samedi 5 août 2017

couriellé à l'Elysée

à 11:08, Bertrand Fessard de Foucault a écrit au conseiller diplomatique du président de la République  : deux sujets majeurs - pas traités par nous depuis dix ans

Cher Philippe,

brièvement.

1° Europe. Un choc pour la novation, la visibilité pour les citoyens européens et pour le monde, le préalable à une refondation. L'élection au suffrage direct du président de l'Union européenne par tous les ressortissants européens (y compris par les Britanniques, qui ne nous ont pas encore quittés) en circonscription unique. Le gouvernant qui directement fera appel aux opinions publiques plus encore qu'à ses pairs, entrera vraiment dans l'Histoire comme Schuman, de Gaulle et Adenauer pour l'Europe et le Vieux Monde. En sus, nous changeons la campagne électorale allemande. Dès l'automne de 2006, ce fut une proposition du SPD en congrès à Leipzig et nous mettons cela au suffrage de notre grand partenaire : Angela Merkel y trouve une ouverture. - Le premier à exercer la fonction sans qu'on ait achevé la rédaction d'une nouvelle Loi fondamentale (plaisir aux Allemands, et mieux que Constitution) est tout trouvé tant il symbolise à peu près tout : Lech Walesa. Vous-même et le Président, avez-vous lu son entretien avec Ouest-France ? joint.

2° Mauritanie. Referendum constitutionnel aujourd'hui.

Deux questions : a) le drapeau vert à étoile et croissant d'or, s'ensanglante du martyre de la résistance à notre pénétration (déjà le nom choisi pour l'aéroport international de Nouakchott. Un combat en 1932 - Moutounsi, rapport politique 1932, extrait joint - au cours duquel est tombé un officier français. La réalité est que le sang a coulé en répression du hammalisme un peu plus tard : question religieuse qui a viré à du nationalisme, et a surtout fait rattacher à la Mauritanie l'ouest soudanais : le Hodh). La réalité est que le sang qui a coulé est surtout de responsabilité des dictatures militaires de 1987 à 1991 : purges de l'armée anti-toucouleurs, mouroir d'une élite intellectuelle de même ethnie à Oualata (Hodh), drames inter-ethniques non immédiatement empêchés par les militaires au printemps de 1989 : massacres de Maures au Sénégal et de gens du sud le long du Fleuve, rive mauritanienne, en Mauritanie. dernière manifestationde solidarité des harratines (noirs affranchis et culturellement arabisés) avec les Maures (tout le problème du comptage des différentes ethnies composant la nation mauritanienne qu'avait si bien su contenir et maintenir ensemble le fondateur Moktar Ould Daddah. b) suppression du Sénat opposant, apparition flatteuse d'une instance juridictionnelle mi-religieuse mi-amiable, rétablissement des conseils régionaux de l'époque fondatrice.

La réalité est que Mohamed Ould Abdel Aziz, ayant interrompu la première expérience démocratique mauritanienne par un putsch contre lequel vous, JMC et moi avons lutté tout l'automne de 2008 tandis que le président régnant avait été retourné par CLaude Guéant, acheté un million d'euros en espèces... veut un troisième puis un énième mandat présidentiel tandis que le pays ne fonctionne plus que pour son enrichissement personnel (repérage de deux appartements bien situés dans Paris, et comptes un peu partout) et celui des siens. Nonobstant son serment constitutionnel à la suite d'une première élection contestable en fondement et en pratique, nonobstant encore son engagement auprès de François Hollande en Avril dernier. Le Sénat s'opposant à ces énièmes mandats et dénonçant les malversations est donc supprimé, l'Assemblée nationale est docile puisque les élections sont contestables depuis dix ans (même en ouverture de la période démocratique de 2007-2008 : le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, les élections parlementaires avaient précédé l'élection présidentielle et autorisé des candidatures indépendantes des partis traditionnels, tous fondés ou assemblés contre la dictature précédente, et ces candidatures indépendantes avaient été soutenues ou suscitées par lajunte d'alors qui avait renversé en Août 2005, le long régime du colonel Maaouyia Ould Sid'Ahmed Taya, l'un des participants au premier de tous les coups militaires en Mauritanie, celui de 1978, ayant renversé l'admirable Moktar Ould Daddah).

Pour nous, la question est simple. La sécurité à la frontière sud de l'Europe peut-elle se garantir durablement par nous sans solidarité ni participation de nos partenaires de l'Union européenne, faute que nous soyons crédibles à leurs yeux tant les relations franco-africaines nourrissent la corruption de part et d'autre ? et nous-même nous appuyant sur des régimes dictatoriaux  qui découragent et empêchent les élites nationales locales ? Le cas mauritanien est d'école, car la dictature de Mohamed Ould Abdel Aziz n'aurait pu s'établir sans notre caution en Afrique et en Europe (les procédures du traité de Cotonou).

Le Président, selon son dialogue du 18 Avril dernier avec Bourdin, avait défini notre attitude envers les dictatures (Russie, Chine, Turquie sans les énumérer mais en les visant d'évidence, et l'Afrique) comme une aide et un relationnement ouverts et privilégiés avec les démocrates de ces pays-là, à l'intérieur comme avec l'extérieur : la liberté rongeant l'arbitraire. Attitude dont l'expression et l'anticipation m'avaient, dès l'instant, "retourné" en sa faveur. C'était quatre jours après que François Hollande ait conforté, mais sous condition, Mohamed Ould Abdel Aziz (pas de troisième mandat).
Il y a donc à réfléchir et à agir. La Mauritanie est notre cas d'école. Le changement du drapeau est une démagogie falsifiant totalement l'Histoire franco-mauritanienne : passe encore. Aller vers un troisième mandat pour le général Mohamed Ould Abdel Aziz ne doit pas être accepté par la "communauté internationale" (naguère on disait mieux : la conscience universelle), donc par nous.

Par prochain courriel, sauf incidents mauritaniens ces heures-ci (les opposants siègent en permanence au Sénat et à l'Asemblée, cernés par la troupe), ma lecture du discours de Versailles.

Pensées très chaleureuses.

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