mercredi 20 juillet 2011

suite du débat occasionné par le recensement électoral - le communautarisme, salut de qui ?

----- Original Message -----
From:
Diko diko
To:
Bertrand Fessard de Foucault
Sent: Tuesday, July 19, 2011 11:08 PM
Subject: Re: Problème de recensement « l’enrôlement » des noirs en Mauritanie.


Les Haratine sont-ils des Négro-mauritaniens ?

Les Haratine se distinguent des négro-mauritaniens par différents éléments :

1. Les Négro-mauritaniens sont un ensemble d’ethnies négro-africaines ( Wolofs, Pulaar, Soninké et bambara). Or, les Haratine sont issus de ces ethnies mais aussi d’autres ethnies noires qui ne se trouvent pas en Mauritanie. En effet, la traite négrière maure a touché une bonne partie de l’Afrique.
2. les Haratine ignorent leurs ethnies d’origine. Les Négro-mauritaniens, par contre, connaissent leur appartenance ethnique et la revendiquent.
3. Les Négro-mauritaniens ne sont pas esclaves des Maures et ne sont donc pas victimes comme les Haratine d’une acculturation. Ils parlent leur propre langue et gardent leur originalité culturelle.
4. Les habitudes vestimentaires pour la majorité des Haratine ( voiles et boubous maures) même si les haratine du Sud de la Mauritanie, du Sénégal, etc. peuvent constituer en partie une exception.
5. Au- delà de l’Islam, les Haratine ont des références culturelles différentes de celles des Négro-mauritaniens. L’idéologie de domination, constituée de proverbes, de dictons, d’adages, de poésies, de proses, de chansons, …véhicule un ensemble d’idées de supériorité du Maure qui reste ancrée dans l’esprit du Hartani. Cette sous-culture, qui exclut le Coran et les Hadith authentiques, mais inclut leurs mauvaises interprétations, est la seule consommation culturelle des Haratine.

IV- Les Haratine constituent une communauté spécifique.
- L’identité haratine se définit par rapport à leur statut d’esclaves maures. Ce statut fait d’eux des biens des Maures qui en disposent à leur guise. Les esclaves travaillent sans être payés. Ils sont vendus, loués, échangés, légués, partagés, etc.
Même affranchis, les anciens esclaves maures font l’objet d’une exploitation de la part des anciens maîtres. Ils ne peuvent témoigner devant la justice régie par la Charia (loi islamique). Ils peuvent être dépossédés de leurs biens et peuvent être ramenés au statut d’esclave si telle est la volonté du maître.
- Aucune des trois communautés du pays ( arabe, berbère, négro-mauritanienne) n’accepte l’égalité entre elle et les Haratine . En effet, toutes les communautés mauritaniennes nourrissent un complexe de supériorité à l’adresse des Haratine. Auprès des Arabes et des Berbères, les Haratine ne peuvent faire partie de la Assabiya ( filiation d’origine). Ils ne sont intégrés qu’à titre d’esclaves, d’où le statut social et juridique qui leur est réservé.
Auprès des Négro-mauritaniens, leur intégration est tout aussi impossible, parce que le système de caste crée une inégalité de fait. Les Haratine, dans les milieux négro-mauritaniens (parlant la langue de l’ethnie considérée, portant les mêmes noms, etc), sont moins considérés que les esclaves des Négro-mauritaniens. Hiérarchiquement, ils viennent après les maccudo (esclaves pulaar), les Kamo (esclaves soninké) et les Djam ( esclave wolof), lesquels occupent une place peu enviable dans la société négro-mauritanienne.
Aucune des trois Féodalités (arabe, berbère et négro-mauritanienne) ne souhaite la libération et l’émancipation des Haratine.
* Les Arabes et les Berbères y perdraient leurs sources de revenu que procurent l’esclavage et les différentes formes d’exploitation religieuse ou traditionnelle (Zëkatt, Saddagha, Hëdiya, tributs dus aux guerriers hassan (Arabes), etc)
* Aussi la survie politique ne serait pas garantie car les Arabes et les Berbères pourraient perdre la majorité au nom de laquelle ils gouvernent la Mauritanie.
Les Arabes et les Berbères affirment être majoritaires en Mauritanie. Or, cette majorité ne peut être obtenue sans l’apport numérique des Haratine.
Le fait de compter les Haratine parmi les Maures est la résultante d’une logique esclavagiste selon laquelle l’esclave dépend de son maître.
Sur le plan politique, cette sujétion se traduit par le vote orienté des Haratine en faveur de leurs maîtres. La masse des Haratine est une réserve électorale au bénéfice des maîtres d’esclaves.
* Les Arabes et les Berbères, avec la fin de l’esclavage, n’auront plus à leur disposition une force de frappe contre leurs ennemis éternels que sont les Négro-mauritaniens et les Négro-africains de la région. Rappelons-nous des conflits ethniques de 1966, 1979, 1989 et suivants.
S’agissant des Négro-mauritaniens, ceux-ci, perdraient dans le partage du pouvoir politique, économique, etc. parce que la répartition ne serait plus la même. Les Haratine, par leur nombre, pourraient gagner une part importante dans le nouveau partage.
L’autre risque est que la Féodalité négro-mauritanienne perde la mainmise sur les esclaves de sa propre communauté. Une libération et une émancipation des Haratine pourraient montrer le chemin à suivre aux esclaves des autres communautés.
Dans la communauté négro-mauritanienne, les Haratine sont victimes de mépris et d’exploitation. Ils sont considérés comme des êtres inférieurs. Ceux, parmi eux qui s’établissent au sein des communautés négro-mauritaniennes rencontrent les mêmes difficultés que les esclaves négro-mauritaniens. Ils sont obligés de louer des terres auprès des Féodaux négro-mauritaniens pour leur survie. Ils payent pour cela une redevance et peuvent être exploités de différentes manières.

La libération et l’émancipation des Haratine ne peuvent se réaliser qu’en bravant les intérêts des différentes féodalités mauritaniennes. D’où la nécessité de constituer un front contre celles-ci avec l’appui des forces progressistes.

Pour arriver à leur libération et émancipation, les Haratine doivent créer une solidarité de groupe pour la défense de leurs intérêts vitaux à savoir leur libération et leur émancipation effectives qui ne peuvent se réaliser que par l’obtention de leurs droits, économiques, politiques, sociaux. Ce qui nécessite une lutte politique qui mobiliserait l’ensemble des victimes de l’esclavage. Les Haratine ne peuvent être libérés que par eux-mêmes. Le cas des Intouchables (basse caste) en Inde peut servir d’exemple. Ils sont aujourd’hui bénéficiaires d’une discrimination positive qui leur assure des positions importantes au niveau administratif et politique. Aussi, leur dynamisme politique leur procure une place non négligeable dans la démocratie indienne : « Après une longue période de blocage, ces basses castes se sont mobilisées à partir des années 1980. Elles ont aussi formé des partis politiques pour les défendre. Dès lors, la loi du nombre joue pour elles.»

Mohamed Yahya Ould Ciré et Oumar Diagne



----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Diko diko
Sent: Wednesday, July 20, 2011 9:13 AM
Subject:
votre transmission d'une très claire analyse

Je vous suis très bien. Toute la question est que cette émancipation autant individuelle que collective, ait à terme un sens de promotion et d'aboutissement personnels à l'égalité avec tous les autres Mauritaniens, pas seulement dans les faits, mais dans "la tête" (la fin du conditionnement infériorisant, servilisant), mais pas l'institutionnalisation d'une communauté en tant que telle. La communauté haratine, un moment instrument d'émancipation, sans doute solidarité pour la veille sur les résultats (ainsi les lois du président Sidi) mais qui ne sera efficace qu'en alliance avec les lucidités et les bonnes volontés des autres origines ethniques et sociales (la double signature des observations que vous me donnez, le montre et j'en suis très admiratif). Le communautarisme, c'est la fin, l'écroulement d'une nation moins dans les faits que dans les coeurs et la vie quotidienne sociale. Nous vivons cela en France, tel quartier parisien juif, telle banlieue beur, etc...

Bien chaleureusement. Félicitation pour la clarté de cette rédaction.

Et ne perdons pas de vue, la priorité : un préalable, la démocratie, c'est-à-dire un exercice et une transmission du pouvoir politique consensuels et non par le complot et la contrainte des armes.

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