On
peut en toute bonne conscience et pour des raisons de tous ordres prendre le parti de renoncer à
l’engagement politique et se mettre
délibérément à la marge en tirant sa révérence et en sortant de l’arène Si
dans certaines circonstances une telle attitude peut ressembler à une sorte de
renoncement ou exprimer un déficit de
pugnacité chez le sujet, elle ne peut en aucun cas être jugée comme une indignité ou un sabordage moral. Tout au plus une mise à jour de
l’appréciation que l’on se faisait de soi même,
ou une révision du degré de
l’intérêt que l’on porte aux problèmes
de la cité, à la lumière d’une expérience marquante ou d’un bilan insatisfaisant.
Il peut arriver aussi que la nécessité de s’adapter à une situation imprévue ou de force majeure invite à placer
moins haut la barre.
On peut être amené, dans d’autres situations, à
« se mettre en réserve » ou
s’occuper de « cultiver son jardin ». Dans l’un et l’autre cas, les attendus sont parfaitement
recevables : « cultiver son jardin » est non pas une ode à la démission et à la passivité,
mais une option existentielle originale, une sorte de sagesse fataliste
acquise à travers les tribulations d’une
longue praxis fossoyeuse d’illusions. « Se mettre en réserve » est un
choix politique qui, s’il n’est pas chaque fois payant, est
du moins toujours légitime ;
Au
reste, l’engagement politique n’est pas, loin s’en faut, le seul créneau à
partir duquel on peut s’investir utilement et en toute dignité.
Mais
quid des choix et comportements de
ceux qu’on voit et qu’on entend rallier tapageusement le
Pouvoir après l’avoir combattu et dénoncé avec des excès verbaux pas toujours
seyants ? La question se pose d’autant plus qu’ils sont devenus, pour
ainsi dire, monnaie courante, ces
retournements extrêmes et sans transition.
Déconcertante
est la rapidité avec laquelle les nouveaux ralliés se mettent au boulot. A
l’instant même de leur embauche et en
moins de temps qu’il ne faut à une recrue pour enfiler un uniforme, ils se
lancent corps et âmes dan le rôle pour lequel
ils ont été, après marchandage, engagés : encenser matin et soir
leur nouveau maître et pourfendre leur compagnons d’hier. Ils s’en acquittent
avec un zèle si péremptoire qu’ils font rougir
la pudeur publique ; elle en a pourtant vu bien d’autres,
singulièrement depuis que le pouvoir a été confisqué par les juntes prétoriennes successives et que la
classe politique est devenue un tremplin pour arrivistes …
Le
vocable de pudeur ne figure point
dans le dictionnaire de ceux –là,
tout comme il est absent de leur entendement. C’est ainsi et l’on n’y peut
rien. Leur cas relève, au plan moral, d’une alchimie où se mêlent souvent
l’égoïsme de l’enfant capricieux au cynisme du vieillard blasé, la cupidité lancinante et la panique
provoquée par une difficulté matérielle insupportable pour la vanité
d’une âme sevrée. Le cocktail est
accessoirement complété par la phobie déraisonnée d’un ennemi réel ou
supposé et l’exaltation démesurée d’une chicane
à caractère tribal ou factionnel à enjeu dérisoire. Dans bien des cas,
en effet, la nécessité de s’approcher du Pouvoir, afin de « vaincre tel
ennemi ou s’en protéger», est invoquée pour légitimer le retournement spectaculaire d’un opposant.
Au
plan politique, courte vue et souffle
court, carriérisme et impatience sont
les traits marquants de ces
« hommes politiques » - et aussi les signes annonciateurs de leur
fatale destinée.
Et si leur reddition subite en rase campagne
et leur allégeance discrètement
monnayée et bruyamment proclamée,
à un pouvoir hier encore voué par eux aux gémonies leur paraissent banales et
ne chatouillent nullement leur conscience, c’est parce que dans leur rapport à
eux-mêmes et aux autres, ils ne peuvent se concevoir en dehors de leur
complicité inconditionnelle avec un égo
taraudé par la passion dévorante de l’arrivisme et aveuglé par un
nihilisme rugueux.
Ils
ne sont certes pas toujours dépourvus de mérites ni de talents, et il n’est pas
question de les leur dénier, même si l’on ne peut partager l’admiration et l’indulgence sans borne qu’ils
ils témoignent pour eux-mêmes. D’ailleurs, leur drame est précisément de posséder parmi
d’autres talents celui, singulier, qui
leur permet de convertir sans ciller leur image et leur crédit, en un simple
produit qu’ils iront brader à l’ennemi
abhorré de la veille. Ils croient jouir d’un prestige inaltérable, posséder une valeur
intrinsèque et des énergies
renouvelables sur commande. Déraison navrante. Talent funeste.
Et
l’Histoire suivra son cours sans en dévier d’un iota.
Aujourd’hui,
la situation du pays est porteuse de réelles promesses ; les forces du
changement sont de plus en plus étoffées et entreprenantes et il semble
bien que « ceux d’en bas ne veulent plus, et que ceux d’en haut ne peuvent
plus ». Et le cadre général
(international) est plus favorable que jamais.
Il
incombe donc à tous les mauritaniens sincèrement désireux de changement de
fortifier leurs positions, de renforcer leurs liens avec l’ensemble des forces de progrès et de se préparer à traverser les turbulences qui
s’annoncent et les épreuves qui séparent
le pays de ses espérances.
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