faut noter que trois jours avant la sortie du Livre Blanc Marocain, le 10 Novembre, la Délégation officieuse de la Mauritanie à NEW-YORK a publié un Aide-Mémoire dans lequel l’argumentation marocaine s’est trouvée refutée par avance.

Les travaux de la Commission Politique de l’Assemblée Générale de l’O.N.U., en prévision desquels les Marocains ont envoyé à NEW-YORK une délégation « Mauritanienne » sous la direction de HORMA OULD BABANA, ne manqueront pas d’être influencés par un événement assez inattendu. Il s’agit du ralliement des deux plus importants leaders du part pro-Marocain de la NAHDA placés en résidence surveillée à TICHITT depuis le 12 Septembre, MM. BOUYAGUI OULD ABIDINE, Président, et BAMBA OULD YEZID, Secrétaire de l’Organisation Féminine. Dans un télégramme adressé le 14 Novembre au Premier Ministre, ils ont félicité ce dernier de son action pour l’indépendance, rejetté les prétentions marocaines, condamné tous actes pouvant porter atteinte à l’Ordre public et se sont placés à la disposition du Gouvernement « pour contribuer à l’édification de la Nation et à la sauvegarde de l’intégrité territoriale de la Patrie Mauritanienne ».

A NOUAKCHOTT, où ces deux messages ont produit une forte impression tant dans les milieux gouvernementaux que dans l’opinion publique, ont s’est félicité d’un ralliement qui, intervenant quelques semaines seulement après celui de l’U.N.M., constirue un démenti flagrant aux allégations des autorités de RABAT et des transfuges Mauritaniens. On n’en demeure pas moins réservé sur les mobiles profonds d’une volte-face tardive autant que spectaculaire. Il est possible que les deux leaders, effrayés par les dangers que ferait courir au pays la généralisation des attentats, aient sincèrement opté pour la politique gouvernementale. Ou bien ont-ils estimé plus prosaïquement que la partie étant perdue pour le MAROC, il était temps pour eux, s’ils voulaient se ménager la clémence et plus tard les faveurs du pouvoir, de faire amende honorable. Il n’est pas exclu enfin – et c’est l l’opinion du Premier Ministre MOKTAR OULD DADDAH – qu’ils aient eu l’arrière-pensée de se soumettre apparemment pour reprendre leur action d’opposition quand les circonstances seront devenues plus favorables. Peu importent d’ailleurs dans l’immédiat les mobiles réels de leur décision. Seul compte le résultat, qui est la neytralisation ou tout au moins l’affaiblissement de la NAHDA, qui constituait jusqu’ici en territoire mauritanien la tête de pont indispensable à la réalisation des plans Marocains.

. . . Pierre ANTHONIOZ


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Synthèse Générale n° 11
Période du 15 au 30 Novembre 1960.

SECRET – n° 0223

Les fêtes qui ont marqué l’accession de la République Islamique de Maritanie à l’indépendance se sont déroulées à NOUAKCHOTT les 27 et 28 Novembre, selon le programme ci-joint (annexe n° 1), en présence de M. le Premier Ministre de ka République Française, de M. le Secrétaire d’Etat FOYER et de M. le Secrétaire Général FOCCART. Trentew-cinq délégations étrangères – dont trente-deux envoyées par des Etats membres de l’O.N.U. – assistaient aux cérémonies (cf. annexe n° 2). Il faut ajouter à cela que le Gouvernement Mauritanien avait auparavant reçu des messages de reconnaissance formelle ou de félicitations de trente-six nations, dont vingt n’étaient pas représentées à NOUAKCHOTT pendant ces deux de festivités. On peut donc dire qu’outre la France cinquante-deux pays, appartenant aux Nations Unies, ont manifesté soit par leur présence, soit par télégramme ou par lettre, leur désaccord avec la thèse marocaine.

Une sérieuse réserve doit néammoins être faite en ce qui concerne l’U.R.S.S. En effet, M. KROUCHTCHEV a adressé au Chef du Gouvernement Mauritanien le message suivat, qui manque quelque peu de netteté et qui corresopond assez bien à l’attitude ondoyate de la Délégation soviétique lors des récents débats de l’O.N.U. :

« Le jour où la Mauritanaie fait ses premiers pas verssa libération du joug colonial, j’adresse au peuple de MAURITANIE les salutations cordiales et les leilleurs vœux du peuple de l’U.R.S.S., du Gouvernement et de moi-même. S’inspirant constamment des principes léninistes de la politique extérieure, respectant profondément les aspirations des peuples à un libre développement, le Gouvernement de l’U.R.S.S. exprime la certitude que la population de la Mauritanie obtiendra le succès dans cette noble cause. Je souhaite au peuple mauritanien bonheur et prospérité. Nikita KROUCHTCHEV ».

Il n’a pas échappé au Gouvernement de Nouakchott que ce télégramme ne parle que d’ « un premier pas vers la la libération du joug colonial », et que les vœux et les salutations qu’il comporte ne s’adressent pas aux dirigeants, mais au peuple mauritanien. Néammoins, M. MOKTAR OULD DADDAH a tenu à répondre au leader soviétique en affectant de croire que celui-ci a formellement reconnu la souveraineté internationale de la MAURITANIE, et il l’a remercié des vœux qu’il a bien voulu lui faire parvenir à l’occasion de l’accession de son pays à l’indépendance.

Certes, l’Ouest a mis plus d’empressement que l’Est à reconnaître la souveraineté mauritanienne et les premiers Etats qui aient établi des relations diplomatiques avec NOUAKCHOTT – France, U.S.A., Grande-Bretagne et ALLEMAGNE FEDERALE – sont tous quatre des piliers de l’Occident. Il est vrai, également, que dans le Groupe Afro-Asiatique un pays aussi important que l’INDE, n’est pas encore sorti de l’expectative, et que les membres de la Ligue arabe se sont solidarisés avec le MAROC.. Mais la SOMALIE et, surtout, la TUNISIE ont ewnvoyé des représentants à Nouakchott, et M. BOURGUIBA a non seulement pris position en faveur de la République Islamique, mais est allé jusqu’à accorder son parrainage à ce nouvel Etat pour son admission à l’O.N.U. Aussi le Chef de la Délégation Tunisienne, M. MASMOUDI, a-t-il été l’objet d’un accueil particulièrement enthousiaste de la part des dirigeants locaux et de la foule.

D’ailleurs, après le méchoui offert par le Premier Ministre le 27 Novembre à 13 heures, M. MASMOUDI a fait aux reporters français et étrangers, dans notre langue, une déclaration extrêmement aimable pour le peuple mauritanien et aussi, il faut bien le dire, pour la France, « à la générosité de laquelle la MAURITANIE devait de fêter, après les autres Etats de la Communauté, un si grand jour ». Il est vrai qu’il a ajouté que nous ne saurions nous arrêter en si bon chemin et que nous nous devons de libérer « tous les peuples d’Afrique encore placés sous notre tutelle ». il ne semble pas qu’il en reste beaucoup, ce qui rend l’allusion de M. MASMOUDI très transparente en dépit de sa courtoise discrétion.

Déjà encouragé par la prise de position tunisienne et par les nombreuses marques de sympathie qui lui étaient parvenues du monde entier, M. MOKTAR OULD DADDAH a accueilli avec joie, le 27 Novembre, l’annonce de l’échec subi par le MAROC à l’O.N.U., à propos de l’amendement indien repris par l’IRAK, le vote intervenu sur cet amendement démontrant l’impuissance du Gouvernement Chérifien à réunir une majorité sur un texte qui, si peu que ce soit, mettrait en doute la pleine capacité de la Nation mauritanienne.

Aussi est-ce dans une atmosphère de joyeuse détente que les invités de la République Islamique ont vécu ces deux jours. L’enthousiasme de la masse a pu étonner ceux qui, connaissant les Maures, savent qu’ils sont toujours aimables, souvent enjoués, mais très rarement bruyants. La foule était nombreuse, le service d’ordre ayant visé à la discrétion dans l’efficacité, et les visiteurs les plus malveillants pourront difficilement prétendre qu’une ambiance policière aura pesé sur les festivités. Les organisateurs, étant donnés les moyens réduits qu’ils ont gtrouvés sur place dans cette capitale en chantier, ont obtenu des résultats remarquables, que la plupart des Délégations se sont plues à reconnaître.

A tout instant et partout le Président de la Communauté, la France et ses représentants ont été l’objet de la sympathie et, il faut le dire, de la reconnaissance des Mauritaniens et de leur leaders. Après la cérémonie intime de l’évhange des instruments de ratification, la réunion de l’Assemblée, en présence d’une foule considérable, a donné lieu à une manifestation d’amitié franco-mauritanienne qui – de source sûre – a beaucoup impressionné les visiteurs. Le discours du Premier Ministre Français, ceux du Président SIDI EL MOKHTAR et du Premier Ministre Mauritanien en ce qu’ils comportaient d’hommages à la France et à son Chef ont soulevé des applaudissements dont la spontanéité ne fait aucun doute.

Dans les autres centres de la MAURITANIE les fêtes de l’Indépendance ont été célébrées dans des conditions qui sont encore mal connues. On sait seulement que tout s’est bien passé partout, même à ATAR où pourtant on aurait pu s’attendre à des manifestations de mauvaise humeur de l’opposition nahdiste.

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Les derniers invités repartis, M. MOKTAR OULD DADDAH a dû être de nouveau absorbé par les nombreux problèmes qui se posent à lui sur les plans extérieur et intérieur.

Du point de vue extérieur, la première question à résoudre est celle de l’admission de la République Islamique à l’O.N.U. Certes, la thèse marocaine n’a pas recueilli l’adhésion des Nations Unies. Mais il reste encore à savoir – et c’est là une affaire quelque peu différente – si la candidature Mauritanienne rencontrera la faveur du Conseil de Sécurité. Sans attendre que ce Conseil se soit prononcé, le Premier Ministre, accompagné d’une délégation d’une vingtaine de membres, a quitté NOUAKCHOTT le 30 Novembre pour DAKAR, d’où il repartira pour NEW-YORK dans la nuit du 2 au 3 décembre.

Un autre problème, qui ne paraît pas près d’être résolu, est celui des relations frontalières de la MAURITANIE et du SOUDAN. Le 17 Novembre, un nouvel incident est venu aggraver la tension entre les deux Etats. Trois Maures s’étant présentés à TIEKKI pour y reprendre de jeunes servantes en fuite ont été maîtrisés par les serviteurs du village et conduits aux autorités soudanaises de NARA. Informés du fait, les hommes de leur campement ont monté contre les serviteurs récalcitrants une expédition punitive qui a fait huit morts et une vingtaine de blessés.

Le village et le puist de TIEKKI, qui appartiennent à la fration émirale des OULAD MAHMOUD, se trouvent en MAURITANIE, à six ou sept kilomètres au nord de la fronitère, toutefois les terrains de cultures dépendant du village s’étendent jusqu’au SOUDAN. Il semble que la bagarre ait eu lieu en territoire soudanais.

Venu sur les lieux, M. FADALA KEITA, Commandant du Cercle de NARA, y a rencontré M. MOHAMED LEMINE SAKHO, Chef du poste administratif de RAS-EL-FIL dont dépendent les ULAD MAHMOUD, qu’accompagnaient le Chef de Brigade de Gendarmerie de NEMA et le Chef Général des OULAD MAHMOUD, AHMED OULD MOKHTATR. M. FADIALA KEITA s’est fait remettre le Chef Général AHMED OULD MOKHTAR qu’il a emmené à NARA pour l’entendre. Celui-ci n’est toujours pas revenu en MAURITANIE, ce qui n’a pas manqué de mécontenter les Maures du HODH.

Cette affaire, la plus importante de celles qui ont troublé les confins soudano-mauritaniens depuis le début de l’année, est survenue à un moment particulièrement inopportun. Le Gouvernement Soudanbais recevait en effet, au même moment, en visite officielle à BAMAKO, les Présidents NKRUMAH et SEKOU TOURE, et l’annonce de l’événement n’aura pas manqué de produire sur les invités Ghanéens et Guinéens un effet assez fâcheux. Peut-être même est-ce pour cette raison que le Chef du Gouvernement du GHANA, qui devait tout d’abord assister en personne aux Fêtes de NOUAKCHOTT, a renoncé à faire personnellement le voyage et a désigné à sa place un membre du Parlement, M. SALIFOU YAGOUBOU.

M. MODIBO KEITA a pour sa part écrit aussitôt au Président MOKTAR OULD DADDAH une lettre de protestation dans laquelle, après quelques considéraions sur l’incapacité pour la MAURITANIE Indépendante d’affirmer son autorité sur certains de ses ressortissants, il menaçait de remettre en question les rapports entre les deux Pays si de tels incidents venaient à se reproduire et annonçait qu’il supprimait l’envoi d’une délégation Malienne à NOUAKCHOTT pour les fêtes du 28 Novembre. Maître MOKTAR OULD DADDAH a prudemment répondu que les renseignements en sa possession ne correspondaient pas exactement aux faits invoqués par le Premier Soudanais, et proposé une rencontre à l’échelon des Ministres des Affaires Etrangères après les Fêtes de l’Indépendance. Nullement apaisé par cette réponse, le Chef du Gouvernement Soudanais a rétorqué qu’une rencontre de ce genre ne saurait être envisagée « tant que la MAURITANIE n’aurait pas rendu les cinquante enfants qui avaient enlevés lors de l’affaire TIEKKI ».

Comme on a pu le remarquer, des conflits incessants entre le MALI et la République Islamique relèvent tout autant du domaine intérieur mauritanien que du domaine extérieur, car ils prennent leur source dans le malaise qui affecte les rapports entre les « maîtres », basés dans le HODH, et les « serviteurs », installés sur des terrains de culture situés au SOUDAN.

C’est là un problème d’ordre social qui ne sera pas facilement résolu. Et il y en ad’autres, comme celui – qui n’est pas spécial à la République Islamique – de l’accession des jeunes élites aux postes de responsabilité – magistrature de Droit musulman, Adlinistration des Circonscriptions et de certains Services – déjà pourvus de titulaires dont l’instruction laisse à désirer, ou comme celui – propre à la MAURITANIE, celui-là – de l’antagonisme entre Guerriers et Marabouts, ou encore comme celui – particulièrement aigu dans ce pays – des rapports entre jeunes progressistes et Chefs Traditionnels.

A propos de toutes ces questions naissent des mécontentements qui se cristallisent dans le seul parti d’opposition vraiment organisé, la NAHDA, et l’on voit tout de suite comment le MAROC ou le MALI peuvent en profiter. C’est ainsi que l’enquête ouverte à la suite de l’assassinat du Député OULD OBEID, qui a abouti à l’arrestation d’un suspect, laisse supposer que si RABAT est sans doute à l’origine de l’attentat – ne serait-ce que par l’action de sa propagande et ses exhortations à la violence – l’homme de main a pu être d’autant plus facile à trouver que, sur le plan strictement local, il y avait certains comptes à régler qui n’avaient rien à voir avec la politique étrangère.


Pour l’Envoyé Exceptionnel et Plénipotentiaire
et par délégation,
le Premier Conseiller,

Henri BERNARD


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Synthèse Générale n° 12
Période du 1er au 31 Décembre 1960.

SECRET – n° 18

Dans l’euphorie de l’Indépendance et fort de très nombreuses marques de sympathie reçues à cette occasion de la part de nombreux Etats, le Gouvernement de la République Islamique, faisant preuve d’une confiance excessive, malgré de prudentes mises en garde, s’était persuadé que l’admission de la Mauritanie à l’O.N.U. ne serait qu’une formalité.

On imagine aisément la déception du Président MOKTAR OULD DADDAH à qui le message KROUCHTCHEV du 28 Novembre cité dans la précédente synthèse avait donné de faux espoirs.

La nouvelle du veto russe parvenue en Mauritanie avec une rapidité remarquable a produit chez les partisans du Gouvernement une violente irritation et, d’une façon générale, un certain mépris pour le MAROC qui en a été bénéficiaire.

A la demande du Président MOKTAR et pour prévenir toute interprétation tendancieuse, le Chef du Gouvernement par intérim ; M. AMADOU DIADIE SAMBA DIOME a prononcé un discours dans lequel, après avoir dénoncé la « politique de chantage » de la RUSSIE Soviétique et vitupéré écet impérialisme plus odieux encore que celui qu’il prétend combattre », il a souligné que l’indépendance était un fait acquis et que le veto soviétique n’y pouvait rien changer ; il a rappelé que c’est à une majorité écrasante que l’admission de la R.I.M. aux Nations Unies avait été proposée.

Cet évènement a quand même longuement défrayé la chronique. Le Ministre des Travaux Publics a beau dire que ce « geste inamical constituait pour la Mauritaanie un certificat de bonnes vie et mœurs », la déception n’en a pas été moins vive dans la population.

Le Premier Ministre qui s’était attardé à NEW-YORK, avait rendu au Président EISENHOWER, le 12 Décembre, une visite au cours de laquelle, dans un entretien privé « de nombreux problèmes ont été abordés ».

De retour à PARIS, le 13 Décembre, le Président MOKTAR avait fait, dans une interview concernant principalement le MAROC et le veto soviétique, les commentaires qui s’imposaient. Cependant ce sont plutôt ses déclarations sur le conflit algérien qui ont retenu l’attention, car, ayant affirmé par deux fois que « c’est à ceux qui se battent de se mettre d’accord », ces affirmations équivalent implicitement à éliminer l’O.N.U. du règlement de l’affaire algérienne.

Il semble toutefois qu’il ait voulu considérer le F.L.N. comme le seul organisme représentatif des partisans de l’ALGERIE Indépendante.

A son retour de BRAZZAVILLE, le Premier Ministre s’est dit satisfait et réconforté de la vigueur avec laquelle les onze états d’expression français ont affirmé leur solidarité avec la Mauritanie et, dans ses déclarations à la Presse et à la Radio, il a manifesté un intérêt apparemment primordial pour « l’appel lancé de BRAZZAVILLE à tous les Chefs d’Etat Africains de toutes expressions pour une rencontre en 1961 où seraient examinés tous les problèmes se posant à l’Afrique et se rapportant à la Paix ».

En réalité, ce qui le préoccupe actuellement, c’est de maintenir la cohision de son Etat, de résister aux attaques marocaines et d’obtenir, en Mars prochain, l’entrrée de la Mauritanie à l’O.N.U. Il voit, dans ce dernier objectif, une consécration nécessaire et une condition, non pas peut-être indispensable, mais en tout cas très importante de la pérennité de la Nation Mauritanienne.

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Sur le plan de la politique intérieure, il est noter que les dirigeants du parti NAHDA, récemment dissous, avaient adressé au Secrétaire Général de l’O.N.U. un télégramme dans lequel « ils approuvaient sans réserve l’accession de la Mauritanie à l’Indépendance et à la souveraineté nationale » et « recommandaient…. A tous les Gouvernements représentés à l’O.N.U., MAROC compris, de reconnaître la R.I.M. et de prononcer unanimement son admission aux Nations Unies ».

Avant de faire parvenir aux Nations Unies un tel message il fallait sans doute que les dirigeants de la NAHDA et, à leur tête, leur Président M. BOUYAGUI fussent bien persuadés du succès du Président MOKTAR. Cette démarche n’a peut-être été de leur part qu’une erreur de tactique mais dans ce cas il leur sera malaisé de reconsidérer leur position actuelle.

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On a vu, dans la précédente synthèse, combien la situation à la frontière du MALI devenait préoccupante. A la suite du dernier incident, M. MODIBO KEITA avait annulé l’envoi d’une Représentation aux Fêtes de l’Indépendance, mais il n’avait pas pour autant repoussé l’idée d’une conférence Soudano-Mauritanienne.

Cette conférence s’est tenue à NIORO en présence des Ministres de l’Intérieur et du SOUDAN, MM. SIDI MOHAMED DEYINE et MADEIRA KEITA.

Les entretiens qui avaient débuté dans une atmosphère parfois passionnée ont abouti à la rédaction d’un communiqué optimiste mais évasif ne donnant aucune précision sur les mesures pratiques envisagées – si tant est qu’elles l’aient été – pour rétablir des relations pacifiques à la frontière soudano-mauritanienne.

Le problème reste entier. La tension entre les deus pays pourrait encore saggraver si le MALI autorisait le MAROC – comme le bruit en a couru – à installer un Consulat à NARA. L’ouverture d’un Consulat marocain à proximité d’une zone frontière en effervescence constituerait un réel danger pour la République Islamique de Mauritanie.


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Du fait de l’absence prolongée du Chef de Gouvernement, les ministères ont réduit leur activité et toute l’attention s’est portée sur les travaux de la Commission des Finances et de l’Assemblée Nationale.

Le 16 Décembre, la Commission avait entendu le traditionnel exposé du Ministre des Finances sur les perspectives, les moyens et les buts du prochain budget.

La discussion des crédits affectés à l’Assemblée Nationale devait fournir aux députés l’occasion de mettre pour la première fois en application le principe d’austérité recommandé par la Commission d’Enquête Financière, pour réduire le train de vie de l’Etat.

C’est ainsi qu’, tout d’abord, été opéré un abattement de 15% sur les soldes, indemnités et frais de représentation des Parlementaires et des Ministres, les crédits de matériel subissant des amputations sensibles.

Ainsi les membres de l’Assemblée se sont-ils efforcés de donner aux-mêmes l’exemple de l’économie et de transposer dans les faits des intentions maintes fois exprimées par les dirigeants mauritaniens et des recommandations que le Comité Directeur du P.R.M. venait de leur rappeler au cours de ses réunions des 16 et 18 Décembre.

Il est permis de penser que le vote du Budget en séance plénière ne soulèvera pas de discussions passionnées, les différents Ministères ayant été frappés avec une égale sévérité.

Pour l’Envoyé Exceptionnel et Plénipotentiaire
et par délégation,
le Premier Conseiller,

Henri BERNARD



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