Lors d’un colloque sur « la sécurité au Sahel » organisé à l’Assemblée Nationale le lundi 19 octobre, les amis du régime ont présenté la Mauritanie comme le rempart contre le djihadisme. Sur fond, hélas, de complaisance avec les salafistes et les Séoudiens.
Un colloque sans éclat était organisé le lundi 19 octobre à l’Assemblée Nationale pour promouvoir l’image du président mauritanien, Ahmed Ould Abdel Aziz, qui serait le seul rempart ou presque contre le terrorisme et l’allié indéfectible des occidentaux. Cette rengaine usée était déjà celle des présidents égyptien et tunisien Moubarak et Ben Ali dont la crédibilité, sur le tard, fut totalement entamée, comme l’est d’ores et déjà celle d’un Aziz qui ne fait plus guère l’unanimité à Paris.
Le quarteron « des amis de la Mauritanie» qui a tenté de redorer l’image de ce régime affaibli était constitué de l’ex star vieillissante de l'anti-terrorisme, Jean Louis Brugière, de deux ou trois élus en mal d’exotisme, d’un colonel Peer de Jong spécialiste de… l’Asie, et d’un obscur avocat, Jemal M. Taleb, qui défendait jadis le clan de Leila Trabelsi et qui aujourd’hui fait de la retape pour le régime mauritanien sur "Africa 24". Du linge un peu usé….
Soins intensifs
Le régime mauritanien qui comptait donc beaucoup sur cette petite sauterie pour reprendre l’offensive médiatique en France, réclame des soins intensifs. Le rapport annuel 2015 du Fonds des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) révèle que les trois quarts des mauritaniens vivent dans une extrême pauvreté. Selon la FAO, 71,3% des mauritaniens vivent avec moins de deux dollars par jour. 23,5% parmi ceux-ci vivent avec moins de 1,25 dollars par jour.
En matière de corruption, devenue avec Aziz un sport national, nos confrères du «Monde Afrique » ont révélé que la SEC, la puissante Bourse américaine, mettait en cause les relations des proches de la Présidence mauritanienne avec le groupe canadien Kinross, gestionnaire des mines d'or du pays. Cette procédure désormais publique entache la crédibilité du régime aux yeux de ses principaux partenaires occidentaux, les Américains.
Enfin si Aziz avait montré un certain doigté dans la gestion de son opposition, cette époque est clairement révolue. Le très charismatique leader anti esclavagiste, Biram, dont le président mauritanien avait habilement fait son principal opposant lors de l'élection présidentielle de 2014, croupit en prison, sans soins et dans un état très critique. Le ton se durcit également au sein des partis d'opposition traditionnels, qui jusqu'à présent n'attaquaient guère le pouvoir sur le terrain de la dilpidation des ressources et des tricheries en matière des droits de douane. Ce qu'ils font maintenant, non sans courage.
Oasis... salafiste
Pour masquer ce bilan désastreux, le président Aziz a toujours fait valoir à l'extérieur que la Mauritanie reste un pays stable où, contrairement à ses voisins, aucun attentat n'a eu lieu depuis 2011. Ce qui est éxact. Mais à quel prix! Il est temps à Paris où beaucoup d'experts s'interrogent d'analyser les recettes mises en oeuvre par Nouakchott.
En matière sécuritaire, le régime mauritanien a conclu un véritable pacte non écrit avec le diable salafiste. Le président Azis laisse des imams rétrogrades, formés dans des écoles coraniques financées par l'argent du Golfe, distiller dans les mosquées leur vision réactiopnnaire de la société. En échange, cette fraction religieuse radicale n'investit pas le champ politique. En 2013, ce sont ces imams inféodés au régime qui se sont élevé contre toute intervention des forces mauritaniennes dans l'opération militiare "Serval" menée par la France dans le Nord-Mali contre les djihadistes. Et Aziz n'a pu qu'obéir à l'oukaze de ces forces qu'il protège. Jusqu'au moment, programmé, où il sera leur obligé.
En revanche, la voie est ouverte désormais pour le pouvoir mauritanien d'une alliance étroite avec les Séoudiens. Quelques cinq cent soldats mauritaniens viennent de partir combattre au Yémen. En échange de cette chair à canon, les Séoudiens se sont montré généreux en matière de prèts et d'aides. Ce qui a permis au général Aziz de gâter les forces armées mauritaniennes, son principal soutien, tant en matière de soldes que d'équipements. Du coup, le général se croit fort.
Sauf qu'au sein de son armée, le président mauritanien a soigné particulièrement sa garde présidentielle, le Basep, quelques centaines d'hommes qui ne doivent fidélité qu'au chef de l'Etat et qui ont mis les doigts et même le bras entier dans le pot de confiture. On a vu au Burkina avec l'ex président Blaise Campaoré les limites d'une telle garde prétorienne qui cristallise les frustrations, y compris au sein de l'armée régulière.
Autant de petits arrangements du président mauritanien dont il n'a guère été question au colloque de lundi. Ce qui est bien regrettable.
Ancien du “Monde”, de “Libération” et du “Canard Enchainé”, Nicolas Beau a
été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à
l’Institut Maghreb (paris 8) et l’auteur de plusieurs livres : “Papa
Hollande au Mali”, “Le vilain petit Qatar “, “la régente de Carthage” (La
découverte, Catherine Graciet) et “Notre ami Ben Ali” (La Découverte avec Jean
Pierre Tuquoi).
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