. . . l’unité (nous ne faisons pas de distinction ici entre l’Unité métaphysique et l’unité arithmétique qui la symbolise) ne peut être perçue qu’à travers trois. C’est pourquoi Ibn Arabî enseigne constamment que le « premier singulier (fard) est trois. Ceci résulte logiquement de ce que, dès lors qu’il y a perception, il y a sujet et objet, ce qui fait trois avec la perception elle-même. Même lors que l’Unité est envisagée pour elle-même, elle demeure impliquée dans trois celui qui la contemple, Elle-même, et la contemplation qui est la relation contemplant et Contemplé. Ce n’est que lorsque la dualité est dépassée, par la réalisation métaphysique, que l’Unité subsiste seule, sans second (c’est le tawhîd dont nous parlions au début de cette introduction), mais alors, on ne parle plus de perception ou de quelque autre relation, car connaissance, connaissant et connu sont unis dans l’Etre-Un qui se connaît Lui-même en Lui-même et par Lui-même.
De ce fait, on peut dire que, du point de vue de la conscience individuelle, dès lors qu’il y a un, il y a trois ; deux n’étant qu’un état de passage entre un et trois, une « limite » instable entre eux, sans existence autonome réelle. De quelque manière qu’on l’envisage, deux n’existe que par rapport à un premier avec lequel il fait trois, ou un troisième qui est son produit : par exemple, tous les contraires (actif-passif, haut-bas, noir-blanc, grand-petit, etc… n’ont d’existence que par le terme de référence auquel ils s’ordonnent et par lesquels ils s’équilibrent ; quant aux semblables il en est de même : seul un terme qui leur est extérieur permet de mesurer (ou qualifier) leur similarité ; ou si l’on veut, pour que les semblables ne soient pas purement et simplement identiques (c’est-à-dire un seul), il faut nécessairement quelque chose qui les distingue, ce qui fait encore un troisième.
Par ailleurs, et ce qui précède étant bien entendu, il est donné à tout un chacun de concevoir que l’unité arithmétique est le seul nombre qui ait une réelle consistance et une influence effective : toute numération commence nécessairement par un, et quel que soit le nombre qu’on envisage, aussi grand soit-il, on peut toujours lui ajouter un, et ceci indéfiniment. Ce phénomène traduit, dans l’ordre rationnel (au sens propre de « ratio », rapport, logique), la souveraineté et l’omniprésence de l’Unité métaphysique qui est l’Etre, seule réalité de toute l’existence, tout comme un est la seule réalité mathématique, les autres nombres n’étant que l’expression de rapports.
Abd-el-Karîm el-Jîlî – Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran
traduit et annoté par Jâbir Clément-François .
éd. Albouraq . Beyrouth Liban . Avril 2002 . 280 pages pp. 122-123
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distribution – La librairie de l’Orient . 18 rue des Fossés Saint Bernard . Paris Vème
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Le même auteur, pp. 69 et suivante développe le Verbe-Logos, dont l’identité avec le Principe suprême est clairement établie et rappelle l’identification formelle de Jésus au Verbe… mais il applique au Prophète pp. 106-107 sa démonstration du syllogisme (qui tire une preuve sans apport d’éléments extérieurs) et même le hadith selon lequel Dieu dit : J’étais un Trésor caché ; Je n’étais point connu. Or J’aimai à être connu ; alors Je produisis une création aux êtres de laquelle Je Me rendis connu, en sorte que, par Moi, ils M’ont connu. L’ensemble de ce commentaire introduit, par sa mise en résonnance aussi bien des grands textes religieux de l’humanité (ainsi le Tao pour la Trinité) que de la valeur numérique des lettres, à ce qui est décisif en Islam, vie quotidienne et comportements socio-politiques : « la science des lettres ». L’Islam n’est pas la religion de la fatalité, mais de la connaissance, et le dialogue précis entre chrétiens et musulmans gagnerait à se fonder sur la prière et sur les textes, non plus seulement sur la bonne volonté ou les considérations humanistes de chacun à propos de la paix ou de la dignité humaine. Aller ensemble au cœur de la révélation .
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