samedi 16 juillet 2016

droits de l'homme - rapport Alkarama et Société civile mauritanienne - reçu ce jour


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Commission nationale des droits de l’homme
L’institution nationale des droits de l’homme de la République
islamique de Mauritanie devant le Comité international de
coordination des INDH
Fondation Alkarama et collectif d’organisations non gouvernementales
mauritaniennes – 14 juillet 2016

Ce rapport a été préparé par la Fondation Alkarama avec la collaboration des
organisations suivantes cosignataires :
· Association des Harratines de Mauritanie en Europe (A.H.M.E)
· Association des Ressortissants Mauritaniens pour l'Eradication des Pratiques
Esclavagistes et ses Séquelles ARMEPES
· Coordination des Anciens Militaires Mauritaniens en Exil (CAMME)
· Forum des Organisations Nationales des Droits Humains en Mauritanie (FONADH)
· Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA –
Mauritanie)
· Organisation Contre les violations des Droits Humains en Mauritanie (OCVIDH)
· SOS-Esclaves
· Touche pas à ma nationalité (TPMN)




Table des matières
1. Introduction ........................................................................................................................... 3
2. Mandat et attributions de la Commission ................................................................................. 3
2.1 Mandat établi dans la loi et dans la Constitution ............................................................... 3
2.2 Coopération avec les organes conventionnels et les titulaires de mandat au titre des
procédures spéciales .................................................................................................................. 4
2.3 Suivi de la législation nationale ........................................................................................ 5
2.4 Liaison avec d’autres institutions des droits de l’homme .................................................... 6
2.5 Accessibilité et traitement des plaintes ............................................................................. 7
2.5.1 Accessibilité ................................................................................................................ 7
2.5.2 Plaintes reçues et suites données ................................................................................ 8
3. Composition et garanties d'indépendance et de pluralisme de la CNDH ...................................... 9
3.1 Critères de désignation et pluralisme ............................................................................... 9
3.2 Processus de nomination .............................................................................................. 10
3.3 Garanties de fonction et immunité fonctionnelle ............................................................. 11
3.4 Indépendance financière ............................................................................................... 12
4. Relations avec la société civile ............................................................................................... 12
4.1 Contexte général actuel ................................................................................................ 12
4.2 Manque d’indépendance dans les Prises de positions sur les pratiques abusives et arbitraires
des forces de l’Etat .................................................................................................................. 13
4.3 Sur l’esclavage en Mauritanie ........................................................................................ 14
4.4 Processus de notation de la CNDH par les ONGs ............................................................ 15
5. Conclusion et recommandations ............................................................................................ 16
5.1 Conclusion ................................................................................................................... 16
5.2 Recommandations à la Commission nationale des droits de l’homme ............................... 16
Annexe 1 .................................................................................................................................... 18
Annexe 2 .................................................................................................................................... 20



1. Introduction
La République islamique de Mauritanie est dirigée par Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir depuis
2008 à la suite d’un coup d’état ayant renversé Cheikh Sidi Ould Abdallahi, premier chef d'Etat
démocratiquement élu depuis l’indépendance. Confirmé à la tête de l’Etat après son élection au
suffrage universel direct en 2009 puis en 2014, Mohamed Ould Abdel Aziz s’est engagé à ne pas
briguer un troisième mandat en 2019. La Constitution accorde au chef de l’Etat des pouvoirs étendus
lui permettant d’exercer un contrôle sans partage sur les institutions du pays1.
La Commission nationale des droits humains (ci-après CNDH ou Commission), créée en 2006, est aux
termes de son texte créateur, un organe de conseil, d’observation, d’alerte et de médiation pour le
respect des droits de l’homme. Elle est composée de personnalités de la société civile et est présidée
par Mme Irabiha mint Abdel Wedoud nommée par le président en 2013 laquelle a succédé à M.
Bamariam Baba Koïta.
La contribution d’Alkarama repose sur une consultation de la société civile mauritanienne. Plus d’une
dizaine d‘ONGs spécialisées dans la défense et la protection des droits de l’homme issues d’horizons
divers et variés ont exprimé le souhait de s’associer à la rédaction du présent rapport en soumettant
des informations sur leur appréciation de l’indépendance effective de la CNDH, la composition de ses
membres et la portée des activités rentrant dans le cadre du mandat qui lui a été confié. Nous avons
listé en première page de ce rapport uniquement les ONG qui ont exprimé le souhait de se porter
cosignataire.
Alkarama a également proposé à la CNDH de répondre à plusieurs questions dans une lettre en date
du 27 juin 2016. Nous nous félicitons des réponses apportées par la CNDH que nous avons dûment
pris en compte dans notre évaluation.
Cette contribution analyse l’ensemble des aspects et prérogatives de la CNDH en se basant sur la
consultation de la société civile mauritanienne, de la CNDH elle-même, une analyse de la loi
établissant la Commission, des contributions de cette dernière aux mécanismes internationaux de
protection des droits de l’homme et de ses activités au niveau national et enfin des informations
disponibles sur son site internet et des prises de position publique de ses représentants agissants
sous leurs mandats.
Après l’évaluation de l’ensemble de ses attributions et activités, nous présentons nos conclusions sur
la conformité de la Commission aux principes de Paris ainsi que nos recommandations afin de
s’assurer de sa pleine conformité.
2. Mandat et attributions de la Commission
2.1Mandat établi dans la loi et dans la Constitution
Les Principes de Paris stipulent au paragraphe A-2 qu’une institution nationale des droits de l’homme
doit être dotée « d’un mandat (…) clairement énoncé dans un texte constitutionnel ou législatif,
déterminant sa composition et son champ de compétence ».
La CNDH a été formellement instituée par le décret présidentiel n°2006-015 du 12 Juillet 2006
portant Institution de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. En 2009, le Sous-Comité
1 Le président de la République dispose notamment des prérogatives suivantes : il détermine et conduit la
politique extérieure de la Nation ainsi que sa politique de défense et de sécurité ; il nomme le Premier Ministre et
met fin à ses fonctions. Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les Ministres auxquels il peut déléguer par
décret certains de ses pouvoirs. Il met fin à leur fonction, le Premier Ministre consulté ; Le Premier Ministre et les
Ministres sont responsables devant Le Président de la République ; Le Président de la République communique
avec le parlement par des messages. Ces messages ne donnent lieu à aucun débat (article 30). Il peut après
consultation du Premier Ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée
Nationale (article 31) ; Il promulgue les lois et dispose du pouvoir réglementaireART (article 32) ; Il signe et
ratifie les traités (article 36).
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d’Accréditation (SCA) avait alors jugé que la base légale de l’INDH mauritanienne n’était pas
conforme aux Principes de Paris dans la mesure où la création par un instrument du pouvoir exécutif
n'est pas suffisante pour garantir la permanence et l'indépendance de l’institution2.
Suite aux recommandations émises par le SCA, le décret présidentiel précité a été abrogé par la loi n°
2010-031 du 20 Juillet 20103 et la CNDH est, depuis 2012, inscrite dans la Constitution4.
Une institution nationale doit être dotée d’un mandat aussi étendu que possible5 lui permettant de
protéger et promouvoir les libertés et droits fondamentaux. Les Principes de Paris énumèrent une
liste d’attributions dont doivent bénéficier les institutions nationales des droits de l’homme.
L’institution doit notamment être habilitée à commenter des lois ou projets de loi, conseiller les
organes de l’Etat et émettre des recommandations sur tout ce qui a trait aux droits fondamentaux.
Selon l’article 4 de la loi constitutive de la CNDH, celle-ci est tenue, entre autres, de: « Faire
reconnaitre les Droits de l’Homme et les procédures permettant leur reconnaissance en particulier en
ce qui concerne la lutte contre toutes les formes de discrimination et atteinte à la dignité humaine »
et « Promouvoir et veiller à l’harmonisation de la législation nationale avec les instruments juridiques
de Droits de l’Homme ratifiés et combattre les pratiques qui y sont contraires. »
Alkarama regrette que les rapports circonstanciés dans le cadre du mécanisme de plainte individuelle
ainsi que le rapport annuel sur la situation nationale des droits de l’homme soient adressés
respectivement et exclusivement au gouvernement et au président de la république.6 Cette pratique
semble montrer que la CNDH est une institution répondant exclusivement à l’exécutif. Compte tenu
de l’Observation générale 2.10 du SCA, ces dispositions ne contribuent pas à garantir l’indépendance
et l’autonomie de la CNDH vis-à-vis de l’exécutif.
2.2 Coopération avec les organes conventionnels et les titulaires de mandat au titre
des procédures spéciales
La surveillance du système international de protection des droits de l’homme et la collaboration avec
celui-ci, notamment le Conseil des droits de l’homme et ses mécanismes (procédures spéciales et
l’examen périodique universel) et les organismes chargés de la surveillance de l’application des traités
relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies peuvent constituer un outil efficace pour les
institutions nationales des droits de l’homme pour assurer la promotion et la protection des droits de
l’homme au pays selon les Principes de Paris7. De plus, la participation des institutions nationales aux
activités des organismes de coordination régionaux et internationaux doit servir à renforcer leur
indépendance.
Cette surveillance est inscrite aux alinéas 8 et 9 de la loi n° 2010-031. C’est dans ce cadre que la
CNDH a soumis un rapport alternatif au Comité contre la torture le 1er avril 2013 dans le cadre de
l’examen de la Mauritanie. Lors de cet examen, le Comité contre la torture (CAT) avait relevé
l’intégration des membres de la CNDH parmi la délégation officielle. Le rapporteur du CAT pour la
Mauritanie avait alors déclaré que « la composition de la délégation de l’Etat partie montre qu’il y a
encore une confusion entre les responsabilités qui incombent à l’Etat en matière de protection contre
la torture et celles d’autres parties telles que les institutions nationales des droits de l’homme8 ». En
2 Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et protection des droits de
l'homme Sous-comité d'accréditation, Rapport et recommandations de la session du Sous-comité d'accréditation
– novembre 2009 – p. 4.
3 Loi 2010-031 du 20 juillet annulant l'Ordonnance 2006-015 le 12 juillet 2006 et portant création de la CNDH,
http://www.cndh.mr/ar/index.php?option=com_content&task=view&id=27&Itemid=13 (en arabe, consulté le14
juin 2016).
4 A l’article 97 suite à la promulgation de la loi Constitutionnelle n° 2012-015 portant révision de la Constitution
du 20 juillet 1991.
5 Para. A-2 des Principes de Paris.
6 Voir les articles 5 et 6 de la loi n°2010-031 du 20 juillet annulant l'Ordonnance 2006-015.
7 Observation générale 1.4 « Interaction avec le système international des droits de l’homme ».
8 Comité contre la torture, 50ème session, Compte rendu analytique de la première partie (publique) de la 1138ème
séance, 13 mai 2013 (CAT/C/SR.1138).
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effet, la liste de la délégation publiée sur le site du Haut-commissariat pour les Droits de l’Homme fait
mention de la présence de Mme Irabiha Mint Abdel Weddoud, comme partie intégrante de la
délégation étatique9. Cette confusion préoccupante porte un grave préjudice à l’indépendance de la
CNDH vis-à-vis de l’exécutif en ce que celle-ci aurait du se démarquer clairement de la délégation
étatique.
De plus il apparaît que la Commission s’est abstenue de soumettre un rapport dans le cadre de
l’examen du rapport initial de la Mauritanie par le Comité des droits de l’homme qui a eu lieu les 21 et
22 octobre 2013.
Par ailleurs, en 2015, la CNDH a apporté sa contribution au deuxième cycle d’examen périodique
universel de la Mauritanie qui a eu lieu en novembre. Dans le cadre de ce processus, l’institution avait
soumis un rapport parallèle. Lors de l’adoption du Rapport du Groupe de travail, la CNDH à travers sa
présidente, a salué la décision du Gouvernement mauritanien qui a accepté 142 recommandations sur
un total de 200, soit un taux de 71%.
En l’espèce, Alkarama note avec préoccupation que la CNDH s’était abstenue de prendre position sur
les recommandations particulièrement importantes qui avaient été rejetées par l’Etat mauritanien,
notamment celles encourageant la ratification des instruments juridiques des Droits de l’homme –
notamment le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques visant à abolir la peine de mort – et s’est contentée de saluer le taux élevé de
recommandations acceptées. Pour rappel, la promotion des processus de ratification fait partie
intégrante du mandat de la CNDH.
La CNDH s’est également abstenue de commenter le rejet des recommandations enjoignant la
Mauritanie de veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’une enquête
indépendante et à ce que les personnes responsables soient traduites en justice, au même titre que
la recommandation appelant la Mauritanie à mettre un terme aux détentions arbitraires de défenseurs
des droits de l’homme et de garantir le droit à la liberté d’expression des journalistes. La CNDH n’a
par ailleurs pas commenté le rejet des recommandations concernant la pratique de l’esclavage, la
délégation étatique ayant affirmé que « l’esclavage n’existait plus ». Le rapport de visite du
Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs
conséquences qui a fait état de ce déni de l’existence de cette pratique de la part de certaines
personnes des autorités10, a pourtant conclu suite à sa visite que l’esclavage continuait d’exister de
facto dans certaines parties du pays11.
2.3 Suivi de la législation nationale
La CNDH est habilitée à examiner et formuler des avis consultatifs sur la législation nationale à la
lumière des standards internationaux en matière de droits de l’homme. Cette prérogative énoncée
dans l’alinéa 2 de l’article 4 de la loi n° 2010-031 concerne autant les projets de loi que la législation
en vigueur.
Suite à l’examen de son rapport initial par le Comité contre la torture en 2013, la Mauritanie avait été
conviée à amender la loi n° 93-23 1993 qui accorde l’amnistie totale aux membres des forces armées
et des forces de sécurité12 à la suite à des crimes racistes et des exécutions de masse commis entre
1986 et 1991 visant particulièrement la communauté négro-mauritanienne. Le bilan de cette
répression fut particulièrement lourd puisqu’entre 1986 et 1991, au moins 3'000 personnes ont été
9 Voir la liste des personnes de la délégation de l’Etat Mauritanien ici :
http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CAT/Shared%20Documents/MRT/INT_CAT_LOP_MRT_12885_F.pdf
(consulté le 14 juillet 2016).
10 Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences,
Gulnara Shahinian, Addendum, Mission en Mauritanie, 24 August 2010, A/HRC/15/20/Add.2, para 33.
11 ibidem para. 34.
12 Comité contre la torture, observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie, adoptées par le
Comité à sa cinquantième session, 27 mai 2013, (CAT/C/MRT/CO/1), para. 19.
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arrêtées, torturées ou tuées. Sur les 256 internés du camp militaire d'Inal, seuls 96 resteront en vie
en 1991 après plusieurs mois de détention dans des conditions inhumaines.
Alkarama regrette que la Commission ne se soit jamais prononcée de manière officielle, dans les
rapports annuels de la CNDH soumis au président de la république ainsi que les rapports alternatifs
soumis aux Organes de traité onusiens, pour demander l’abrogation de la loi n° 93-23. Ce texte
constitue en effet une atteinte grave au droit des victimes à l'accès à la justice, à un recours équitable
et efficace et à une réparation juste. Par ailleurs, dans le cadre de l’examen périodique universel, la
Mauritanie avait rejeté une recommandation l’appelant à modifier la loi d’amnistie13.
Alkarama regrette que la CNDH estime dans ses réponses apportées à nos questions, qu’il n’est pas
de ses prérogatives de demander la révision et l’amendement de la loi n° 93-23 1993. Nous rappelons
que les demandes révisions de textes allant à l’encontre des obligations internationales du pays et
posant un obstacle à la réalisation des droits fondamentaux des personnes devraient constituer un
rôle crucial de la CNDH.
Nous demeurons préoccupés par l’absence de réaction de la part de la CNDH quand à la loi n°2010-
043 du 21 juillet 2010 relative à la lutte contre le terrorisme définissant le terrorisme de manière large
et imprécise et prévoyant une durée de la garde à vue en matière de crimes terroristes et des
atteintes à la sûreté de l’État de 15 jours, renouvelables deux fois sur ordre du Procureur, durée
particulièrement excessive au regard des standards communément admis. Si la Commission affirme
avoir recommandé une réforme du régime de garde à vue prévu par cette loi, nous n’avons pas pu
trouver de telles prises de positions dans le domaine public ou lors de revues par les mécanismes de
protection des droits de l’homme des nations unies.
La commission avait estimé que l’administration dans sa lutte anti-terroriste « n’a pas cédé à la
tentation de l’usage de la torture »14 malgré le fait que lors de son dernier examen par le comité
contre la Torture, les experts du Comité ont exprimé leurs vives préoccupations quant à la définition
particulièrement large et vague du terrorisme dans la loi de 201015, d’autant plus qu’il apparaît
pourtant que des cas de torture avaient été médiatisés16.
2.4 Liaison avec d’autres institutions des droits de l’homme
La loi n° 2010-31 autorise la CNDH à effectuer des visites dans les lieux de détention. L’article 4
alinéa 11 dispose en effet que la Commission a pour mission de visiter de manière inopinée tous les
établissements pénitentiaires et lieux de garde à vue afin de s’assurer du respect des droits des
personnes privées de liberté. Dans ses réponses à nos questions, la CNDH affirme que : « le
mécanisme des visites est déjà opérationnel et prévu par la loi 031-2010 qui donne des larges
pouvoirs à la CNDH en matière de protection des droits de l’homme. Ces visites se font aux lieux de
détention aussi bien à Nouakchott qu’à l’intérieur du pays. Des missions d’investigations sont
effectuées une fois par mois à l’intérieur du pays. » Alkarama se félicite de telles initiatives mais
exprime ses préoccupations face aux nombreux témoignages d’ONG qui lui sont parvenues rapportant
que ces visites ne sont pas inopinées et se sont en coordination avec les autorités et prévues et
autorisées au préalable par ces dernières17.
13 Conseil des droits de l’homme, 31ème session, Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel,
(A/HRC/31/6), Recommandation 129.57 (Argentine).
14 Commission nationale des droits de l’homme, Rapport de la CNDH sur la mise en oeuvre de la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le cadre du rapport initial
de la Mauritanie devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, 1er avril 2013, opcit, para. 40
15 Comité contre la torture, observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie, adoptées par le
Comité à sa cinquantième session, 27 mai 2013, (CAT/C/MRT/CO/1), opcit, para 10.
16 Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Mauritanie – L’affaire des « islamistes »: la
torture au nom de la lutte « antiterroriste » - Mission internationale d’enquête, Septembre 2007, n°479, p.16.
17 Eléments rapportées par les organisations cosignataires de ce rapport.
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Il sied de rappeler que la Mauritanie est partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) depuis le
3 octobre 2012.
Outre le fait que le délai pour l’établissement d’un Mécanisme national de prévention (MNP) d’un an
prévu par l’OPCAT n’a pas été respecté, l’Assemblée nationale a promulgué la loi n° 049-15, instituant
le MNP mauritanien le 30 septembre 2015. Sur cette base, le président de la république a désigné par
décret les membres de cette nouvelle instance le 20 avril 2016.
Nos préoccupations quant à la capacité de la CNDH de mener des visites inopinées et de manière
autonome sont corroborées par le fait que le 10 Juillet dernier Mr Boubacar Ould Messaoud, membre
du MNP a rapporté publiquement s’être vu refusé sa visite aux activistes de l’IRA arrêtés le 28 juin
dernier, et dont certains ont été victimes de violences de la part des forces de sécurité, et ce malgré
le fait que la loi 034/2015 Portant instituant un mécanisme national de prévention de la torture
prévoit de telles visites18. Les membres du NP étaient pourtant entrés en contact avec les autorités
compétentes, y compris le Procureur de la république de Nouakchott Ouest et avec le procureur
Général prés la cour suprême. Leurs démarches sont restées sans suite et les autorités ont opposé un
refus contant et répété aux demandes des membres du MNP.
Le SCA dans ses Observations générales encourage la collaboration des INDH avec les autres
organismes de protection des droits de la personne comme le MNP et il apparait que dans le cas des
arrestations récentes la CNDH n’a pas appuyé la demande des membres du MNP de visiter les
personnes arrêtées et ne s’est pas saisie de l’affaire ni ne s’est exprimée sur le sujet malgré le fait
que les activistes aient été détenus pour plus de 15 jours au secret pour des actes tombant sous leurs
droits à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique.
2.5 Accessibilité et traitement des plaintes
En vertu du paragraphe D des Principes de Paris, les institutions nationales des droits de l’homme
peuvent être habilitées à examiner des plaintes sur des cas individuels de violations. Toutefois, si
l’institution est dotée d’une telle compétence quasi juridictionnelle, elle est tenue pour s’acquitter de
son mandat relatif au traitement des plaintes, de « statuer sur celles-ci de manière équitable,
transparente, efficace, rapide, et dans un esprit de suite » et « dans le cadre de processus auxquels
le public a facilement accès ». L’institution devrait également jouir du droit de « faire respecter [ses]
décisions par l’entremise du système judiciaire19 ».
Le paragraphe C-7 des Principes de Paris stipule que l’institution nationale doit « développer des
rapports avec les organisations non gouvernementales qui se consacrent à la protection et la
promotion des droits de l’homme […] ».
2.5.1 Accessibilité
Afin que son action soit efficace, une INDH doit impérativement veiller à rester accessible aux
potentielles victimes de violations, notamment les victimes issues de groupes défavorisés ou situés
dans des régions isolées. Cette exigence est d’autant plus importante lorsque l’institution est dotée
d’attributions quasi-juridictionnelles et ainsi habilitée à recevoir des plaintes.
Les considérations linguistiques constituent un aspect important de cette exigence. En effet, il est
important que des informations orales et écrites soient communiquées dans les différentes langues du
pays. Il est également primordial de garantir à chacun la possibilité de s’adresser au Conseil sans que
la langue ne constitue un obstacle. Nous notons que la CNDH a créé un site internet sur lequel les
informations relatives à l’institution et son travail sont disponibles en Arabe et Français.
18 La déclaration est attachée à ce rapport en annexe 2.
19 Comité international de coordination des INDH, Observation générale du Sous-comité d’accréditation, Genève,
6-7 mai 2013, section 2.10.
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La procédure de saisine est expliquée sur le site internet de la CNDH dans ces deux langues et un
formulaire de plainte est également disponible mais pas dans les autres langues parlées dans le
pays20. La CNDH a indiqué disposer sur place de traducteurs en langues nationales sans préciser si
ces traducteurs parlaient les autres langues21. Néanmoins, la Commission reste largement méconnue
par le grand public et à fortiori la procédure de plainte instituée qui reste l’apanage des
professionnels travaillant dans le secteur des droits de l’homme22. Il semble de plus impossible
d’envoyer les plaintes par voie électronique ou par fax et que selon les informations disponibles sur le
site, il apparaît nécessaire de se rendre physiquement dans les locaux de la CNDH pour déposer une
plainte afin d’y recevoir une confirmation. L’absence de procédure de plainte à distance ne facilite pas
l’accès à la CNDH à ceux qui ne peuvent s’y déplacer, ce qui peut être le cas de familles de victimes
particulièrement vulnérables ou qui ne peuvent fautes de moyens se rendre à la CNDH. Nous invitons
la CNDH à rendre accessible les quatre antennes régionales créées en 2014 afin d’accroitre sa
visibilité, notamment dans des régions périphériques et remédier ainsi à cette insuffisance.
2.5.2 Plaintes reçues et suites données
La CNDH indique que avoir reçu « des centaines de plaintes relatives aux litiges fonciers, à l’esclavage
et ses séquelles, à la violence faite aux femmes et aux enfants, au conflit lié à l’Etat – Civil, aux litiges
familiaux, au passif humanitaire, au conflit du travail, conflit avec l’Administration et le problème de
personnes privées de liberté » et estime avoir traité de 3432 plaintes réparties sur les différentes
régions du pays. Nous regrettons toutefois qu’en l’absence de traitement informatique des plaintes,
de tels chiffres ne soient pas vérifiables et que la commission ne soit pas en mesure de fournir des
statistiques ventilées par genre des victimes, type de violation, l’année et suites données aux plaintes
reçues.
Selon la CNDH le délai moyen de traitement des plaintes est d’un à trois jours ouvrables. Parmi les
suites données aux plaintes traitées par la Commission, cette dernière évoque : « la réponse positive
de l’administration avec l’obtention des droits pour les plaignants ; l’assistance juridique pour un
recours devant les tribunaux ; la médiation sociale ; la CNDH recommande régulièrement des
réparations pour les victimes auprès de l’administration. Nous nous félicitons de tels efforts déployés
par la CNDH mais regrettons que les demandes d’enquête promptes impartiales et exhaustives sur les
cas de violations dont elle est saisie et la poursuite des responsables ainsi que les garanties de nonrépétitions
n’aient pas été inclus dans ces suites possibles aux plaintes.
Concernant les plaintes émanant de migrants, la CNDH nous a indiqué recevoir des plaintes dans des
domaines tels que : « la taxe élevée de la carte de séjour, la lenteur des procédures pour l’obtention
des pièces d’Etat – Civil ; l’accès à l’école pour les enfants des migrants ; les Difficultés d’obtention
des papiers d’Etat – Civil pour les enfants des migrants ; le défaut de couverture sociale ; les
difficultés d’obtention des permis de travail ; les contrôles continus des Forces de Sécurité ; les
problèmes liés au rapatriement des dépouilles mortelles ; les conflits familiaux liés à la séparation des
époux ; les difficultés d’ouvrir des entreprises ». Nous regrettons que la CNDH ne se soit pas
formellement saisie de cas de migrants détenus ou victimes de violences de la part des autorités.
Ainsi le cas de Yaya Cissé, ressortissant malien détenu arbitrairement depuis plus de quatre et
condamné à la peine de mort suite à ce qui apparaît être une erreur judicaire, a été porté à notre
attention par des membres de la société civile qui ont souligné le fait que la CNDH ne serait pas
intervenue formellement auprès des autorités malgré de nombreux appels émis en ce sens.
20 Commission nationales des droits de l’homme, Comment déposer plainte ?
http://www.cndh.mr/index.php/2014-03-08-01-10-34/25-blog-venez-a-la-cndh/44-comment-deposer-une-plainte
(consulté le 14 juin 2016).
21 Les langues en Mauritanie comprennent la langue officielle, l'arabe, trois langues nationales, le poular, le
soninké et le wolof et les langues de communication. Avec les autres langues, 9 langues locales parlées
coexistent en Mauritanie7 : l'hassanya, l'imraguen (en), le koyra chiini (en), le malinké de l'Ouest, le peul, le peul
macina (en), le soninké, le wolof et le zenaga ; auxquelles s'ajoutent l'arabe littéral pour l'écrit et le français.
22 Témoignage écrit du Vice-président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en
Mauritanie (IRA).
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D’autre part, plusieurs requêtes soumises par des ONG critiques à l’égard du gouvernement ont fait
l’objet de fins de non-recevoir. Ainsi, le collectif des victimes de la répression militaire des années
86/91 (COVIRE) a saisi à deux reprises la CNDH sur des violations commises par les autorités mais
sans succès.
L’ONG Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a également déposé une
plainte auprès de la CNDH le 30 mars 2011 suite au refus du Ministère de l’intérieur de délivrer à
l’organisation un récépissé d’enregistrement. Faute d’obtenir ce document, les militants de l’IRA sont
régulièrement poursuivis pour « appartenance à une organisation non enregistrée. » Selon l’IRA, la
demande d’intervention auprès de la CNDH est restée lettre morte et n’a été suivie d’aucun effet.
Une INDH est également habilitée à recommander des réparations lorsque des cas de violations des
droits de l’homme sont portés à sa connaissance. La réparation comprend la restitution, la
réhabilitation et/ou une compensation matérielle. Les ONGs des droits de l’homme qui travaillent sur
le droit à la vérité contactées par Alkarama ont toutes allégué que la CNDH ne s’est jamais saisie des
cas des victimes de la répression de la période 1986-1991.
En tout état de cause, Alkarama observe que la marge de manoeuvre de la CNDH reste très limitée
lorsqu’il s’agit d’intervenir dans les situations de violations graves des droits de l’homme.
3. Composition et garanties d'indépendance et de pluralisme de la CNDH
3.1 Critères de désignation et pluralisme
Le paragraphe B-1 des Principes de Paris stipule que « La composition de l’institution nationale et la
désignation de ses membres, par voie élective ou non, doivent être établies selon une procédure
présentant toutes les garanties nécessaires pour assurer la représentation pluraliste des forces
sociales (de la société civile) concernées par la protection et la promotion des droits de l’homme
[…] ».
Afin de garantir une composition pluraliste et indépendante des membres de l’institution nationale, il
est important d’assurer un processus de désignation transparent en fixant des critères de sélection
préétablis, objectifs et basés sur les compétences et le mérite. Afin d’assurer la transparence du
processus, il est par ailleurs primordial de rendre ces critères publics et les inscrire dans la loi.
Alkarama regrette que les critères que doivent remplir les candidats, à savoir, des compétences
appropriées, ainsi que des qualifications et de l’expérience nécessaires à la promotion et la protection
des droits de l'homme, ne soient pas détaillés dans la loi n°2010-031.
D’autre part, le SCA met en avant la nécessité de prendre en compte dans les critères de sélection
des considérations de légitimité publique. Ainsi, l’institution nationale doit refléter la diversité
ethnique, religieuse, linguistique et socio-économique de la société, sans oublier une représentation
des groupes défavorisés, tels que les minorités et les groupes dits « vulnérables ». Cette
considération est d’autant plus pertinente en Mauritanie, pays marqué par de très fortes inégalités
ethniques et sociales. La CNDH nous a rapporté que « la composition de la CNDH reflète bien la
diversité ethnique, religieuse et linguistique du pays ».
A l’issue d’une visite dans le pays, le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et
les droits humains a déclaré que « Les Haratines et les Afro-Mauritaniens sont systématiquement
absents de toutes les positions de pouvoir réel et sont continuellement exclus de nombreux aspects
de la vie économique et sociale. Ces groupes représentent plus des deux tiers de la population, mais
diverses politiques servent à rendre leurs besoins et leurs droits invisibles23 ».
23 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, La Mauritanie risque l’instabilité si ses richesses
ne sont pas mieux réparties : l’expert de l’ONU sur l’extrême pauvreté, 11 mai 2016,
http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=19950&LangID=F (Consulté le 29 juin
2016).
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La consultation de la société civile mauritanienne révèle que plusieurs membres de la Commission
sont d’ascendance Haratine ou Afro-mauritanienne mais que leur poste se limite à une représentation
symbolique. Par ailleurs, si la CNDH compte parmi ses membres des personnes en situation de
handicap, Alkarama regrette l’absence de représentation des personnes migrantes.
Enfin, la CNDH compte parmi ses membres un représentant de l’Ordre national des avocats
conformément aux dispositions relevant de l’article 11 de la loi n° 2010-031, deux représentants
désignés par l’ordre national des avocats et un représentant désigné par l’Association des journalistes.
Les ONGs consultées par Alkarama remettent à l’unanimité en question la légitimité publique des
institutions représentées par les membres actuels de la CNDH. Par exemple, l’Ordre des avocats ainsi
que l’Association des journalistes sont considérés par les ONGs consultées comme particulièrement
proches du pouvoir ; leurs représentants ont d’ailleurs publiquement critiqué les déclarations du
Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, alors même que ce dernier n’a
pas encore produit son rapport. A l’issue d’une visite in situ du 2 au 11 mai 2016, le Rapporteur s’était
contenté de déclarer que le gouvernement devait fournir davantage d’efforts pour tenir sa promesse
de lutter contre les séquelles de l’esclavage24. Selon l’IRA, les deux représentants syndicalistes
appartiennent à des syndicats proches des autorités. Les syndicats dits « contestataires » tels que la
CLTM, la CGTM, et la CNTM ne sont pas représentés et contestent la procédure du choix des
membres de la CNDH25.
3.2 Processus de nomination
D’après le SCA, « Il est essentiel que le processus de sélection et de nomination de l’organe de
décision de l’INDH soit clair, transparent et participatif et qu’il soit consacré moyennant une loi, un
règlement ou des directives administratives, selon ce qui convient. Le processus de sélection doit se
faire au mérite et assurer le pluralisme, afin de garantir l’indépendance de l’INDH et susciter la
confiance du public dans ses hauts responsables26. »
L’article 12 de la loi n°2010-31 dispose que le président de la CNDH ainsi que ses membres sont
désignés par Décret présidentiel sur proposition des administrations, institutions, organisations
professionnelles et de la société civile concernées. La CNDH a affirmé dans ses réponses à nos
questions que « le choix et la sélection des membres de la Commission Nationale des Droits de
l’Homme (CNDH) se font à la suite des larges concertations entre les membres de la Société Civile, les
élus, les groupes socio- professionnels et les différentes administrations concernées. Le décret de
nomination des membres de la CNDH par le président est l’aboutissement et le résultat des
concertations ci – dessus cités et n’entache en aucun cas l’indépendance des membres de
l’Institution. »
Nous notons toutefois des éléments qui mettent malheureusement en péril l’indépendance de la
CNDH et sa crédibilité auprès de la société civile locale. Tout d’abord il faut notre que le parlement
est écarté de ce processus de désignation qui demeure entre les mains de l’exécutif qui dispose de
facto du dernier mot quant au choix de l’ensemble des membres de la Commission. En effet
l’ensemble les ONGs consultées par Alkarama ont toutes rapporté ne pas avoir été impliquées ou
consultées lors du processus.
D’autre part, parmi les 19 membres de la CNDH avec voix délibérative, quatre de ces membres sont
directement choisis et désignés par le Président de la république en raison de leur « compétence en
matière des Droits de l’homme ». Le SCA avait noté lors de sa session de mai 2011 que l'article 11 de
la loi n° 2010-31 dispose que le Président de la République désigne quatre membres intuitu personae,
sur la base de leur compétence et de leur expérience dans le domaine des droits humains en ajoutant
que ledit article reste muet quant aux procédures de sélection et de désignation de ces quatre
24Cf. supra.
25 Contribution écrite du Vice-président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en
Mauritanie (IRA).
26 Comité international de coordination des INDH, Rapport et recommandations de la session du Sous-comité
l’accréditation, Genève, 17-21 mars 2014, p. 9.
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membres27. Les organisations du collectif ayant participé à l’élaboration de ce rapport ont souligné
que l’ensemble des membres devaient en réalité être « approuvés » par le président de la république.
De plus, deux de ces membres, à savoir, M. Abderrahmane Ould Boubou et M. Mohamed Vall Ould
Youssef sont membres de l’Union pour la république (UPR), parti politique actuellement au pouvoir.
Alkarama estime qu’une telle appartenance remet en cause l’indépendance de la CNDH.
Concernant le processus de renouvellement des membres la CNDH a indiqué que le Collège électoral
de la CNDH se compose environ de six cent cinquante ONGs et Groupes associatifs venant de divers
horizons et reflétant les courants politiques et les différents points de vue dans le pays ; ensuite, les
opérations de vote se déroulent dans la transparence et dans un climat apaisé et démocratique.
Alkarama exprime ses préoccupations notamment quant que dernier renouvellement des membres de
la CNDH. Selon cette dernière « le Collège électoral de la CNDH se compose environ de six cent
cinquante ONGs et Groupes associatifs venant de divers horizons et reflétant les courants politiques
et les différents points de vue dans le pays ; ensuite, les opérations de vote se déroulent dans la
transparence et dans un climat apaisé et démocratique ». Toutefois nous avons observé que le
processus de renouvellement des membres de la CNDH est loin d’être clair et participatif. Dans une
lettre ouverte 35 ONGs de défense des droits de l’homme ont exprimé leur préoccupation à l’occasion
du 2ème renouvellement du mandat de la CNDH quant au non-respect de la loi et des normes
régissant l’institution nationale28. L’appel collectif signé par un grand nombre d’organisations se
trouve en annexe 1 à ce rapport.
Selon le collectif, l’information concernant le renouvellement des membres de la CNDH n’a été
diffusée que le 30 mars 2016 alors que la date limite pour le dépôt des candidatures était fixée au 11
avril. Les dispositions légales relatives à la diffusion dans les medias des listes définitives, qui devaient
être étudiées par un comité de sélection, n’ont pas été respectées. En outre, le collectif a attiré
l’attention sur l’exclusion de certaines ONG de défense des droits de l’homme de ce processus. Les
ONGs avaient ainsi relevé que les celles d’entre elles dont le mandat couvraient des violations graves
ou des dossiers « politiquement sensibles » ont été exclues du processus sans explication et sans
justification.
3.3 Garanties de fonction et immunité fonctionnelle
Le paragraphe B-3 des Principes de Paris dispose que « Pour la stabilité du mandat des membres de
l’institution, sans laquelle il n’y a pas de réelle indépendance, leur nomination est faite par un acte
officiel précisant, pour une période déterminée, la durée du mandat. Il peut être renouvelable, sous
réserve que demeure garanti le pluralisme de sa composition. »
De plus, pour renforcer l’indépendance de l’institution, la révocation ne devrait pas dépendre du seul
pouvoir de l’autorité de nomination et rester impérativement soumise à des exigences matérielles et
formelles strictes pour ne pas constituer une épée de Damoclès sur les membres de l’institution dont
l’indépendance peut être ainsi considérablement affectée.
Concernant la durée du mandat, l’article 13 de la loi n° 2010-031 prévoit que le président et les
membres de la Commission sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.
Il est primordial de garantir la stabilité du mandat de ses membres qui ne doivent pas craindre une
révocation de leurs fonctions dans l’accomplissement de leurs prérogatives. Ainsi, les motifs d’une
révocation doivent nécessairement être clairement définis dans la loi et se limiter « aux gestes qui ont
27 Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et protection des droits de
l'homme Sous-comité d'accréditation, Rapport et recommandations de la session du Sous-comité d'accréditation
– novembre 2009 – p. 18.
28 Communiqué de 35 organisations signataires, Déclaration des ONG de défense des Droits Humains, Une
véritable mascarade, 21 avril 2016.
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des répercussions négatives sur la capacité du membre à s’acquitter de son mandat »29.Cette
obligation est inscrite dans la loi n° 2010-031. En effet, l’article 14 dispose que « aucun membre de la
Commission ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour des opinions ou vote émis
par lui dans l’exercice de ses fonctions. » L’article 17 précise que « Sauf démission, il ne peut être mis
fin aux mandats des membres de la Commission qu’en cas de faute grave, de défaillance, d’absences
répétées non justifiées […]. »
Comme nous l’avions souligné dans notre précédent rapport soumis au SCA, le militant des droits de
l’homme Biram Ould Abeid, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste en
Mauritanie (IRA) et chargé de mission auprès de SOS-Esclave, avait été démis de ses fonctions de
conseiller à la CNDH par l’ex-président de l’instance, M. Bamariam Baba Koita. Ce limogeage injustifié
et contraire à l’article 14 de la loi précitée remet en question l’indépendance effective de l’INDH
mauritanienne. Pour rappel, Biram Ould Abeid est une figure incontournable de l’opposition au
président Mohamed Ould Abdel Aziz. Il s’était en effet présenté à l'élection présidentielle de 2014 et
avait obtenu 8,6 % des suffrages exprimés. La consultation effectuée auprès de la société civile a fait
apparaître un sentiment fort que toute voix discordante au sein de la CNDH sera mise sous silence et
que de ce fait les membres issus de la société civile ne peuvent pas s’exprimer en toute
indépendance.
3.4 Indépendance financière
Le SCA note dans son Observation générale 1.10 que « pour fonctionner efficacement, une institution
nationale des droits de l’homme doit obtenir un niveau suffisant de financement pour garantir son
indépendance et sa capacité à déterminer librement ses priorités et ses activités. »
L’un des problèmes soulevé par le SCA suite à l’examen de 2009 était le manque de financement
adéquat de la Commission pour lui permettre de mener à bien son mandat. Durant l’examen de la
Mauritanie par le Comité des droits de l’homme en octobre 2013, le gouvernement avait concédé que
les moyens alloués à l’institution étaient toujours insuffisant, information confirmée par la présidente
de la Commission elle-même lors d’une réunion de pré-session EPU sur la Mauritanie à Genève30.
Alkarama constate que la CNDH ne publie pas sur son site internet, ni dans ses rapports annuels, le
budget détaillé annuel de l’institution. Selon le Département d’Etat américain, le budget était en 2016
de 105 million ouguiyas soit 318'180 USD31. Le SCA recommande aux INDH de diversifier leurs
sources de financement afin de ne pas dépendre excessivement des financements étatiques.
Alkarama constate par ailleurs un manque total de transparence quant à l’origine des sources de
financement de la CNDH ainsi que la proportion de financement public ou privé. En effet, la loi n°
2010-031 ne précise pas dans quelle mesure le mécanisme d'allocation des ressources dépend d’une
décision émanant du pouvoir exécutif. En outre, le contrôle de la probité financière de la CNDH est
assuré par un comptable recruté par la CNDH et n’est pas désigné un comité de vérification
indépendant.
4. Relations avec la société civile
4.1 Contexte général actuel
Etablir une relation de confiance avec la société civile permet de renforcer l’indépendance et le
pluralisme de l’INDH et de rester informé des préoccupations et des priorités des organisations
locales. L’Institution nationale peut établir cette relation à différents stades, lors de la sélection de ses
membres comme dans le cours de sa mission.
29 Comité international de coordination des INDH, Observation générale du Sous-comité d’accréditation, Genève,
6-7 mai 2013, section 2.1.
30 Déclaration de Madame Irabiha Abdel Wedoud, Présidente de la CNDH Mauritanie, 11 octobre 2015.
31 US Department of State, Bureau of Democracy, Human Rights and labour (Département d’état américain),
Mauritania, Country Report on Human Rights Practices, 2015.
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L’article 4 de la loi n° 2010-031 semble aller dans ce sens puisqu’il stipule qu’il est dans le mandat de
la CNDH de coopérer dans le domaine des droits de l’homme avec les organisations non
gouvernementales et internationales.
Nous félicitons la CNDH sur la mise en oeuvre de groupes thématiques permettant selon la CNDH à
favoriser le dialogue avec les ONG et servent de plateforme pour préparer les soumissions au
Examens Périodiques Universels. Toutefois, nous demeurons préoccupés par le fait que les ONGs
participantes soient choisies par la CNDH pour faire partie de ces groupes alors que cette participation
devrait être ouverte à toute ONG travaillant sur les problématiques de droits de l’homme.
En effet, l’enquête réalisée par Alkarama auprès d’ONGs des droits de l’homme révèle d’une part que
la CNDH n’inclut pas la société civile dans son ensemble dans le cadre de ses activités. En effet, les
ONGs avec lesquelles nous nous sommes entretenus nous ont révélé qu’aucune d’entre elles n’avait
été impliquée dans le processus de préparation des rapports soumis aux organes conventionnels ou
du rapport soumis dans le cadre de l’examen périodique universel. Selon ces ONGs, la CNDH préfère
collaborer avec des associations qui sont tolérées voire cooptées par le pouvoir exécutif.
Selon la société civile, les associations qui n’ont pas les faveurs du pouvoir ont une grande difficulté à
être reconnues en tant que telles par le Ministère de l’intérieur32. Il est donc beaucoup plus compliqué
pour ces dernières de participer à la production de rapports ou aux rencontres, conférences,
organisées par la CNDH. En conséquence, les rapports émis par la CNDH et les ONG sélectionnées ne
sont que peu critiques à l’égard de pratiques des autorités pourtant arbitraire et portant atteinte aux
droits de l’homme. Ainsi, le 22 juillet 2014, l’avocat Takioullah Eidda remettait en cause la crédibilité
de l’institution nationale en démontrant sa passivité et son inaction face aux multiples violations des
droits de l’homme commises dans le pays33.
Dans le rapport sur la situation des droits de l’homme 2013-2014 remis à la présidence de la
république, la CNDH précise qu’aucun cas de traitement inhumain ou dégradant, ni de torture n’a été
signalé par les différentes missions de la CNDH. Le rapport se focalise sur l’état d’insalubrité des lieux
de détention sur le manque de suivi médical en prison, et sur les rations alimentaires insuffisantes.
Néanmoins, la torture reste une réalité en Mauritanie. Les prisonniers soupçonnés d’appartenance à
des organisations terroristes (telles qu’Aqmi et Daech) sont particulièrement exposés à la détention
au secret prolongée, à la torture et aux mauvais traitements. La CNDH qui a connaissance de ces
violations par l’intermédiaire des ONGs locales et des familles des victimes a refusé cependant de
dénoncer de telles pratiques et affirme au contraire que « l’administration dans sa lutte anti-terroriste
n’a pas cédé à la tentation de l’usage de la torture34. »
4.2Manque d’indépendance dans les Prises de positions sur les pratiques abusives et
arbitraires des forces de l’Etat
Certaines prises de position ou omissions de la CNDH remettent en cause l’indépendance et
l’objectivité de l’instance. Cette dernière souffre d’un déficit de crédibilité auprès de la société civile
mauritanienne notamment sur les questions clés de la lutte contre l’esclavage, la pratique de la
torture ou encore la question de l’impunité. Selon des témoignages reçus par Alkarama, un nombre
non négligeable d’ONGs mauritaniennes de défense des droits de l’homme estiment que la
Commission n’a eu de cesse de manifester son hostilité à l’encontre des organisations de la société
32 Amnesty International, Mauritanie. Une nouvelle loi compromet l’exercice du droit à la liberté d’association, 2
juin 2016, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/06/mauritanie-une-nouvelle-loi-compromet-lexercicedu-
droit-a-la-liberte-dassociation/ (Consulté le 27 juin 2016).
33 Me Takioullah Eidda, « Le déni de la CNDH, assoie la crédibilité de Biram », Sahara media, 22 juillet 2014,
http://fr.saharamedias.net/Le-deni-de-la-CNDH-assoie-la-credibilite-de-Biram_a4849.html (consulté le 14 juillet
2016).
34 Commission nationale des droits de l’homme, Rapport de la CNDH sur la mise en oeuvre de la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le cadre du rapport initial
de la Mauritanie devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, 1er avril 2013, para. 39.
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civile, à l’image de IRA, SOS Esclaves ou l’AFCF, qui ont porté des cas d’esclavage devant les
juridictions compétentes.
Alkarama estime que certaines prises de positions publiques de la CNDH mettent gravement en
danger son indépendance et son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme. En
effet, Alkarama estime que la CNDH outrepasse son mandat lorsqu’elle prend position en faveur de
l’imposition de la peine capitale contre Mohamed Cheikh Ould Mohamed accusé « du crime
d’apostasie contre l’islam et son prophète. » La Commission à travers un communiqué de sa
présidente, Mme Wedoud, affirme que: « Blasphématoires, vexatoires et provocateurs, ces écrits
hérétiques ont été confirmés par leur auteur qui a persisté dans sa diatribe contre l'islam et son
Prophète. Ce faisant, il entre dans le champ d’application de l’article 306 de l’Ordonnance n°83-162
du 09 juillet 1983 portant institution d’un Code Pénal35. »
Pour rappel, Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaitir, ingénieur de 28 ans, avait publié un
article en arabe, sur Facebook, intitulé « La religion, la religiosité et les forgerons » dans lequel il
revendiquait les droits à l’égalité de la « caste des forgerons » de la société arabophone de
Mauritanie. Le 24 décembre 2014, il avait été condamné par le tribunal de première instance de
Nouadhibou pour « apostasie ». Le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait déclaré publiquement
avant le verdict que le crime dont se serait rendu coupable Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould
Mkhaitir ne resterait pas impuni.
La CNDH avait affirmé que « cette violence, théorisant des thématiques diffamatoires ayant pour but
de discréditer l'Islam et son Prophète, est inacceptable en ce qu'elle trouble et outrage tout un peuple
dans ses convictions les plus profondes. La Commission Nationale des Droits de l’Homme marque sa
désapprobation et sa condamnation fermes, d'une telle conception de la liberté d'expression et de
conscience36 ».
Alkarama souhaite rappeler ici que ce n’est pas le rôle de la CNDH de plaider à charge contre un
justiciable avant même la tenue de son procès, particulièrement lorsque ce justiciable est poursuivi de
manière arbitraire et risque la peine de mort. Cette attitude de l’Institution nationale contribue à
porter préjudice à sa crédibilité en tant qu’organe indépendant.
Selon des informations concordantes de la société civile et nos observations quant aux prises de
positions publiques de la CNDH, il semble que la commission manque de prendre position sur des
pratiques médiatisées et qui contreviennent clairement aux droits fondamentaux. Certaines
organisation avaient demandé une prise de position sur des problématiques de discrimination envers
les populations mauritaniennes noires, de déchéance de nationalité contre ces dernières et de torture
mais ces appelés sont restées lettre morte
4.3 Sur l’esclavage en Mauritanie
La Mauritanie reste encore aujourd’hui le pays qui connaît le plus fort taux d’esclavage, affectant pas
moins de 4% de la population, tandis que les autorités continuent à nier ou à minimiser à l’extrême
l’existence de ce phénomène.
Le 13 août 2015, le Parlement mauritanien a adopté une nouvelle loi qui érige l’esclavage en crime
imprescriptible contre l’humanité et élargit son champ d’application à des actes tels que la « la
cession d'un esclave à un tiers » ou sa « transmission par succession à une autre personne ». Les
organisations locales ont salué ce pas mais ont fait part de leurs craintes de voir cette loi rester lettre
morte, tout comme la loi de 2007 sur la base de laquelle seule une personne avait été pénalement
poursuivie.
35 Communiqué de la CNDH sur les propos blasphématoires tenus à l’encontre du prophète (PSL) du 7 janvier
2014. Il convient de noter que l’article 306 de l’Ordonnance n°83-162 du 09 juillet 1983 portant institution d’un
Code Pénal. Dispose que « Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de
façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce
délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. »
36 Ibidem.
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15
En décembre 2015, la Mauritanie s’est pourtant dotée, par décret, de trois cours criminelles
spécialisées en matière d’esclavage. L'une d'elles a d'ailleurs récemment condamné deux accusés
pour « pratiques esclavagistes » à cinq années de prison.
Alkarama relève que, contre toute logique et à contrecourant de l’ensemble de la société civile, la
CNDH valide la position officielle affirmant que l’esclavage institutionnalisé a disparu du pays puisque
la pratique est interdite et criminalisée par la loi. En effet, selon la version officielle, « l’esclavage ne
perdure plus aujourd’hui » bien qu’ « il existe des séquelles largement nourries par le sousdéveloppement,
la misère et la pauvreté. » Nous regrettons cette prise de position en faveur de la
ligne officielle qui n’est pas une attitude attendue d’une INDH indépendante.
De fait, la CNDH n’a jamais émis de recommandation à l’attention des autorités judiciaires pour
dénoncer les blocages en justice des dossiers pendants devant les tribunaux37.
Enfin, nous avons malheureusement constaté que les attaques publiques de la présidente de la CNDH
à l’encontre des militants antiesclavagistes sont fréquentes depuis l’entrée en fonction de Mme
Irabiha mint Abdel Wedoud. Madame mint Abdel Wedoud avait publié le 3 mai 2012 un communiqué
condamnant la manifestation organisée par l’IRA le 26 avril 2012 à la suite de laquelle des ouvrages
de jurisprudence faisant l'apologie de l'esclavage avaient été incinérés. Mme Wedoud avait alors
qualifié cette démarche symbolique de « profanation portant atteinte aux valeurs spirituelles sacrées
de la foi des croyants. » Nous regrettons de telles prises de positions publiques de la part de la
présidente d’une institution de protection et de promotion des droits de l’homme.
4.4 Processus de notation de la CNDH par les ONGs
Enfin, la consultation des ONGs Mauritanienne qui incluait un processus de notation de la CNDH par
les ONG sur différents points, révèle un manque de confiance clair de ces dernières envers la
commission. Nombre d’organisations considèrent ainsi la CNDH comme un organe paraétatique qui ne
les soutient pas dans leurs initiatives de protection et de promotion des droits de l’homme.
Nous avons demandé aux ONGs de noter la CNDH entre 0 et 10 sur les critères suivants :
1. Sur la confiance des ONGs et sa crédibilité auprès de la société civile ;
2. Sur sa collaboration avec la société civile ;
3. Sur son indépendance vis-à-vis de l’Etat ;
4. Sur son travail de défense des droits de l’homme (par exemple prises de positions sur des cas
de violations) ;
5. Sur son travail de promotion des droits de l’homme (par exemple participation à une
meilleure prise en compte des droits de l’homme dans les débats au sein des institutions
étatiques) ;
Nous avons calculé la moyenne des notes des ONGs participantes que nous indiquons dans le
graphique ci-dessous :
37 Témoignage écrit du Vice-président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en
Mauritanie (IRA).
16/20
16
5. Conclusion et recommandations
5.1 Conclusion
A la lumière des recommandations soulevées par le Sous-comité de coordination des Institutions
Nationales des Droits de l’Homme lors du deuxième examen de la CNDH qui a eu lieu en 2011 et des
Principes de Paris relatifs aux statuts des institutions nationales pour la promotion et la protection des
droits de l’homme, Alkarama considère aujourd’hui que l’Institution nationale mauritanienne des
droits de l’homme n’est pas entièrement conforme aux Principes de Paris et ne joue pas le
rôle attendu d’une institution nationale dotée du statut A. Certes les efforts fournis pour remédier aux
insuffisances quant à la base juridique de la CNDH ont porté leurs fruits même si certains
manquements importants subsistent. Notamment, le manque d’indépendance dans la sélection des
membres du Conseil ainsi que dans l’exercice de leur mandat constitue un obstacle à l’efficacité de
son action. Toutefois, Alkarama est particulièrement préoccupée par de nombreux éléments montrant
l’absence d’indépendance de la CNDH en pratique, tout spécialement sur les violations graves des
droits de l’homme telles que les pratiques esclavagistes, la torture, les détentions arbitraires, la liberté
d’expression et d’opinion ainsi que la peine de mort.
La présente contribution a permis de rappeler la nécessité pour la Commission de jouir d’une
légitimité publique réelle et d’être représentative de l’ensemble de la société. La finalité d’une INDH
est de promouvoir les droits de l’homme et protéger l’ensemble des citoyens sans exception des abus
ou autres violations. Il est par conséquent primordial que ces derniers aient une totale confiance en
cette institution. Il est également important que les organisations de la société civile soient informées
sur son mode de fonctionnement et régulièrement consultées. Le déficit de confiance de la société
civile et des victimes dans le travail de la CNDH constitue un signal d’alarme qui doit être
impérativement pris au sérieux par celle-ci afin de remédier sans délai à cette situation.
5.2 Recommandations à la Commission nationale des droits de l’homme
Afin de se mettre en conformité avec les Principes de Paris, la Commission devrait faire preuve d’une
réelle indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif dans l’exercice de son mandat et veiller à rester en
toutes circonstances neutre et indépendante afin de bénéficier de la confiance des citoyens ainsi que
de l’ensemble de la société civile et les encourager à recourir à son mécanisme.
1.45
1.5
1.05
1.15
1.2
0 2 4 6 8 10
Sur la confiance des ONG et sa crédibilité
auprès de la société civile
Sur sa collaboration avec la société civile
Sur son indépendance vis-à-vis de l’Etat
Sur son travail de défense des droits de
l’homme
Sur son travail de promotion des droits de
l’homme
Moyenne des notes
17/20
17
Nous recommandons ainsi à la CNDH de :
1. Solliciter les autorités pertinentes afin d’amender la loi constitutive de la CNDH pour assurer
une indépendance totale vis-à-vis du chef de l’Etat et du gouvernement ;
2. Veiller à rester en toutes circonstances neutre et indépendante afin de bénéficier de la
confiance des citoyens et les encourager à recourir à son mécanisme de plainte ;
3. Assurer un véritable pluralisme dans un processus de consultation plus transparent et élargi
de la société civile dans le cadre de la sélection des candidats à l’adhésion à la Commission ;
4. S’abstenir d’intégrer comme membre des personnalités politiques partisanes;
5. Adopter et soumettre au gouvernement des recommandations pertinentes concernant toute
législation contraire aux engagements internationaux de la Mauritanie en matière de droits de
l’homme ;
6. Faire un suivi rigoureux de toutes les plaintes reçues, faire des recommandations et appeler
les autorités exécutives pour les contraindre à mettre en oeuvre ses recommandations ;
7. Améliorer sa relation avec les organisations de la société civile en les impliquant davantage
dans le processus de sélection des membres et dans l’exercice de son mandat de protection
et promotion des droits fondamentaux :
· En adoptant une approche critique du bilan gouvernemental en matière de droits de
l’homme ;
· Diffuser largement auprès de la population l’existence de son mécanisme de plainte
individuelle ;
8. Mettre en oeuvre une coopération vertueuse avec le Mécanisme national de prévention de la
torture
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Annexe 1
Déclaration des ONG de défense des Droits
Humains
Une véritable mascarade
A l’occasion du renouvellement, le 16 Avril 2016, du troisième mandat de la Commission Nationale
des Droits de l’Homme (CNDH) ; des ONG de promotions et de protection des Droits Humains ont
manifesté leurs préoccupations quant au non respect de la loi et des normes régissant cette
institution.
En effet, l’information concernant le renouvellement des membres de la CNDH n’a été diffusée que le
30 Mars 2016 alors que la date limite pour le dépôt des candidatures est fixée au 11 avril à 17
heures. Les dispositions légales relatives à la diffusion dans les medias, des listes définitives qui
devaient être étudiées par un comité de sélection, n’ont pas été respectées.
Compte tenu du déficit de l’information, ce n’est que dans l’après midi du 15 avril que les ONG de la
thématique ‘’Droits Humains’’ se sont retrouvées à la Plateforme des Acteurs Non Etatiques
pour tenter de désigner par consensus mais dans la précipitation, leurs six candidats. C’est ainsi
que pendant les concertations, les militants des droits humains présents à cette rencontre ont
souligné publiquement leurs préoccupations face au nombre pléthorique d'organisations inscrites pour
participer aux élections alors que la plupart sont étrangères à la thématique et/ou ne répondent pas
aux critères d’éligibilité prescrits par la loi (statut à caractère local).
Pour rappel, lors du renouvellement du dernier mandat de la CNDH en 2013, le comité de sélection a
rejeté les dossiers de plusieurs organisations de base (locales) et celles dont les objectifs ne cadrent
pas avec la loi qui régie la CNDH et il a arrêté la liste à 59 ONG de défense et de promotion des droits
humains ayant une expérience et une expertise avérées.
A l’ouverture des travaux de renouvellement des membres de l’institution, le comité mis en place à
cet effet a jugé irrecevable la demande de report des élections formulée par plusieurs responsables
des organisations qui ont demandé le report afin qu’un consensus puisse se dégager donnant lieu à
des élections concertées et acceptées par tous les acteurs concernés. Le report allait permettre de
garder la cohésion entre les acteurs et les principes des Institutions Nationales des Droits de l’Homme
(INDH).
A cet effet, le collectif pour l’annulation des élections du 16 Avril 2016, constitué des ONG signataires
attire l’attention des autorités sur ce qui suit :
· Le caractère unilatéral et non consensuel du renouvellement du mandat de la CNDH ;
· La procédure adoptée est une violation des principes de Paris concernant le statut et le
fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits
de l’homme (paragraphe B.1 relatif aux fonctions et garanties d’indépendance et de pluralisme
« des organisations non gouvernementales compétentes dans le domaine des droits de l’homme et la
lutte contre la discrimination raciale »).
· La non application de la loi 2010-031 abrogeant et remplaçant l’ordonnance 2006-015 du 12
juillet 2006 instituant la CNDH (chapitre III : Mandat et Missions) et des principes de bonne
gouvernance devant régir ces genres d’instituions consultatives et de médiation,
· L’exclusion de certaines ONG de la défense et la promotion des droits humains ainsi que les
conséquences fâcheuses pouvant fragiliser la crédibilité de la CNDH.
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· Appelle à l’annulation de ces élections et à l’ouverture d’un dialogue pluri-acteurs (droits humains,
société civile, autorités administratives en vue du renouvellement des membres de la CNDH.
· Lance un appel à tous les acteurs de la société civile pour exiger des mécanismes transparents et
partagés pour l’implication dans tous les cadres de dialogue et de concertation institués par les
pouvoirs publics tels que le Mécanisme National de Prévention de la torture (MNP) et le comité
interministériel pour l’élaboration et le suivi des rapports et recommandations relatifs aux droits de
l’homme.
21 Avril 2016
Les organisations signataires :
1. Coalition Action contre la Discrimination Raciale et l’Exclusion –CADRE
2. Coordination des Organisations des Victimes de la Répression -COVIRE
3. Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme -FONADH
4. Association des Femmes Chefs de Famille -AFCF
5. Association pour la Renaissance du Poular RIM-ARPRIM
6. AMPLCS
7. APDE
8. Association pour la Promotion de la Langue Woloff-APROLAW
9. Association Mauritanienne des Droits de l’Homme -AMDH
10. Association Mauritanienne d’Aide aux Nécessiteux -AMANE
11. Anciens Esclaves Nouveaux Citoyens-AENC
12. ASAMIPRIM
13. AMLCP
14. ADHM
15. Comité Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains -CSVVDH
16. COLLECTIF DES VEUVES
17. Collectif des Orphelins des Victimes Civiles et Militaires-COVICIM
18. Collectif des Rescapés Militaires-COREMI
19. Collectif des Rescapés Anciens Détenus Politiques Civils Torturés-CRADPOCIT
20. Collectif anciens fonctionnaires de la Police victimes des évènements de 1989
21. El WAVADA
22. Forum pour la Défense et la Promotion des Droits de l’homme, de la Citoyenneté et du
Développement
23. Groupe d’Etudes et de Réflexion pour la Démocratie et le Développement Economique et Social-
GERDDES
24. Kawtal Ngam Yellitaare
25. Ligue Africaine des Droits de l’Homme-LADH
26. Ligue Mauritanienne des Droits de l’Homme-LMDH
27. Mooyto Koota
28. Ong El HANANE
29. Ong APFEM
30. Ong Assistance
31. Ong IHISSANE SOS ESCLAVES
32. Regroupement des Victimes des Evènements 1989/91
33. Réseau des Droits de l’Homme et du Développement
34. SALNDOU
35. SPRT
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Annexe 2
10-07-2016 18:00 - Boubacar Ould Messaoud : Déclaration
Boubacar Ould Messaoud - Le 28 juin et suite aux événements dans la gazra (bidonville) en face
de l’hôpital ophtalmologique communément appelé Bouamatou, les autorités ont procédé à
l’arrestation des dizaines de personnes dans le cadre d’une campagne orchestrée contre les habitants
et certains militants du mouvement IRA-Mauritanie.
Les arrestations se sont déroulées en dehors de tout cadre légal comme le prouve le refus
systématique des autorités d’informer les familles des personnes arrêtées de leurs lieux de détention
et de permettre la communication avec les avocats conformément à la loi.
En notre qualité de membre du mécanisme national de prévention de la torture (MNP), nous avons
décidé de procéder à des visites aux lieux de détention pour nous informer des conditions de
détention de personnes arrêtées et afin de prévenir la torture et tout autre traitement inhumain ou
dégradant conformément à la loi 034/2015 Portant instituant un mécanisme national de prévention
de la torture.
Par attachement au respect des droits de l’homme et dans l’esprit de notre mission, nous sommes
entrés en contact avec la Direction régionale de la sureté de Nouakchott Ouest et le commissariat
de police Ksar I.
Par la suite, nous avons saisi par écrit Monsieur le Procureur de La république de Nouakchott Ouest
avec ampliation au procureur Général prés la cour suprême. Toutes ces démarches sont restées sans
aucune suite à ce jour. Devant le refus répété et injustifiable des autorités concernées de nous
permettre le libre accès aux lieux de détentions, force a été de constater qu’il nous était impossible
d’effectuer notre mission dans ces conditions.
Ainsi, l’attitude des autorités viole les dispositions pourtant claires de la loi 034/2015 qui garantit aux
membres du MNP le libre accès aux personnes privées de liberté sans aucun préavis et à tout
moment et dans tous les lieux. Si une telle situation devait se perpétuer, nous serons dans l’obligation
d’en tirer toutes les conclusions appropriées.


Boubacar Ould Messaoud, Membre du Mécanisme national de prévention de la torture (MNP)
Nouakchott le 9 juillet 2016
http://cridem.org/C_Info.php?article=686424

Source : Boubacar Ould Messaoud

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