mardi 11 mai 2010

analyse diffusée par la C.O.D. Coordination de l'opposition démocratique - communiqué du 7 mai 2010

... que j'adresse à Bruxelles, couvert ainsi :
Je crois que l'analyse ci-jointe que je reçois de la coordination des oppositions en Mauritanie, est ce qu'il y a de plus adéquat. Je m'accorde tout à fait avec cette manière de voir, j'ai vérifié certains faits personnellement. Surtout, ce qui apparaît pour la première fois dans l'histoire contemporaine mauritanienne - au bout de trente-trois ans de tutelle militaire plus ou moins explicite, c'est l'attente universelle d'un nouveau coup pour mettre fin au pouvoir de l'actuel maître. Ould Taya qui tint plus de vingt ans, avait eu pendant cinq-six ans - à ses débuts - des ralliements et des soutiens, et ensuite, malgré procès et corruption, il avait - je les entendus pendant et depuis - ses soutiens. Mohamed Ould Abdel Aziz n'en a aucun, que des clients. Ould Taya avait des habiletés et il est acquis que personnellement il ne mettait pas d'argent dehors. L'actuel...
Je me permets de conclure en espérant votre extrême vigilance et votre écoûte des oppositions - non seulement via la délégation à Nouakchott mais par des invitations à Bruxelles. Elles sont à l'unisson.

et à Paris, couvert ainsi :
j'ai pensé que la synthèse ci-jointe peut vous intéresser. L'opposition plurielle est manifestement coordonnée : intellectuellement, stratégiquement et dans la rue.


منسقية المعارضة الديمقراطية
Coordination de l’Opposition Démocratique


Mémorandum du 7 Mai 2010

Le 17 avril dernier, et au cours d’un meeting imposant, les leaders de la Coordination de l’Opposition Démocratique ont demandé, solennellement, le départ de Mohamed Ould Abdel Aziz. Cette revendication que les thuriféraires du régime s’empressèrent d’interpréter comme un « appel à la sédition » et même « au coup d’Etat militaire » constitue, en réalité un appel à l’intensification de la lutte démocratique pour mettre à nu l’incapacité du pouvoir et précipiter le départ de celui-ci, qui constitue désormais un sérieux danger pour le pays. Elle est le fruit d’une mûre réflexion sur la situation actuelle de la Mauritanie, et s’appuie sur quatre constats majeurs :


I- Le régime a délibérément saboté l’Accord de Dakar

L’Accord de Dakar était sensé permettre à la Mauritanie de dépasser la grave crise où l’avait plongée le coup d’Etat du 6 août 2008 et de renouer avec l’ordre constitutionnel de manière crédible et apaisée. Malheureusement, Mohamed Ould Abdel Aziz l’a saboté dès sa signature, en respectant uniquement les clauses qui servaient son dessein de rester au pouvoir et en violant une à une toutes les autres. Ainsi, et sans être exhaustives, les transgressions suivantes ont été alors constatées par l’Opposition :
ü La manipulation avérée du fichier et du recensement électoraux ;
ü La partialité de l’armée dont des officiers supérieurs ont ouvertement battu campagne pour le candidat Ould Abdel Aziz ;
ü Le maintien de fait du Conseil militaire de la junte qui s’est réuni le lendemain de la démission de l’ancien Président de la république, alors qu’il était sensé avoir été dissout ;
ü Le blocage par le Premier ministre du décret portant les démembrements de la CENI ;
ü La poursuite par le CSA et le Commissariat aux Droits de l’homme de la distribution des vivres au nom de la campagne du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz ;
ü La tolérance par les autorités de Dava TV, un média de campagne du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz et l’interdiction et la confiscation du matériel de la radio For Mauritania qui soutenait un des candidats de l’Opposition.
ü La promulgation par deux fois de décrets unilatéraux convoquant le collège électoral : le premier le 23 juin, rejeté par le Conseil Constitutionnel, le second promulgué, à l’insu du Gouvernement de transition, par le Premier ministre qui se déliait ainsi de son engagement sur l’honneur d’être neutre. Ces décrets ont constitué de véritables coups d’Etat civils, dont l’un a été déjoué et le second a permis à Mohamed Ould Abdel Aziz d’organiser la Présidentielle du 18 juillet 2010 à sa guise.
Malgré ces infractions - dénoncées en leur temps – l’Opposition démocratique a, chaque fois, choisi d’éviter toute action de nature à compromettre le processus de transition consensuel, dans la perspective que le dialogue national inclusif prévu par l’Accord de Dakar allait permettre, abstraction faite des résultats du scrutin, à la Mauritanie de résoudre enfin les questions de fond que sont l’enracinement de la démocratie et la prévention de changements anticonstitutionnels de gouvernement.
L’Opposition démocratique donnait ainsi un gage indéniable de son patriotisme et de son sens de la responsabilité nationale.

II- Le régime est resté militaire sous un vernis démocratique

Après les élections et la proclamation irrégulière des résultats sur la base d’un faux procès-verbal de la CENI, le chef du régime actuel opposa une fin de non recevoir à l’unique – et légitime- doléance de l’Opposition : ouvrir une enquête sur les irrégularités qu’elle estimait avoir entaché le scrutin. S’étant toujours abstenue, comme on l’a vu, de répondre aux violations provocatrices de l’Accord de Dakar pour sauver la sortie de crise, elle aurait certainement accepté les résultats d’une enquête, quels qu’ils eussent été. En refusant celle-ci et préférant faire entériner son « élection » à la sauvette, Mohamed Ould Abdel Aziz a raté une première fois la mue démocratique de son régime, jetant un discrédit sérieux sur la transparence du scrutin et donc sur la légitimité dont il se prévaut aujourd’hui. L’histoire est d’ailleurs en train de donner raison à l’Opposition démocratique depuis quelques semaines : déclarations de l'ancien président de la CENI mettant en cause la régularité du procès-verbal de la Commission ayant servi à la proclamation des résultats et celles d’un haut responsable français, indiquant que Ould Abdel Aziz avait « organisé des élections frauduleuses ». Il a, par la même occasion, révélé que son propre pays avait « tout simplement fermé les yeux ».

En outre, l’Accord de Dakar avait prévu une clause (point 4, paragraphe VII) pour surmonter les crises et différends qui subsisteraient après l’élection présidentielle, réaliser la réconciliation nationale et instaurer la stabilité politique en donnant, notamment, une solution concertée à la question cruciale de la place de l’institution militaire et sécuritaire dans le système démocratique ; source réelle de l’instabilité politique que connaît notre pays. Pour Mohamed Ould Abdel Aziz, ce dialogue, qui aurait établi des bretelles entre la classe politique et lui et réduit son isolement à l’intérieur, constituait une autre occasion de réussir la mue démocratique de son régime. En le rejetant il rate, une seconde fois, l’opportunité de tourner la page de cette légitimité non trouvée ; naviguant à contre-courant de la tradition politique des régimes démocratiques et même du simple bon sens politique. Quel pouvoir, en effet, au sortir d’élections - dont les résultats ont été reconnus par ses adversaires ou non - n’a pas besoin d’apaisement et de normalisation du climat politique pour gouverner dans la sérénité et mettre en œuvre son programme ? Le régime actuel semble, au contraire, se complaire dans la crise et même œuvrer à l’aggraver ; s’emmurant dans l’autocratie, sourd aux appels de la COD et aux injonctions du Groupe de Contact international, réuni à Nouakchott en septembre 2009. Pire encore, et alors qu’il devait œuvrer à l'apaisement et à la réconciliation, il s’est lancé dans une campagne de règlements de comptes avec tous ses adversaires dans l'administration et dans le milieu des affaires. Ensuite, et sous le prétexte fallacieux de la lutte contre le terrorisme, il a ouvertement entrepris de légaliser l'instauration d'un Etat policier, remettant en cause les acquis de démocratie et de libertés consacrées par la Constitution de 1991.
Pour couronner sa tendance despotique, Mohamed Ould Abdel Aziz vient, dans une déclaration publique, de rejeter l'Accord de Dakar, seul cadre de la solution de sortie de crise, en vertu duquel il prétend avoir été élu. Ce faisant il a définitivement invalidé lui-même la seule référence à la légitimité de son pouvoir.

III- Le régime viole toutes les lois de la République et en méprise les institutions
Mohamed Ould Abdel Aziz a tendance à violer toutes les lois du pays, dans un mépris ostentatoire des institutions et de la séparation des pouvoirs :
o Dès sa prise du pouvoir, il a procédé au limogeage abusif de hauts fonctionnaires de l’Etat qui disposaient, au titre des lois de la République, de mandats toujours en cours : Le Gouverneur de la Banque Centrale et le Président du Conseil Economique et Social.
o Il refuse, à ce jour, de s’appliquer à lui-même, aux membres de son gouvernement et aux hauts fonctionnaires qu’il nomme et limoge toutes les semaines, la loi sur la transparence financière, dite loi sur l’obligation de déclaration de patrimoine.
o Il a ordonné l’utilisation de 50 millions de dollars, don d’un pays frère à la Mauritanie, à l'insu du Parlement. A ce jour, ce montant dont il a reconnu lui-même avoir déjà utilisé une partie, ne figure sur aucun des budgets 2008, 2009 et 2010.
o Il a placé l’appareil judiciaire sous l'autorité du Parquet général, rendant la détention, la libération et d’autres décisions touchant le droit des gens entre les mains du ministère public et délestant les juges de leurs pouvoirs.
o Il a dénoncé, dans un meeting populaire, la décision du Conseil Constitutionnel d'invalider le projet de loi anti-terroriste, dans un mépris évident de cette institution à laquelle il doit pourtant ce qu’il appelle sa « légitimité ».
Une telle propension à piétiner les institutions et les lois de la République constitue une véritable menace contre l'ordre démocratique et la séparation des pouvoirs.
IV- La gestion par le régime des affaires du pays est ruineuse
En plus de son comportement dictatorial, le régime actuel prouve, dix mois après les élections, qu’il est non seulement incapable de gouverner le pays mais que sa gestion des affaires publiques est ruineuse et constitue un grave danger pour l’existence même de la Mauritanie. Qu’on en juge :

(1) La conduite par des affaires du pays par Ould Abdel Aziz ne semble s’appuyer sur aucune vision politique, aucune stratégie de développement ; il navigue à vue, avec pour seule ligne directrice son humeur et ses lubies. La dérive populiste du régime institue une conception étriquée des besoins en développement du pays, aujourd’hui définis, décidés et mis en œuvre au gré du maître du palais.
(2) L’administration est paralysée. Après avoir été vidée de toutes ses compétences par le limogeage des opposants ou supposés tels, elle a été affaiblie par les nominations systématiques de proches et de soutiens politiques du chef du régime, dont l’autoritarisme et le pouvoir personnel étouffent le gouvernement et inhibent les quelques velléités professionnelles chez ceux qui en ont encore dans les autres rouages de l’Etat.
Aujourd’hui, et renouant avec des pratiques révolues, il se sert de l’administration centrale et territoriale comme des auxiliaires de l’UPR, dont les « implantations » se transforment en une véritable opération d’enrôlement des populations dans les rangs de cette formation politique, au moyen de la corruption, de l’intimidation et de l’amalgame entre l’Etat et le « Parti ».
(3) Le tissu économique du pays est détruit et nos relations avec les bailleurs de fonds sont compromises : La pêche, l’extraction minière, l’agriculture et l’élevage sont à genoux à cause des politiques inconséquentes de ce pouvoir. Nous n’en voulons pour preuve que le pillage des ressources de la SNIM, devenue presque l’unique pourvoyeur en liquidités du Trésor public et l’annulation de la campagne agricole 2009 – 2010, qui se traduit déjà par de sérieuses menaces de famine contre nos populations. Et comme s’il n’était pas assez grave d’affaiblir les principaux leviers de l’économie nationale, le pouvoir a compromis aussi de nombreux financements étrangers, en reniant des engagements pris avec les bailleurs de fonds (ex : la libéralisation des transports) ou en oubliant, par incurie du gouvernement, d’élaborer des projets cohérents dont les financements, qui existent déjà, risquent malheureusement d’être perdus pour la Mauritanie.
(4) Les prix montent aujourd’hui de manière exponentielle, même ceux qui ont baissé sur le marché international (le riz, le sucre, etc.) grevant, chaque jour davantage, le pouvoir d’achat de nos citoyens, dont plus de 250 000 sont menacés de famine et de malnutrition, et des centaines de milliers d’autres souffrent la soif et les maladies graves (résurgence de la tuberculose, de la polio et de la rougeole).
(5) le chômage, surtout des jeunes, atteint des proportions inquiétantes, avec 28 000 diplômés jetés sur le marché du travail, sans qu’aucun projet générateur d’emploi ne soit initié, ni en perspective !
(6) La gabegie, dont Mohamed Ould Abdel Aziz a pourtant prétendu être le pourfendeur intrépide, atteint aujourd’hui des proportions jamais égalées ces trente dernières années : des scandales sont révélés chaque jour par la presse locale(électroniques en particulier) : marchés complaisants du ministère de la santé, devenu la chasse gardée d’un seul fournisseur, fortement lié à Ould Abdel Aziz lui-même, marchés BTP octroyés tout aussi complaisamment à un autre élu proche du chef du régime(prison d’Aleg), sociétés d’Etat transformées en commissionnaires et sous-traitantes de personnes ou d’entreprises en relation avec des hommes du pouvoir (scandale Boforce/ENER), des financements dissipés sans laisser de trace(l’UE demande des justificatifs pour 19 millions d’Euros dont la destination demeure inconnue) et d’autres non budgétisés à ce jour (les 50 millions de Dollars évoqués plus haut), administrations asservies à des privés influents par népotisme, etc. Si on ajoute à cela qu’un lobby puissant a fait main basse sur le secteur de l’Import-export et s’apprête à investir le BTP et les banques, on a vite fait de se rendre compte que notre pays est entré de manière avancée dans une économie de mafia organisée.
(7) L’insécurité, dont Mohamed Ould Abdel Aziz avait jeté la pierre à l’ancien Président de la République a malheureusement atteint, elle aussi, des proportions jamais connues dans cette terre de paix et de sécurité : Des garnisons et des postes militaires ont été attaqués, des étrangers ont été agressés (un américain tué en plein jour au Ksar), d’autres enlevés sur notre territoire ; érigeant notre pays en repère pour le terrorisme international et, plus grave encore, des tensions larvées menacent d’éclater à nos frontières.
En même temps, les cartels de la drogue font la loi chez nous et l’argent de la cocaïne se blanchit, semble-t-il, dans les circuits « informalisés » de notre économie ! Un documentaire de Canal+ diffusé le 19 mars dernier, accuse un grand officier mauritanien d’être complice des trafiquants et, à ce jour, aucune réaction des autorités face à cette accusation !
(8) L’unité nationale est menacée, à cause du réveil des réflexes et tensions identitaires délibérément provoqué par le pouvoir lui-même, pour cacher les échecs du gouvernement et l’incapacité de Mohamed Ould Abdel Aziz à trouver des solutions aux problèmes des populations comme, par exemple, celui des réfugiés qui, après avoir regagné le pays dans l’enthousiasme et l’espérance, sont en train de rebrousser chemin en masse, fuyant les souffrances insupportables de l’abandon et de la négligence par les autorités. Jouant à la diversion, le régime tente de jeter les composantes de notre peuple les unes contre les autres, attisant tantôt la colère des étudiants négro-africains par l’annonce d’une «arabisation intégrale de l’administration», et tantôt celle des étudiants arabes en remettant en cause le statut de langue officielle de l’arabe, mettant en péril la cohésion sociale et l’entente entre nos populations.
(9) La souveraineté nationale est bradée dans une recherche effrénée de donateurs pour couvrir les déficits financiers de l’Etat. Des forces militaires étrangères s’installent sur notre territoire, transformé en zone de contact entre des forces étrangères et le terrorisme international, sans aucune concertation avec la classe politique.
(10) Au plan diplomatique, des alliances imprudentes sont scellées dans le cadre d’une politique étrangère inconséquente, qui fait plus de cas d’une convention avec un pays situé à des milliers de kilomètres du nôtre (l’Azerbaïdjan) que de nos relations avec le Maroc, l’Algérie, le Mali ou le Sénégal ; nos voisins immédiats. Elle s’emploie d’ailleurs à compromettre ces mêmes relations : neutralité dans le conflit du Sahara mise en cause, tension avec le Mali, mésentente avec le Sénégal au sujet des poste-frontières, etc.
(11) Enfin, le discours politique a été rabaissé au niveau du dénigrement, de l’invective et de l’humiliation, dans un mépris sans précédent de nos valeurs culturelles et de nos mœurs politiques.

Tirant les conclusions de tout ce qui précède, et après avoir longtemps appelé Mohamed Ould Abdel Aziz au dialogue dans l’espoir que la crise multidimensionnelle dans laquelle il a plongé la Mauritanie soit désamorcée par ce biais, et devant le refus obstiné de l’autre partie et son entêtement à persister dans sa fuite en avant suicidaire pour notre pays, l’Opposition démocratique a décidé, assumant pleinement ses responsabilités vis-à-vis du peuple mauritanien, d’appeler, solennellement, au départ de ce régime aux réflexes despotiques impénitents et à la gestion catastrophique.

La Coordination

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