Questions à Monsieur Moussa Fall président du Mouvement pour un
Changement Démocratique (MCD) membre de
la COD
1°)
On observe depuis quelque temps, des tentatives de rapprochement entre la COD
et la CMP, via le président de
l’Assemblée Nationale. Pensez-vous que le dialogue aura lieu pour
permettre enfin d’aller à des élections
inclusives, donc avec la participation de la COD ?
La réponse à cette question n’est pas aussi
simple. Il faut remonter aux origines de la crise politique que vit
actuellement le pays pour la comprendre d’abord, et pour la surmonter ensuite
avec les solutions les plus adaptées et les plus durables.
On se souvient que le coup d’état de 2005
advenu, selon ses auteurs - qui manifestement ne s’en souviennent plus - pour
mettre fin au système autocratique qui avait atteint ses limites en particulier
dans le domaine de l’exercice de la démocratie. Il était alors évident pour
tous que des élections libres et transparentes ne pouvaient être organisées par
un pouvoir personnel disposant d’un parti hégémonique et instrumentalisant
l’état à des fins électorales. Les élections n’étaient alors que des mises en
scènes, des faire valoir ridicules qui
ne pouvaient conduire à aucune alternance au pouvoir.
Pour débloquer cette situation il a fallu
passer par un coup d’état militaire qui, pour avoir proposé de bonnes
solutions, avait été bien accueilli par la classe politique et la société
civile dans leur ensemble.
Le régime de la Transition de 2005 à 2007
avait conçu et mis en œuvre, par voie de concertation, des réformes
structurelles de grande qualité. Il avait aussi organisé les élections
législatives et municipales, dans un premier temps, puis présidentielles par la
suite, qui en dépit de quelques imperfections non souhaitées, furent
considérées comme les plus démocratiques que le pays ait connues.
Un régime civil a vu le jour. Ce régime
incarnait des promesses certaines en matière de démocratisation et de
développement économique du pays. Mais la lenteur dans la mise en œuvre des
réformes structurelles notamment en matière de moralisation de la vie publique
et, aussi, les conditions politiques,
sécuritaires et économiques extrêmement difficiles qu’il a dû affronter durant
ses quelques mois de pouvoir ont servi de prétexte aux auteurs du coup d’Etat.
Revenu à grands renforts de slogans, de
promesses et de gestes démagogiques et populistes le régime militaire a su
attirer l’adhésion de certaines franges des couches populaires ce qui lui a
permis de résister au FNDD et de venir à bout de l’hostilité de la Communauté Internationale
que la lutte contre le terrorisme et les menaces de déstabilisation de la sous
région préoccupaient plus que tout.
Aujourd’hui, après cinq ans d’exercice du
pouvoir, le verni populiste est tombé : La corruption sévit de manière
peut être plus concentrée mais plus nocive pour le pays; le népotisme se pratique avec outrecuidance ; les
promesses en matière de lutte contre la pauvreté n’ont donné aucun résultat
tangible. Sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, la Communauté
Internationale s’est investie directement relativisant ainsi le rôle des sous
traitants.
Sur le plan politique le retour aux
pratiques anciennes est encore plus flagrant : Le leader qui tirait sa
force d’une relation directe avec son peuple se voit, aujourd’hui, obligé de
recourir aux intermédiaires classiques qui reviennent aux affaires avec des
avantages en dessous de table et des nominations dans les conseils
d’administration. Les accueils populaires sont organisés à l’image du
déjà vu avec les intermédiaires coutumiers, les hauts responsables de sociétés
et d’institutions publiques, les fonctionnaires, les hauts gradés de l’armée et
les hommes d’affaires. Les nominations aux hautes fonctions ne respectent que
deux critères : l’électoralisme et le népotisme. Le parti de l’Etat
convoque en présence de conseiller à la présidence les hommes d’affaires pour
leur soutirer le financement de ses activités. Et depuis le commencement de la
campagne des investitures des candidats pour les élections envisagées on voit
s’activer sur le terrain des généraux, des directeurs généraux de sociétés
publiques, des hauts responsables, des notables au profit des seuls candidats
du parti de l’état. Comment voulez vous organiser des élections justes et
équitables avec de telles pratiques ?
Vous m’excuserez pour cette longue
introduction dont l’objet est de formuler les éléments du diagnostic de la
crise politique actuelle. Nous voilà donc revenus au point de départ : Une
impasse du processus de démocratisation qui ne peut être réglée que par des
réformes en profondeur. Ce ne sont pas des miettes que l’on jette avec hauteur
à une opposition que l’on croit en déconfiture qui règleront cette crise.
Le Président de l’Assemblée Nationale a
engagé récemment une intermédiation entre la COD et le Président de la
République. Cette démarche louable a suscité des réactions encourageantes à ce stade. Mais on
ne peut aboutir à des résultats positifs que si on considère avec sérieux et
responsabilité les questions fondamentales qui se posent au pays avec
l’intention de leur trouver les solutions durables et acceptables par tous.
2°) Que faudrait-il attendre de la
rencontre attendue entre le président
Ahmed Ould Daddah et le président de la République ?
Je ne suis pas au courant d’un rendez vous
entre le Président Ahmed Ould Daddah et le Président de la République.
Toutefois si cette rencontre devait avoir lieu on est en droit d’espérer
qu’elle puisse contribuer à la recherche d’une issue raisonnable à la crise
politique que traverse le pays.
.
3°) A votre avis, sur quoi doit porter le dialogue que réclame la COD,
après ce qu’on a considéré comme des « concessions » de la part
du pouvoir?
Selon moi tout dialogue sérieux doit porter
sur une seule revendication : l’édification d’un véritable Etat de droit
dans notre pays. Un Etat dans lequel les pouvoirs sont équilibrés et dans
lequel les institutions sont solides, rassurantes et crédibles. Un Etat qui ne
peut être confisqué, ni par une personne, ni par une tribu, ni par une junte.
Un Etat où l’exécutif est soumis aux Lois de la République et non l‘inverse. Un
Etat où l’administration est au service du citoyen sans discrimination et sans
favoritisme. Un Etat où l’armée se tient à l’écart du jeu politique pour
garantir son impartialité et assumer ses responsabilités républicaines.
C’est cet Etat qui répond à la demande
politique et historique actuelle et c’est cet Etat, et peu importe celui qui se
trouvera à sa tète, qui pourra organiser des élections inclusives en
identifiant les sources du déséquilibre du jeu électoral tout en mettant œuvre
les mesures de leur éradication.
Quelles sont, de mon point de vue, les
sources du déséquilibre des compétitions électorales?
Il y a d’abord l’ingérence de hauts
dignitaires de l’armée dans le jeu politique qui doit être éradiquée par des
mesures radicales. Tout officier, sous officier ou simple soldat qui s’adonne à
la politique doit être immédiatement mis à la retraite d’office.
Il y a ensuite l’instrumentalisation de
l’Etat et de l’administration. Pour mettre fin à cette pratique il y a lieu
d’établir des listes de fonctions politiques et des listes des fonctions
administratives et techniques. Les politiques peuvent être nommés sur des bases
politiques et seront autorisés à s’investir sur le champ politique. Les
administratifs et les techniques seront nommés et promus sur la base de
critères professionnels. Interdiction doit leur faite de s’impliquer
ouvertement dans les évènements politiques. Tout responsable pris en flagrant
délit d’exercice d’une activité politique partisane doit être immédiatement
demis de ses fonctions.
Il y a enfin le déséquilibre dans les
capacités de mobilisation des financements des activités des partis :
fonctionnement, campagnes électorales.
Dans ce domaine il faut une règlementation rigoureuse assurant un
minimum d’équité entre les principaux partis politiques en interdisant
l’utilisation des moyens de l’Etat et de ses Institutions au profit d’un parti
ou d’un candidat et en interdisant aussi formellement aux
partis de la majorité d’user de leur poids et de leur influence pour exercer
une pression ou un chantage déguisé sur les hommes d’affaires afin de leur
extorquer des fonds.
4°) De profondes divergences ont émaillé les travaux du présidium de la COD
qui a fini par s’en remettre à une commission et certains partis,
particulièrement Tawassoul ont été suspectés
de vouloir prendre part au scrutin du 23 novembre. En cas d’échec, ne
craignez-vous pas la dislocation de la
coordination, tant redoutée par les partis
membres, et espérée du côté du pouvoir ?
La question de la participation aux
élections ou de leur boycott, en l’état actuel des choses, est une question
tactique. Chaque parti est libre de choisir la voie que lui dicte l’analyse de
l’environnement politique et de sa propre situation. Si les repères
fondamentaux que constituent l’attitude vis à vis du pouvoir et la
détermination à œuvrer pour la rupture avec les régimes autocratiques à travers
l’édification d’un état de droit restent inchangés il n’y aucune raison de voir
la COD se disloquer.
5°) Que répondez-vous au pouvoir qui vous reproche de craindre
d’aller aux élections pour ne pas vous découvrir ?
On lui répond que des élections organisées
dans les conditions présentes n’ont aucune signification politique. Le
déséquilibre en amont, entre les différents compétiteurs, est tel qu’elles ne
reflèteront aucune réalité.
C’est trop facile de défier une personne
armée d’un bâton quand on tient en main une kalachnikov.
6°) De quoi aurait-elle peur la COD pour aller aux élections de
novembre ?
La Cod n’a pas peur d’aller aux élections
mais il faut que celles-ci aient une signification politique et un intérêt
démocratique avérés.
A mon avis, les élections programmées pour
novembre n’apporteront aucune solution à la crise politique que traverse le
pays.
8°) Pensez-vous que dans l’état actuel des choses, on puisse mettre
œuvre les concessions du pouvoir pour
permettre d’organiser des élections à la date fixée par la CENI ?
Les concessions telles qu’annoncées ne sont
en vérité que des trompe-l’œil vides de contenu.
La Commission parlementaire d’audit n’a
aucune compétence technique pour auditer l’Etat civil. Elle peut tout au plus
recourir au service d’une institution spécialisée dans ce domaine ;
institution dont le choix et le travail demanderont des délais qui excèderont
de plusieurs mois les délais impartis.
L’élargissement de la CENI est un appât
pour enfants gloutons. Il n’influera en rien sur la qualité et l’efficacité du
travail de l’actuelle CENI.
L’observatoire, par contre, pourrait être
une bonne idée aux conditions suivantes :
-
Conclure un accord consensuel pour édifier
un Etat de Droit et organiser des élections libres, transparentes et
équitables.
-
Identifier et recenser toutes les mesures
pratiques à mettre en œuvre à cet effet.
-
Mettre
en place l’observatoire sur des bases consensuelles
-
Doter cet observatoire des pouvoirs, de
l’autorité et de l’indépendance financière requis pour la réalisation de sa
mission
-
Confier à cet observatoire la mission de
surveillance, du contrôle de la mise en
œuvre et du respect des mesures arrêtées d’un commun accord pour l’organisation
des élections inclusives et pour l’édification de l’Etat de Droit. Cette
mission doit être nettement séparée de celle de la CENI. L’observation sera un
arbitre dont les prérogatives concernent le respect des règles établies pour
assurer l’égalité des chances, en amont, entre tous les compétiteurs. La CENI,
quand à elle, ayant pour mission d’assurer la transparence et la sincérité des
opérations électorales.
Vous constaterez vous même que tout ce
processus ne pourra aboutir dans les limites du temps fixées par l’agenda
électoral actuel.
9°) Comment interprétez-vous le silence des partenaires au développement de
la Mauritanie sur les élections en Mauritanie, alors qu'en Guinée, au
Mali, à Madagascar, ils pressent les acteurs à s'entendre pour des élections
apaisées?
Je ne peux pas répondre à la place des
partenaires au développement de la Mauritanie. J’entends dire, et c’est
logique, qu’ils œuvrent pour la tenue d’élections inclusives et consensuelles.
C’est leur ligne de conduite partout. Maintenant la visibilité et l’intensité
de leurs démarches doivent dépendre de la situation qui prévaut dans chaque
pays.
10°) Les
dernières pluies tombées sur Nouakchott ont mis à nue le problème
d’assainissement de Nouakchott. Vous ne partagez-vous pas l’avis du président
de la République qui en substance que
les moyens du gouvernement ne permettent pas d’y faire face ?
Les premiers quartiers de Nouakchott étaient dotés
d’un système d’évacuation des eaux insalubres. Par la suite, il y a eu de
longues années de sècheresse. Mais durant ces dernières années plusieurs le
problème de l’assainissement à Nouakchott se pose de manière aigue avec
une acuité particulière en période d’hivernage. Il trouve son origine dans la
combinaison de plusieurs phénomènes: La proximité
de l’Océan et la nature du sol et son niveau par rapport à la mer qui sont
des données géographiques naturelles ; l’augmentation des eaux usées consécutive à la mise en
exploitation de l’Aftout Essahili qui devient permanente et la pluviométrie (qui s’améliore) qui est
saisonnière. La réponse à ce problème doit être radicale et durable. Ce n’est
pas au moment où les pluies commencent à tomber qu’il faut s’interroger sur la
disponibilité des moyens mais bien avant. Une bonne gouvernance est une gouvernance
de précaution et de prévention.
11°)
Chaque fois qu’il parle à la nation, le président laisse entendre que
les caisses de l’état sont pleines alors que la croissance de presque 6%
ne tire pas le chômage vers le bas et
les prix ne cessent augmenter,
panier de la ménagère , de se
creuser. Qu’en pensez-vous ?
Au cours des 4 dernières années la Mauritanie
a connu une conjoncture économique exceptionnelle. Cette conjoncture découle,
pour l’essentiel, de l’irruption des pays émergents et, en particulier de la
Chine et de l’Inde, sur le marché des matières premières. Ainsi, et pour ce qui
nous concerne, le prix du fer est passé durant cette période de 80 à 148 $/T ; celui de l’or de 973 à
1600 $/once ; celui du cuivre de 5165 à 7800 $/T. Pour la même période les espèces nobles de
poisson on vu leur prix monter de 6200$/T à 12000$/T. A ces résultats
exceptionnels obtenus grâce à une conjoncture internationale particulièrement
favorable sont venus s’ajouter des recettes exceptionnelles d’origine inavouée
et un effort appréciable fourni par l’administration fiscale.
Pour ces raisons
tous les indicateurs macroéconomiques du pays ont enregistré une progression
phénoménale. Le budget de l’Etat est passé de 242 en 2009 à 460 milliards
d’ouguiyas en 2013, les réserves en devises se sont accrues, sur la même
période, de 238 à 876 millions de dollars US et le PIB a augmenté de 800 à 1300
milliards d’ouguiyas.
Cela dit la
gestion de l’Etat ne doit pas être appréciée par ces performances, pour
l’essentiel venues d’ailleurs, mais à travers la question fondamentale de
l’emploi des ressources générées par cette conjoncture. Et c’est à ce stade
qu’il faut poser les questions suivantes :
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il
divisé par 2 le taux prévalence de la pauvreté dans le pays ? Les enquêtes
sur les conditions de vie des ménages et sur l’évolution de l’indice de
pauvreté n’ont pas été réalisées depuis 2008. Mais de l’avis de tous, y compris
des populations elles-mêmes, aucune amélioration sensible n’a été enregistrée.
Le FMI, qui délivre pourtant des satisfécits à tour de bras sur la gestion du
pouvoir, reconnaît que « les taux
de pauvreté et de chômage restent élevés et la mise en œuvre du Cadre
stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) avance de façon inégale. »
(rapport du FMI juillet 2013).
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il
multiplié par 2 les performances du système éducatif dans nos écoles ? Sur
le plan quantitatif le taux net de scolarisation dans le primaire a reculé
pour passer de 76% des inscrits en première année en 2008 à 72,7% (source FMI) et, sur la même période, le taux
de promotion des élèves commençant la première année et qui terminent l’école
primaire est tombé de 81,8% à 65,2% (source FMI). Quand à la qualité de l’enseignement
public il suffit de constater, pour l’apprécier, comment il est déserté par
tous ceux qui peuvent avoir les moyens de financer les études de leurs enfants.
Personne n’ignore l’importance primordiale de l’éducation dans une stratégie de
développement d’un pays. C’est un secteur qui doit bénéficier de toutes les
ressources que requiert sa réhabilitation.
Le doublement du
budget de l’Etat a-t-il permis de traiter les problèmes structurels que connaît
notre société ? Aucune action d’envergure n’a été mise en œuvre pour
engager les reformes sociales vigoureuses qu’exigent la préservation et la
consolidation de notre unité en tant que pays multiethnique et notre cohésion
sociale en tant que société jusqu’ici stratifiée et inégalitaire. La
modernisation de notre société mérite des investissements massifs que la
conjoncture actuelle peut permettre de réaliser.
Le doublement du budget de l’Etat a-t-il
permis de créer les bases pour la diversification du tissu économique et
l’amélioration du climat des affaires dans notre pays ? L’économie
nationale reste tributaire du secteur minier en particulier. Ce secteur
présente deux inconvénients majeurs : Sa dépendance vis à vis de
l’extérieur et l’épuisement des gisements au fur et à mesure de leur exploitation. Ouvrons ici une parenthèse pour souligner que
les ressources tirées du fer, auraient pu être beaucoup plus importantes. Mais
la SNIM est plus sensible aux instructions tendant à augmenter le volume des
dividendes distribués et à investir dans des activités totalement étrangères à
son domaine plutôt que de consacrer l’essentiel de ses ressources à son propre
développement. Au moment où, sur la
période allant de 2002 à 2011, la Chine a augmenté sa production de 246% ;
l’Australie de 161% ; l’Inde de 128% ; l’Iran de 100% ; le
Brésil de 82% ; la production de la Mauritanie est restée stagnante à 11
millions de tonnes/an. Imaginez ce que le pays aurait engrangé avec l’explosion
des prix du fer dans cet intervalle de temps si la SNIM avait investi à bon escient
pour accroitre ses capacités de production.
Revenons à notre sujet pour dire que l’une
des priorités d’une bonne gouvernance est d’asseoir l’économie nationale sur
des bases diversifiées et saines afin d’assurer une croissance plus pérenne et
moins vulnérable aux chocs extérieurs et aux aléas climatiques. L’une des
conditions de cette diversification est l’amélioration du climat des affaires.
Or depuis 2009 le harcèlement et la persécution de certains hommes d’affaires
se sont traduits par une fuite de capitaux et par des délocalisations dans les
pays voisins.
Le triplement des réserves en devises de la
BCM a-t-il redressé la dépréciation en continu l’ouguiya sur le marché de
change ? « L’ouguiya a
continué de se déprécier progressivement. Le taux de change effectif réel s’est
déprécié de 3,3 % en 2012 » (Rapport du FMI juillet 2013). Sur le marché
non officiel la dépréciation est beaucoup plus sensible et c’est sur ce marché
que s’effectuent l’essentiel des transactions. La détérioration du cours de la monnaie
nationale entraine inévitablement la baisse du pouvoir d’achat des populations.
Quelle est la
politique suivie par les autorités actuelles et quels sont les choix vers
lesquels ont été orientées les ressources obtenues ?
Il y a les
grands investissements en matière d’énergie qui couteront 1,4 Milliards de $ et
qui produiront une puissance disponible de 900 MW pour des besoins estimés à
300 Mw seulement à l’horizon 2024 avec une ligne de transport pour Nouadhibou
que les experts jugent totalement injustifiée.
Il y a l’aéroport Nouakchott dont les travaux
risquent de ne jamais s’achever, dont le cout est tenu secret et dont la
capacité d’accueil est prévue pour 2 millions de passagers/an au moment ou le
trafic aérien à Nouakchott ne dépasse pas les 120 mille passagers/an
Il y a les villes en zones inhabitées qui ne
correspondent à aucun besoin urbanistique mais qui engloutissent des
financements colossaux que l’on aurait pu utiliser pour construire, par
exemple, un réseau d’assainissement dans les grandes villes traditionnelles du
pays.
Il y a un projet sucre qui requiert un
financement approchant les 500 millions de $ dont la rentabilité est plus
qu’aléatoire. Et c’est une aberration, de nos jours, de voir l’Etat s’investir
en première ligne dans ce type d’activités.
Il y a un réseau
routier et de voieries qui est réalisé, le plus souvent, avec improvisation et
amateurisme. En témoignent les cratères qui jalonnent les grands axes de
Nouakchott et les affaissements et lézardes que l’on constate dès l’achèvement
des travaux alors que la norme établie pour l’enrobé est de 15 ans de durée de
vie.
Il y a les
transferts et subventions qui sont passés de 20 milliards en 2009 à 105
milliards (2 fois le budget de l’éducation nationale) en 2012 reflétant une
étatisation galopante de l’économie.
En période de
réalisation tous ces projets ont un impact trompeur sur l’évolution du PIB. Les
6.3 % de croissance sont obtenus grâce principalement au secteur du bâtiment et
des travaux publics. Je ne dis pas qu’il n’y a que du négatif dans tout ce qui
est réalisé. Mais il est fort à craindre que, à l’heure des bilans, on ne
retiendra, pour le pouvoir actuel, que le coup d’Etat contre la démocratie en
2008 et les éléphants blancs que seront devenus des centrales sous employées et
couteuses, un projet d’aéroport inachevé, des villes fantômes inhabitées, des
routes et voieries en perpétuelle réfection, des établissements publics
structurellement déficitaires….etc. Tout cela
dans une démarche générale marquée par l’improvisation, l’irresponsabilité et
l’absence de vision stratégique.
A l’heure des
bilans le pays se rendra compte que de précieuses opportunités ont été perdues
et que de nombreuses ressources ont été gaspillées mais, à ce moment là, il sera
déjà trop tard.