dimanche 28 novembre 2021

proclamation de l'indépendance, à zéro heure - à Nouakchott... il y a aujourd'hui, soiante-et-un ans

 

D I S C O U R S

prononcé par Me MOKTAR OULD DADDAH

Chef de l’Etat

à l’occasion de la proclamation de l’indépendance

de la République Islamique de Mauritanie

le 28 Novembre 1960





Messieurs les Présidents et Chefs d’Etat,

Excellences,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Messieurs les Députés,

Mesdames et Messieurs,

l’émotion qui m’étreint en cet instant, je ne chercherai pas à la dissimuler.

Le rêve de chaque homme, de chaque femme de ce pays est devenu réalité.

Désormais maître de son destin, notre pays affronte l’avenir.

Après un long sommeil, la Nation Mauritanienne fière de riche passé, entre dans le concert des peuples souverains.

Comment ne pas rendre hommage à l’action personnelle de l’homme qui, avec une lucidité mise au service d’une admirable générosité de pensée, a compris les aspirations des peuples d’outre-mer.

Promoteur de la politique de Brazzaville, où déjà se trouvait en germe une Communauté des peuples libres et égaux, le Général de Gaulle, a su comprendre le caractère inéluctable de la décolonisation et la nécessité d’une évolution aujourd’hui parvenue à son terme.

Il a ainsi permis l’accession à l’indépendance de ces peuples dans l’amitié avec la France.

La Mauritanie ne l’oubliera pas.

Elle n’oubliera pas non plus ce qu’elle doit au Peuple Français. En favorisant la liberté sur la terre d’Afrique, la France demeurait fidèle à son génie et à son Histoire.

Le bilan d’un demi-siècle de présence française en Mauritanie – c’est d’abord l’unité de la patrie. C’est aussi un ensemble de réalisations qui a permis dans tous les domaines d’accomplir d’incontestables progrès, grâce aux efforts communs des français et des mauritaniens.

J’ai la certitude que sur des bases nouvelles, cette coopération se poursuivra dans l’intérêt de nos deux peuples.

Votre présence ici, Monsieur le Premier Ministre, en est le plus sûr garant. Nous apprécions hautement cette marque d’estime et nous sommes particulièrement sensible aux paroles que vous venez de prononcer.

Dans cet instant déterminant de son Histoire, au moment où la Mauritanie rejoint les nations sœurs africaines qui l’ont précédée sur le chemin de l’indépendance, je suis heureux de saluer leurs chef d’Etats ou leurs délégués qui ont tenu à nous apporter une fois encore un témoignage d’indissoluble solidarité.


Notre pays est fier de se sentir également entouré de la sympathie de si nombreuses nations dont les éminents représentants rehaussent l’éclat de ces cérémonies.

Certes, quelques places sont restées vides que nous aurions souhaité voir occupées. Mais je suis convaincu que les incompréhensions temporaires qu’elles expriment, seront vite dissipées.


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Avec tous les peuples, la Mauritanie souhaite entretenir des relations de confiante coopération.

Nation Africaine, elle entend resserrer ses liens avec les autres Nations Africaines qui, solidaires dans la condamnation de tout recours à la violence, sont également solidaires dans leur volonté de rechercher en commun des solutions à tous les problèmes africains.

La Mauritanie désire prendre sa place au sein de l’Organisation des Nations Unies où l’ont devancée tant d’Etats Africains en cette année 1960, jalon décisif dans l’Histoire de l’Afrique.

Par sa position géographique, et par son double peuplement, elle a vocation pour servir de trait d’union entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire.

Ses races fraternellement unies prouvent que deux mondes différents peuvent être associés par un idéal et des intérêts communs.

Consciente du rôle qu’elle est appelée à jouer, la Mauritanie ne ménagera pas ses efforts pour maintenir le climat de concorde et d’étroite collaboration qui peut seul lui permettre de remplir la mission qu’elle s’est assignée.

Elle souhaite la fin des luttes meurtrières et fratricides sur la terre d’Afrique, partout où des foyers de troubles se sont allumés. Et particulièrement en Algérie dont les populations doivent pouvoir exercer leur droit à l’autodétermination qui viendra mettre un terme à six années de souffrance.


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Quant à nous, mes chers compatriotes, au moment où nous allons assumer nos propres responsabilités, il nous faut méditer sur les devoirs qu’elles nous imposent.

Il est certes légitime qu’en ces journées, vous vous abandonniez à un sentiment d’allégresse.

Nos institutions inspirées par l’idéal démocratique fonctionnent. De la base au sommet, l’Etat est organisé.

Pourtant, nous devons prendre conscience de la tâche immense qu’il nous reste à accomplir.

Dans le domaine politique, pour éduquer la masse et créer une conscience nationale indestructible, il nous faut développer le sens de la solidarité et la notion de service public – transcender les groupes tribaux ou ethniques. Ainsi pourra s’accomplir l’évolution de la tribu à la Nation.

Dans le domaine économique et social, pour assurer à chacun une vie meilleure et libérer l’homme de l’emprise trop étroite des conditions naturelles si dures dans notre pays, nous devons donner une impulsion nouvelle à l’exploitation de nos richesse.

Je suis certain que nous ne mènerons pas seuls ce combat et que les concours qui nous seront utiles ne nous seront pas ménagés.

Comme son patrimoine temporel, le patrimoine spirituel de la Mauritanie sera conservé et accru au prix de nos efforts et de nos sacrifices.

Notre pays qui a tant fait dans le passé pour le rayonnement de l’Islam, demeure nourri de la religion et de la civilisation musulmanes – Mais, fidèles à notre tradition humaniste, nous répudions tout sectarisme et affirmons l’esprit de tolérance qui a inspiré notre Constitution.


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Voici, Messieurs, quelles sont les préoccupations qui nous animent.

A cette heure, partout, les Mauritaniens célèbrent l’indépendance de la Patrie – le paysan et le citadin du fleuve, les éleveurs dans les tentes des campements, les manœuvres dans les mines et sur les chantiers, les habitants des ksars séculaires et des villes modernes communiant dans une même joie avec tous les Mauritaniens qui, en terre étrangère, évoquent la patrie lointaine et saluent le début d’une ère nouvelle.

Dans cette capitale naissante, je vous convie à reconnaître le symbole de la volonté d’un peuple qui a foi dans son avenir.

Vive la Mauritanie libre et fraternelle.

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