mercredi 8 juin 2011

journal de maintenant - mercredi 8 juin 2011 . matin

Mercredi 8 Juin 2011


Après avoir mis à jour mes contacts électroniques à la Commission de Bruxelles, je saisis le successeur du directeur Manservisi, qui avait signé avec Moulaye Ould Mohamed Laghdaf la lettre d’intention de Décembre 2009. Nick Westcott, le nouveau patron d’une DG Développement qui a changé un peu de configuration et de compétences, est d’origine britannique et a représenté au Ghana son pays. – J’adresse le même courriel à Yannis Alexandros qui suit, au cabinet de Catherine Ashton les questions d’Afrique, les affaires maritimes et la pêche, en brodant un peu l’excellent souvenir que je garde de son pays : la Grèce où j’avais été affecté comme patron des services économiques et commerciaux en 1982-1984.




----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
UE - DG ambassadeur Nick Westcott
Cc:
UE - Manuel Lopez-Blanco ; UE - Filiberto Ceriani-Sebregondi . DG ACP
Sent: Wednesday, June 08, 2011 11:04 AM
Subject:
pays stratégique à risque du fait de son mode de gouvernement - Mauritanie et pêcheries - un accord avec la Chine imposé par le pouvoir actuel à sa propre majorité parlementaire -

Monsieur l'Ambassadeur,

j'avais l'honneur et le plaisir de correspondre avec votre prédécesseur, le directeur Manservisi, tout à fait au fait des risques de notre relation avec la Mauritanie du fait de son actuel gouvernement.

Ce régime, à la légitimation duquel après un putsch en 2008 mon pays, la France, a malheureusement beaucoup contribué, ne remplit pas ses engagements au titre du traité et des procédures de Cotonou, telles qu'en l'espèce ils ont été actualisés par un accord - grandement forcé par la France - à Dakar entre toutes les parties mauritaniennes en Juin 2009, puis à Nouakchott-même en Décembre 2009 par une lettre d'intentions signée par votre prédécesseur et le Premier ministre du lieu, et enfin lors d'une table-ronde organisée par vos services à Bruxelles avec les bailleurs de fonds en Juin 2010.

Fondamentalement, il s'agit d'un système de gouvernement non ouvert aux contrôles, y compris les nôtres, et a fortiori ceux de l'opposition nationale, d'un système fonctionnant par clientélisme et corruption. C'est ainsi qu'un début de "printemps" en Février dernier - à l'instar des révolutions tunisienne et égyptienne - a été noyauté et acheté alors même qu'il dénonçait de honteux marchés immobiliers sur la place-même où était revendiquée une ouverture démocratique.

L'épisode en cours n'est pas que de politique intérieure. Il nous concerne pas seulement parce qu'un accord de pêcherie avec la Chine va ruiner tout un secteur national traditionnel, décisif socialement et ethniquement, mais parce qu'il s'agit - par vénalité - d'une étape de plus dans les avancées de la Chine au Sahel. La fenêtre maritime du Sahara, comme on le voit depuis trente ans à propos de l'ancienne possession espagnole, est décisive en matière de terrorisme et aussi pour ses ressources halieutiques.

La procédure est en cours. Voici comment j'en suis averti. Il est encore temps d'agir contre. C'est vraiment le cas d'école du refus de pratiquer le dialogue prescrit par nous, et convenu. Et la matière est décisive. MOAA = le général Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de la garde présidentielle depuis qu'il l'a fondée en 1987 et en gardant le commandement personnel après avoir renversé le 6 Août 2008 le seul président élu à un suffrage pluraliste et contrôlé par l'Union, le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi : après seulement quinze mois d'intermède démocratique (où l'on eut le temps de criminaliser la pratique esclavagiste), le pays a renoué avec trente ans de régime autoritaire et militaire plus ou moins défroqué.

Le texte d'une convention très controversée, même au sein de sa propre majorité, que MOAA vient pourtant de faire passer à l'assemblée nationale. Cette convention,comme vous le verrez, donne un liberté absolue et sans contrepartie, à une société de pêche chinoise. celle-ci pêchera dans nos eaux, avec de filets interdits et pourra même faire venir en Mauritanie autant de travailleurs qu'elle voudra. sans compter les annexes au texte qui n'ont jamais été soumis aux députés.Raison de ce blanc-seing accordé à Pékin : les Chinois sont les partenaires "stratégiques" de Mohamed Abdellahi Ould Yaha, proche de MOAA. Au moment du vote, des députés de MOAA ont clairement dits que la convention est dangereuse pour le pays (mais l'ont votée quand même!), d'autres se sont absentés, ceux de l"opposition ont quitté la salle et les pêcheurs artisanaux qu'une meute de chinois viendra, grâce à cette convention, concurrencer dans leur gagne pain ont envahi l'hémicycle. Mais rien n'y a fait : la convention est passée!

Je joins à la présente le rappel de mon propre parcours. Ancien ambassadeur moi-même mais tout à fait ailleurs, je suis les choses et les gens de Mauritanie depuis que j'y fis, il y a quarante-cinq ans, mon service national en coopération enseignante et m'y attachais au président-fondateur, remarquable et sainte figure à tous égards (M° Moktar Ould Daddah). J'y joins aussi les textes de références : accord de Dakar et lettre d'intentions entre la Commission et la Mauritanie. Et enfin le texte de la convention en cours de ratification. Il saute aux yeux qu'elle est dangereuse. Et les Mauritaniens n'en veulent pas, sauf leur chef actuel et celui de ses clients qui va en profiter.

J'ai, enfin, pensé que cette réflexion d'un ami malgache pourrait vous inspirer aussi une vue d'ensemble. La démocratie est la meilleure sécurité. La Chine a une politique. Nous devons en avoir autrement que sur le papier.

Je suis naturellement à votre disposition et à celle de vos collaborateurs pour toute indication qui vous manquerait, et d'une manière plus générale sur la Mauritanie - je compte d'ailleurs tenter ces jours-ci une note de synthèse, comme je n'en ai plus fait depuis deux ans, et vous la communiquerai.

Sentiments déférents et confiants.


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